Publié le 20 Avril 2018

American Locomotive- Edward Hopper

American Locomotive- Edward Hopper

CARNET DE VOYAGE OU RÉCIT DE VOYAGE

 

L’imagination nous emmènera souvent vers des mondes qui n’existent pas, mais sans elle, nous n’irons nulle part.

Carl Sagan

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Le projet « VOYAGE », prévu pour mars et avril 2018, consiste à rédiger un carnet de voyage ou un récit de voyage soit avec ses souvenirs si on a voyagé, soit imaginaire ou bien intérieur, voire métaphorique, à partir de citations sur le thème du voyage. Une citation sera donnée à chaque atelier, ainsi que qu’une proposition d’écriture... comme un nouveau chemin à explorer. Tant qu’à voyager, profitons-en pour pratiquer différents styles. « Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle ! » (Paulo Coehlo)

 

Le carnet de voyage, « genre ouvert, non figé, fragmentaire, qui autorise et même appelle différents modes d’écriture », évoque le voyage dans son sens large : voyage intérieur, exploration d'une terre inconnue…

« Qu’il s’adresse à d’autres ou à soi-même, qu’il soit voyage intérieur, déplacement en territoire familier ou exploration d’une terre inconnue, il doit donner au lecteur à voir, à sentir, à penser et à rêver, et pour ce faire, il s’exprime aussi bien par le poème, le récit, la lettre, le portrait, la description, ou par de simples notes prises sur le vif. Il suit les méandres des paysages traversés, il en emprunte les reliefs. »(Michèle Sigal, écrivaine et auteure dramatique)

Les textes sont souvent accompagnés de croquis, dessins, photos.

 

Le récit de voyage ne se compose que de textes. C’est le récit que fait l’auteur d’un voyage vécu ou ressenti, sans autre référence que sa propre vision et connaissance de la réalité du monde. Il rend compte d’impressions, de rencontres, d’émotions, des choses vues et entendues. La narration est structurée.

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Sources :

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LES ATELIERS

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LES TEXTES ISSUS DES ATELIERS

Les voyages de Nadine :

Les voyages de Inge :

Les voyages de Françoise :

Les voyages de Christine :

Les voyages de Dominique :

Les voyages de Bernard :

Les voyages de Gérald :

Les voyages de Mado :

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VOYAGES PARRALLÈLLES

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 19 Avril 2018

J’ai dix-huit ans, j’embarque sur la Sainte-Thérèse, dorissier pour la première fois.

Le sept du mois de mars la frégate Enéris conduit ces marins du grand métier, aux côtes d'Amérique. Vingt vaisseaux qui sont tous les ans à la pêche des morues sur les bancs de Terre-Neuve.

 

Dès la haute mer, le cap pris, les écoutes établies, le capitaine réunit les dorissiers pour tirer au sort l’attribution des doris de chaque équipage. C’est ainsi quand les embarcations sont d’inégales qualités, certaines comptent plus de quatre campagnes, usées jusqu’à la corde. Le règlement exige, pas plus de deux campagnes, l’armateur contourne, aux risques et périls des marins. Trop souvent sonne le glas dans l’église de nos villages…

Erwan est mon patron et je suis son « avant ». Notre embarcation à fond plat, aux extrémités élancées, sort toute neuve de chez le charpentier. Erwan me fait un clin d’œil, je le vois satisfait, heureux. Ce premier signe ne trompe pas, la campagne sera bonne.

Et il faut qu’elle soit abondante. Là-bas, à la fermette, sa femme et ses cinq enfants l’attendent pour survivre. Le denier de Dieu, pourtant âprement disputé avec le capitaine, ne suffit pas à nourrir la maisonnée. Annaël devra aussi s’occuper du potager, élever quelques poules et se louer le reste du temps à la grande ferme voisine. L’année prochaine Gildas, son plus grand, embarquera comme mousse. L’espoir n’est pas ce qui manque au marin, c’est même ce qui le fait vivre.

 

L’île de Bréhat, doublée par le bâbord, une jolie brise de nordet nous pousse grand largue vers le cap Lizard. La porte d’entrée de cet Océan Atlantique, attendu, redouté.

La proximité de l’équinoxe de printemps met Eole en colère. Il souffle d’ouest en rafales, la crête des vagues monte à plus de huit mètres.

Contrainte, la Sainte-Thérèse n’avance que très lentement sur notre route. Louvoyages interminables et mises à la cape, se succèdent à un rythme effréné. Hisser, affaler, prendre des ris. Sur les mains glacées apparaissent les premières gerçures, elles ne disparaîtront plus avant sept mois.

La vie à bord s’établit au rythme des quarts trop longs, des manœuvres épuisantes, de la soupe froide, du sommeil trop court et du vent, ce vent ennemi.

La fatigue est trop grande, le sommeil ne me vient pas, mes pensées vagabondent là-bas au pays. Je souris, j’imagine ma mère et ma grand-mère, de noires vêtues, blotties au coin de l’âtre, ravaudant quelques vieux habits. C’est un pays de veuves. La bise siffle aux fenêtres, le grand chêne frissonne de mille bruits. Chaleur, odeurs, j’y suis. J’entends même Grand-Mère raconter pour la énième fois l’année et ses péripéties où Grand-Père n’est pas revenu.

 

  • Je l’savais. Qu’elle disait. Cette année-là avait mal commencé, il est revenu en boitant du Pardon de Saint-Malo. Fin bituré, il s’est tordu la cheville. Comme il craignait de croiser le capitaine qui n’aurait pas manqué de lui refuser l’embarquement, et ben il a marché sans boiter, jusqu’ici, serrant les dents, souffrant le martyre. Une sacrée tête de mule, dur au travail, il en faisait jamais assez, mais toujours serviable et si gentil avec moi, un bon gars mon Jean.

 

Comme à chaque fois les larmes coulaient, Grand-Mère regardait la photo de son homme.

Je me le rappelais, un grand gaillard tout sec. Une figure basanée, les rides du visage dessinées à coups de mer, une bouche fine, un nez bossué, des yeux d’un bleu céruléen, lumineux, scrutateurs d’horizon.

 

  • Je l’savais. Qu’elle répétait. Le jour de l’embarquement, ça soufflait de l’Ouest à ne pas mettre une chaloupe dehors. Alors les dorissiers sont partis faire le tour des bistrots du port. Pour sûr, il m’est revenu beurré salé !

