Publié le 25 Avril 2016

Pour le sujet du mois, une conversation place Masséna...

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– Hé ! Toi !

– … Moi ?

– Oui, toi…

Je me retourne, étonné. Il n'y a personne sur la place Masséna. Coup d’œil circulaire… Je confirme : personne ! 3h. Du matin, c'est trop tôt ou trop tard. Je suis vraiment seul.

– Que tu crois…

– Comment ça… que je crois… qui me parle ?

– Lève donc la tête…

Cou tendu vers le ciel, encerclé de statues lumineuses haut-perchées, je ne vois personne ; tous les volets sont fermés, la ville dort. La statue qui me fait face vire au bleu.

– Le bleu, c'est pour te saluer.

– … ?

– Oui, tu as bien entendu. Je suis lumière bleue et je te parle.

– Euh… bonjour…

Est-ce que je suis réellement entrain de parler à une statue ? Je deviens fou !

– Non, tu ne deviens pas fou ; peut-être juste un peu fêlé, comme moi. « Bienheureux les fêlés car ils laisseront passer la lumière. » Lumière en bleu, en vert… oui en vert, c'est joli le vert, c'est la couleur de l'espérance, non ?

– On le dit…

Un vilain torticolis commence à me vriller la nuque. La statue bleue devient verte. On dirait qu' elle me sourit :

– J'ai un service à te demander. Regarde au pied du poteau sur lequel je suis perchée…

Je m'approche, me penche et ramasse une drôle de petite boule à la consistance indescriptible ; la douceur du duvet, la finesse d'une aile se libellule, la transparence de l'air, comme une bulle… une idée romantique de l'âme…

– Tu ne crois pas si bien dire, ou du moins, penser. Car je t'entends penser, tu le sais. C'est bien une âme que tu tiens dans tes mains, c'est la vie échappée de notre ami l’Antarctique. Regarde comme il est pâle.

Je ne l'avais pas remarqué. Au bout de la place Masséna, une statue a perdu sa lumière. Les autres chuchotent en arc-en-ciel. Des bribes me parviennent, ténues. L'Océanie tourne au turquoise dans un murmure de lagon, pleure sur un corail qui se meurt, l'Amérique du Sud, orange comme un soleil couchant, se désespère du saccage de la forêt amazonienne, l'Afrique, rouge de colère, se révolte contre l'injustice, la corruption qui la broie, la guerre qui la tue, contre toutes les guerres du monde, l'Amérique du Nord se lamente en jaune sur ses pollutions. L'Asie médite en vert d'eau et de silence sur le réchauffement climatique, les risques telluriques et les centrales nucléaires.

– Tu les as reconnus, bien sûr ! Moi, je suis l'Europe, verte de forêts fragiles, saturée de pollution lumineuse. Mon ciel s'est éteint, les animaux nocturnes souffrent – les diurnes aussi, pour d'autres raisons – Le monde se meurt. Écoute mes frères. Écoute leurs inquiétudes, leurs détresses. L’Antarctique a vomi son âme. Toi, tu es le seul vivant de la nuit. L'espoir. Fais ta part comme le colibri de l'histoire, rends son âme à l’Antarctique. Fais-le, maintenant.

Je souffle sur la bulle-boule qui s'envole vers la statue Antarctique, se pose délicatement sur sa tête, lui rend sa lumière, nacrée comme les glaces de ses banquises. Elle m'éblouit, je ferme les yeux. Quand je les ouvre à nouveau, c'est un rayon de soleil qui m'aveugle. Il fait grand jour, la place Masséna s'anime. Un policier vient vers moi. Je me lève péniblement du banc de granit sur lequel j'ai passé la nuit. Un clochard ici, ça fait désordre. Alors je repars. Sur mon vieux veston crasseux, une plume douce comme un duvet, fine comme une aile de libellule, transparente comme l'air s'accroche, pleine de lumière. Qui me rendra mon âme ?

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Rédigé par Carmella

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Publié le 21 Avril 2016

Sur le thème "la ville", flânerie et monologue intérieur...

