les concours

Publié le 20 Juin 2024

 
 
Cette année encore, l'atelier du Ray a participé au Concours de la Nouvelle Senior de la Métropole Nice Côte d'Azur en envoyant huit textes sur le thème :

Senior, vous avez acquis une expérience de vie. En parallèle, le monde qui nous entoure est
en perpétuel mouvement. Face à sa complexité, quels sont vos réflexions, votre analyse et votre
point de vue sur un sujet qui vous intéresse, vous passionne ou vous tracasse.
 
Les huit candidats sont :
- Arlette
- Bernard
- Christiane
- Dominique
- Fernand
- Jean-Michel
- Marie-Thérèse
- Mireille
 
Et, cette année encore, l'atelier du Ray s'est distingué avec trois lauréats :
 
Jean-Michel Andréis : 3eme prix
Bernard Brunstein : 6eme ptix
Marie-Thérèse Hoarau : 8eme prix
 
 
 
LES TEXTES DES PARTICIPANTS AU CONCOURS
 
 
  • Au Futur Imparfait, de Jean-Michel
 
  • Tic tac tic tac, de Bernard
 
  • Le jardin dans la ville, de Marie-Thérèse
 
  • L'ombre de l'illettrisme, d'Arlette
 
  • Noble ou ignoble ? Plastique, tu es partout ! Pourra-t-on un jour te remplacer ?, de Christiane
 
  • Mon tourbillon, de Fernand
 
  • Conversation avec Elle, de Mireille

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 20 Juin 2024

 
Il est déjà midi, le journal « le monde » est posé sur la table du salon, un titre attire mon regard « Séminaire au cœur d illettrisme »
Je parcours quelques lignes rapidement, avant de me mettre à cuisiner, et je lis qu'en
France de nos jours, il y a 7% d'illettrés (soit 2,5 millions d'individus) qui ne savent ni lire ni écrire.
Je reste perplexe !
 
L'illettrisme a toujours existé , mais on n'en parlait pas souvent, ou si peu, que je me
souvienne. On rencontrait de mon temps ce problème dans les campagnes profondes,
où les parents se servaient de leur enfant très jeune, pour les aider à la ferme, et
estimaient qu'il perdait son temps sur le banc de l'école..
 
Aujourd'hui ; l'illettrisme me donne à réfléchir :
Je vous raconte un petit bout de la vie de ma belle-mère en 1912. en Italie.
C'était une femme avec un caractère très fort, très énergique. Sa vie n'a jamais été une
romance.
Lorsqu'elle était jeune 8 ans, son père l'emmener sur ses chantiers, pour porter les seaux de ciment, il était maçon. Elle savait très peu écrire et lire. Plus tard, elle a été
placée chez un industriel de jouets à Lyon. De dame de compagnie, elle est devenue sa femme. Il lui a fait sept enfants. Sa vie n'a jamais été très heureuse, sinon qu'elle
manquait de rien.
En 1945, mon beau père a disparu. Elle s'est retrouvée veuve avec sept enfants, le plus grand avait onze ans. Le comptable de l'entreprise a profité de la situation et
l'a spolié de tous ses biens, étant en partie ignorante. Elle est partie de Lyon et s'est
retrouvée à Nice, sans famille, sans argent, sans aide. Elle a travaillé très dur dans
les restaurants en cuisine, plonge etc.. pendant de longues journées. Malgré cela,
aucun des enfants n'a pris un mauvais chemin.
Ils savent tous. lire écrire et compter, et il y en a même deux qui ont fondé leur
entreprise florissante avec une dizaine d'ouvriers et employés.
«  La maman » , par contre était toujours avec le balai. derrière celui qui oser déraper,
 
Alors pourquoi aujourd'hui, nous constatons que l'illettrisme est souvent dans des familles à problèmes.
Bonne question ?Est-ce la société qui n'est plus dans le bon moule ?
La tolérance est-elle allée trop loin ?
L'enfant a soif de comprendre le monde dans lequel il vit.
Si l'enfant a un comportement inapproprié, il faut lui apprendre les règles, les codes.
Sinon il est perdu. Aujourd'hui c 'est l'enfant qui décide, dirige....
 
Cette situation est plus ou moins récurrente.
 
Je pense que pour enrayer l'illettrisme, il faut le saisir à la racine au plus jeune âge,
4 ou 5 ans avant la primaire.
 
L'illettrisme est-ce une inégalité culturelle ?
Faut-il attribuer la responsabilité au système ?
Pour moi c'est le système de la société qui est à revoir, les raisons sont bien souvent politique.
Depuis des décennies, les gouvernements successifs ont opté pour le laxisme voulu, dans de nombreux domaines :
  • l'éducation
  • la santé
  • la sécurité
La lourdeur administrative ralentie de plus l'efficacité des traitements de ces problèmes.
Pour aider ces enfants à l'école il faut d'abord, les repérer individuellement à la
maternelle. Préconiser un recensement général dans toutes les académies, afin
d'uniformiser les besoins. Impliquer les familles et leur donner une partie de la responsabilité, en faisant des réunions mensuelles et démontrer, que si l'on accompagne l'enfant, on lui redonne confiance, et il peut évoluer comme les autres élèves.
 
Après une étude approfondie des besoins, les diriger vers un nouvel établissement créer par l'état, pour obtenir un enseignement au rythme de ces enfants. Ils apprendront les bases solides, afin de pouvoir par la suite , les réintégrer au niveau qui est le leur, et non à tout prix dans les classes surchargées , qui ne seront jamais de
leur niveau.
Ce que je veux vous expliquer, c'est qu'il est préférable de donner à ces enfants,
adultes demain, un avenir simple et heureux, plutôt que de les laisser à leur échec,
et ne pourront jamais atteindre l'élite.
 
Pour cela, faire intervenir les futurs professeurs des écoles en formation, de chaque académie, les mettre en immersion, cela leur fera un excellent exercice sur leur
métier et leur donner en contre-partie de quelques heures par semaine, des points
bonus pour leur futur examen.
 
Nos ministres successifs de l'éducation, optent chacun (selon les directives naturellement) pour baisser le niveau dans les classes, pour faciliter selon eux la
compréhension du langage des enfants à la traîne.
Une famille de deux enfants, une de 14 ans, l'autre de 15 ans n'ont pas eu le même
niveau dans le même collège.
Ils changent de méthodes comme ils changent de ministère. !
Veulent-ils plus tard à l'âge adulte ; avoir une partie de la société sans cerveau ?
ou formaté, je me pose la question ?
Depuis des. années cela n'a rien changé. La preuve est là, au classement européen
nous sortons 22ème sur 27.
Un enfant ou adulte qui ne maîtrise pas la lecture, écriture et le calcul, ne peut
tricoter les mailles de sa vie.
Cela fera de futurs chômeurs.
Les associations parfois prennent le relais, mais sont considérées comme extérieur
à l'éducation nationale, malgré les conventions. L'enfant risque alors de se sentir
exclu du système normal. Il faut qu'il reste sous le couvert de l'enseignement laîque, car cela amplifierait sa différence.
 
La situation d'un illettré est alourdie par des difficultés constantes. Il doit mettre en
place des stratégies de tout jeune pour cacher son incapacité, afin de devenir invisible
aux yeux des autres . Il vit dans une angoisse vertigineuse. Chaque instant de sa vie, il est confronté à un dilemme. Lire par exemple un nom de rue, pour pouvoir aller d'un point à un autre.
La honte est là en permanence. Il doit improviser devant les autres, et parfois même
devant des enfants plus jeunes que lui.Cela est épuisant, et lui enlève un peu chaque jour de la confiance en l'avenir.
 
Le rythme effréné du monde en mouvement, ne lui laisse aucune chance.
Aujourd'hui, le temps redouble de vitesse, les enfants doivent s'adapter très vite.
Cette course journalière impacte leur construction intellectuelle.
L'enfant n'a plus un moment pour vivre à sa cadence.
Dès son réveil les premiers mots qu'il perçoit à son oreille sont :
    • Dépêche-toi de déjeuner
    • Va vite t'habiller
    • Bouge toi
    • Mets tes chaussures
    • Vite court on est en retard
Leur vie est un manège qui tourne à grande vitesse, leur cerveau doit s'adapter à ce rythme affolant.
Aujourd'hui, un enfant tout jeune a les yeux rivés sur son portable des heures entières ce qui asphyxie son cerveau de mauvaises valeurs et mènent à la violence
Certains parents font de même. On ne se parle plus, ou presque, on ne s'écoute plus
L'enfant en difficulté se retrouve seul devant son échec.
 
Les gens de mon âge se souviennent de notre temps heureux.
Le monde à l'époque de ma jeunesse, tournait au ralenti. On prenait le temps de
déjeuner en famille, on partageait nos envies, nos désirs.
Pendant les longues journées d'été, les enfants lisaient, dessinaient, jouaient entre-
eux, flânaient, rêvaient.
Combien le rêve est nécessaire pour s'épanouir et bien grandir, et surtout laisser
vagabonder son imagination.
 
La France aujourd'hui a besoin d'ingénieurs de techniciens spécialisés et ouvriers dans plusieurs domaines de l'industrie.Nous avons un savoir faire unique. Il faut le préserver chez nous. Le numérique est là. L'IA ne fait que commencer, c'est une avancée magique si ! cela reste bien surveillé et encadré.
Savoir lire et écrire et compter, c'est pour moi une deuxième colonne vertébrale de
L’ÊTRE .
 
Prendre ce problème à bras le corps, fera d'eux des hommes heureux et des ouvriers
fiers de travailler pour une continuité prospère de la France.
 
Ah ! Vous allez me dire, où trouver le Budget !!!
 
Le mot qui fâche !!!!
 
Mais c'est l'Avenir de la France cette jeunesse ? Non !
 
 

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Rédigé par Arlette

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Publié le 19 Juin 2024

 
NOBLE ou IGNOBLE, ? Plastique, tu es partout ! Pourra-t-on un jour te remplacer ?
 