Déjà j’avais été planter des bougies aux pieds de Saint Kemo, patron des pêcheurs et puis j’en ai allumé une chaque jour. Je récitais dévotement, sans lever les yeux, une litanie de prières. Une pour chacun de nos saints, saint Gildas, saint Guénolé, saint Yves, saint Turiau, saint Guillaume, saint Armel, saint Magloire, saint Melaine, le révérend se moquait gentiment de moi, « il va te revenir ton Jean comme il le fait depuis vingt ans. » « La fortune de mer est bien capricieuse » que je lui répondais.

Le 15 du mois d’août, je me demandais bien s’il était de la fête là-haut dans ses glaces. Dès la mi-septembre je ne quittais plus la jetée que pour aller prier. Quand la flotte est arrivée, sa goélette accostée, au regard que me lança le premier débarqué, j’avais compris, je ne m’étais pas trompée, le glas allait encore sonner, j’ai pleuré, pleuré.

 

Le capitaine s’est approché :

 

  • Un soir, ils ont débordé vers leur zone au nord-est. Loïc était son « avant », un brave gars. Une bonne brise donnait du Sud, mais quelques étoiles piquaient çà et là entre de lourds nuages gorgés de malheurs.  « Allez, souque mon gars » qu’il gueulait le Jean. A la mie-nuit la terrible brume nous a enveloppé, on a sonné la cloche, fait tonner le canon Périer, tant et tant. C’était un fameux dorissier ton Jean.

 

Là-bas, Grand-Mère s’est tue. Ici, je me suis endormi. Le bateau se fraye sa route dans les lames.

 

Nous arrivons sur le Banc de la Baleine, une fin d’après-midi sous une très légère brise de noroit, exceptionnel. Une nouvelle fois Erwan me cligne de l’œil, il décèle un nouveau signe de son saint protecteur.

Le subrécargue fait immédiatement procéder au tirage au sort des aires de vent. Le nord-est sera notre zone de pêche pour les six prochains mois. Celle du père Jean en son temps.

Après avoir boëtté, nous chaussons nos bottes-sabot, enfilons notre ciré, coiffons notre suroît, chargeons les mannes et partons, nuit tombante, poser nos lignes. Erwan a choisi de mouiller la première bouée à quatre nautiques pour revenir plus facilement par vent arrière. En attendant nous l’avons dans le nez la jolie brise. Trois heures durant nous ramons avant qu’Erwan n’éructe :

 

  • Pare à virer ! Virer ! Pare à larguer ! Larguer.

 

La ligne gicle de la manne, un hameçon suit l’autre et encore un, encore un. Poussé dans la nuit par le vent, par la vague, le canot tangue, roule, accélère. Les hameçons défilent toujours plus vite.

 

  • Hale ta patte ! crie Erwan.

 

Il craint, mon cher capitaine, que je m’enfonce un ardillon dans la main ; accident courant, handicap rédhibitoire pour la campagne du malheureux qui se fait prendre.

Brimbalée par une mer verte, foncée, apparaît enfin la silhouette de la Sainte-Thérèse.

Embarcation hissée à bord, nous mangeons à peine, dormons très peu.

 

Il fait toujours nuit, l’air glacial pique nos yeux aux larmes, déjà il faut se rééquiper. Les doigts gourds embarquent les paniers d’osier remplis de bulots. Le doris est mis à l’eau, la mer a grossi, il faut écoper, l’aviron vient aux mains, mes muscles refusent. Et pourtant…

 

  • A souquer ! Souque ! hurle Erwan.

 

Le jour se lève, il n’a pas de quoi être fier. Le temps s'est peu à peu dégradé. Les grosses lames et la forte houle continue nous secouent dans tous les sens. Souquer. La pelle de l’aviron plonge trop profond et je dois forcer pour la ressortir, la pelle brasse l’air et je dois forcer pour ne pas basculer par-dessus bord.

 

  • Souque morviau !

 

Tangue, roule, je souque jusqu’à apercevoir notre première bouée mais le capitaine veut remonter jusqu’à la première et revenir, comme hier, par vent arrière.

Je souque, je prie Saint-Jean, je souque. Un cachalot vient nous faire un brin de causette, mais il constate notre mutisme et s’éloigne. Gare au coup de queue rageur qui enverrait la barque valdinguer et nous avec elle. Cinq heures de lutte pour arriver au but.

 

  • Pare à virer ! Virer ! Pare à crocher ! Crocher !

 

J’attrape la bouée rouge et halle la ligne. Premier hameçon, première morue. Commence le rituel. Taper le plat bord, décrocher la morue, la jeter au planché, plonger la main dans la manne, attraper un bulot, appâter, laisser filer jusqu’au haim suivant et recommencer. Besogne fastidieuse et non pas sans danger, car la longue ligne surchargée peut, prompte comme l’éclair, attirer à elle le bateau. Belle opportunité de mourir noyé.

Mes muscles douloureux contrent les mouvements brusques de la barque, mais concentré sur ma tâche, je ne lève plus les yeux, ne pare même plus les paquets d’embruns qui me trempent d’une eau glacée. Un dadin passe en rase motte à moins d’un mètre, le bruit des déferlantes enflent, assourdissant. Le Diable habite sur les bancs, pour sûr.

Le doris plein à ras bord de morues, Erwan décide de revenir au Sainte-Thérèse pour débarquer. Nous dérivons rapidement. Le moindre travers nous ferait chavirer, alors sabot-botte en avant, morues, barcasse comme suroit, j’irai à tous coups rejoindre le Père Jean. Saint Gildas priez pour nous !

Avirons en main, je regarde autour de moi et ne vois… rien. La brume poisse, épaisse, limite la vue, assourdi les sons.

Aveugles, sourds, pas plus Erwan que moi ne situons la Sainte-Thérèse. Au Nord, non pas, plus à l’Est, à l’Ouest, peut-être, au Sud probablement. Erwan prend ce cap sans aucun repaire quand nous dévalons de la crête d’une vague plus agressive que les autres. Oh, mordiou, demi-tour complet !

 

  • Allège, allège !