Qu'est-ce qu'il fait chaud ! Le bateau pour la Corse s'il vous plaît ; à gauche, ok merci Monsieur. Quelle chaleur ! Je ne sais pas comment font les habitants ici. Une heure d'attente sur ce parking. Quelle plaie et pas un arbre. Bon voyons… Je vais aller faire un tour et m'acheter une bouteille d'eau. Je laisse la voiture queue à queue avec les autres. Tout autour, des couples, des femmes qui s'épongent la figure. Des enfants hébétés. Quelle humanité. Éloignons-nous. Tiens cette rue a l'air sombre et fraîche. Hum, comme c'est agréable ! À part l'air pollué de la ville. Un cri de mouette. Ça sent les vacances. Quelle rue sinistre. À deux minutes de la mer. Et ce boucher qui me toise à travers sa vitrine ; et ces petits vieux qui attendent leur tour sur un banc. C'est bien typique d'ici. Ah, il y a même un collège. Ils ne savent pas la chance qu'ils ont. À deux pas de la mer. Ils peuvent même enfourcher un vélo bleu. Comment ça marche… Bon ce n'est pas très clair. Voyons voir. Justement sans lunette, on ne voit rien. Quelle heure est-il ? Ah, le bateau est arrivé. Il est énorme en bout de rue. Magnifique et nostalgique à la fois. J'ai bien fermé ma voiture ? Qui pourrait la voler de toute façon. Bon je vais revenir. Un poissonnier, une pharmacie, quelques restos dont un libanais et un péruvien. Mais pas trop donné. Allez le petit snack au coin de la rue fera l'affaire. Une bouteille d'eau et c'est quoi ça, tourte de blettes. Allons pour l'exotisme ; le voyage a déjà commencé.

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Rédigé par Brigitte

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Publié le 20 Avril 2016

Sur le thème "la ville", flânerie et monologue intérieur...

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Brigitte arrive à la place Garibaldi où elle a rendez-vous avec ses copines. Elle regarde sa montre. Zut ! J’ai vingt minutes d’avance. Elle s’installe sur le rebord de la fontaine et laisse son regard et son esprit vagabonder.

Il y a encore des gens qui mangent des huîtres, alors qu’il fait déjà si beau, si chaud. C’est vrai, on n’est qu’au mois d’avril, mois avec un « r ». Le printemps qui s’est pointé, qui a apporté un air si doux, ne me donne plus envie d’en manger. Bien sûr, ce sont surtout les touristes qui en mangent. D’après leurs guides touristiques, manger des huîtres au Café de Turin, c’est un must. Voilà justement un couple d’asiatiques. Ils tournent leur plan dans tous les sens, se disputent. Des asiatiques qui se disputent ? Et on nous fait croire qu’ils sourient tout le temps. J’ai pitié d’eux. Allez, je fais ma bonne action de la journée. Brigitte se lève et s’approche des touristes. « Can I help you ? »

C’est curieux que tous les touristes asiatiques veuillent aller à Eze Village. Brigitte se rassoit. Elle ferme les yeux. Qu’est-ce que je suis bien au soleil ! Je pourrais m’adonner à cette sensation agréable de fin d’hiver, assouvir cette soif de chaleur, de lumière pendant des heures et des heures. Heureusement, je ne suis pas une touriste qui doit courir à droit et à gauche pour avoir tout vu en un temps record ! Elle les rouvre, ses yeux, et tourne la tête vers les albizzias. Non, ils ne sont pas encore en fleurs. L’année dernière, ils avaient fleuri en juin, quand ma sœur était là. Quel parfum délicat ils avaient ! Quelles couleurs tendres entre le rose et le blanc, plutôt un rose foncé, genre vieux rose. Tiens, dans le film que j’ai vu hier au Mercury, il y avait des cerisiers en fleurs. Quelle merveille ! Rien que pour eux, le film valait la peine.