« Je jette ces quelques mots sur mon journal intime, nous sommes le jeudi 28 mars 2024. Je suis triste et, les larmes aux yeux, mes pensées s’envolent. Je reviens sur notre rencontre, aux prémices d’une complicité que je pensais tout en douceur, sans effet pervers. Dès le début, tu m’as séduite, sans réfléchir, je t’ai adopté. Charmeur, tu as su te rendre indispensable, incontournable auprès d’un public qui jouissait de ta venue. Tu as transformé ma vie, et celle de beaucoup d’autres, tu l’as facilitée, oh oui, bien simplifiée. Mais qu’en est-il aujourd’hui ?  Un bilan s’impose !
Noble ou ignoble ? Plastique, tu es partout ! Pourra-t-on un jour te remplacer ?
Pour me forger une opinion, je me dois d’explorer avantages et inconvénients de ce matériau qui a complètement transformé notre mode de vie. D’une praticité indéniable, tu t’es infiltré dans tous les domaines et ton utilisation quotidienne te rend difficilement remplaçable. Et pourtant ! Tour à tour, pollution visuelle ou silencieuse et invisible, tu as envahi l’espace et pollué notre planète bleue. La santé publique et l’environnement se disent menacés. Alors trouver des solutions pour sauver cette terre qui se meurt, n’est-ce pas « LE » défi primordial à se lancer ? »
Bienvenue dans notre quotidien
Il est loin le temps où les hommes utilisaient les propriétés plastiques du caoutchouc, de l’ambre, de la corne ou encore des écailles de tortue. Avant d’être modifiées chimiquement, ces matières premières non fossiles ont permis de fabriquer une grande variété d’objets en plastique d’origine naturelle. Puis ce fut le tour de la gomme de caoutchouc, de la nitrocellulose commercialisée sous le nom de celluloïd, utilisée comme support dans les pellicules photographiques, mais aussi pour remplacer l’ivoire ou la corne dans la fabrication d’ustensiles de cuisine, de bijoux, de boules de billard, de balles de ping-pong ou de poupées. Facilement inflammable, elle fut remplacée par la galalithe utile pour la fabrication de boutons, boucles de ceinture ou manches de couverts. Puis vint la Bakélite, considérée comme le premier plastique synthétique produit industriellement. Elle sert à la fabrication d’ustensiles de cuisine, de téléphones, de bijoux, elle est aussi utilisée comme isolant dans l’industrie électrique. La révolution du plastique voit véritablement le jour au début du vingtième siècle avec le nylon, le perlon, le polyamide et le polyester, fibres textiles entièrement synthétiques qui permettent la création de vêtements, bas de femmes, parachutes, brosse à dents, ruban adhésif, disques vinyles (PVC). Les bouteilles en polyéthylène souple évincent celles en verre pour les shampoings et savons liquides. Plus de consignes, quel bonheur ! Peu à peu, les matières plastiques détrônent les matériaux naturels rares et coûteux et la production de masse est en route. A cela, il faut rajouter notre mode de vie. Les familles nombreuses disparaissent au détriment de la monoparentalité, du célibat, de la dénatalité. La femme travaille et cuisine peu ou pas, on déjeune sur le lieu de travail. Qu’à cela ne tienne, les industriels proposent des portions alimentaires réduites, des plats préparés, des contenants unitaires à usage unique et des couverts jetables. De l’emballage alimentaire aux composants électroniques, le plastique est partout dans le secteur médical, la mode, l’automobile et le bâtiment. Pour répondre à la demande, 350 millions de tonnes sont nécessaires dans le monde auxquels on ajoute 70 millions de tonnes pour le textile, c'est-à-dire 10% de la ressource pétrolière. Certains de nos scientifiques parlent de « plastisphère ». Ce terme désigne les écosystèmes constitués en grande partie de composants plastiques créés par l’homme. C’est dire l’ampleur du phénomène !
A ce propos, connaissez-vous « la soupe de plastique » ?
C’est le « visible »
Pour ceux qui ignorent son existence, il s’agit du huitième continent. Sachez qu’il ne ressemble à aucun des sept autres. Imaginez une étendue de plastique et de détritus flottant sur les océans, dévorant tout sur son passage, eh bien, c'est lui ! Formé de cinq gyres, il déambule tranquillement au fil de l’eau et, grâce à nos actions irresponsables, il prospère lamentablement, menaçant la survie de la terre. Alors me direz-vous, quelle importance ? N’est-il pas éloigné de nos côtes ? Malheureusement, bien au-delà des déchets qui jonchent certaines plages du littoral, les conséquences de cette décharge sauvage se révèlent catastrophiques. Mammifères, tortues, oiseaux confondent déchets et nourriture, résultat ? Les résidus qu’ils ingèrent, obstruent leur système digestif et c’est la mort assurée. Ainsi, si actuellement, disparitions d’espèces, contamination de l’eau, des plages et maladies sont au programme, les dégâts seront beaucoup plus importants si l’on ne change rien. D’autant que la pollution plastique en surface ne représente qu’un, deux voire trois pour cent de la totalité, le reste est au fond, lamentable !
Mais, pire encore : les invisibles
Ignorés, longtemps sous-estimés et pratiquement absents des études sur les microplastiques, les nanoplastiques. Ce sont de minuscules fragments issus de l’usure, de l’abrasion ou d’autres formes de dégradations du plastique. Facilement ingérés par les moules, les huitres, les crevettes, ils contaminent toutes les chaines alimentaires et s’ils représentent le type de déchets marins le moins connu, ce sont les plus dangereux. Introduits dans l’eau, l’air ou les sols, ils peuvent s’inhaler ou s’ingérer via des aliments contaminés. Des fragments de taille variée sont retrouvés dans le système digestif de presque tous les grands animaux marins. Chaque objet en plastique pouvant donner naissance à un très grand nombre de nanoplastiques, la contamination de l’environnement naturel, terrestre, aérien et marin, sans oublier nos organismes, ira, malheureusement, crescendo. Quelques exemples sont révélateurs et nous alertent sur le danger encouru. Une étude de 2019 a montré que le thé infusé dans les sachets « soyeux » synthétiques contient des milliards de nanoplastiques et qu’infuser un sachet à 95°, libère environ 11,6 milliards de microplastiques et 3,1 milliards de nanoplastiques dans une seule tasse ! Au Groenland, dans un névé à 14 mètres de profondeur, des nanoplastiques ont été trouvés dans une carotte. La banquise antarctique n’est pas épargnée pour autant, ni même l’Arctique où des résidus d’usure de pneus ont été retrouvés. De quoi réfléchir, non ?
 
N’oublions pas les « Phtalates » des plastiques en PVC. Substances chimiques présentes un peu partout, emballages alimentaires, jouets, revêtements de sol en vinyle, cosmétiques, produits d’entretien ménagers, peintures, ordinateurs, téléviseurs, pesticides, antimites, antipoux, antipuces, insecticides, pulvérisateurs. Une récente étude a montré leur présence dans des lacs alpins, loin de toute habitation, preuve qu’elles sont volatiles donc dangereuses pour la santé. L’effet perturbateur de ces substances impacte notre système neurologique et endocrinien. L’utilisation des Phtalates est réglementée, en particulier dans les articles pour enfants et les cosmétiques.
Nous sommes tous concernés par ce phénomène dévastateur et, si beaucoup font preuve de civisme en respectant les consignes recommandées, une action concertée à l’échelle mondiale est incontournable. Pour le consommateur lambda, le tri fait partie de son univers, mais au lieu d’utiliser la poubelle jaune qui laisse à penser que l’on agit pour préserver la nature, ne serait-il pas préférable de mobiliser les consommateurs pour acheter autrement ? Choisir les contenants cartons, verre, papier plutôt que le plastique à usage unique. Privilégier le recyclage plutôt que de jeter. Côté entreprises, poursuivre la réduction de leur empreinte plastique en la considérant comme une stratégie commerciale porteuse de parts de marché. Quant aux scientifiques, continuer les recherches sur des solutions innovantes comme les plastiques biodégradables, les emballages compostables et des méthodes de recyclages plus performantes. Voilà un point de départ, le débat est lancé……
« Cher plastique, mettre en lumière ton côté nocif m’a semblé capital. Je referme la page de mon journal, peinée par ces tristes constatations, mais consciente qu’il faut agir et vite. »
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Rédigé par Christiane

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Publié le 19 Juin 2024

 

La pluie venait enfin de cesser après un déluge peu ordinaire en ce début de printemps. Mon téléphone portable, toujours à mes côtés, se mit à vibrer. Fin de l’alerte météo ! La deuxième en quinze jours. Soulagée je m’apprêtais à vérifier sur les réseaux sociaux que mes amis allaient bien. C’est à ce moment-là que j’entendis pour la première fois cette drôle de voix.

« Encore sur ton écran ! ». Surprise, je levai la tête et parcourus la pièce du regard. Personne bien évidemment puisque je vis seule. « Comment faisais-tu il y a seulement quelques années pour avoir des nouvelles du monde ? Aujourd’hui avec ces moyens modernes tu peux savoir ce qu’il se passe à des milliers de kilomètres de chez toi, tout en restant assise un téléphone à la main sur ton canapé !» La voix se faisait plus intrusive. Une voix féminine caverneuse qui semblait venir de loin, de très loin même. Elle poursuivit : « La vie est dehors, dans les gouttes d’eau qui tombent du ciel, dans les mers et les océans, dans un champ de fleurs où butinent des abeilles, dans le galop d’un cheval sauvage » Comme je ne répondais pas, elle demanda : « Dis-moi, prends-tu encore le temps de t’émerveiller devant ces spectacles que je t’offre ? » Mon étonnement grandissait au fil de ses paroles. Mes pensées se bousculaient et partaient vagabonder par-delà la fenêtre du salon. Je devenais cet oiseau aux ailes déployées porté par le vent, ne craignant pas la pluie qui s’était remise à tomber. J’étais cette branche d’acacia doucement bercée par la brise. Je me perdais dans les nuages lourds, gonflés d’eau. Oui, Elle a raison, la vie est dehors.

