Personnage
Melinda de Gallière
Melinda de Gallière est une jeune femme de vingt quatre ans, de longs cheveux noirs bouclés qui lui tombent en bataille aux épaules comme des herbes folles. Une peau diaphane, presque laiteuse, poudrée de rose sur les joues.
Des yeux vert émeraude. Des lèvres fines de couleurs pourpre. De taille moyenne, une stature fine, élancée, des courbes féminines très généreuses, et une poitrine imposante.
Elle est la fille unique de Pierre-Jérôme de Gallière président d’un grand groupe pharmaceutique et Giovanna Montecasillo avocate d’affaires. De ses parents elle a acquis une éducation stricte basée sur le respect, l’importance des études afin d’accéder à une bonne notoriété professionnelle. Au travers ce constant souci d’excellence elle a récolté un caractère inquiet, en perpétuelle remise en question permanente. Et pour parachever tout cela, ces crises existentielles lui procurent de manière incontrôlable et imprévisible, de désagréables flatulences.
Elle appréhende le regard des gens en général et celui des hommes en particulier, dont elle ne peut réprimer qu’une grande timidité et méfiance à leurs égards, vis-à-vis de sa position sociale, familiale et surtout par rapport à ses formes. Elle demeure de nature solitaire et mélancolique. On ne lui connait qu’une seule amie, Natacha dont elle est très proche, sa confidente vers laquelle elle n’hésite pas à se tourner sans crainte.
Elle profite de cette croisière sur le Rhône afin d’obtenir les bonnes réponses à son grand choix de vie déterminant qu’elle s’apprête à entreprendre : consacrer sa vie à Dieu, rentrer dans les Ordres et prononcer ses vœux, d’obéissance, chasteté et pauvreté.
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INSTALLATION
« Coucou Natacha, c’est encore moi, je t’ai appelé déjà 2 fois sans laisser de message, ce coup-ci je le fais.
Je suis bien arrivée à Arles, je me suis fait une petite pause près des Arènes, et là je suis devant le Commedia dell'arte. J’attends pour l’embarquement et… je te rappelle »
« Désolé d’avoir coupé, je devais donner mon billet et je le trouvais plus dans mon sac. Fin de l’alerte. En plus le type qui faisait le contrôle il n’arrêtait pas de me dévisager… Saoulant ! Bon, sinon le bateau il est top, une jolie péniche, sur les photos elle semblait plus petite.
Merci pour m’avoir écoutée toute la soirée hier, j’espère que je ne finis pas par te fatiguer avec mes raisonnements lourdingues. Bon je te laisse, je te rappelle plus tard. Bisous »
« C’est encore moi, bon, je vais faire la causette à ton répondeur encore une fois. Je suis dans ma cabine, petite mais je peux bouger. Remarque, si je dois me retrouver dans un monastère ça va m’aider.
Juste avant de rentrer, je n’arrivais pas ouvrir la porte ; un type, il m’a donné un coup de main pour y parvenir, après il a commencé à me faire la causette, bon du genre sympa, j’avoue, il est pizzaiolo, si je me souviens bien, mais au bout de cinq minutes, je voyais son regard faire de discrets allers-retours de haut en bas de mon visage, ça plongeait plus que ça remontait… enfin tu vois ce que je veux dire. Du coup je me sentais de plus en plus mal à l’aise, je l’ai laissé en plan en filant direct dans ma cabine. Il a dû me prendre pour une folle ou je ne sais quoi. Qu’est ce que tu veux, tu me connais, tu le sais, moi quand je stresse, je pète. Bon je te laisse bisous »
« Je viens de voir tes deux appels en absence, désolée. J’étais sur le pont je profitais du coucher du soleil sur le fleuve, et mon téléphone est resté sur ma couchette. Je sens que ça recommence à fourmiller dans ma tête, je ne vais pas beaucoup dormir cette nuit. La Mère supérieure qui s’occupe de mon dossier vient de m’appeler, elle m’invite à prendre mon temps avec sagesse pour cette grande décision.
Il va falloir aussi que j’en parle enfin à mes parents, ça m’angoisse déjà. Tu n’as pas idée combien ça gargouille dans mon estomac. Je me retiens, les parois sont fines ici, on risque de m’entendre. En plus mon voisin c’est le pizzaiolo. Double honte sur moi. Bon je te laisse bonne nuit à toi .
Ah oui j’oubliais, je ne sais pas si c’est un signe mais ma cabine c’est la SEPT.