Au marché des Antiquaires, on vendait des pierres qui étaient aussi d’une beauté parfaite. Un peu translucides, dans des couleurs pastel, rose, bleu, vert. Je n’ai rien acheté, c’est dommage, elles ne me sortent plus de la tête. Bientôt c’est mon anniversaire, prétexte parfait pour se faire offrir du superflu. Pourvu que tout n’a pas été vendu. C’est quand déjà, le marché des Antiquaires ? Le der-nier était le troisième samedi du mois. Si c’est ça, le prochain sera après mon anniversaire. Tant mieux, ainsi, je pourrai choisir moi-même la pièce qui me plaît le plus. Ça va être difficile.

L’idée d’être bientôt en possession d’une pierre, rose de préférence - ou peut-être verte -, augmente encore la bonne humeur de Brigitte. Elle se redresse, regarde autour pour voir si ses copines sont arrivées. Non, il n’y a personne. Par contre, elle s’extasie une fois de plus devant l’architecture de cette place. Quelle harmonie ! Les couleurs apaisantes, les fresques, les lignes droites, géométriques donnent un sentiment d’ordre. Le sentiment que tout est comme il doit l’être. Comment pourrais-je décrire la sensation que cette place me procure ? Quand je suis ici, je suis en paix avec moi et avec le monde. Je ne me pose plus de question, je me laisse vivre, tranquillement, paisiblement. J’espère que mes copines vont être d’accord pour qu’on déjeune ici, sous le soleil de printemps.

  • Brigitte, Brigitte ! Bonjour, nous sommes là, nous t’avons attendue de l’autre côté de la fontaine. Es-tu d’accord pour qu’on mange dans un des restaurants ici, sur la place ?

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Rédigé par Iliola

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Publié le 20 Avril 2016

Sur le thème "La ville", flânerie et monologue intérieur...

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Place de Saint-Isidore. Un carrefour. Un bar-tabac souverain. Le bar-tabac, c'est le maître de la place, il bombe le torse, s'avance, arrondi, sur le carrefour. C'est lui qu'on voit en premier. En face, un magasin de motos. Bien rangées sur le trottoir, les bécanes lorgnent sur les tables en terrasse. Motard + bar = sacré cocktail ! Voyons… pas de casque sur les tables, tant mieux. Bien assez dangereux comme ça... l'alcool en plus… Marrant le contraste avec la vieille épicerie de Jeannette. Année 60, rien n'a changé. À l'ancienne, crayon sur l'oreille, étagères, boîtes de petits pois. Et le bureau de poste… au fond de la petite cour ; discret, faut savoir qu'il est là. Pas comme le bar ! L'église veille sur tout ce petit monde du haut de son perron. Église, bar, épicerie, poste… et la boulangerie là-bas… un village encore… pour combien de temps… la ville avance, elle est aux portes du quartier. Comme un rouleau compresseur. Ça écrase tout, les maisons, les souvenirs, l'enfance… Stop, stop, la nostalgie passéiste… faut bien que ça avance… vite, quelques photos avant que… Une moto démarre dans un grondement tonitruant… Bon sang, ça, ça ancre dans le présent !

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Rédigé par Carmella

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Publié le 20 Avril 2016

 

Sur le thème "La ville", flânerie - enfin presque - et monologue intérieur...

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Comme un coup de gomme ! Paysage effacé. Les pelleteuses raturent tout. Paysage brouillon et crissements pires que la craie sur le tableau noir… Noir, le goudron tout lisse sur le trottoir tout neuf de l'avenue Sainte-Marguerite. Enfin marcher sans serrer les fesses à l'approche d'une voiture. Pratique pour les mamans et les poussettes. Presque la ville…

En face, tout est chamboulé. Les Arboras, c'est des tranchées de partout, on dirait la guerre ! Les hommes en uniformes d'ouvriers, encerclent la vieille maison murée. Ces pauvres gens… Expulsés… Crève-cœur… J'ai tout vu, les ambulances des pompiers, les policiers armés. La vieille dame sur le brancard… La maison murée est encore debout, dernier bastion d'un paysage disparu.