Elle semblait lire dans mes pensées et insista. « Qu’attends–tu pour chausser tes bottes et enfiler ton imperméable ? N’as-tu pas envie de contempler le spectacle grandiose des vagues écumeuses et bondissantes, de te laisser surprendre par leur fracas sur les galets, de t’extasier devant le vol éperdu des mouettes désorientées ? » Oh ! Oui ! Faire comme la petite fille que je n’étais plus depuis bien longtemps et jouer avec les flaques, retrouver cette insouciance du temps où je n’imaginais pas que la nature était en danger! Encore une fois la voix avait touché juste. Je décidais de profiter de la beauté du spectacle de la mer démontée en allant sur la Promenade des Anglais, sans me demander pour combien de temps encore l’humanité pourrait savourer ces instants magiques. Oublier un moment que la banquise fond, que les mers se vident de leur population naturelle mais se remplissent de plastique, que l’eau manquera peut-être aux générations futures et que la pollution lumineuse des villes nous empêche de voir les étoiles. Sans parler des ours polaires en voie d’extinction que mes petits-enfants ne connaîtront peut-être qu’en photo dans leurs livres de classe, si les livres existent encore, ou en video sur leurs écrans.

Prête à sortir, je glissai discrètement dans ma poche mon téléphone portable. « Tu ne t’en sépares donc jamais ? » Elle ne faisait pas que parler, Elle voyait tout ! Je sentis dans le timbre de la voix de l’ironie, mêlée de lassitude, avec un brin de reproche. Et je m’entendis lui répondre : « Non, grâce à lui je vais pouvoir faire des photos, recevoir des nouvelles de mes proches, consulter si besoin le web. Comment pourrais-je m’en passer aujourd’hui ? » Aucune réponse, aucun commentaire. La voix s’était tue.

C’est là qu’un grondement sourd venant du sol se fit sentir. Tout se mit à trembler dans la pièce, les meubles se mirent à grincer, je dus m’assoir précipitamment pour ne pas tomber. Pendant quelques secondes plus d’électricité. Puis le calme revint. Un tremblement de terre !?

Mon premier réflexe : les réseaux sociaux. « Décidément ! » La voix était de retour. Je commençais à être perplexe. Tout à l’heure le déluge, maintenant un séisme. Qui exprimait ainsi sa colère ?

*La terre a tremblé aujourd’hui dans les Alpes Maritimes. Un séisme de magnitude quatre sur l’échelle de Richter, seulement des dégâts matériels.* Voilà les informations données par la télévision aussitôt allumée. Ouf ! J’étais plutôt rassurée mais pas au bout des mauvaises nouvelles. Je restais abasourdie devant les images diffusées ensuite. Des rivières en crue, des inondations, des éruptions volcaniques spectaculaires. Une île était apparue dans l’océan Pacifique ! Au Japon un nouveau séisme, heureusement non suivi de tsunami, mais des dégâts importants et un affolement de la population pourtant habituée à ce genre de phénomène. En Islande un volcan s’était réveillé. Il crachait des coulées de lave incandescente, telles des langues voraces et affamées, dévorant tout sur leur passage, cultures, forêts, villages.

STOP ! J’ai éteint la télévision. Pas envie d’entendre la suite. Les catastrophes naturelles se succédaient depuis quelques années. La Terre serait-elle en colère ? Elle en aurait le droit. Les humains ont tellement usé et abusé d’Elle et de ses richesses. Quel monde vont connaitre mes petits-enfants ?

« J’entends ce que tu penses, voilà une question sensée ! » La voix était revenue, mais je savais maintenant qui parlait ainsi. « Les Hommes vont-ils enfin prendre réellement conscience de la fragilité de leur environnement avant qu’il ne soit trop tard et mettre en place des solutions pour en conserver la richesse et la diversité ? » Je m’apprêtais à lui répondre que je me sentais concernée par l’évolution actuelle et à lui énoncer ce que je faisais déjà à mon niveau pour inverser ou au moins stopper la dégradation de ma planète. Elle ne m’en laissa pas le temps. « Rien n’est permanent ici, tout ce qui est vivant sur la Terre est en danger et mérite d’être protégé ». Je tentais un peu de réconfort : « Gardons espoir ma chère Terre, les prises de conscience sont nombreuses et la volonté de stopper le déclin est bien là, du moins pour un nombre croissant de femmes et d’hommes.» Avec un besoin évident d’exprimer son mécontentement trop longtemps retenu, Elle poursuivit : « Je suis là depuis des milliards d’années et sans doute encore pour quelques autres milliards, toi et les autres vous aurez disparu depuis longtemps, en laissant derrière vous des forêts sans arbres, des mers sans poissons, des montagnes sans neige et des champs sans insectes. » La voix enflait emplie de colère et de désespoir. J’aurais voulu la calmer mais je me sentais si petite et si impuissante face à Elle. « Ta planète est unique et même si certains aiment à le penser, il n’y a pour vous les humains pas de planète de remplacement, pas de planète B ! » Cela j’en étais persuadée. « Je suis bien d’accord avec toi ! Pour moi les missions sur la Lune ou sur Mars destinées à y installer bientôt des humains relèvent de l’utopie. Je n’ai pas envie de vivre ailleurs que sur la Terre ! ».

La priorité en effet n’est-elle pas de préserver notre magnifique planète bleue comme une orange comme dit le poète? Une priorité ou plutôt …une urgence ?

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Rédigé par Mireille

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Publié le 19 Juin 2024

Prix littéraire Marie-Anne Rouan

Prix littéraire Marie-Anne Rouan

L'association des amis de la bibliothèque, à Châteauneuf-de-Grasse, a organisé un concours d'écriture ouvert aux adultes.

Pour l'édition 2024, le thème était : PLUS LOIN, PLUS HAUT : AU-DELÀ DE SOI
 
Jean-Michel a eu le 6eme prix ex aequo !
 
Voici son texte :
 
Eve reste !
 
Un intrus s’est invité à l’intérieur de mon organisme, un petit Poucet sournois, qui n’a pas trouver mieux que de semer des petits cailloux partout dans mes artères. L’un d’eux, plus gros que les autres, est venu obstruer un vaisseau de mon cerveau.
 
C’est la fin de ma soirée tango. Ma parenthèse de la semaine juste à moi, où pendant que je me balance, que je me cambre en marchant à contretemps tout en faisant claquer les talons sur des rythmes sensuels, je m’évade, j’oublie les petits tracas hebdomadaires. On vient de terminer notre prestation, on partage nos ressentis avec mon amie Suzie, quand un long frisson me traverse, ma vision se trouble et je me mets à voir tout en double. Ensuite, le flux sanguin cogne dans mes tempes et une pression énorme assaille ma tête, comme si on compressait mon crâne entre les mâchoires d’un étau. Et dans mes tympans, un vacarme démesuré, pareil au boucan d’un moteur d’avion à réaction. L’air vient à me manquer, ma poitrine halète violemment.
Mes jambes, qui venaient de me faire virevolter avec grâce, soudain elles se dérobent sous moi. Lente, désordonnée, ma chute vers le sol entame sa course molle. Suzie et les autres se jettent vers moi, à mon secours, mais ce ne sont que des ombres troubles. Je me sens mise sur le côté, un coussin sous ma tête.
Tout devient un mélange de silhouettes et de brouhaha affolé, ponctué de :
« Eve reste avec nous ! Accroches-toi Eve !  »
 
Très vite les secours arrivent pour me prendre en charge de mon accident vasculaire ischémique.
Je me réveille aux soins intensifs, au bout de deux jours, après un léger coma. Je le saurai plus tard, les chirurgiens ont pratiqué une thrombolyse pour ôter le maudit caillou qui en attentait à ma vie.
Un rayon de soleil me chauffe la joue, à droite, je veux le chasser d’un revers de main, mais mon bras ne me suit pas dans cette démarche. Deuxième, troisième essai, toujours un échec. L’angoisse s’empare de moi, je ressens un étrange rictus à la commissure de ma bouche, toujours à droite. En fait tout cet hémisphère de mon corps est paralysé. Et mes jambes aussi sont impactées.
Je suis sous l’emprise d’un knock-out monumental, comme si un bloc de béton de mille tonnes venait de m’envoyer au tapis. Une lueur sur ma gauche je réussis à tourner ma tête, la porte de la chambre s’ouvre et Gabriel avance vers moi. Son regard est embué, il m’embrasse, passe ses doigts dans mes cheveux. Il dit qu’il a eu peur pour moi, pour lui, de me perdre, de se retrouver seul tout à coup.
Il me rassure, les enfants vont bien et s’impatientent de me revoir. Je voudrais parler, lui répondre une foule de « idem », mais mes lèvres ne s’entrouvrent pas, mes mots restent scotchés dans ma bouche à cause de ce foutu AVC. Les jours qui suivent me plongent dans un désarroi extrême, une fatalité sordide.
Je cherche une explication à ma condition, je culpabilise. Même les visites de mes parents, amis, de mes mômes ne parviennent pas à m’extraire de cette grisaille.
 
Ce matin ma noirceur est aussi épaisse que la lave pétrifiée d’un volcan éteint à jamais. Gabriel se tient tout à côté et je ne peux contenir une larme sur ma joue droite, le seul truc qui marche encore sur ce versant-là. Je suis une naufragée dans un corps qui ne m’appartient plus, une prisonnière, jetée au fond d’un cachot d’os, de chair et de sang. Le film de mon existence d’avant, tout ce qui en faisait partie intégrante et qui s’est retrouvé pulvérisé dans ma chute vers le sol juste après ma thrombose, défile en boucle au son de la musique plaintive d’un bandonéon argentin sonnant mon hallali. Une question évidente s’impose : continuer à vivre ainsi ou rester juste vivante ?
 