A demain »
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Quelque part sur le Rhône…. Le 8/11
Ma chère Natacha,
Je m’apprête à me coucher mais je ne pouvais l’accomplir sans te donner de mes nouvelles. Comme la connexion du téléphone est quasi inexistante ce soir, je l’accomplis au travers de cette lettre que je te posterais demain, à notre escale. Promis.
Cette première journée vient de s’achever avec délice et légèreté. Je ne pouvais espérer meilleur moyen pour m’aider à trouver mes fameuses questions. Dommage que je ne puisse te les envoyer avec ce message mais ma cabine embaume le parfum de la flore des berges que la péniche longe. Les arômes des herbes sauvages se faufilent au travers mon hublot entrouvert, ils se diffusent avec la douceur et justesse d’une écharpe de soyeuse sous mes narines.
Les senteurs de la terre humide, les effluves iodées de la mer à l’opposé du canal s’invitant dans le sillage, avec en écho la musique feutrée du fleuve qui s’écoule de part et d’autre de la coque du navire, m’offre comme une sensation de volupté presque virginal. La sensation primaire qui marque la mémoire quand on découvre un monde neuf et inexploré.
Tout à l’heure j’ai dîné à son invitation, avec le Capitaine Paul, je te parlais de sensation primaire, figure-toi que c’est son premier voyage dont il assume la responsabilité, seul maître à bord, juste après Dieu, comme on dit. Mon autre partageur de table, avec sa barbe naissante, ses yeux noisette et un petit embonpoint c’est mon fameux sauveur de porte ; Lucas. Finalement il s’avère agréable compagnon de balade. Il se passionne pour les fleuves, les écluses et il ne sépare pas d’un petit carnet dans lequel il ne cesse décrire je ne sais quoi. Peut être des poèmes qui me seraient destinés ? Je ne les lirais sans doute pas, je ne suis vraiment pas pour ça !
C’était réellement agréable ce repas sur le pont, le soleil couchant peignait le ciel de couleurs tantôt orange, pourpre et feu. Une brise venait poser par effleurements discrets son souffle tiède et feutré sur mes épaules, avec la grâce d’un plume pour imprégner de son sceau son passage fugace. Quand Lucie, la personne dévouée à nous concocter nos repas, nous a porté l’entrée, celle-ci, s’accordait parfaitement aux paysages qui défilait tout autour et au-dessus de nous, un œuf poché, une sorte de mousse, aérienne, un peu sucré et suave, réhaussée par la pointe juste ce qu’il fallait de la sauce au vin.
A mesure que le soir tombait les fresques célestes arboraient des nuances plus foncées, le sol se parait d’ocre, et sur les flots Rhodanien se parsemaient des écailles bleues presque métalliques sur lesquelles venaient de refléter les ombres fugaces d’un vol de flamants roses qui nous survolèrent en cancanant. Absorbée par tout ce manège visuel, auditif et olfactif, j’en ai omis la suite du repas, même presque refroidi, le saumon même un peu trop cuit pour moi et son accompagnement de lentilles, l’agréable arrière-goût suave de noisette torréfié, faisait le boulot pour revitaliser mes papilles gustatives. Et quand la pleine lune finalement s’est proposée de nous surmonter comme un illustre lampadaire interstellaire, la saveur rassurante de la coco du dessert et l’acidité frivole du fruit de la passion, tous ces ingrédients mixés ensemble, chacun porteur de leur propre, ma faim en fut comblée.
Je m’aperçois t’avoir peu faire part de mes compagnons, mais même si nous avons pu échanger de simples politesse, je reste sur ma réserve à leur égard. Tu me connais …
Comme la fraîcheur nocturne s’annonçait, j’ai regagné ma cabine.
Je sens que le sommeil tape à ma porte.
Je vais te laisser et rejoindre mon oreiller qui me réclame avec fracas.
Hâte de te reparler au plus vite.
Je t’ embrasse
Mélinda
Ps : Finalement je ne suis pas mécontente d’avoir choisir cette mini croisière. A l’agence il m’en avait proposé sur un gros bateau, le Comté de Provence mais c’est surtout de vieux et vieilles grincheuses qui se destinent à ce genre là.
Pas pour moi…
Je te re embrasse
Melinda
Aux marches d'un palais
Mon portable affiche la date du 9 Novembre.