Tout s'oublie si vite. Ça s'estompe, ça recule, c'est englouti. Comme si ce qui est là, a pris la place devant les yeux et dans la tête. Ça grignote insidieusement le souvenir, ça se superpose dans la mémoire. Quand la maison sera abattue… Elle n'a plus son escalier. Comment était-il ? Carrelage moucheté beige et noir… je crois… je ne sais plus, c'est perdu déjà.

Dieu merci, les platanes sont toujours là. Les étourneaux viendront y piailler à l'automne. Tant mieux. Au moins quelque chose qui reste. En ville aussi, il y a des étourneaux. Ça va devenir la ville ici. La ville investit la campagne. Adieu, paysans, blettes et salades… Les œillets, ça fait bien longtemps qu'ils ont disparu… aussi longtemps que l'enfance.

Bip, bip, bip, bip… l'engin recule, bip bip bip bip… La nouvelle route avance. Le stade bouche la vallée. Les paysans sont partis. La ville arrive. Mon quartier rajeunit, je vieillis…

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Rédigé par Mado

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Publié le 20 Avril 2016

Jeunes filles au piano - Auguste Renoir

Jeunes filles au piano - Auguste Renoir

En 2015, l'atelier d'écriture a exploré... un peu... le thème de la musique. Quelques petits textes écrits lors des séances, une ou deux nouvelles, et des chansons, ou du moins, des paroles sur des airs connus ont émergé de cette aventure. Les voici, ci-dessous :

 

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En 2017/18, Musique et Danse ont été le thème du recueil "ARPÈGES et ARABESQUES"

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Rédigé par Carmella

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Publié le 20 Avril 2016

"Quand les mots rencontrent la musique..." ils se transforment en nouvelle...

HYMNES

"Cela est divin et rare
d'ajouter un chant éternel
à la voix des Nation
s"
Michelet


1792 :

Je dormais dans les mots d'une affiche, dans le patriotisme des hommes, dans la fraternité d'une nation. Mon père, le capitaine, m'a réveillée.
Tout a commencé en avril 1792. Depuis trois ans, la France a renversé les despotes. En juillet 1789, le peuple a pris la Bastille, les citoyens, le pouvoir. Les vieilles monarchies européennes craignent la contagion, elles forment des coalitions pour combattre le jeune état révolutionnaire.
À Strasbourg, l'Armée du Rhin veille sur la frontière. Mon père le capitaine, affecté au bataillon “ Les enfants de la Patrie ”, s'y trouve déjà depuis un an. Poète et musicien, il est familier des milieux artistiques de la ville. Le maire, le baron de Dietrich, l'accueille volontiers dans son salon lors de soirées où se côtoient hommes politiques, officiers, musiciens. Le soir du 25 avril, le salon est en effervescence ; le maire vient de recevoir la nouvelle : le 20 avril, la France a déclaré la guerre au roi de Bohême et de Hongrie. Point de musique ce soir, le salon n'est plus que brouhaha. Dans les discussions, surgit l'idée d'écrire un chant hardi, pour encourager les soldats qui montent au front afin de remplacer le traditionnel “ Ça ira, ça ira ”.
“ Trouvez-nous un beau chant pour ce peuple soldat qui surgit de toutes parts à l'appel de la patrie en danger et vous aurez bien mérité de la Nation ”, demande le baron au capitaine poète.
Quand mon père repart, il longe les murs de la ville sur lesquels les affiches des Amis de la Constitution appellent la population à se battre :

Aux armes, citoyens ! L'étendard de la guerre est déployé ! Le signal est sonné ! Aux armes ! Il faut combattre, vaincre, ou mourir.
Aux armes, citoyens ! Si nous persistons à être libres, toutes les puissances de l'Europe verront échouer leurs sinistres complots. Qu'ils tremblent donc, ces despotes couronnés ! L'éclat de la Liberté luira pour tous les hommes. Vous vous montrerez dignes enfants de la Liberté, courez à la Victoire, dissipez les armées des despotes !
Marchons ! Soyons libres jusqu'au dernier soupir et que nos vœux soient constamment pour la félicité de la patrie et le bonheur de tout le genre humain !
Mon père s'imprègne de ces mots qui résonnent si fort à son cœur patriote. Il passe la nuit à composer, accompagné de son violon ; il me réveille, me crée. Au matin, je suis prêt. Je vais sillonner la France, galvaniser les troupes avec le “ Chant de guerre de l'Armée du Rhin ”. Belliqueux et fraternel à la fois, au diapason des valeurs de la France, j'appelle à la paix malgré le combat comme le suggère ce couplet :
Français, en guerriers magnanimes
Portez ou retenez vos coups!
Épargnez ces tristes victimes
À regret s'armant contre nous