Gabriel est à côté de moi. Il plonge son chagrin dans la lecture tourmentée d’un roman. Le responsable du service arrive dans la chambre pour nous affranchir des résultats des dernières analyses. Malgré ma prise en charge rapide, mon attaque cérébrale a provoqué de mauvaises séquelles.
Gabriel reste aphasique, il me regarde avec un voile de tristesse, il se retourne vers le médecin et il pose la question, il le fait pour moi, il est ma voix, mon ombre mouvante.
« Vous pensez que Eve va vite pouvoir retrouver l’usage de la parole, son bras, ses jambes ? »
Un silence s’installe. Le médecin nous dévisage tour à tour, avant de se livrer.
« Je ne vais pas vous mentir, les lésions observées au dernier scanner démontrent l’étendue de la gravité. Le traitement sera long et fastidieux, mais pour le moment je ne peux me prononcer ou vous garantir un rétablissement complet et rapide. »
Il me fixe.
«  Eve, je vous dois la plus grande franchise. Il n’y a presque aucune chance que vous remarchiez un jour. 
Désolé pour cette nouvelle pourrie. Je vais vous laisser. »
Et il part. Nous deux, on reste là, en statues de glace. Gelés sur place. Gabriel se lève et sort brusquement.
Je crois qu’il veut crier, mais pas devant moi, sans doute, le faire pour moi aussi.
Je reste seule avec le double plafond comme ligne d’horizon. Je rembobine la cassette de la bande sonore des termes qui viennent d’être échangés.
 
Et puis, au cœur de la chape de plomb qui vient de s’abattre sur moi, une fêlure apparait, un filament lumineux se faufile et danse face à moi. Un mot entendu se positionne en lettres majuscules et néon phosphorescent dans mon esprit : PRESQUE
PRESQUE. PRESQUE aucune chance. ! PRESQUE, c’est juste avant jamais. C’est mieux. Mille fois mieux, voire des millions de fois.
Je me noie, emportée par le courant tumultueux d’un torrent violent et lugubre, tout à coup, ce mot « PRESQUE » surgit en plein milieu, comme un rocher salvateur, pour que je m’accroche à lui, pour pas finir engloutie, au fond de l’eau glaciale. Ce mot, cette pierre, ce bloc, je l’enlace, avec la main encore en état de marche. Ce sera ma montagne à gravir.
 
Gabriel revient, je vois qu’ il a pleuré, je lui souris, enfin, j’essaie du mieux que je peux.
Jusqu’à ce jour, ma vie se la coulait douce, partagée avec mon travail, ma famille. Rien de plus, rien de moins.
Et en une fraction de seconde, tout bascule, se précipite. Je me retrouve à flirter avec l’issue fatale.
Jusqu’alors je n’avais jamais appris à me battre, je n’en avais encore, PRESQUE, jamais eu l’occasion.
Les semaines passent, les mois. Les séances de rééducations neurologiques se suivent. Je bosse de toutes mes forces mes exercices d’orthophonie. Depuis quelques jours mon rictus labial, s’estompe. PRESQUE disparue la grimace, je souris. Des mots recommencent à sortir de ma bouche. Certes ils sont syncopés, mais je parviens à faire des bouts de phrases en mode télégraphe. Le plus dur, ce sont mes séances de kiné. Les muscles du bras, de ma jambe, d’être restés longtemps immobiles, de devoir doucement se remettre à fonctionner, me font un mal PRESQUE intolérable. J’occulte cette douleur, je pactise avec. On réussit à trouver un terrain d’entente.
Je fête la première année de cette nouvelle existence, celle de mon AVC. Gabriel achète un gâteau pour l’occasion. Je souffle la bougie posée dessus, PRESQUE du premier coup. Nous en plaisantons ensemble.
Je suis heureuse d’avoir trouver le trousseau de clés qui m’aura permis d’ouvrir la porte pour quitter cette geôle, à l’intérieur de laquelle, j’ai cru un moment, que j’y finirais mes jours.
 
Six mois passent encore. Ma diction se peaufine, elle retrouve de mieux en mieux sa clarté.
Mais j’ai souvent de longs moments d’épuisement, des problèmes de concentration, des bugs mémoriels. Dans mon cerveau, les mises à jour se poursuivent, mais lentement. Je ne le dis pas à Gabriel, je suis parfois sujette à des coups de blues, d’une grande déprime. Je le sais bien, que je ne serai plus jamais comme avant. Rien ne sera plus comme avant. Je vais devoir faire ami- ami avec cette d’épée de Damoclès au-dessus de mon crâne cabossé, cette crainte de la possibilité que cela m’arrive de nouveau. Que le fameux petit Poucet sournois revienne sur ses pas. Mais tout ça je le garde pour moi.
 
Un nouveau mois défile, enfin depuis cet après-midi, je marche. Seule. Sans béquille. Une superbe ligne droite. D’une traite. Chaque pas effectué, c’était une colline de plus d’enjambée
D’accord cette course, ce n’est pas du genre : « un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l’humanité. »
Ce ne sont que quelques pas mais pour moi, c’est comme si je venais PRESQUE de traverser toute la chaîne de l’Himalaya à moi toute seule, L’Everest en point de mire.
Gabriel et les enfants, Mes Echelles de Jacob, se trouvaient juste en face.
C’est juste le petit bout d’un nouveau chemin que j’aborde.
Je ne suis pas guérie, je ne suis pas remise, la route est longue encore. Mais j’ai du temps, mon temps. Même si c’est encore à cloche-pied, je vais mieux, je vais bien . Je réapprends enfin à être heureuse. Enfin…. PRESQUE.
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Publié le 19 Juin 2024

 
Le monde c’est notre jouet cassé.
Du sud au nord, quelque soit l’hémisphère, des fêlures apparaissent, des failles persistent et perdurent. Sa restitution à l’état initial vouée à l’échec tourne en rond au fond d’une impasse sombre et immobile. Les anciens palais, garants des promesses d’autrefois menacent de s’effondrer.
Nous ne respirons plus que de la fumée. La pollution est en nous et tout autour de nous. Maladies et catastrophes naturelles nous murmurent combien nous sommes faillibles et fragiles.
Nos métropoles avancent, s’accroissent démesurément grignotant miettes par miettes une nature de plus en plus agonisante. La forêt perd chaque jours son souffle primaire, sa faune et sa flore apprend le sens des mots « vivre sur le qui-vive » au futur et au plus que parfait. Les ruisseaux, rivières et fleuves ne retrouvent plus leurs lits paisibles. Même l’Océan finit par avoir un goût amer.
 
L’innocence n’est plus qu’une utopie. On assiste impuissant à l’avènement de la colère.
Depuis les dunes de certains déserts d’Orient, près de certaines Cités où jadis des récits oniriques se contaient la nuit par milliers, d’étranges guerriers, revisitent à leur manière des versets de livres sacrés. Propulsés par cette relecture bancale, ils surgissent tour à tour dans nos ruelles pour y accomplir de funestes desseins. Paix et Amour ne sont plus que des mots posés avec nostalgie sur les cases  « mot compte triple » d’un jeu de scrabble.
Des guerres cessent, d’autres reprennent, à quelques vols d’oiseaux de notre frontière. L’insécurité stagne au-dessus des toits de nos maisons. Nos gouvernants, aussi fantasques qu’inconstants, un nez de clown en forme de bouton tout rouge au milieu du visage, prêt à s’activer, pourraient sans vergogne, anéantir tout espoirs d’allégresse, rendre précaire notre futur, sans sourciller.
 