 

Je rejette à la mer des morues que seuls nos rêves auront comptabilisées. Il fait nuit maintenant, mais n’a-t-il pas fait nuit toute la journée ? Erwan nous prépare une longue dérive, une gorgée d’eau douce, un biscuit mouillé. Poussés par le courant, giflés par les embruns, abrutis par le roulement des vagues, tous nos muscles endoloris, nous somnolons cramponnés à notre frêle esquif.

Au petit matin le vent tombe, la mer s’étale, seul persiste ce brouillard d’une pale clarté.

La tête ballottée, les yeux mi-clos, je scrute. Désespérément mon regard tente de passer au-delà.

Tout autour, les traînées blanchâtres de l’écume tissent une immense toile d’araignée dont les mailles nous retiennent prisonniers. S’échapper, suivre un fil qui nous mènerait au bateau-mère. Mais quel  fil ?

Pourtant, là, j’aperçois trois lignes d’un bleu céruléen, lumineux dont l’une s’enfonce au loin.

 

  • Erwan regarde ici, un quart bâbord avant, ces sillons tracent une croix dans l’écume.

 

  • Je ne vois rien.

 

  • Moi je la vois. Suivons-la, souque ! je gueule à Erwan.

 

Arcbouté sur mon banc, je souque de toutes mes forces. J’indique la direction. Erwan, hébété, m’obéit. Tard dans l’après-midi la Sainte-Thérèse est en vue.

 

  • Les yeux du Père Jean. Que je te dis. Il est remonté des fins fonds pour nous guider, nous sauver !

 

Erwan m’observe un moment, me répond doucement :

 

  • Comme Saint Thomas, je crois ce que je vois. Mais parfois, petit, il faut croire sans voir, sans savoir. Croire, croire, il y va de notre salut.

 

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Glossaire

 

Affaler

Faire descendre, une voile, entre autres

Boëtter

Mettre un appât sur l'hameçon

Bulot

Coquillage dont la chaire sert d'appât

Crocher 

Attraper

Dadin

Oiseau de mer

Denier de Dieu

Prime d'embarquement

Doris

Embarcation à fond plat

Dorissier

Equipage d'un doris

Ecoutes

Cordage sur un voilier

Haim

Hameçon

Haller

Tirer

Louvoyer

Zigzaguer pour remonter au vent

Mannes

Paniers d’osier

Mettre à la cape

Manœuvre extrême pour affronter un très gros temps

Parer

Se tenir prêt

Prendre des ris

Diminuer la surface de la voile

Souquer

Ramer

Subrécargue

Représentant de l’affréteur en charge d'optimiser la pêche

 

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Rédigé par Hervé

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Publié le 18 Avril 2018

 

Par la fenêtre, vous, vous voyez un soleil brillant sur votre avenir radieux. Vous êtes probablement jeune, cadre dynamique, motivé, très bien rémunéré. Vous travaillez probablement dans la salle des marchés d’une banque anglo-saxonne ?

 

Par la fenêtre, Imene voit un ciel bas, gris, sale. Elle pousse sa vie au quotidien. Les seuls projets auxquels elle participe sont les rêves érotiques de Raoul et sa valeur ajoutée, ce sont les copains de Raoul toujours plus nombreux.

L’environnement, lui, est international ; les potes de Raoul, c’est une tranche nord-sud avec une touche d’Asiate et une pointe d’Amérique du Sud.

Les salles de marchés ? Imene n’en a jamais entendu parler. Les salles de classe, oui, un mauvais souvenir. Salle des marchés ? Ce doit être une épicerie.

Son truc à elle c’est plus fort, beaucoup plus grand, c’est le supermarché.

Elle y passe sa vie, huit heures par jour, quarante heures par semaine assise derrière sa caisse à voir défiler codes à barres, clientes ronchonneuses, pâtes et lessives de marques distributeurs qui vous remboursent la différence si vous trouvez moins cher ailleurs. Au prix où est le gasoil, si tu crois que je vais aller chercher ailleurs ! De temps en temps elle arnaque une cliente, faut bien manger. Ça la fait marrer Imene. Une vie ordinaire entre supermarché et HLM.

 

Par la fenêtre, moi, je vois passer les jours. Le boulot a fui. Je mène un quotidien des plus monotones, une vie de déjà vieux, une vie qui regarde les voitures, les jolies filles, les affaires, sans même la moindre érection. Bref, ce n’est pas la panade mais pas loin.

Le téléphone sonne, d’une part il est fait pour cela, d’autre part il me sort de mes idées grisâtres.

 

  • Brigade Anti Criminalité Bobigny, Officier de police Soilta, êtes-vous Evre Ekwélé ?

  • Ben oui.

  • Présentez-vous le quatre août à quatorze heures trente au commissariat pour une affaire vous concernant.

  • Il s’agit de quoi ?

  • Rendez-vous le quatre à quatorze heures trente au commissariat.

  • D’accord capitaine.

Le pâtissier ajoute un peu de sucre glace, moi j’ajoute le titre de capitaine, adoucir, adoucir.

 

Au commissariat, j’attends, regarde par la fenêtre aux vitres sales, suis conduit dans un bureau aux murs verts délavés, écaillés, éclairés par des néons, pas franchement coquet, m’assois face à deux policiers en civil. Chacun décline son identité.

Mon capitaine, Ô capitaine, est l’homme assis à ma gauche, donc en charge de gérer mon cerveau droit, irrationnel

Son acolyte prend en charge l’autre moitié du même cerveau, la gauche, rationnelle. La première question devrait venir de lui.

Effectivement il attaque :

  • Vos nom, prénom, âge et profession ?

  • Je m’appelle Ekwélé Evre, j’ai trente-neuf ans et suis chômeur.

  • Votre adresse actuelle ?

  • 158 avenue Principale à Bobigny

  • Connaissez-vous une certaine Imene Bouton ?

  • Bien sûr.

  • Depuis combien de temps ?

  • Laissez-moi calculer. Nous nous sommes rencontrés en classe de cinquième, je devais avoir… attendez, arrivé à Bobigny en octobre 1986, en 87 la sixième, 88, j’avais 12 ans.

 

Il doit faire très froid dans leurs têtes, porte et fenêtres sont clauses, j’étouffe dans cette pièce.

Les deux hommes me regardent, je dirais qu’ils ont presque l’air déçu. Cerveau droit s’exclame :

  • On le savait, nous avions réuni des preuves !

