Une partie de pétanque, ça fait plaisir.

Publié le 17 Janvier 2024

 
Mon mari Albert est Niçois, un vrai de vrai. Moi, Léa, je suis née dans le Nord, à Lille. J’avais presque trente ans lorsque je suis venue habiter Nice. J’avais besoin de soleil, chez nous il est plutôt rare : Ce n’est pas le ciel qui est bleu, c’est les yeux des gens. Vous connaissez la chanson d’Enrico Macias, elle dit la vérité. Chez nous, on est généreux, on ouvre son cœur et sa maison à tout le monde. J’avais vingt-cinq ans lorsque j’ai fait la connaissance d’Albert, il avait réussi un concours administratif et il était monté à Lille. Il avait quarante ans, quinze ans de plus que moi, on s’est retrouvés dans le même bureau, c’est le destin. J’ai compris tout de suite qu’il se sentait un peu perdu, il ne connaissait personne, il avait un peu de mal à s’ouvrir aux autres, c’est son caractère. Il m’a plu tout de suite, j’ai tenté un rapprochement : je l’ai invité à déjeuner chez mes parents dès le premier week-end, pour lui changer les idées et lui faire mieux connaître les gens du Nord. Il a sympathisé tout de suite avec mon père, ils se sont trouvé des points communs. Ma mère lui a fait goûter les spécialités culinaires du Nord, c’est sa façon d’accueillir les gens à bras ouverts. Et moi… vous devinez la suite ! J’avais trouvé une épaule solide sur laquelle m’appuyer, on s’est mariés dans l’année ! Mais je sentais qu’Albert ne serait pleinement heureux que s’il retournait dans sa ville natale. Il essayait de me convaincre, j’avoue que j’étais très intéressée. Je prétextais le manque de soleil à Lille pour lui demander de m’emmener quelques jours en vacances sur la Côte d’Azur. Lorsque j’ai vu Nice, j’ai été immédiatement séduite. Comment ne pas l’être ? C’était le mois de Mai, l’air était si léger, le ciel si bleu. On était logés près des jardins de Cimiez, le Parc était magnifique, les oiseaux chantaient, les roses éclataient de parfums et de couleurs. Et là, sous les arbres, des habitués disputaient une partie de pétanque. La pétanque, pas la « longue » à laquelle on joue dans le Nord. Le terrain est plus petit, et les joueurs ne prennent pas d’élan, ils ne courent pas avant de lancer leur boule. Fascinée, je contemplais les boulistes, admirative devant leur concentration. Mon mari se moquait gentiment de moi, de ma façon de les observer la bouche ouverte tellement j’étais intéressée. J’étais surtout captivée par un vieux monsieur qui semblait être spécialisé dans les « carreaux » : il lançait sa boule avec adresse pour qu’elle se substitue exactement à celle de l’adversaire, qui était alors sortie du jeu. A vrai dire, dans le Nord, je m’étais peu intéressée au jeu de boules. Ici, et c’était sans doute à cause du soleil, les boulistes me paraissaient plus gais, plus enjoués. Lorsque le vieux monsieur réussissait sa manœuvre, un sourire victorieux éclairait sa figure ridée, ce qui provoquait des grognements chez ses adversaires et des rires triomphants chez ses coéquipiers. L’observation des visages des joueurs était un véritable spectacle pour moi. La chaleur du Midi se devinait dans leur gestuelle. Je pense que ce jour-là je suis tombée amoureuse de la pétanque.
Cinq ans plus tard, à notre grande satisfaction, nous avons obtenu, mon mari et moi, notre mutation pour Nice. Je venais de perdre mes parents, je suis donc partie sans regrets vers une autre vie. Dans cette belle région, avec des amis, nous faisions souvent des pique-niques sur la plage ou dans l’arrière pays, et les dimanches se terminaient souvent par « une partie de boules » ponctuée de rires avant de rentrer à la maison. Nos deux fils ont su jouer très tôt à la pétanque. Albert évoquait souvent ses jeunes années à lui, ponctuées de parties de Pilou dans la cour de l’école. Il avait essayé de nous expliquer ce jeu traditionnel d’autrefois, mais j’avais du mal à me le représenter, puisque dans ces années soixante-soixante dix plus personne ne le pratiquait. Mon beau-père, lui, m’avait parlé de la Mourra, un autre jeu qui se jouait uniquement avec les mains, dans les bistrots ou à la fin des repas de famille lorsqu’il était jeune. Mon mari, lui, n’avait jamais eu l’occasion de jouer à la Mourra… Peut-être ces jeux reviendront-ils un jour à la mode ?
 
Annie TIBERIO

Rédigé par Annie

Publié dans #Patrimoine & Méditerranée

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