Nous vivons dans des villes surpeuplées pourtant nous nous enfermons prisonniers volontaires entre les quatre murs de briques numériques de nos écrans grillagés de pixels. On nous dévoile le sol martien à 220 millions de kms, alors qu’on ignore tout de la vie qui s’anime en silence derrière les parois en papier peint du foyer d’à côté. On s’englue dans la solitude la plus total, des œillères en voile gris béton , en guise de paupières.
Nos chaînes infos rabâchent en boucles les mêmes sujets anxiogènes.
On passe de la famine au foot à la vitesse de l’éclair sans génie d’un cheval au galop.
De nouvelles technologiques apparaissent et nous dépassent. On n’en arrive plus à discerner le vrai du faux. Les valeurs ancestrales, entraide, politesse, respect, partage doivent se frayer la meilleure route possible au travers de chemins jonchés de ronces en fils de fer barbelés.
L’humour et l’amour s’adonnent à une sarabande hasardeuse sur le fil d’un rasoir censeur et vertueux : Rire ou jouir une entreprise périlleuse et téméraire.
Pour le Féminin, Masculin, c’est la confusion des genres la plus total. Homme, femme, mari, épouse, père, mère, On en arrive à ne plus savoir qui est qui, qui fait quoi, tout s’entremêle. Pire que les baguettes d’un mikado.
Je pourrais continuer de m’exprimer sur notre société en mouvance perpétuelle. D’en faire une analyse personnelle, d’en extraire un sujet bien distinct qui pourrait me passionner ou inquiéter. Mais voilà, le projet est trop vaste. Soit je parle de tout, soit je parle de rien.
Depuis mon arrivé, il y a déjà presque soixante années, ce monde je l’ai accepté tel qu’il est, de la même manière qu’il m’ a accueilli je ne suis que son invité. Nous le sommes tous.
De toute manière je ne peux pas faire autrement, c’est le seul que je connaisse. Certes tout n’est pas parfait, des raccords, des ratures à gommer. Je ne sais pas pour ma part comment y parvenir mais c’est une entreprise à la fois personnelle et aussi collective. Je n’émets aucune accusation, je ne propose aucune solution. A partir de ma présence, de celle de toutes et tous, il est de notre devoir d’y remédier. Ne serais ce qu’emboîter sur le champ deux petites briques de lego, c’est déjà le début d’un projet.
Ce monde, il n’en est pas à son premier changement d’ères, il ne va pas flancher tout à coup. Il sera encore là dans des milliers d’années alors que nous ne serons que de la poussière fossilisée quelques part sous une couche de glaise je l’espère décontaminée.
Je reste lucide et serein, pas mal de voyants frisent le rouge
Ne nous laissons pas envahir par la peur face à cette morosité ambiante. Elle existe, c’est vrai.
Tout semble sans issue; pourtant; si on se pose, si on débranche nos téléviseurs, si on marche un peu, que l’on quitte les contreforts de nos avenues bruyantes, on parvient facilement à retrouver quelque de simple, naturel, essentiel. Quelque chose d' utile.
Quelque chose qui nous apprend que finalement tout n’est pas perdu. Que c’est l’époque qui veut ça ! Que tout va se remettre dans le bon sens de la marche.
Il suffit de trouver, un petit coin de verdure, d’ôter ses chaussures, se remettre à marcher pieds nus dans l’herbe, en laissant les pâquerettes nous chatouiller la voute plantaire. Marcher pieds nus à même le sol, c' est comme s' endormir sur un ventre de femme. C'est dépourvu de tout artifice, c'est naturel, c'est brut ; presque primaire.
Parce que notre Monde c’est ça aussi. Et souvent, surtout en ce moment, on l’oublie.
Nous sommes pétris dans la même glaise, celle de la vraie humanité.
Je suis convaincu qu’au fond du plus grand nombre d’entre nous repose, prête à surgir la nécessité véritable de bâtir la meilleure vie qui soit. Celle pour laquelle, il y a des millions ( que dis-je!!) des milliards d'années, une étincelle s' est posée sur notre planète.
Le monde que l' on côtoie, nous intime de déposer les armes, de ne plus continuer, crie que nous sommes des fous, mais il ne nous connaît pas.
Certes, il m' est arrivé comme beaucoup d' encaisser des coups âpres, mes genoux en gardent des traces de terre, dans le coin de mes yeux, des cicatrices subsistent encore pour en témoigner. Malgré tout ça, je suis debout. Cet héritage nous permet aujourd’hui d' en apprécier la richesse, nous sommes férocement en vie. Ne perturbons plus notre élan. Il y a tant encore à inventer, pour rire, pleurer.
Montons plus haut, au-delà des limites que parfois, stupidement on dresse autour de soi.
Notre présent entrouvre les portes du futur, qu' y a-t-il derrière, je n' en sais rien.
Des victoires sur des époques anciennes, sur des gens qui nous raillent souvent.
Leurs cendres s' évanouiront dans l' aspiration de l' oubli, dispersées par les orages.
Nous, notre légende se prolongera dans l' avenir. La colère, l' amertume, la vengeance, c' est du temps perdu. Enjambons-les...
Où tout commence ? Où tout finit ? Jusqu' où pourrons nous aller ? Ces questions, on se les posera à chaque seconde de notre trajectoire. Et juste pour en acquérir la réponse, tout vaudra la peine d' être vécu, en totalité. Battons-nous. L' unique arme que l' on possède est une indestructible croyance en nos aptitudes humaines.
On cherche souvent très loin un bonheur qui trône juste devant nous, sous nos yeux, à la périphérie immédiate de bout de nos doigts... si près de soi.
Une autre planète, un autre monde existe; pas à des millions d' années-lumière, ni de l' autre côté de l' univers. Bien plus proche que ça, elle gravite ici, où je pose à présent ma main, dans notre cœur. Elle y tourne depuis tout ce temps. Et elle continuera tant que l’ on cherchera après elle. Devenons en les rois, peuplons là de nos aspirations les plus intenses. Édifions des jours de gloire à notre échelle.
Chaque minute que nous illuminerons, chaque lune et crépuscule que nous survolerons, amènera une clarté en nous. Elle nous faudra nous émouvoir et propulser en l' air nos promesses à venir. Dépassons nos propres prières. Devenons immortels. Aimons-nous et aimons tout, tout autour de nous.
Apprenons que le plus fabuleux des rêves, c' est celui qu’ on ne réalise jamais.
Parce qu’ il vivra en nous éternellement et à la fin on l' emportera avec soi.
Laissons pour ceux qui viendront une nature qui résiste aux tempêtes et aux guerres.
Laissons sur le sable les plus belles traces de nos pas. Elles attesteront de notre passage, de notre existence. Elles chanteront qu' un jour nous avons été, et sommes restés :
 
VIVANTS
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Publié le 19 Juin 2024

 

Les années passées et les questions sans réponses qui sont devenues mon quotidien, m’ont amené à discourir avec mon miroir chaque matin que Dieu me prête vie… Bonjour reflet de mon âme, as-tu bien dormi cette nuit ? En ce qui me concerne, mes espérances pour la journée à venir se sont déjà heurtées aux turbulences qui assiègent mon esprit et ces dernières ont encore remporté la victoire.

Je suis, comme tu le sais, d’une génération qui a connu les chevaux. Ce sont eux qui rythmaient notre existence et nos pieds usaient beaucoup de semelle. Le siècle passé et celui qui vient de naître ont connu et connaissent toujours les tempêtes de nombreuses guerres de pouvoir et de possession. Après une période de paix, trop courte pour être vraie, l’Europe mobilise. D’abord les cerveaux puis l’industrie militaire. Les hommes se préparent à défendre leur pays en attaquant le voisin. Ne dit-on pas que la meilleure des défenses est l’attaque ? Déjà, les états belligérants constatent que les obus et les balles meurtrières ne sont pas assez efficaces et tuent trop lentement pour que la trêve puisse s’imposer faute de combattants. Allons ! Ne désespérons pas. La science viendra à leur secours. L’ingéniosité des hommes à améliorer la nuisance de leurs armes n’est plus à démontrer... La terreur qui a baigné l’existence de nos parents se rapproche de nous à une vitesse qui dévaste tout sur son passage. Des hommes nouveaux s’inspirent des hommes d’hier. La durée de cette paix provisoire leur a permis d’exporter le fracas des explosions et l’enfer qui va avec sur d’autres continents, Afrique, Asie, sans pour autant récolter le fruit malsain de leurs semailles. Nous n’avons plus le temps... Le temps de quoi d’ailleurs ? Bonne question ! Mais quelle réponse lui apporter ? Je ne sais pas. Sauf, peut-être, leur faire comprendre que si les êtres humains ne font plus d’enfants, c’est seulement qu’ils ne veulent plus que des innocents soient jetés dans les tranchées du désespoir pour répondre aux utopies de quelques fous furieux...

L’être humain est devenu un athlète qui court sans arrêt. Après son train ou son bus, après ses ambitions qui, elles, s’envolent emportées par le vent. Ses rêves les plus fous le talonnent mais peinent à le rattraper… Pendant qu’il s’essouffle pour courir à sa perte, les neiges éternelles fondent en silence, les printemps oublient de se réveiller et les automnes ne dorment plus. Quid de l’été et de l’hiver, ils ont carrément disparu. Qui peut jurer qu’il trouvera encore un instant de répit pour s’asseoir sur un carré d’herbe parsemé de fleurs. Les hommes auront-ils toujours le privilège de savourer, en fermant les yeux, le concerto pour piano N°1 de Tchaïkovski ? Et ces oiseaux, qui parcourent chaque année des longs trajets en survolant des continents pour venir enjoliver nos cieux. Reviendront-ils ? Nos enfants auront-ils encore le bonheur de jouir de ces instants de sérénité ? Personnellement, je préfère ignorer cette question. La réponse me fait trop peur.

Figure toi, mon bon miroir, que la guerre des mots s’est inscrite à la liste des calamités qui torturent les peuples. On dit aux gens que la pollution va les empêcher de respirer, que l’eau de nos rivières est empoisonnée par les déchets chimiques de nos usines et que nos terres cultivées ne donnent plus que des légumes contaminés par les pesticides. Alors, vite ! L’industrie internationale s’est dépêchée d’inventer le Bio pour effacer toutes ces misères. Mais qui croire ? Les médias et leurs titres de cinq colonnes à la une destinés à augmenter leur tirage ou notre espérance de vie qui ne cesse de croître malgré toutes ces avanies. Difficile d’envisager la création là, où parait-il, tout se meurt. Doit-on croire toutes ces paroles qui viennent, en désordre, agresser nos oreilles et nos sentiments ?

Que nous reste-t-il ? Les yeux pour pleurer ? Ne soyons pas si pessimistes. Nos jeunes nous disent que nous vivons l’époque de la sacro-sainte communication. Il suffira d’appuyer sur le bouton pour que le dialogue s’établisse entre les peuples. Et qui dit dialogue dit entente et paix. Pourquoi pas ! Rares sont ceux qui n’ont pas leur téléphone à la main. S’ils ne parlent pas ils interrogent l’écran. Il est hors de question de laisser au repos ce merveilleux compagnon qui ne demande qu’à servir... Mais pas à tous… Tu vas comprendre mon cher miroir. Hier en descendant de mon bus, accompagné par d’autres personnes, nous vîmes un homme par terre, inanimé ou endormi, mais tous ont détourné leur regard et personne n’a appuyé sur le bouton. Dieu merci, l’homme s’est ébroué et a pu repartir en titubant vers son destin.

Quand je dis Dieu merci... Je me pose une autre question. Dieu ? Oui ! Mais lequel ? Chaque tribu a créé son totem. Chaque totem a donné naissance à sa religion et celles-ci ont toujours refusé d’admettre que l’on puisse avoir d’autres idées que les leurs. D’où les nombreuses guerres de religion qui ont émaillées les siècles passés. Des hommes se sont auto proclamés : Représentants des Dieux sur terre. A ce titre, ils se sont dépêchés d’édicter des promesses de paradis à ceux qui se prosterneront devant eux et l’enfer le plus terrible aux autres. Il n’était pas exclus que les récalcitrants soient soumis à un avant goût des punitions célestes pour que les fidèles se tiennent respectueusement à leur place. L’Inquisition avait créé le concept et les générations suivantes l’ont amélioré. De nos jours, malheureusement, rien n’a changé. Les ouailles en sont venues aux mains pour des problèmes de langue morte ou vivante. D’autres croyances ont adopté la violence. Tout ce qui n’est pas « Eux »  ne méritant pas de vivre, ils s’appliquent à éliminer ceux qui refusent l’esclavage. Certains font des pieds et des mains pour bénéficier du Feu du ciel. Je laisse à la compréhension de tout un chacun l’interprétation du sens de cette métaphore. Des philosophes écrivent qu’il faut confiner Dieu dans son temple et l’empêcher d’en sortir. Loin de moi l’idée de partager la paternité de ces mots qui à mon humble avis n’amènent rien à rien.