En voilà une histoire ! Ces gens m’ont fait prendre le bus, poireauter dans le hall, perdre mon après-midi pour apprendre ce que je ne cache pas et qu’ils savaient déjà.

Comme disent les footballeurs « faut se parler les gars ! »

On s’est tout dit, du moins je le crois. Je fais mine de me lever, genre l’entretien est terminé, merci d’être venus si nombreux quand Cerveau gauche m’interpelle brutalement :

  • Avez-vous vu l’enfant tomber par la fenêtre ?

Détendu je réponds :

  • Quel enfant ? Tombé par quelle fenêtre ? Sauf une perte de mémoire toujours possible, je ne comprends pas l’objet de votre question.

  • Où étiez-vous le samedi deux août à vingt-deux heures dix ?

  • Probablement devant la télé, probablement à regarder un match de foot, avec probablement l’esprit ailleurs.

  • Donc, assis sur votre canapé, vous regardez distraitement la télévision, nous sommes d’accord ?

  • Puisque je vous le dis !

  • Toujours assis sur votre canapé, vous apercevez aussi la fenêtre du salon, oui ou non ?

  • Oui, je peux voir par la fenêtre.

  • Et votre fenêtre est ouverte ce soir-là.

  • Évidemment, en août c’est assez normal, n’est-ce pas ?

  • Tout à fait, et c’est pourquoi je renouvelle ma question : « Avez-vous vu l’enfant tomber par la fenêtre?»

  • Sincèrement je n’ai rien à vous dire de plus !

Cerveau droit dramatise pour essayer de me faire bouger :

  • Prenez le temps de réfléchir, si vous êtes impliqué, complice pourquoi pas, vous serez accusé de faux témoignage, recel de preuves, vous imaginez seulement la masse d’emmerdements qui va vous arriver sur la tête ?

Je les regarde, droite, gauche, et prends l’attitude dynamique du bœuf à l’étable.

  • J’imagine très mal, j’ai peut-être vu tomber, j’insiste sur peut-être, une étoile filante, un mégot de cigarette, rien qui puisse ressembler à un enfant. J’en suis certain.

  • Bon, c’est tout pour aujourd’hui, si un fait vous revenait, n’hésitez pas à nous téléphoner. Et, en attendant, vous ne quittez pas la ville.

 

Et si je savais quoi que ce soit, tout comme vous, ce n’est pas aux condés que j’irais balancer.

Ballot hein ? En même temps, elle servirait à quoi la police si chacun lui apportait la solution.

 

Le deux justement, dans le hall de mon HLM, j’ai croisé Imene qui poussait un landau hurleur.

Imene ma voisine, même appartement un étage au-dessus. Depuis février, Imene garde son neveu, dix-sept mois, le fils de sa sœur Lucette.

Lucette, la petite sœur qui a tout compris de la vie, possède manteaux de fourrure, Mercedes, belle villa. Ce n’est pas Lucette qui irait travailler dans un supermarché, ah non !

Non, officiellement, pour la famille et les voisins, Lucette est partie faire la danseuse à Marrakech, pour de vrai, elle fait « pute » boulevard Lannes à Paris.

Lucette donne beaucoup d’argent pour élever Pierre-Henri, beaucoup plus que nécessaire. Plutôt que d’en profiter, Imene a ouvert un livret A pour les futures études du petit, vraiment une brave femme.

Pierre-Henri s’appelle Pierre-Henri parce que la mairie a refusé de le prénommer Pierre-Comptable.

Pourquoi « Comptable » ? Parce que Riri, l’Homme à Lucette, est appelé le Comptable par ceux qui savent, les voyous et les flics de Bobigny.

Souvent après le quarantième client, l’envie de fumer une cigarette prend à Lucette, elle perd trop de temps. Alors Riri a pris l’habitude de lui balancer des pierres pour la remettre au travail. Il rigole le Riri, souvenirs d’enfance qu’il dit, quand il tirait par la fenêtre ouverte sur les pigeons du parc Stalingrad.

  • Fume tes cigarettes par moitié, aboie-t-il.

D’abord la moitié tabac, puis la moitié filtre, les pauses sont plus courtes, même si le filtre laisse un goût affreux dans la bouche. Pas facile le Comptable, pas facile la vie !

 

Je devine bien ce qui a pu se passer, ce que j’ignorais encore, c’est la tournure que prendraient les événements. Non, je ne pouvais pas l’imaginer !

Après une banale journée de folie, je subodore qu’à dix heures du soir Imene a sommeil.

Pierre-Henri, qu’elle appelle affectueusement Ptit-Compt, diminutif de Pierre-Comptable, est, ce soir, particulièrement braillard.

Faut dire qu’Imene oublie parfois de lui donner à manger, ou de le changer, trop chiant, trop puant, trop fatiguée.

Ce soir du deux août, Imene est d’autant plus lasse qu’en rentrant du boulot Raoul et ses potes l’attendent, la poussent gentiment dans la cave. Elle ne refuse jamais Imene. D’une part, ils ont l’air contents, d’autre part, comme disait sa grand-mère, « si t’es obligée, prends au moins du plaisir » et puis ils lui donnent toujours quelques gorgées de whisky. Ça la remonte… au moins jusque chez elle.

 

Du fond de son premier sommeil, le meilleur, elle entend Ptit-Compt hurler à la mort.

Ptit-Compt, la mort… Encore toute endormie, cul à l’air et t-shirt flottant au vent, elle attrape le gosse et lui flanque deux baffes, des vraies, pas genre humour pas drôle.

  • Tu vas te taire Ptit-Compt, arrête de gueuler ou je te balance par la fenêtre !

A quoi Ptit-Compt ne sait répondre que par un hurlement si haut dans les aiguës qu’il n’est pas sans rappeler un do dièse à la septième octave de Mariah Carey.

Imene craque, trop c’est trop ! Elle attrape le Ptit-Compt par une jambe et hop le jette par la fenêtre !

Oh putain ! Brusquement réveillée, Imene se penche, tout en bas, sur le trottoir une belle et large tache de sang avec plein de débris tout autour.

Elle ramasse vite fait un sac-poubelle, dégringole l’escalier, même pas le temps d’attendre l’ascenseur.

Sur place, elle récupère les éclats qu’elle enfourne dans le sac et vire le tout dans la poubelle.

Merde, il reste la tache de sang, grosse tache d’ailleurs pour un si Ptit-Compt.

