Ploù ploù la galina la galina, Ploù ploù la galina la galina a faché l’où.
C’est à cause de cette comptine que tous mes amis m’ont appelé Galina. Je suis né à Nice, dans la Vieille-Ville, dans la rue Droite juste en face le palais Lascaris. Comme tous les gamins du vieux Nice, j’ai traîné dans ce havre de paix, élevé à la pissaladière et à la socca. Avant de partir habiter dans le quartier St Roch.
Les jeux niçois
Comme tous les enfants, jouer fait partie de la vie et c’est dans la cour de l’école St Roch que j’ai appris à jouer au pilou. Le Pilou, pour bien y jouer, il faut une pièce de 25 centimes trouée et du papier de soie de chez le boulanger. Les ronds, au pied des marronniers nous servaient de but. Voilà, tout est prêt ! On lance le pilou en l’air, on le reçoit sur le genou, on jongle et avec le pied on essaye de l’envoyer dans le but de l’adversaire. Surtout ne jamais toucher le pilou avec les mains. Le pilou est une institution dans le pays niçois, d’ailleurs, aujourd’hui, il existe le championnat du monde du pilou dont la capitale est Coaraze.
Les fêtes niçoises
C’est au mois de Mai que dans tous les quartiers, sur la place, que le bal s’installait. Le matin, sur un air d’accordéon, on nous faisait l’aubade et contre une petite pièce on nous accrochait une cocarde. Tout le monde se retrouvait pour danser et moi, Galina, je regardais mes parents valser en me disant un jour je ferais comme eux.
Le dimanche, jour du Seigneur, juste après la messe, on montait à Cimiez, au festin des cougourdons où les familles niçoises venaient pour pique-niquer au milieu des oliviers en écoutant la Ciamada nissarde jouer la musique traditionnelle du pays.
L’art à Nice
Depuis 1982, je me suis mis à la peinture, inspiré par les artistes niçois, Marcel Alocco, Arman, Albert Chubac, Jean-Claude Farhi, Claude Gilli, Yves Klein, Robert Malaval, Martial Raysse, Ben (Vautier) et Bernar Venet qui ont fondé l’école de Nice. Oh, bien sûr, mes tableaux, signés Galina, ne font pas d’ombre à tous ces grands qui ont fait la renommée de Nice dans le monde de l’art. Peut-être un jour, qui sait, on dira : « Tiens, regarde, c’est un Galina... »
La gastronomie niçoise
Alors, je ne sais si, comme pour la madeleine de Proust, les parfums de ce monde m’ont entraîné en grandissant vers le lycée hôtelier pour devenir cuisinier. Me voilà aujourd’hui chef de mon restaurant « chez Galina cuisine et poésie ». Sur la carte du menu en vers, il est écrit : spécialités niçoises et du comté. C’est important de précisr du comté car on trouve dans chaque village des recettes, comme les barba juan de Menton, la trucchia de Saorge, etc, etc et c’est en écoutant les anciens que je maintiens les traditions du pays.
Alors, aujourd’hui, j’ai eu envie d’une pissaladière dont je vous livre ma recette en vers et contre tous.
Pissaladière
De faire griller un oignon
A feu doux dans un poêlon
Doucement le dévêtir
Et tendrement le sentir
Le faire fondre lentement
Il ne faut pas qu'il soit craquant
Son arôme doit vous saisir
Vous enivrer de plaisir
Et sous la langue envoûtant
Son goût reste indéfiniment
Dès qu'il a pris cette couleur diaphane
Transparence couleur safrane
Sur un lit une pâte
L’étendre sans hâte
D'olives et d'anchois
L'accompagner en premier choix
Un filet d'huile d'olive
Dans un four à peine chaud
Comme une caresse affective
D'un Amant sans rivaux
Pissaladière
A genoux comme pour une prière
Je te mangerais sur la tête d'un maure
Sans regret ni remord
Ce soir j ai eu envie
– Oh Galina ! – Ça, c’est l’ami Jouan qui m’interpelle – Tu as vu sur le journal, il parle du pan bagnat, il parait que la recette va être déposée et protégée comme un monument par l’Unesco. – Ah vouais, moi m’en bati, ma recette vient de ma grand-mère, tiens, je te la donne ; celle-la, l’Unesco ne la connaît pas.
Le pan bagnat
Sur un marché du Comté
Prendre de belles tomates et du céleri
Des cébettes et des oignons frais
Des févettes et une botte de Radis
Deux artichauts violets
Il ne faut surtout rien oublier
Chez le boulanger le pain rond
Basilic, poivron vert et boite de thon
Olives noires et pot d'anchois
Ne pas hésiter sur le choix
Le pan-bagnat peut se commencer
Les légumes il faut laver
Finement les couper
Les artichauts émincés
Partager en deux le pain dans l'épaisseur
Enlever un peu de mie à l’intérieur
Imbiber d'huile d'olive
Que vos papilles en salivent
Un trait de vinaigre,saler poivrer
Les tomates dessus seront disposées
Les légumes et le thon
Les olives l'œuf les anchois terminent la décoration
Le couvercle du pain refermé
Le mettre un instant au frais
À la plage vous pourrez le déguster
Une serviette pour vous essuyer
– Galina si tu nous parlais de la socca !
– Ah ca c’est un secret, c’est le trésor du pays niçois, oui tu sais, comme Obélix et sa potion magique, et ben à Nice, quand on est petit, on tombe dedans, oui monsieur ! C’est comme faire la photo sur la panthère du jardin Albert 1er, c’est un baptême sans la bénédiction, c’est un certificat du pays niçois, allez, comme c’est toi que tu es un peu de la famille, je vais te la dire :
La "Socca"
De la farine de pois chiches
Délayez dans de l'eau
Fouettez sans faire le chiche
Pour obtenir un mélange sans grumeau
Salez poivrez
Sans oublier l'huile d'olive
A nouveau remuez
Au fouet d'une manière vive
Pendant ce temps
Faites chauffer le four
Alimenté de quelques sarments
Poussez les flammes autour
Pour mettre la plaque dedans
Laissez cuire la pâte doucement
La sortir quand la "Socca" est dorée
Découpez servir chaud et poivrez
La socca si manja ave li man
Je parle, je parle, tu vois, tu me fais oublier les capouns qui sont dans le four, allez, baieta, je me dois à mes clients.
L’hymne niçois
Depuis que je suis petit, ma grand-mère me berçait en me chantant « Nissa la Bella » ; c’est d’ailleurs à travers ce chant que j’ai commencé à comprendre le nissart. Menica Rondelli, ancien soldat de Garibaldi, l’avait écrit en 1903, un 14 juillet exactement. Jamais il n’aurait pensé que sa modeste chanson deviendrait l’hymne niçois.
Là où il est aujourd’hui, il doit être fier d’entendre, avant chaque match de l’OGCN, les supporters chanter « Nissa la Bella ». C’est vrai qu’elle est belle notre ville et moi, Galina, je le dis haut et fort « ieu sieu de Nissa ». Viva Nissa !
Bernard BRUNSTEIN