Dans le passé lorsque nous évoquions le futur, celui-ci nous promettait l’espoir de jours meilleurs et la réussite de nos ambitions. Aujourd’hui il nous fait peur. Que nous réservent les temps à venir ? Nous avons la guerre en direct. Les images des villes en ruine, où quelques rares passants essaient de survivre, sont notre quotidien. Les morts sont annoncés comme des scores de football. Une vie ne vaut plus qu’une vie... Rien qu’une vie, et on n’a plus assez de larme pour la pleurer.

Dans les pays en paix les ouvriers font leur guerre. Les machines modernes les repoussent dans leurs derniers retranchements. L’espérance salariale ne dépasse pas souvent, pour les employés, l’âge de quarante ans. Ensuite trop vieux pour être rentables ils deviennent un poids mort et une charge sociale pour l’État. État qui certainement ne tardera pas, un jour, à accorder un départ honorable et sans douleur à ceux qui auront l’élégance de se sentir inutiles…

L’eau ne nous épargne pas. La sécheresse se joint à la guerre pour créer la famine dans des pays écrasés par une canicule mortelle. D’autres régions subissent tellement les orages et les pluies diluviennes que les cultures sont noyées et les endroits de vie dévastés. Le soleil, astre de feu, sème ses flammes sur les forêts que l’homme n’a pas eu le temps de détruire. La planète se plaît à nous rappeler que, tout locataires que nous soyons, nous ne sommes rien. Elle tremble de plus en plus et ses volcans se réveillent en nous crachant au visage leurs torrents de lave incandescente et en polluant les cieux de fumées aussi noires que nos sentiments. Et...

Arrête, miroir mon ami. Ne parle plus ! Que dis-tu ? L’intelligence artificielle ? Par pitié laisse-moi terminer mon existence avec mes souvenirs. L’intelligence des hommes suffit déjà à leur malheur. Pourquoi en rajouter ?

Tiens ! J’y pense. Une petite note optimiste. Hier j’ai pris le Tram. Comme d’habitude, les usagers, visages fermés, pensaient plus à leurs soucis quotidiens qu’au bonheur d’être vivant. A un arrêt, une dame est montée dans la rame avec à la main une de ces petites valises qui servent au transport de nos compagnons à quatre pattes. Un petit miaulement timide et apeuré s’est fait entendre. Tous les passagers ont tourné la tête et un sourire a illuminé leurs yeux. Alors qui sait ? Peut être que...

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Rédigé par Fernand

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Publié le 18 Juin 2024

Aujourd’hui, j’ai 73 ans. Assis dans mon salon, je laisse aller mes pensées et je me pose mille questions. Que se passe-t-il dans ma tête, lorsque je regarde mon chemin parcouru. J’entends le tic tac, ce bruit que fait le temps qui passe. Ce bruit que l’on entend lorsque les maisons n’écoutent plus les bruits du dehors. Il est loin le temps de mon enfance où le monde vivait au rythme des saisons et où l’on prenait le temps pour toute chose, même le temps de s’ennuyer. L’enfance où tout nous paraissait loin, où l’espace temps semblait démesuré avant de devenir grand. On n’avait le temps et on prenait le temps.

Tic tac tic tac

Le temps de rire et de s’amuser dans la cour de récréation avec juste quelques billes ou quelques osselets. Je me souviens de nos parties de cache-cache où je profitais de ces moments pour ressentir mes premiers émois tout contre toi. J’aurais tellement voulu prendre le temps de t’écrire, mais comment peut-on dire « je t’aime » quand on a juste huit ans. Surtout de se dire qu’on a le temps, ce temps qui passe si vite et décolore nos cheveux du noir au gris puis au blanc.

Aujourd’hui le temps semble être la chose la plus importante de la vie des gens. Ils sont toujours en train de courir après lui sans jamais le rattraper.

Pour pouvoir le mesurer, l’homme a inventé l’horloge, puis la montre et aujourd’hui, elle est même connectée. Il est loin le souvenir du temps passé où le clocher du village sonnait les heures pour rappeler qu’il était temps de prier.

Le temps tout doucement, insidieusement, s’est infiltré dans notre vie de tous les jours, au point d’en devenir obsessionnel :

Tic tac tic tac

« Avoir le temps, prendre le temps, se ménager du temps, je n’ai pas le temps…»

Comme si le temps, lui qui est impalpable, était devenu une matière solide comme un objet que l’on transporte de-ci, de-là. Il devient même un remède pour soigner nos maux : « Avec le temps, on oublie sa peine », seul le souvenir lutte contre lui. Mais il arrive malheureusement que le temps gagne sa lutte. Il change de nom, il s’appelle Alzheimer. Il efface les souvenirs à mesure qu’ils apparaissent. Il a le pouvoir de changer toutes les choses, il transforme et détruit la beauté : comme disait Ronsard « Mignonne, allons voir si la rose… » Elle qui aujourd’hui utilise des crèmes miracles contre les méfaits du temps. L’amour s’érode avec le temps

Passe, passe le temps

Je ne l'ai pas vu passer

Arrêtons-nous un instant

Pour un moment encore se regarder

Prenons le temps de « regarder ensemble dans la même direction »

 

Tic tac tic tac

De nos jours, le portable, révolution de la communication, nous permet de communiquer, mais souvent par mail, SMS ou Wattsapp.

On écrit tout en abrégé, on déclare« Je t’m » pour gagner du temps. Fini les lettres, les cartes postales, l’ordinateur a supprimé l’écriture à la plume. On utilise la reconnaissance vocale. Restera-t-il un jour des lettres d’amour jaunies par le temps que l’on retrouve enveloppée dans un papier de soie.

Le temps s’est associé à l’informatique et on ne prend plus le temps de se voir, de se rencontrer. On se regarde à travers les réseaux sociaux, les Facebook, Twitter.., eux qui remplacent la convivialité par la solitude devant nos écrans.

Le temps est présent dans toutes nos activités

Dans le monde du travail, il s’est même donné un nom « rentabilité », asservissant les gens dans une activité mécanique sous la pseudo-vérité que « Le temps, c’est de l’argent ». Dans les grandes surfaces pour soi disant gagner du temps, on supprime l’humain par des caisses automatiques. La famille du temps s’agrandit, elle s’appelle « profit ».L’argent rime avec le temps.

L’argent, cet être immatériel qui laisse croire à celui qui le possède qu’il est immortel et pourtant, le temps ne se conjugue qu’au moment présent, le passé est oublié et le futur peut disparaître. Cette incertitude sur le devenir était déjà dans la pensée d’Alphonse de Lamartine :

« Ô temps, suspends ton vol ! Et vous, heures propices, suspendez votre cours ! Laissez-nous savourer les rapides délices des plus beaux de nos jours ! »

Tic tac tic tac

Ce désir de vouloir arrêter, marquer le temps comme pour devenir immortel, les peintres Monnet, Manet, Matisse et les poètes Ronsard Rimbaud nous ont laissé dans leurs livres et sur leurs tableaux, la trace de leurs pas sur le sable de leur vie. Daguerre et Niepce ont su, avec la photo faire d’un instantané une éternité, un arrêt sur image, en laissant l’empreinte d’un moment de vie sur une émulsion, sur une plaque de verre. Ils ont su arrêter le temps.

Tic tac tic tac

C’est dans les voyages que l’homme a gagné sur le temps. Hier il fallait des heures voire des jours pour se rendre vers une destination lointaine. Le progrès des transports a raccourci l’éloignement et les dimensions du monde.

Tic tac tic tac

Les informations se diffusent à la vitesse du son, elles se bousculent sans vérification. On ne prend plus le temps, Trop d’information nuit à la réflexion, à l’analyse. Le temps dissout notre sens critique. Le savoir s’estompe sous couvert qu’il faut aller vite.

Tic tac tic tac

Le temps, lui, utilise le développement des techniques pour toujours se rendre indispensable.

Fini le téléphone fixe, les cabines dans les rues, il faut gagner du temps et pouvoir se joindre à tout moment

Avant, on prenait le temps de se parler, de discuter, d’échanger avec ses amis et si on n’était pas là, ils prenaient le temps de rappeler,

« Aujourd’hui peut-être ou alors demain »

Le temps n’avait pas d’importance, on avait le temps…

Tic tac tic tac

Parfois, il nous arrive de vouloir prendre le temps. C’est le moment des loisirs, des vacances où tout est permis et où l’on peut conjuguer les verbes traîner, dormir, jouer, rêver, lire et même, ne rien faire. On prend le temps d’oublier les aléas de la vie, de vivre le temps présent. Mais même dans ces moments-là, il ne nous oublie pas. Il semble s’accélérer pour nous rappeler que tout cela n’a qu’un temps et qu’il est temps de reprendre le slogan de la vie « métro, boulot, dodo »

Tic tac tic tac

Accélération: « Je n’ai pas vu le temps passer ». La jeunesse s’est enfuie, elle qui se croyait éternelle. Le temps a marqué nos visages de fines rides et de quelques cheveux blancs. Puis le poids des ans nous entraîne vers le moment de la retraite où l’on pense ne plus avoir de contrainte ni d’obligation. Pourtant, c’est le temps où l’on n’a jamais le temps, car on remplit au maximum notre espace temps, comme pour fuir la réalité du moment

Tic tac tic tac

Rien ne l’arrête, il continue son chemin, nous entraînant vers la vieillesse. Ce moment de la vie où les enfants n’ont pas toujours le temps de s’occuper de leurs parents. On a inventé pour cela des maisons de retraite où le temps prend son temps pour étirer à petits pas les jours, les journées. Le temps semble s’ennuyer dans ces maisons. Il s’amuse alors à faire croire à l’éternité en écoutant le tic tac de la pendule qui égrène la prière de la vie.

Tic tac tic tac

Puis un jour, il s’occupe de tout, du billet, des bagages pour nous emmener vers ce pays que l’on appelle « la mort ». Alors enfin, dans ce pays-là, le temps ne compte plus.