 

Bien sûr j’ai vu passer le gosse par la fenêtre, j’ai entendu Imene dévaler, je l’ai vu jeter un sac en plastique dans la poubelle et j’ai regardé perplexe la tache de sang au pied de l’immeuble.

Moi, j’aime bien Imene.

J’ai pris mon chat par la peau du cou, il adore. D’habitude je le dépose doucettement devant sa gamelle. Pas cette fois, non. Je guette, vise avec attention et splash… Entrechat s’esquiche sur la tache de sang.

J’enfile un sweat, un jean, mes santiags, j’attrape ma bouteille de whisky, elle en raffole.

Je frappe à sa porte. Imene, un fragile point d’exclamation tremblotant, m’ouvre.

  • T’inquiète pas, j’ai tout arrangé. Entrechat s’est écrasé pile-poil.

  • T’as balancé Entrechat par la fenêtre ? Où, pourquoi ?

  • Un maquillage sang pour sang, Imene, parce que tu le vaux bien !

 

La suite...

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Rédigé par Hervé

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Publié le 17 Avril 2018

Le Vietnam. Ça faisait des années que j’avais envie d’y aller. Enfin mon compagnon y consentit. La lecture des prospectus me fit rêver. Ils sont faits pour ça allez-vous me dire. Je cherchais à assimiler les noms étranges des villes, Hue, Dalat, Cau Da, Dô Son, Danang, Hanoi, Phan Thiet, des rivières, celles dont on connaît le nom français, comme le fleuve rouge et le fleuve jaune, la rivière interdite, la rivière des parfums, la rivière de la Queue d’hirondelle, Yan Vi en vietnamien, d’autres dont on ne connaît que le nom vietnamien, comme la rivière Song Lai et la rivière Han. Il y a des endroits magiques à visiter, comme la vallée de l’Amour et le col des Nuages. Rien que les noms nous transporte loin d’ici. Il ne faut pas oublier les baies. Il n’y a pas que la baie d’Halong, même si elle est la plus célèbre. Il y a aussi la baie de Nha Trang et celle des Nuages. Je me suis rappelée² l’histoire récente de ce pays meurtri. Jeune adulte, c’était bien la guerre du Vietnam qui m’avait traumatisée, et avec moi toute une génération. C’est cette guerre-là qui est restée gravée dans mon esprit comme aucune autre. C’est dire à quel point ce voyage comptait pour moi.

Pas coutumiers de grands voyages, nous avions envoyé nos passeports au voyagiste choisi pour les trois visas qu’il nous fallait, acheté des bagages, des chaussures et des vêtements qui nous paraissaient adaptés pour un voyage que nous imaginions assez rustique. Notre premier escale prévu était Bangkok, ensuite trajet en train jusqu’à Ventiane, capital du Laos, pays peu visité à l’époque, c’est-à-dire en 1995, puis avion pour Hôchiminh-ville. Je me voyais déjà dans le train, un train à vapeur, bien sûr. Pour la fin du voyage, nous avions ajouté une semaine de farnienté à Ko Samui. C’est ma sœur qui m’avait parlé de la beauté de cette île.

Trois semaines avant le début du voyage, les valises, en fait des objets hybrides qui s’ouvraient comme des valises mais pouvaient se porter comme des sacs à dos, étaient quasiment faits. Nous étions vaccinés contre les maladies tropicales et disposions d’une réserve de Nivaquine conséquente. Nous connaissions notre trajet par cœur. Les croissants que j’ achetais chaque matin me paraissaient fade, j’avais hâte de déguster au petit déjeuner une bonne soupe vietnamienne, appelé pho dans la langue du pays. Vous voyez que je m’y préparais avec enthousiasme. S’il n’y avait pas eu mon compagnon bien français, attaché à ses croissants, j’aurais commencé le régime soupe toute de suite.

J’étais dans cette disposition, tout mon être, chaque cellule de mon corps attendait ce voyage avec impatience, quand le facteur m’apporta une lettre recommandée de notre voyagiste. Le voyage était annulé, faute d’un nombre suffisant de participants.

Le lendemain nous avons trouvé un autre voyagiste. Le problème, c’était de récupérer nos passeports. Le nouveau voyagiste était bien moins angoissé que nous, il avait l’habitude et tout c’est bien passé.

Nous voilà à Paris où nous avons fait la connaissance des autres membres du groupe avant de monter dans l’avion. Laisser tout derrière moi, oublier le travail et les tracas de la vie quotidienne, me suis-dit, installée confortablement dans l’avion. Non, je ne lis pas Le Monde pourtant gratuit, je ne regarde pas le film américain programmé. J’avais apporté un petit recueil de Poésie vietnamienne, je l’ai sorti, lu un poème par ci, par-là en rêvassant et en imprégnant de ce que je prenais pour l’âme vietnamienne.

Après douze bonnes heures de vol, l’avion s’apprêtait à atterrir à Singapour.

Lumières scintillantes dans le noir, quelle beauté

Un chapelet d’îles, enroulé sur lui-même

Je suis là, Singapour, me voilà me suis-je vantée.

Singapour je t’aime.

A l’aéroport, l’ambiance était hélas moins poétique. C’est un grand supermarché ou tout est moins cher, paraît-il. J’avais commis l’erreur de ne pas apporter de l’argent et dû me contenter du plaisir des yeux.

Après un dernier vol, arrivée à Hôchiminh-Ville, anciennement Saigon. Un guide souriant attendait notre petit groupe de cinq voyageurs. L’atmosphère, les odeurs, les bruits étaient bien différents de ceux de Singapour. L’aventure pouvait commencer.

Le soleil se lève

Les Vietnamiens s’affairent

Rues bien encombrées.

Les Vietnamiens sont des lève-tôt. On nous l’avait annoncé : rendez-vous dans la halle de l’hôtel à six heures du matin pour la visite de la ville. Devant l’hôtel, notre guide ignore notre minibus pour nous diriger vers des cyclo-pousse. Il parlemente quelques minutes avec les conducteurs. Finalement, tout le monde paraît satisfait, la visite peut commencer. Éternellement souriant devant les touristes, nos conducteurs vietnamiens nous saluent avec un hochement de tête et nous aident à nous installer sur les sièges. C’est parti ! Ils pédalent à toute allure, au point de me faire peur.

