Si j'étais...
Si j'étais l'eau, je serais le plic-ploc délicat de la pluie sur le toit.
Sans violence, ni souffrance, j'abreuverais la terre,
Je nourrirais tes fleuves, tes rivières, tes mers.
J'irais dans tes canaux, j'irais dans tes cultures,
Je coulerais dans tes nappes profondes
Et surgirais ailleurs, dans une source vive.
Si j’étais l'eau, serais-je ton eau... de vie ?
Si j'étais l'air, je serais ton oxygène.
J'emplirais mes zéphyrs de zestes de parfums.
Je les apporterai sur une aile légère au creux de ta maison.
Je serais brise douce pour fraîchir ton été,
Murmures soyeux cachés dans tes voilages.
Si j'étais l'air, serais-je ton air du temps ?
Si j'étais le feu, je danserais dans ton poêle,
Je bondirais dans ta cheminée,
Je crépiterais en flammèches colorées.
Je grillerais des peaux d'orange, de mandarines, pour parfumer d'hiver ta maison.
Je réchaufferais tes rêveries les plus secrètes.
Si j'étais le feu, serais-je ta flamme ?
Si j'étais le terre, je serais l'humus des forêts,
Je serais le labour humide, le champ cultivé.
Je serais riche de tes plaines, de tes prairies, de tes vallées, de tes montagnes.
Je serais ton ancrage.
Si j'étais la terre, serais-je ton île ?
Rêveries...
Rêveries secrètes... attisées par les flammes crépitantes...
Blottie dans son canapé, elle regarde, sans le voir, le feu dans la cheminée. Les yeux dans le vague, elle divague. Le feu siffle, craque, anime la pénombre, s'emballe devant elle, indifférente à ses efforts.
Rêveries douces-amères, solitude, silence.
Dehors, la nuit a noirci la fenêtre. Des ombres glissent sur les murs, rampent dans sa tête. Son regard accroche les volutes d'une flammèche, ses pensées convergent et fondent, consumées par le feu, renaissant de leurs cendres, traquant ce qui a été, ce qui aurait pu être... l'air d'un temps révolu, la vie qui prend l'eau.
Sa chandelle est morte et son île s'est noyée...
Dehors, la nuit a noirci la fenêtre. Plic-ploc, la pluie sur le toit.