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Rédigé par Bernard

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Publié le 17 Juin 2024

 

Des citoyens, un environnement, les collines de Nice, voilà quelques ressentis sur une époque révolue

Pour un lecteur, ce récit

 

LE JARDIN DANS LA VILLE

 

 

ETE 1980

 

6 heures : Bêh.... Bêh résonne et réveille la vallée endormie et moi la famille ! ça me crispe les oreilles ce bêlement intempestif et acide, je m'étire et sors ; dehors, un matin frais nous saisit au saut du lit, une frange de brume transpire ras du sol annonçant une belle journée ; voilà les bêlantes Rani / Swami il manque Shunaam qui fugue pour retrouver Salomon son bouc dans le vallon.

— Quoi les filles ?

— Oh ce trait noir, oh ce regard jaune et goguenard ; cette barbiche frémissante me mâchouille sa gomme entre deux béguètements improbables... Bon, ces bêlantes sont diablement sottes.

— Puisqu'elle est en bas où tu vois un problème ?

— No problème, mes chéries, mais vaut mieux s'assurer de la chose... De toute façon, elle reviendra grosse !

 

Ces années-là sont perdues et jeunesse aussi ! Les collines, combien de fois les ai-je parcourues en marchant, sans jamais me lasser, par les sentiers odorants selon les saisons, elles sont toujours un enchantement ; l'hiver, s'aventurer sur la terre durcie pour l'installation des filets aux pieds des oliviers, c'est un peu de travail, mais le filet fait la cueillette avec efficacité ; au printemps les orchidées sauvages avoisinent les boutons d'or, les pâquerettes, les marguerites et les campanules et les ruisseaux chuchotent par éclats d'argent pour se rejoindre dans la vallée. Cheyenne, notre chienne, se vautre et s'ébroue dans la crotte et va aboyer après rongeurs et insectes, l'air est chargé de miel ! Les cerisiers vieux, mais blancs de fleurs bourdonnent d'abeilles et dans la saison d'été, on foule avec bonheur l'herbe mêlée de coquelicots afin d'atteindre, en grimpant sur l'arbre, les cerises noires et juteuses en hurlant les potins du jour ; les figues, petites et moelleuses, sont ramenées pour la confiture et, au potager, ce monstrueux compost recouvert de courgettes mignonnes et autres merveilles que l'on n'a jamais fini de goûter, croquer, cuisiner ; tout ça couronne un été en beauté ; la mousse en automne suintant son goutte-à-goutte dans le silence de cette voûte arborescente où l'écho de la ville semble si proche si lointain nous isole ; mille sons amortis en une paix qui me colle à la peau et me dilue et me lie à la terre, moi la famille.

Oui vraiment notre âme appartenait à cette terre, aux hivers de débroussaillage, aux feux, aux pommes de terre dans la braise... A l'effort et aux promenades ! s'oublier de soi était humilité et bonheur ! une qualité d'échanges qui n'a plus cours, car l'individu paupérisé trouve sa raison d'être autrement ; autre temps, autres mœurs... Revenons à nos chèvres :

 

Avec ses fugues, Shunaam nous habitue à fréquenter le vallon dans le sens Rimiez/St-André, nous serpentons sagement le long de petits murets de pierre recouverts de lichen jaune d'or et scellés de fougères de violettes de sedum acre ce raccourci qui nous descend en lacets sur la route vers le Paillon. Voilà les restanques aménagées par les paysans qui empruntaient à dos de mulet le sentier pour le transport des légumes. Sur ces plateformes se trouvent figuiers ronces sauvages délicieuses, mais aussi cerisiers, noisetiers noyers néfliers amandiers caroubiers arbousiers et la reine de Nice : l'Olivier ; des vestiges de vigne, dont quelques plants subsistent à travers la sauge et le romarin, donnent un raisin âpre et délicieux ; situé sur le versant à l'est, les matinées sont un spectacle renouvelé chaque matin comme un grand bonjour au voyageur...

 

Le sentier traverse ainsi un vieux rosier enivrant dont les pétales rouges sur le sol accompagnent notre avancée. Dans le matin calme, nous apercevons une silhouette de blanc vêtue, tel un piquet qui marque sa propriété, plantée là, dans l'herbe haute, serein, il attend ! La chienne le rejoint en dansant et autour de ce piquet, s'y frotte et s'étale sur le dos, joyeuse ; on s'approche :

 

- Jean-Baptiste... nous avons fait sa connaissance il y a des années déjà à cause de nos bêtes, mais pas que... Il est vieux à présent, ossu et robuste à la fois, peau tannée et visage buriné dans lequel l'intériorité du regard se devine incisif sous les plis des paupières, la cigarette a l'oreille qui tient par la grâce du... saint esprit, comme la dent qui lui reste, c'est Jean Ba ! comment il vit là tout seul entre son bouc et ses légumes, mystère ! En vérité, il passe l'hiver au village, la famille l'héberge moyennant quelques services. Ses activités me subjuguent tant elles semblent hors temps, mais justes et vitales ! Jean-Baptiste était peintre ouvrier et travaillait pour la commune ou autre commanditaire. A la retraite, il obtient le droit de résider là, veillant au bon fonctionnement des circuits de rando, en ces lieux un peu sombres et mystérieux ; en charrette, il a descendu ses outils et des affaires de chantier. Ici, il fait acte de présence, voilà la singularité de ce bonhomme terriblement souriant.

 

- Salut Jean-Baptiste, ben, tu imagines pourquoi on est là ?

- Salut la famille ! hum, la Shunaam est en résidence secondaire, elle a filé avec Salomon ; je les ai vus sur le versant en face... c'était pas la peine de descendre, elle remontera seulement à l'heure de son bon plaisir.

— Je te crois, Jean... ça nous fait plaisir de te revoir, tiens pour ton bouc : une pierre de sel.

— Vous voulez un verre d'eau ? Après la descente... on a soif !

– merci

Bonheur d'un échange, oh combien simple et gracieux.

 

La maison est un poème : le sentier de randonnée passe par sa cuisine, le ruisseau n'est pas très loin non plus et tout un chacun peut arriver là pendant qu'il fait la sieste ou la cuisine, pas de problème, on finit par s'asseoir dans les fauteuils en skaï rouge à discuter le bout de gras, à s'inquiéter du temps qui change si vite, des orages... à boire un coup, on finit par déjeuner d'un quignon et d'olives, à ne rien faire si ce n'est d'écouter les silences ! Ainsi le visiteur sait percevoir l'expression de l'artiste dans ces rideaux colorés aux fenêtres et murs ; il y a aussi des toiles brossées largement à la chaux qui hantent les lieux, enfin l'ensemble de l’œuvre est cohérent et lumineux et procure un bien-être stimulant ; et, bien assis, on médite carrément dans le mobilier refaçonné pour son confort ou celui d'un éventuel visiteur.

- Je me souviens, il y a longtemps, de ce chantier vers G... j'y suis resté neuf mois, dit-il en ébauchant un sourire, je ne pouvais pas le quitter, dormais et vivais sur place. Les équipes diverses se sont succédé et ont bougé pour ce lieu qui s'est monté doucement au fil de nos rêves et de notre fatigue, il a fallu ce temps de gestation pour le comprendre, l'amener au jour et l'aimer ; il en est sorti des espaces soyeux et lumineux, vibrants d'un confort total et minimaliste, je me suis quitté en lui il y a longtemps !

En ce moment, explique-t-il, je pense à un peintre des années 50, un néerlandais ! Je suis tracassé et le ressens particulièrement dans le corps ; ce chantier, dont je vous parle, se présente à ma mémoire tel un boomerang.

Jean-Baptiste fait une introspection, son fonctionnement habituel est dérangé !

 

Besoin de reprendre sa pratique du début ! Et ça date ! Alors, il travaille sur lui-même et sa souffrance ! Raviver les vieux gestes si familiers, dégrafer les vieilles toiles des châssis et les revêtir de lin de qualité trouvé dans son ménage. Il remet tout le processus d'enduction sur le tapis : la colle de peau de lapin au bain-marie, la surveillance des températures, l'encollage croisé au spalter, le respect des temps de séchage entre les couches, les ponçages, etc. jusqu'au rendu final de la toile qui est tendue comme une peau de tambour ! Puis, passer à l'impression avec sa recette personnelle à l'ancienne ; voilà ! de la musique pure ! son œuvre la plus aboutie sans contestation aucune, le reste étant superflu ! vide et action de grâce pour la plénitude de cette mission ; au fond, il n'a jamais arrêté d'être ce qu'il a toujours été puisque peindre est son affaire ici où là, le besoin, le désir, la pulsion, la rage l'amènent à l'essentiel... Il est très occupé et a beaucoup de choses à ne rien faire et les chèvres peuvent s'amuser tant que leur horloge biologique les convoque, nom d'un petit bonhomme !

 

Jean-Baptiste énigme attachante, troublante ! se quitter une fois de plus, telle est son aspiration ! en retournant toute la maison, il commence un ménage conséquent dans ce bordel ; dénombrement des outils disposés selon leurs catégories, inventorier ce qui reste, il tente d'y voir plus clair ; serein et radical, il prend son temps ; il peut durer des années ce voyage s'il en ressent du... plaisir, mais il nous confond : ce dépliement ou dé-froissement de matières accumulées dont il dévoile doucement les remugles du temps comme des bijoux, les traces de crasse dessinant le parcours des années imprimées à jamais sont plus révélateurs que tout témoignage... C'est à peine soutenable... Tout interroge sur ce personnage précieux que l'on remarque parce qu'il fait ses adieux par à-coups à son val tant aimé et une sorte de pitié dangereuse nous accable et nous refroidit le corps tant cette évidence impitoyable nous ramène à notre humanité balayée comme poussière ; un pressentiment et je deviens Jean-Baptiste ; je le perçois plus que je ne le vois ; ses gestes lumineux, brusquement, requièrent une autre dimension : le rituel de la vie, le désir et la joie, le rire et l'art de la joie et pleurer et avoir du plaisir me submergent en un chant d'amour que libèrent la Cheyenne et la suite familiale, Jean-Baptiste rythmant la cadence avec les pieds et les cadres bien tendus...