Peur de l’accident

Hantise d’un carambolage

Manque de confiance.

 

Nos conducteurs paraissent sûrs d’eux. Ils semblent s’amuser de la tension, de la crispation qu’ils captent en nous. Petit à petit, je me détends, me laisse gagner par l’exotisme de la ville, des bruits, des odeurs. Ville exotique et en même temps familier, avec des grands buildings datant de l’époque coloniale, des motos, des vélos, des hommes rasés de près, habillés d’une chemisette, bien propre, bien repassée. Ils ne transpirent jamais, eux ? Des femmes avec leurs tuniques colorées sur des pantalons de couleur sombre, avec leurs chapeaux de paille en forme de cône.

Tant de choses à voir

Tant de bruits à écouter

Musique de la ville.

 

Je suis heureuse. Contente d’être là. J’ai bien fait d’insister pour qu’on fasse ce voyage plutôt que de passer, une fois de plus, nos vacances en Bretagne, avec la belle-mère. Une citation d’Orson Wells me vient à l’esprit : « Il faut viser la lune, car même en cas d’échec on atterrit dans les étoiles ».

Oser l’aventure

Ce qui paraissait chimère

Devient réalité.

 

Je chasse ces idées pour m’imprégner entièrement de ce qui m’entoure. Voici la cathédrale, et la poste à côté. Une halte s’impose. Venant de l’Europe du Sud, la cathédrale ne présente aucun intérêt pour nous. La poste par contre, c’est autre chose. Selon le Bison Futé, la poste de Hôchiminh-Ville est le seul endroit dans tout le Vietnam où on peut acheter des timbres pour l’Europe.

Devoir de touriste

Envoyer des cartes postales

Témoins du voyage.

 

Il y a aussi les photos, bien sûr. Chahutée sur le cyclo-pousse par les aspérités de la chaussée, elles risquent d’être floues. Vite, vite, des photos de la poste et de la cathédrale avant que nous continuons notre parcours. Les Vietnamiens nous observent, s’amusent de nous, nous font des sourires. Certains veulent être pris en photo avec nous. Je remarque que ce sont surtout les jeunes femmes qui posent avec mon compagnon. La France fait toujours rêver.

Le lendemain, à mon réveil, je lis la citation du jour, elle est de Nicolas Bouvier : « en route, le mieux c’est de se perdre. Lorsqu’on s’égare, les projets font place aux surprises et c’est alors, mais alors seulement, que le voyage commence. »

Pas le temps de méditer sur cette affirmation, nous faisons un voyage organisé réglé comme du papier à musique, aucune chance de se perdre. Justement, à rêvasser ainsi, me voilà en retard. Je cours vers le bus, tout le monde m’attend. Nous partons vers le delta du Mékong. Après avoir roulé pendant une bonne heure, le minibus s’arrête. Déjà arrivé ? Je regarde à droite et à gauche, j’allonge mon cou, me lève, je ne vois pas le fleuve. Wong, le chauffeur, sort une carte, discute avec Kim, notre guide, se gratte la tête. Ils tournent la carte dans tous les sens, discutent encore. Finalement, Kim se retourne, s’adresse à nous pour nous annoncer qu’on était perdu, qu’on n’était pas là ou on aurait dû être et qu’il était impossible de rattraper le bon chemin.

Mais, poursuit-il, Wong connaît très bien la région, il y a de la famille qui exploite un grand jardin où poussent des mangues, des papayes, des fruits de la passion et des litchis. Je pense alors que le chauffeur avait peut-être fait exprès. Comment peut-il se perdre s’il connait si bien la région ? Je pense aussi à la citation que j’avais lu le matin. A nous, l’aventure !

Le jardin des cousins de Wong, quelle merveille. De la verdure partout. Des verts de toute la palette, du clair au foncé, tirant vers le jaune, tirant vers le bleu, multitude de verts, quelle composition. De l’eau qui coule, qui fait des ruisseaux, qui se faufile partout, qui fait une petite musique apaisante. Des senteurs, douces, rafraîchissantes, surprenantes.

Les arbres fruitiers donnent aussi de l’ombre. C’est là qu’on déjeune ? Nos hôtes ont dressé une table pour nous. Je hume le parfum délicieux, subtil qui se dégage des plats qu’ils apportent et qui se mélange harmonieusement avec l’odeur des arbres fruitiers qui nous entourent. Nous dégustons des plats savoureux, exotiques, authentiques, bien meilleur que ceux de l’hôtel. En dessert, les fruits du jardin : mangues, papayes, litchis, quel délice !

Après le thé qui termine le repas, Wong nous propose une escapade en sampan, sorte de bateau à rames, sur le Mékong.

  • Il est loin ?

  • Non, juste au bout du jardin.

Nous embarquons sur deux sampans, Wong et Kim se réinventent en sampaniers. Le clapotis du fleuve, les rames qui fendent l’eau. Sinon, le silence. Nous avançons d’une allure régulière, le paysage se déroule devant nos yeux fascinés. Apocalypse Now me vient à l’esprit. Non, on ne va pas se gâcher un moment si agréable, si paisible. Nous passons devant un village flottant. Ses habitants nous font des signes, nous appellent, nous sourient. On répond par des signes joyeux. Ils veulent nous vendre du poisson. Kim leur explique. Wong en prend pour ses cousins. Discussion sur le prix, finalement, le marché est conclu. A l’avantage de qui ? Nous ne le saurons jamais. Le soleil commence à décliner. Nous retrouvons notre minibus, notre hôtel et l’habituel dîner pour touristes. Peut-être la plus belle journée de ce voyage ?

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Rédigé par Inge

Publié dans #Voyage

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Publié le 17 Avril 2018

Le voyageur voit ce qu'il voit, le touriste voit ce qu'il est venu voir.

(G. Chesterton)

 

 

Tu ne vois rien que tu ne connaisses déjà.

Ou plutôt tu ignores ce que ton œil n’intègre pas à ta mémoire. Une mémoire flash qui vacille et s'enflamme, traîne le long des quais, soulève la reliure déconfite des bouquins amassés comme en classe, flâne et s’échoue au bord d'une péniche rutilante.. le nez en alerte.

 

Tu ne vois que ce que tu sens. L'odeur du métro, fade et désuète, au moins dans ta tête. Tu la rejettes comme tous tes souvenirs... évacuer sans conter.

