Publié le 31 Décembre 2022
Nice, le 6 septembre 1970
Écrire une lettre, si facile, si compliqué parfois !
A qui dois-je l’adresser ? A ce jour je ne sais plus mais le choix me paraît simple.
A TOI
Mes yeux sont rougis par mes pleurs, mon cœur a été poignardé, il crie sa douleur.
Je n’arrive pas encore à croire qu’hier, tu étais menottés dans le box des accusés devant le Juge que j’assistais.
Juste un instant nos regards se sont croisés, puis tu as baissé la tête...et là, j’ai ressenti la même flamme que le jour où je t’ai rencontré. Je t’entendais me murmurer « je t’aime »mais ces mots se sont très vite effacés.
Le film de notre idylle s’est déclenché. Jeune commissaire muté à Nice, tu avais un rendez-vous au tribunal. Tu avais fait une entrée fracassante dans mon bureau. Ta prestance, tes yeux transparents bordés de longs cils noirs, ta fossette au menton, ton sourire m’avaient séduite dès la première seconde.
Un coup de foudre réciproque, la magie d’une rencontre suivies d’ébats passionnels qui me font encore frissonner en écrivant.
Comment ai-je pu être aussi naïve, ne rien soupçonner de cet être pervers, abject, odieux qui me charmait à tous moments.
Peut-être mon âge vingt ans ! Ce romantisme juvénile féminin qui nous fait croire au prince charmant.
J’étais pour toi, la marionnette idéale pour avoir des infos, te servir d’alibi. Tu tirais les ficelles, à ta guise, chaque fois que tu en éprouvais le besoin.
J’ai été interrogée, salie, bafouée dans le cadre d’une enquête de viol, oui, j’arrive enfin à prononcé et écrire ce mot. Le drame de ma vie : tu en étais l’acteur principal.
Tes collègues de la brigade des mœurs étaient plus que septiques devant mes propos. Dépeindre un violeur avec des qualificatifs élogieux tels que tendre, attentionné, aimant, mais jamais violent donnaient à mon récit un air de faux témoignage !
Une vérité surprenante, celle que je vais enfouir, dans mes souvenirs jusqu’à mon dernier soupir.
Adieu
Décembre 2022
Je relis mon journal intime, pour un sujet d’atelier d’écritures...ce passage de ma jeunesse envolée me donne une idée.
Ma vie n’a pas été un long fleuve tranquille mais le bonheur a su sonner à ma porte.
Je souris avec une certaine émotion. J’ai l’impression d’être restée la même !
Malgré cette expérience explosive, très marquante, je n’ai jamais boudé la gente masculine.
Un peu plus méfiante les premiers temps mais le côté romantique fait oublier les déboires douloureux. Je me suis souvent laisser charmer, parfois à mes dépens, mais le verbe AIMER reste toujours enivrant.
JM