 

Mais nous sommes au XXIe siècle, et tout cela est suranné... Vogue la galère.

 

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Rédigé par Marie-Thérèse

Publié dans #Les concours

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Publié le 3 Juin 2023

 
Parfois, sur le chemin de la vie, nous sommes confrontés à une tragédie difficile à surmonter. Là tu rentres en scène :
Tu avais quatre mois, lorsque tu as débarqué dans ma vie. Dans ta cage, tu étais très calme, les yeux tristes grands ouverts, tu semblais curieuse ; tes compagnons de fortune, eux, étaient très agités, ils aboyaient sans cesse ; toi tu regardais avec un peu de méfiance ces personnes qui traînaient dans cet endroit sordide que l'on dit : refuge.
Je me suis approchée du grillage, je t'ai parlé doucement ; lentement tu es venue vers moi, avec prudence. En guise de bonjour tu m'as léché les doigts, avec minauderie tu as penché ta tête sur le côté, avec un air pensif qui voulait dire «  je te plais » ?
Les larmes aux bords des yeux, je n'ai pas hésité un instant. Je savais que c'était toi.
 
Ta robe était très jolie, faite de trois couleurs, noire, fauve et blanche. C'était très seyant. Tes longues oreilles encadraient ton museau d'une façon romantique.
J'étais très contente de te ramener à la maison. J'espérais que les enfants seraient heureux d'avoir un compagnon pour jouer, surtout un confident vivant.
Lorsqu'ils t'ont accueillie, le sourire est revenu. Par la suite, tu as su franchir toutes les étapes de séduction par de petits gémissements et coquetteries, tu as fait ta place dans la famille.
 
C'est ma tante Yvonne, sur la route du retour, qui t'a prise sur ses genoux, elle te rassurait par des mots gentils et des caresses. Je crois que tu n'as jamais oublié ces instants, même des années plus tard. Lorsque tu la voyais apparaître au bout de l'avenue, tu courais, avec tes oreilles en bataille, lui faire des fêtes. A croire que ton instinct te rappelait la fin de ta prison au refuge.
 
Combien de fois, le matin, quand j’étais assise devant mon café, mon cœur en bandoulière, pensive et désemparée, tu venais mettre ton museau sur ma cuisse, avec ton regard de chien battu. Tu me donnais des petits coups de pattes pour me ramener à la réalité. Alors je te racontais mes peines, que je cachais, tu me regardais et manifestais des gémissements pour me parler. J'aurais bien aimé, dans ces moments-là, savoir ce que tu voulais me dire…
Tu percevais les sentiments qui me traversaient. C'était un grand moment de tendresse.
 
Avec les enfants, vous avez grandi ensemble, tu étais très espiègle. Cent fois, tu as rongé les talons de mes chaussures. Ton grand plaisir était de monter sur mon lit dès que nous partions à l'école et au travail, je pense que tu te rassurais de sentir mon odeur.
Lorsque je rentrais le soir, parfois, tu dormais à poings fermés. Je te surprenais. Prise en faute, tu sautais du lit et allais te cacher sous ta couverture. Cela me faisait rire, on aurait dit un enfant lorsqu'il est puni.
 
Les souvenirs qui m'environnent sont des images de toi, animal vulnérable, perdu, qui a trouvé une famille et lui a tant donné.
Le mercredi, Yoyo passait l'après-midi couché sur le parquet, toi, allongée près de lui ; il te confectionnait « ta carte d'identité ». Pour cela, il s'était muni d'un centimètre de couturière pour mesurer tes pattes, le museau, les oreilles ; il écrivait sur un carnet, le nom, prénom, taille, date de naissance, toi, tu te laissais manipuler dans tous les sens, les quatre pattes en l'air.
 
Tu étais à l'époque une grosse boule de poils, tu surveillais tous les faits et gestes des enfants qui jouaient aux soldats assis à terre, tu faisais semblant de dormir d'un œil.
Je crois que tu veillais sur eux. Le plus petit jouait beaucoup avec toi. Cricri, lui, te faisait beaucoup de caresses, mais son cœur était à l'envers, tu avais plus de mal à le distraire, son papa lui manquait, il se réfugiait dans les livres.
 
Le soir, c'était le rituel, le moment privilégié de lire une histoire avant de s'endormir. Naturellement, tu venais nous rejoindre dans la chambre, tu posais ton museau sur le bord du lit, tes oreilles bougeaient à l'intonation de ma voix, ton regard suivait le mouvement de mon bras lorsque je tournais les pages. Ta fidélité ressemblait fort à du réconfort. Tu savais si bien apaiser les tensions.
 
Parfois, je grondais les enfants lorsqu'ils se disputaient, tu venais alors vers moi, tu sautais sur mes jambes pour attirer mon attention, quémandant une caresse. Je te parlais, tu écoutais mes angoisses, avec ma cuirasse en lambeau, tu apaisais mes émotions trop fortes. Tu étais une présence rassurante et fidèle.
 
Te souviens-tu de cette anecdote, lorsque tu as sauté sur le dos de Yoyo qui était accroupi entrain de jouer près de la bordure de pierres séparant la terrasse du jardin ? Il avait treize mois, toi aussi, la peur m'avait envahie, il s'était ouvert le front, son visage était entièrement recouvert de sang. Affolée, j'ai appelé ma tante Yvonne qui habitait à l'étage, nous sommes parties en courant chez le médecin, dans l'immeuble en face de la maison. Je revois encore aujourd'hui cette image et je ne peux m'empêcher de sourire devant la situation burlesque. J'avais mon enfant dans les bras, derrière ma tante, puis ma mère, puis mon autre fils et le chien. Le médecin a ouvert de grands yeux étonnés en nous voyant tous devant sa porte à la queue leu leu.…
 
J'ai le souvenir aussi des matchs de foot, vous étiez plus grands, six ans environ ; la partie finie, ta langue pendait jusqu'au sol, tu te précipitais sur ta gamelle pour te rafraîchir. Yoyo était rouge écarlate, les cheveux collés sur le front, son tee shirt mouillé de transpiration. C'était un vrai cadeau de voir cette complicité.
 
Le soir, quand je rentrais en voiture, ma mère me disait :
– Je savais que tu allais arriver, Rika va et vient depuis plusieurs minutes, elle n'arrête pas d'aller devant la porte avec des gémissements.
Je n’ai jamais compris cet instinct, tu semblais savoir l'heure de mon arrivée. Ce n'était certainement pas mon odeur tout de même, j'étais à sept cent mètres de la maison lorsque tu commençais à s'agiter. Dès que j’entrais, les démonstrations d'affection étaient très intenses. Il fallait un bon moment pour te calmer.
 
Nous avons vécu bien d’autres anecdotes avec toi.
Ta disparition dans la forêt en Autriche, on était en vacances, tu avais sauté par la vitre ouverte de la voiture. Les enfants jouaient sur le siège arrière avec les playmobils, Cricri avait enlevé la laisse attachée à son poignet pour prévenir l'incident. Personne s'en est aperçu. Cette histoire s'est bien terminée, après beaucoup de péripéties, émotions et pleurs.
 
Un jour de printemps, tu as pris la tangente pour aller flirter avec le copain du jeu de boules en face de la maison. Tu étais la plus dévergondée des chiennes. Je ne te laissais pas souvent le plaisir de t'évader sans la laisse. Ce jour là, à peine sortie de la maison, tu as couru au bout de l'avenue, avec ton copain qui t'attendait sur le trottoir. J'ai couru le plus vite possible. Arrivée au bout de l'avenue, c'était trop tard, tu avais perdu ta virginité.
Panique ! Je téléphone à mon bureau pour signaler mon absence. Ensuite, j'ai pris rendez-vous dans l'immédiat, car il fallait agir très vite, c'était dangereux pour toi, à cause de ta hernie ombilicale. Tu ne pouvais pas mener une grossesse à terme. Tu en aurais perdu la vie. J'étais déjà informée, c'est pour cela que je veillais à ne pas te laisser partir vagabonder. Ce fut une grande épreuve pour toi, je me sentais responsable de ton état dépressif. Tu as fait, quelques temps, après une grossesse nerveuse, tu pouponnais avec le doudou des enfants, tu étais très malheureuse. On a redoublé les caresses. Tu profitais aussi de la situation pour te gaver de douceurs. Ta joie de vivre est revenue.
 
Par contre, tu étais une douillette. Lorsqu'on allait à la campagne dans le Var, tu nous menais la vie dure avec tes caïn, caïn,caïn le long du trajet. Je te libérais sitôt arrivée dans le chemin de terre où tu ne risquais plus de te faire écraser. Comme une folle tu courais dans tous les sens, tu allais, tu revenais vers nous, joyeuse et fofolle comme d'habitude.
Soudain, Cricri, me dit :
– Maman, tu écrases Rika !
Panique ! J'avance... caïn, caïn, je recule... caïn caïn, je ne sais plus, je pleure, je descends, je regarde sous la voiture, angoissée.
Oh ! Douillette de douillette ! Pour quelques poils de ta queue pris sous la roue arrière de la voiture, tu m'as fait virer le sang. Ouf ! Quel soulagement, des caresses en cascade, des fêtes en veux-tu en voilà.
 
Tu nous en a donné des peurs de te perdre, mais aussi, nous avons reçu des moments d'affection magiques, remplis de tendresse et de douceur. Ma Rika, tu as été une compagne extraordinaire. Tu resteras dans mon cœur à jamais.
 
Aujourd'hui, tu n'es plus là. Tu avais douze ans, lorsqu'une maladie foudroyante m'a privée de l'attachement intense que je te portais. Ton empreinte est toujours là, souvent je pense à toi, surtout lorsque je regarde des photos où tu poses, fière, avec nous.
 
Ils ne s'effaceront jamais de ma mémoire ces instants où j'ai toujours plaisir à te voir courir, les oreilles au vent, dans un grand champs ensoleillé couvert de fleurs, à humer l'air de la liberté.
 
Fin
 
Arlette

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Rédigé par Arlette

Publié dans #Les concours

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