Tu as fui la guerre, les tranchées, les gibets, puis les églises, les dolmens, les stèles en tout genre.Tu fuis tout ce qui porte un nom, ce qu'on peut classer, ranger, numéroter. Ton ombre aussi.

 

Ici tout est nouveau. Jamais arpenté ces champs monochromes, ces abris de pierre sèche, ces Moulins désaffectés qui brassent le vent et te tendent leurs ailes.

Tu te frottes les yeux d'un air las.

Au loin, comme un village de parapluies, sans l’ondée. Elles arrivent à pas lents, menées par un pépin fermé. Impossible de les ignorer, elles viennent vers toi en masse compacte, visage voilé contre une invisible pollution.

Un mirage vaporeux de silhouettes élancées, au sillage parfumé. Tu en es bouche bée. Jamais pensé croiser des touristes dans ce village perdu, un village choisi par hasard sur la carte du monde.

Tu es venu trouver du blé, le vrai, celui du pain cuit dans un four.

Elles, sont en quête du frisson de l'inconnu. Tu distingues leurs traits, leur peau si pâle qu'on aurait peur de la toucher. L’ orient en désarroi, tombé d'un car obtus, appareil photo en bandoulière…

Ton empreinte qui s'agite, le rêve qui s'effrite. Fuir encore. Les hommes, les femmes, les reliefs trop fertiles. Une Borie pour éphémère refuge.

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Rédigé par Nadine

Publié dans #Voyage

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Publié le 16 Avril 2018

 " Le Vieux Pont sur la Nervia à Dolceacqua " - Claude Monet

" Le Vieux Pont sur la Nervia à Dolceacqua " - Claude Monet

  • CITATION

Le voyageur voit ce qu'il voit, le touriste voit ce qu'il est venu voir !

Gilbert Keith Chesterton

 

  • LECTURE : extrait de Mémoires d'un touriste, Stendhal -

Nantes, le 25 juin 1837.

Rien de plus désagréable en France que le moment où le bateau à vapeur arrive: chacun veut saisir sa malle ou ses paquets, et renverse sans miséricorde la montagne d'effets de tous genres élevée sur le pont. Tout le monde a de l'humeur, et tout le monde est grossier.

Ma pauvreté m'a sauvé de cet embarras: j'ai pris mon sac de nuit sous le bras, et j'ai été un des premiers à passer la planche qui m'a mis sur le pavé de Nantes. Je n'avais pas fait vingt pas à la suite de l'homme qui portait ma valise, que j'ai reconnu une grande ville. Nous côtoyions une belle grille qui sert de clôture au jardin situé sur le quai, devant la Bourse. Nous avons monté la rue qui conduit à la salle de spectacle. Les boutiques, quoique fermées pour la plupart, à neuf heures qu'il était alors, ont la plus belle apparence; quelques boutiques de bijouterie éclairées rappellent les beaux magasins de la rue Vivienne. Quelle différence, grand Dieu! avec les sales chandelles qui éclairent les sales boutiques de Tours, de Bourges, et de la plupart des villes de l'intérieur! Ce retour dans le monde civilisé me rend toute ma philosophie, un peu altérée, je l'avoue, par le froid au mois de juin, et par le bain forcé de deux heures auquel j'ai été soumis ce matin. D'ailleurs le plaisir des yeux ne m'a point distrait des maux du corps. Je m'attendais à quelque chose de comparable, sinon aux bords du Rhin à Coblentz, du moins à ces collines boisées des environs de Villequier ou de la Meilleraye sur la Seine. Je n'ai trouvé que des îles verdoyantes et de vastes prairies entourées de saules. La réputation qu'on a faite à la Loire montre bien le manque de goût pour les beautés de la nature, qui caractérise le Français de l'ancien régime, l'homme d'esprit comme Voltaire ou La Bruyère. Ce n'est guère que dans l'émigration, à Hartwell ou à Dresde, qu'on a ouvert les yeux aux beautés de ce genre. J'ai ouï M. Le duc de M... parler fort bien de la manière d'arranger Compiègne.

Mémoires d'un touriste, Stendhal

***

  • ÉCRITURE :

Terminer le voyage dans le style que vous voulez. Éventuellement, rédigez une conclusion à comparer avec les attentes du début.

 

Proposition d’écriture : Vous pouvez rependre l'une des formes d’écriture d’un des ateliers « Voyage », cela contribuera à harmoniser votre carnet.

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Rédigé par Atelier Ecriture

Publié dans #Voyage

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Publié le 14 Avril 2018

En route, le mieux c'est de se perdre. Lorsqu'on s'égare, les projets font place aux surprises et alors mais alors seulement, que le voyage commence.

Nicolas Bouvier

Écrivain, photographe, iconographe et voyage suisse (1929 1998).


 

Il est une senteur qui m'invite à naviguer sur une île où les douces vagues se défilent comme un banc de poissons. C'est le joyeux vivant caché où le silence est. Est comme lui, il Est. Est comme elle, elle Est.

 

Être !

 

Tu sens de nouveau parfums / tu chéris ton corps avec douceur / tu découvres de nouvelles fleurs bleues /

Leur noms sont subtiles.Les vagues sonnent la clé de sol. Les Palmiers chantent en sol. Les chemins bordés de fleurs de toutes les couleurs te donnent le sourire, tu cueilles les aromates et les légumes dans les prairies vertes et tu en fais de plats savoureux.

Tout est là dans ce jardin extraordinaire.

 

Crépuscule, sous la lune, le vent aromatise ton intérieur de mille et une idée.Tu en fixes une sur le mur du salon douillet et chaleureux, tel le mouvement de la libellule.

Un tableau noir suspendu, où est écrit être une créature créatrice. Volent au plafond, des voiles de papier japonais. Au sol, un tapis bleu, du bleu au bleu qui s'étire à un infini de bleus où se fonde comme la plume d'un oiseau qui te susurre à l'oreille l'important, l'important c'est l'amour.

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Rédigé par Christine

Publié dans #Voyage

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Publié le 12 Avril 2018

 

En route le mieux est de se perdre. Lorsqu'on s'égare, les projets font place aux surprises, et c’est alors, mais alors seulement, que le voyage commence. Nicolas Bouvier (Écrivain, photographe)

 

Le cordon de sécurité s'est mis en place.

