Pétanque Paris-Nice
Publié le 17 Janvier 2024
En rentrant du supermarché, le chemin d’Emma, petite fille de cinq ans, main dans la main de sa mère, croise un terrain de pétanque donnant sur la Promenade des anglais. Plusieurs personnes s’activent pour préparer le terrain. Emma et sa mère s’arrêtent pour les regarder faire. Soudain, l’attention d’Emma est attirée vers une boîte dans laquelle sont disposées plusieurs boules. Elle les pointe du doigt et demande à sa mère : « c’est quoi ça ? c’est quoi ça ? ». Sa mère répond : « c’est un peu comme tes billes ». Emma peine à trouver une ressemblance entre ces boules et les billes que lui avaient offertes récemment ses grands-parents. « Elles sont moches comme billes. Les miennes sont beaucoup plus jolies ».
Le jeu affronte l’équipe des Niçois, composée de trois joueurs niçois chevronnés et une équipe composée de trois parisiens majoritairement inconnus au groupe sauf Carole. Après son déménagement à Nice, cette dynamique parisienne d’une soixantaine d’année, avait trouvé en la pétanque un moyen ludique de sortir de son isolement. Elle se réjouit d’avoir fait intégrer ses amis à ce groupe et de ce fait, elle manifeste une excitation enfantine. Mais, tout d’un coup, le sourire quitte ses lèvres et elle semble être envahie par l’inquiétude : « si jamais ça se passe mal ? ».
Le tirage au sort a lieu et est gagné par l’équipe niçoise. Emma entend les gens dire : « le jeu va bientôt commencer ». Emma qui avait toujours entendu de ses parents qu’il est dangereux de jouer dans la rue, était stupéfaite, un peu horrifiée même. Mais, aucun enfant ne les rejoindra. « Ah, c’est un jeu de grands-parents ! ».
Les coéquipiers de Carole surveillent suspicieusement leurs adversaires. Bernard, un joueur ancien et orgueilleux de l’équipe niçoise, fait un sourire malin en en se préparant à lancer la première boule. « J’ai hâte de gagner encore cette partie ! » Mais soudain, son regard croise celui d’Emma. La voyant tellement éblouie, il décide de lui proposer de tenter une lancée de boule. Emma avance vers Bernard et s’empare d’une boule qu’elle arrive difficilement à tenir dans la main. Elle est encouragée par tous les spectateurs : « Allez !... Allez !... ». Ne connaissant pas les règles du jeu et n’ayant pas assez de force physique, Emma, toute confuse, lâche la boule tout près de ses pieds. Puis, elle entend les adultes crier : « bravo !... C’est très bien… ! »
Carole constate que l’intervention d’Emma a déclenché la conversation entre les membres des deux équipes. L’un de ses coéquipiers félicite Bernard en lui disant : « encourager les enfants dès leur si jeune âge, c’est ça qu’il faut faire ». Puis, un membre de l’équipe niçoise répond : « suis complètement d’accord, c’est comme ça qu’on en fait des futures stars du jeu ! ».« Ouf ! la mayonnaise est en train de prendre ! »
C’est parti pour la partie des adultes. La première boule lancée par Bernard va sur le terrain interdit. « ça commence mal ! »
Emma constate que les adultes parviennent bien à manier des objets tellement lourds : « Ils sont très forts. » Elle semble trouver un intérêt croissant pour la pétanque : « Quand je serai grande, je jouerai avec eux ! »
Les lancées s’enchaînent. L’équipe des Parisiens marque de plus en plus de points. Les inquiétudes de Carole ont presque disparu. « Pour les personnes qui ont adhéré au jeu depuis si peu de temps, je dirais qu’on ne s’en sort pas si mal ! ». D’ailleurs, dès que l’occasion se présente, les coéquipiers de Bernard se font un plaisir d’apprendre des stratégies d’amélioration aux Parisiens.
Ces derniers arrivent à 7 points. Ils exultent en dansant et en criant fort : « On se marre bien en pétanque… ! On va gagner les Niçois !...»
A ce moment-là, Marie, élégante parisienne d’une quarantaine d’année, s’aperçoit que la route qu’elle comptait prendre est barrée par des boules disséminées sur plusieurs mètres : « Autant de bruit pour un jeu tellement débile ?! Ils n’ont pas mieux à faire ? Ils ont la mer, le soleil et le beau temps ces Niçois mais ils n’ont pas la classe d’en profiter. Il faut que nous, les Parisiens, nous y mettions à leur apprendre les bonnes manières ! »
Un spectateur interpelle les joueurs : « Vous avez vu comment elles nous regarde ?... ». Tous les regards se tournent vers Marie. Bernard a l’air hésitant. Ce moment d’inattention collective serait la meilleure opportunité d’effectuer une petite manœuvre : « on ne peut pas se laisser perdre par ces Parisiens quand même. Ça va être la honte ! »
Il fait quelques pas en avant en surveillant attentivement ses alentours. Mais, il n’échappe pas à la vigilance de Carole. Leurs regards se croisent pour un instant : « Il va tricher, là. Il faut que je l’en empêche mais il va être difficile à gérer. ». Bernard fait un pas en arrière « elle va piger, cette conne. Et puis, je ne suis même pas sûr que mes coéquipiers laisseront passer ça. Ils veulent faire bonne impression devant ces nouveaux à ce qu’il paraît. D’ailleurs, il ne reste pas de tactiques qu’ils n’aient pas balancées. Qu’est-ce qu’ils sont en train de leur raconter encore ? Allez-y, jouez à leur place tant que vous y êtes ! ». Il s’approche et entend ses coéquipiers expliquer en souriant « …oui,… « bouchin » en niçois… ». Les coéquipiers de Carole sont reconnaissants. L’un d’entre eux, s’adressant à Carole, dit : « C’est aimable de leur part qu’ils nous expliquent tout ça ». L’autre ajoute : « oui, superbe groupe ! Merci Carole de nous avoir fait venir ici ! »
Un sourire se dessine sur les lèvres de Bernard : « ils ne sont pas de si mauvaise foi, ces Parisiens, finalement ! ».
Les lancées reprennent jusqu’à ce que l’équipe parisienne arrive à 13 points. L’arbitre la déclare officiellement « gagnante de la partie » et la félicite. Les cris de la joie s’élèvent des deux équipes.
Bernard qui semble désormais considérer l’équipe parisienne comme les siennes, va en féliciter et embrasser les membres.
Soudain, Carole, se déplace vers le milieu du terrain et se met à pleurer à haute voix.
A ce moment-là, Marie, étant sur son chemin de retour, repasse devant le terrain du jeu et se trouve face à face avec Carole. « Hou là, je savais que ça allait partir en vrille ! ».
Carole s’exclame : « ce ne sont pas seulement des partenaires du jeu que j’ai trouvés, mais, une famille ! J’ai trouvé une famille en jouant de la pétanque ! ». Elle continue : « Vive les Niçois ! » Ces coéquipiers répètent : « vive les Niçois ! »