Les paroles de ce chant, recopiées mille fois, imprimées dans les journaux, distribuées partout, voyagent. Je les accompagne sur les routes, dans les villes, les garnisons. Parti de Strasbourg, je traverse la France, frappe le Midi, reviens comme un écho. Me propageant sur tout le territoire, je participe à l'unité nationale. Les hommes se lèvent. Les Fédérés partent de Bretagne, de Montpellier, de Marseille. Moi, je marche au pas avec eux.
Au Moyen-Âge, la Geste chevaleresque chantait les exploits des seigneurs par la voix des troubadours et des jongleurs. Moi, je chante pour la liberté, l'égalité, la fraternité. Au fil des jours, je deviens symbole, je deviens révolution, république, je deviens peuple de France. Je porte le courage, j'exalte la grandeur. Les mots pulsent au rythme d'un cœur qui bat, qui combat, comme un cri fédérateur, un fort sentiment d'appartenance.
À Marseille, le “ Chant de guerre de l'armée du Rhin ” subjugue les Fédérés. Début juillet, ils se préparent à monter à Paris pour combattre l'invasion et défendre “ la patrie en danger ”.

Tout est soldat pour vous combattre
S'ils tombent, nos jeunes héros
La France en produit de nouveaux,
Contre vous tout prêts à se battre.

Ils leur faudra presque un mois pour parvenir au terme de leur voyage. Dans les villes et villages qu'ils traversent, je suis là, avec eux, à pleine voix. Le chant donne du sens, les mots rassemblent. De partout, des volontaires les rejoignent. Une fois, alors que retentit Amour sacré de la Patrie, tous les citoyens se mettent à genoux. Le député Barbaroux, notre chef, debout sur une chaise, en avait les yeux rougis. Le peuple communie dans ce “ Te Deum révolutionnaire ”.
Le 30 août, nous rentrons dans Paris, le “ Chant de guerre de l'armée du Rhin ” en tête. Le moment où les Marseillais agitent leurs chapeaux et leurs sabres en criant Aux armes, citoyens fait frissonner. Les mots ont rencontré la musique sur la grande pensée de l'affranchissement du monde. Les Parisiens, sans se soucier de mon titre originel, me baptise l'Hymne des Marseillais, puis la Chanson Marseillaise. Le 10 août, nous participons à l'insurrection du palais des Tuileries aux côtés des sans-culottes. Le roi est fait prisonnier. Ce jour-là, j'ai vu la fin d'une monarchie vieille de près de mille ans, j'ai vu naître la république ; ce jour-là, je suis devenue “ La Marseillaise ”.
Je suis née dans les mots d'une affiche, dans le patriotisme des hommes, dans la fraternité d'une nation. Mon père, le capitaine Rouget de Lisle, m'a réveillée. Allons enfants...

1871 :
Un jour, d'autres mots ont rencontré ma musique.
En juin 1871, la Commune de Paris, insurgée, a été écrasée. Dans les prisons, les Communards attendent la mort. Le poète Eugène Pottier, révolutionnaire et goguetier, écrit un poème en l'honneur des milliers de victimes de la Semaine sanglante, de l'Internationale Ouvrière, et le dédie plus particulièrement à Gustave Lefrançais, instituteur républicain et anarchiste. Poésie puissante, née de la rébellion des opprimés, de la solidarité ouvrière des nations, elle répond à l'appel de Karl Marx “ Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! ”. L'Internationale est son nom.
La tradition goguettière veut qu'un auteur chante son poème sur un air connu. Tout naturellement, L'Internationale sera entonnée sur l'air d'un autre chant révolutionnaire, le mien, La Marseillaise. Comme une continuité, nous nous rejoignons sur la musique. Mais si moi je glorifie la patrie et la liberté, elle, dénonce la misère de ces “ damnés de la Terre ”, ces “ forçats de la faim ”, condamne les prélèvements effectués sur les salaires des ouvriers :