Je viens de regagner le pont de la péniche qui entame son accostage sur le quai de débarquement et la matinée affiche déjà de belles promesses. A côté de moi, Lucas surveille la manœuvre avec la curiosité d’un môme planté au beau milieu d’un magasin de jouets tous les plus extraordinaires les uns des autres. On se parle peu, plus par discrétion que par timidité, mais quand il aborde sa passion pour les bateaux, les écluses, son enthousiasme le gagne et son verbe s’enflamme, de même que son regard. Et son petit carnet vert se met au boulot.
Notre vaisseau amiral conclut sa manœuvre et le ronronnement du moteur s’étiole avant de laisser place au murmure de la brise douce du Mistral, le maître vent qui fripe la surface du Rhône pour ensuite tapoter nos joues d’un revers de souffle. Avant de partir je n’avais pas trop étudié l’itinéraire de notre périple et c’est avec surprise que je découvre notre halte : Avignon. J’aperçois le fameux pont, du moins ce qu’il en reste, et la comptine se met à résonner dans ma mémoire, je me surprends à la fredonner du bout des lèvres.
Mais je ne peux surtout pas m’empêcher de me rappeler avec encore plus de conviction de son histoire papale.
Comme si inconsciemment tous les petits cailloux semés par mes interrogations m’amenaient à trouver en temps et en heures mes propres réponses.
Avec le Capitaine Paul et Lucas, nous débarquons, laissant la surveillance de la Commedia Del Art à Lucie notre cuisinière. Cap au sud vers le centre-ville, le soleil commence à rejoindre son zénith et les pierres blanches de la vieille ville se parent d’ocre et or. Quelques minutes de marche plus tard, au détour des ruelles et commerces en tous genres, je stoppe net. Mon regard entame une lente ascension, à mesure que ma respiration se met en suspension, limite apnée. La Palais des Papes s’étale devant moi, majesté silencieuse, témoin séculaire d’un passé ecclésiastique qui me touche, m’interpelle, depuis fort longtemps. Le premier mot qui me vient : Oh !
Cette insolence instinctive soudain me gêne rapport à mes compagnons de randonnée. Je les avais presque oubliés, et je reste consciente que ma fascination spirituelle, qui forge ma foi intérieure, ne les anime aucunement.
Sans hésitation je me dirige vers l’entrée pour la visite, seul Paul me suit dans cette perspective, Lucas préférant continuer la déambulation dans la ville et ses écluses. On se donne rendez-vous pour le déjeuner.
On entre et le monument nous conte enfin son passé gothique, nous révèle sa légende, les étapes, les techniques de sa construction presque millénaire. Chacune des vingt-cinq salles qu’il abrite, possède son récit fossile, de même que les appartements privés des Papes de jadis. Durant ces quelques heures à la parcourir, en dedans des voix me parlaient, j’en oubliais mes peurs, mes suppositions maladroites, tout n’était que vérité et clarté ? Comme si ces Murs anciens chargés de Passé immortel déchargeaient leurs pouvoirs énergétiques sur moi, le poids du Temps, le poids de l’âme.
Ivre de cette virée, une fois dehors, avec le capitaine Paul, l’allégresse sur mes semelles, on a rejoint Lucas.
Attablés juste en face du Pont, on a commandé des pizzas, qui de l’avis de Lucas, expert aussi en la matière, ne s’avéraient pas top, que lui-même savait mieux les faire, ce que je crois aisément. Un verre de rosé, l’émotion toujours vivace sans trop réfléchir, le bien être de l’instant, sans retenue, à mes deux compères du jour, je me suis mis à leur raconter mes histoires. Ma volonté de rentrer dans les Ordres, de ma dévotion, ma foi, mon amour de Dieu. J’ai parlé, parlé, et une fois mon silence revenu à la normal, j’ ai découvert sur leurs visages une réelle surprise bienveillante, et on a trinqué tous les trois. Les effluves du breuvage aidant, le soleil, le vent du sud, l’audace aussi, une main s’est emparé de la mienne, celle de Lucas et le panorama jouant le rôle, il m’ a embarquée dans une sorte de valse, pas sur le Pont, juste en face. Pour ne pas faire de jaloux, j’ai dansé avec Paul. Comme le ciel se teintait peu à peu d’orangé, on a repris le chemin de notre tanière fluviale.
Ce soir le Rhône est un hôte merveilleux.
Je regagne ma cabine , et avant de m’ endormir je n’ai qu’une hâte, te raconter tout cela Natacha.