Elle, s'est égarée sur la voie de la nature, le retour à la terre, le désir essentiel. Revenir aux sources. Un reflet dans l'eau vive du torrent ; elle se mire et s’étonne. Une jeunesse au creux de l'herbe, des arbres, à dévaler les pentes rieuses de l'insouciance.

Sofia vit au rythme des abeilles, butine le miel de ses rencontres, fredonne au diapason des saisons. La mélodie des sens. Aujourd'hui elle fait face aux tuniques, et son visage se fige.

Elle défend son carré de terre blême, son lopin de rêve, ses fleurs fières et fanées, sa cabane de bergère enchantée. Le rêve, ou la vie.

 

Face à elle, une tunique armée d'un bouclier. Une autre femme égarée sur la voie du droit, de l'ordre, de la sécurité. Une femme lassée... des années de luttes intestines. Les yeux cernés par une brume aride... Se poser enfin. Les rêves noyés par le temps, broyés sur la pointe des pieds. Le rêve, ou la vie.

Mon enfant, ma sœur... songe à la douceur…

Une confrontation délicate. Les deux songent à Baudelaire.

D'un camp à l'autre le murmure monte et puis s'étiole, comme une vague à l'assaut des falaises.

Sophia se voile la face, prête à l'assaut.. Affronter la vie.

Là, tout n'est qu'ordre et beauté…

Elle revoit les prairies enfantines, les vallées de verdure, les troncs lacérés, les mains enlacées.

Aimer à loisir, aimer et mourir…

Elle serre les poings, se griffe la paume. Croire aux rêves mieux qu'à la vie.

Le bouclier en tunique prépare l'affrontement. Un ordre en attente, la hiérarchie toute-puissante. L'ordre, sans la volupté. Les fleurs mêlent leurs odeurs à celle de la poudre. Senteur d'extase et ciel mouillé..

Leurs yeux traîtres se croisent...Assouvir l'humeur vagabonde des âmes secrètes.

Une lumière chaude, violente. Sophia ferme les yeux. Le monde s'endort. La Sirène hurle.

Le rêve, ou la vie.

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Rédigé par Nadine

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Publié le 11 Avril 2018

 

                                                          En route, si on s'emmène toutes les deux

                                                          Pourquoi ne pas se perdre dans ses idées

                                                          Le chemin est tracé, la carte reste le mieux

                                                          Chemin faisant, les surprises sortent par ci par là.  

                                                          

                                                          Le camping pour se poser et se demander

                                                          Oh un chevreuil bondissant !

                                                          En nous coupant la route, nous regarde surpris

                                                          Un petit, puis un deuxième se dandinant

                                                          Que la forêt est belle, le soleil couchant

                                                          Nous dit au revoir et rit.

 

                                                          La route sera longue demain

                                                          Et si l'on se perd, l'astre du jour

                                                          Nous montrera le chemin

                                                          Bonne nuit mon amie l'éphémère nous dit bonjour !

 

                                                          Mon Dieu as tu vu où nous sommes !

                                                          On s'est réellement égarée dans le jardin du bonheur

                                                          Des tulipes à perte de vue, des cloches sonnent

                                                          Des chouettes perchées dans les hauteurs

                                                          Des vélos immobiles chargés de fleurs

                                                          Le monde du matin s'éveille

                                                          L'humidité nous enveloppe et pleur.

 

                                                          Les premiers visiteurs arrivent, la poésie du petit matin

                                                          Fait place à des éclats de voix surgissant

                                                          Les animaux et les fleurs sont plus malins

                                                          Partons vite, les moulins sont en mouvement.

 

                                                          Le voyage continue, sortons incognito

                                                          Les oiseaux s'envolent nous traçant le chemin

                                                          Ramassons les vélos et les sacs à dos

                                                          Un petit creux se fait sentir et nous tient.

 

                                                          Des allées cheminent le long d'un cours d'eau

                                                          Maman canne sort de son lit

                                                          Mon amie dit " bonjour les oiseaux" !

                                                          Au bout de la route la ville apparait

                                                          Ouf, je pensais que nous n'arriverions jamais.

 

                                                          L'ambiance est festive, la ville accueillante

                                                          La lune dit au revoir au soleil, riante

                                                          Et la vie des humains reste bienveillante.

 

                                                          Amsterdam nous a réjouit

                                                          Les moulins, les canaux, les tulipes

                                                          Les nuits rouges nous éblouissent

                                                          Merci pour ce voyage, mais pas de cannabis. 

 

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Rédigé par Dominique

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Publié le 11 Avril 2018

Bien sûr je suis revenue raisonnablement par bateau..

Les mois ont passé et un soir que je feuilletais un cahier sur lequel j'avais retranscrit proverbes et citations ; deux ont retenu mon attention :

 

  • Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine… Elle est mortelle ! » (Paulo Coehlo)

  • en route, le mieux c'est de se perdre. Lorsqu'on s'égare, les projets font place aux surprises et c'est alors, mais alors seulement, que le voyage commence (Nicolas Bouvier).

 

Sans hésitation, sans réflexion, sans destination précise, je suis partie et je me suis perdue si vite que le voyage n'a pas commencé. Heureusement, si je puis dire, personne ne m'attendait contrairement à Ulysse pour qui Penelope tricotait.

 

Je me suis retrouvée dans le fossé

au fond duquel il y avait un vélo
me prenant pour Jeannie Longo

je l'ai enfourché

au même moment j'ai vu

des cyclistes, qui participaient sans doute au tour de France,

passer à toute allure

j'ai voulu en être et ce jusqu'à Paris

avec passion j'ai suivi le peloton

mais celui-ci m'a vite semée

découragée je me suis allongée

dans un champ de coquelicots

personne n'est venu en cueillir

alors je me suis endormie

au petit matin le beuglement des vaches m'a réveillée

j'en ai trait une pour boire son lait

le fermier a porté plainte pour abus de biens sociaux

je fus jugée en comparution immédiate

l'avocat commis d'office fut brillant

et le tribunal m'acquitta

c'était l'été, les vacances

mon avocat et moi sommes partis à l'aventure

sa voiture est tombée en panne sur un chemin vicinal

nous continuâmes à pied
et c'est ainsi que notre voyage a vraiment commencé.

 

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Rédigé par Françoise

Publié dans #Voyage

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