La lettre
A mon bien mystérieux messager ;
Je lis et relis pour la deuxième fois le contenu de votre lettre échouée de manière assez rocambolesque sur le sol de ma cabine.
Il m’a fallu un certain temps pour en élucider l’origine, et surtout l’énigmatique expéditeur. La page manuscrite sur petits carreaux m’a fortement aiguillée vers un carnet vert que je croise souvent.
Mon voyage ne réside pas dans le but de chercher ou trouver de nouveaux paysages, nouvelles visions, mais percevoir des réponses à mes projets de vie actuels. Le sens qu’il m’enseigne depuis quelques jours est autre, meilleur.
On ne change pas on évolue. Pour chaque chemin qu’on quitte, c’est une nouvelle route qui se révèle.
Pouvoir sereinement se poser les bonnes questions et découvrir les réponses justes.
Vos mots, phrases, me touchent et m’émeuvent je me dois de ne pas vous mentir. Cette danse au bord du fleuve aussi impromptue et innocente qu’elle soit demeure un vraiment beau souvenir. Il s’est même invité de façon espiègle invité dans mon sommeil. Emoi et confusion à mon réveil. L’idée de te faire part du contenu, te l’écrire pourrait provoquer en moi des tourments aux conséquences assez désagréables.
Je ne te parle pas de sentiments, tes attentes à mon égard ne me laissent pas indifférentes, mais pas au point de bouleverser mes aspirations les plus profondes.
Et d’un coup d’autres questions, d’autres lignes de plus sur ma liste épinglée dans ma tête bouillonnante.
L’amour et la foi c’est croire en une force invisible qui nous entoure.
Tu espérais qu’en retour je te réponde de manière réciproque à tes avances, mais je ne peux t’offrir à cet instant que ma plus belle et sincère honnêteté.
Je ne sais au moment où je partage par écrit avec mes mots à moi, je ne sais pas si une fois finie, ma lettre à moi fera le chemin en sens inverse.
Peut être demeurera-t-elle poste restante sur le bord de ma table.
Pardonne d’avance mon silence, dans ce cas.
Sinon puisque tu me lis je souhaite de tout cœur que tu puisses partager avec moi ma décision.
Bien à toi,
Melinda
Quid de la citation ?
Le 11 Décembre.
Bonjour ma Natacha ;
Faute d’une connexion téléphonique correcte, je t’écris.
Au moment même où tu me lis, mon séjour en escapade fluviale aura connu son terme et j’aurais repris ma déambulation.
Pour ma dernière après-midi à bord, Lucas a tenté de m’enseigner les rudiments du fonctionnement d’une écluse.
Je me suis noyée dans toute cette terminologie profane à coup de vantelles, amont, aval bâbord et tribords. Comme si je devais apprendre sur le tas une nouvelle langue étrangère.
Sa motivation était palpable et j’ai tout fait pour ne pas le décourager dans ses explications bien trop complexes pour moi. Son excitation presque enfantine m’a fait sourire. Durant tout ce temps, néanmoins, je suis resté perplexe par rapport à son détachement en rapport à la lettre qu’il m’a adressée, dont je t’ai fait part. Comme si de rien n’était, ou arrivé.
Plus tard, une fois regagnée la salle commune, une nouvelle contradiction est survenue. Au moment de dîner Paul, notre Capitaine, nous a tous réunis, ainsi que Lucie la cuisinière, pour nous informer qu’il avait eu vent que chacun d’entre nous aurait reçu un message mystérieux. Surprise totale de découvrir à mon tour que Lucas, lui-même en a perçu une aussi. Comme finalement j’ai décidé de ne donner aucune suite à la sienne, je me demande bien de la part de qui. Et du coup je perdais l’identité de mon auteur fantôme ? Qui alors ?
Et quand nos regards interrogatifs se sont croisés, le sien, candide, semblait me poser une question : « Toi aussi ? »
Je me suis sentie gênée et monter du rouge sur mes joues. Tandis que de désagréables gargouillis s’installaient dans mon ventre. Au prix d’une âpre lutte pour ne pas les laisser s’imposer et me causer le moins de désagréments possible, j’ai tout fait pour les minimiser, mais pas assez à mon goût. Aux vues de la réaction de certaines personnes. Lucas le premier, j’ai fait comme lui, j’ai joué la surprise étonnée. Mais quand j’ai vu son petit sourire en coin, complice, j’en ai déduit que mon secret venait d’être découvert.
Plutôt que laisser le silence prendre place, il a surenchéri en soumettant diverses hypothèses et théories. Il s’en est suivi avec Paul une suite de suppositions diverses et variées. Jusqu’à ce que Lucie avoue avoir surpris une personne à bord la veille, un homme à l’allure de moine (quelle coïncidence tu ne trouves pas) ! Ou bien à un autre signe du destin.
Pendant quelques secondes je me suis demandé si finalement je ne souffrais pas d’une sorte de dédoublement de personnalité, ou bien schizophrénie passagère et que cette lettre je ne me le serais pas écrite et envoyée a moi-même.
En conclusion de cet épisode rocambolesque, Paul a mis fi- à l’enquête et classé le dossier pour qu’on puisse profiter au mieux de la fin de notre voyage, tous ensemble.
On a bu, dégusté un délicieux repas. On a ri, chanté. A un moment les doigts de Lucas ont effleuré les miens. J’ai distingué une certaine petite lueur dans son regard, assez insolente, pour que je ressente la folle envie de lui rendre la pareille. Peut-être même poursuivre jusqu’à l’embrasser. Si on était juste nous deux, c’est ce que j’aurais fait.
J’en arrive presque à regretter que mon mystérieux messager ce ne soit pas lui.
Je sens que demain, après nos au revoir, tous ils vont me manquer, et moi je ne saurais toujours pas quoi faire.
Bon je t’embrasse.
A très bientôt
Soirée d'adieu
Sur le « Commedia dell Arte » la soirée d’adieux venait de revêtir son habit de fête. Les interrogations terminées, jetées par-dessus bords par la joie et allégresse de l’instant, envoyées par le fond dans le Rhône.
Un dernier stop effectué à Valence a permis d’accueillir à bord, avec l’accord de Paul, capitaine et seul maître à bord, un ultime passager, le neveu de Lucie la cuisinière : Francesco.
Trente ans, l’allure élancée, le teint mat, des yeux presque noirs, lui octroyant un regard secret et ténébreux, des cheveux bruns déjà grisonnants sur les tempes. Pour s’affranchir du passage, il s’est proposé d’animer la soirée avec sa guitare couleur acajou.
Passées les présentations, un verre de vin rosé, il s’empare de son instrument et ses doigts plaquent les premiers accords d’une mélodie aux accents jazzy. Les notes s’envolent et se mettent à voltiger autours des corps alentours.
L’alcool, aidant, les cœurs, et les humeurs se libèrent, se désinhibent, et commencent à chalouper au rythme du tempo mezzo forte.
Emportée par l’ambiance légère qui venait de prendre ses quartiers dans la pièce, Melinda se mit à fredonner par bribes les paroles de du morceau qu’interprétait Francesco. Ça supposait de vouloir s’envoler vers la Lune - qu’on nous laissait jouer par-delà les étoiles - pour nous laisser voir à quoi ressemble le printemps.
Les verres insolents se remplissaient et déversaient leurs ivresses.
Les discussions s ‘enchaînent, se mélangent aux balancements en cadence des danses qui se succèdent.
Pendant tout ce temps Melinda et Francesco, sans échanger le moindre mot, avec juste des perspectives visuelles, se cherchent, se trouvent, se découvrent en silence à travers le son et le bourdonnement des cordes en nylon.
A l’aube le festival se finit, la péniche retrouva son calme et sa paix ambiante.
Au moment de se séparer les adieux se virent à coup de serrements de mains, de tapes dans le dos et chaleureuses étreintes. On s’échangea les adresses en même temps de sérieuses promesses de tous se retrouver très très vite.
Et chacun reprit sa route, son chemin, ses ambitions ses projets.
Et le Rhône, en bon géant de nature paisible, reprit le fil de son cours ancestral.
Une année passa, à la vitesse d’une page qu’on tourne.
Un après-midi de juin, tout au-dessus de sa tête des cloches retentirent. Sur le seuil de l’entrée de l’église, Melinda distinguait depuis le cœur de la nef, les visages des personnes qui patientaient de son avancée prochaine.
Un voile de tulles, aux contours brodés d’or, qu’une brise légère faisait voltiger doucement, venait tapoter de manières vaporeuses le duvet de ses joues.
Un homme en costumes bleu roi debout l’attendait tout là-bas, pour que tous deux s’unissent enfin.
Elle ne cessait de l’aimer et ce depuis qu’ elle avait quitté les rives d’un certain Rhône.
Parfois la vie est juste un écrivain mystérieux presque aventureux.
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