Les rois de la mine et du rail,
Ont-il jamais fait autre chose,
Que dévaliser le travail ?
Elle revendique l’égalité sociale, l'égalité de droits en reprenant les mots inscrits sur le drapeau de la Commune, « Pas de droits sans devoirs, Égaux, pas de devoirs sans droits ! ».
Des mots qui m'ont vue naître, prononcés par le révolutionnaire Babeuf en 1790. Des mots cités par Karl Marx en 1864 dans le préambule des statuts de l'Association Internationale des Travailleurs. Des mots, comme un pont dans le temps, de la Révolution française au communisme international.
Mes couplets patriotiques, remplacés par les vers militants du combat prolétarien, créent un sentiment d'appartenance sociale. C'est la “ lutte finale ”, celle des classes. Moi, je ne corresponds plus aux aspirations du monde du travail. Félix Pyat, personnalité de la Commune de Paris, l’a pressenti : « La Marseillaise de l’avenir, sera sans doute le chant de guerre contre ce qui restera d’ennemi à l’homme, le chant du travail dans sa lutte avec les éléments et contre la tyrannie de la matière… »
L'Internationale ne peut survivre sur ma musique. Ma musique fait corps avec mes paroles, je suis unique, je suis nation. Nous nous séparons. Je deviens l’hymne national français en 1879 ; elle, s'endort, dans l'attente des notes qui la réveilleront pour en sublimer l'émotion, pour en illuminer la substance idéologique. Son auteur, condamné à mort par contumace, s'exile aux États-Unis en 1873 ; il reviendra en France après l'amnistie de 1880. L'Internationale sera publiée en 1887 et remarquée par un poète guesdiste, Charles Gros, qui la communique à la section lilloise du parti ouvrier. Le maire de Lille demande alors à Pierre Degeyter, ouvrier et musicien, de la mettre en musique. C'est là le début de sa prodigieuse épopée.
Les mots ont trouvé leur rythme. L'Histoire a trouvé ses mots. Nous avons chacune nos valeurs. Je suis restée, plantée comme un drapeau tricolore au cœur de la France ; elle s'est envolée, rouge de révolte, tout autour de la Terre. Traduite dans une multitude de langues, elle accompagne les luttes sociales, les espoirs révolutionnaires ; elle porte, suivant le mot du militant socialiste et écrivain prolétarien Marcel Martinet, « la douleur et l’espérance de tant de millions d’hommes déshérités ».
Les mots ont rencontré leur musique, les hommes se sont levés. Les hymnes, comme des repères dans la marche du monde, en balisent le chemin. Pourtant, que sont devenues les idées généreuses de partage, de fraternité, de liberté ? Pourquoi faut-il que toujours, elles meurent sous quelque dictature politique ou économique ? Peut-être est-il de se réveiller à nouveau ? Debout, l'humanité...

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Rédigé par Mado

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Publié le 20 Avril 2016

"Quand les mots rencontrent la musique"... ça débouche parfois sur une nouvelle...

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Antoine était un jeune espoir au conservatoire de Nice. Ses compositions, pleines d’originalité, de surprises, faisaient vibrer les cordes sensibles. Ses parents, comblés, très fiers de leur fils musicien qui avançait vers un avenir prometteur, ne lésinaient pas sur les moyens à mettre à sa disposition. Ils lui avaient aménagé un studio high-tech au rez-de-jardin de leur villa, où le jeune homme pouvait composer en toute tranquillité.

Il passait son temps entre la musique, qu’il servait avec passion et beaucoup de talent, et une vie sociale insouciante. Il vivait chez ses parents qui l’aidaient généreusement. Il composait pour lui-même, comme il le disait en plaisantant : des danses, quelques concertos, des airs de jazz. Il rêvait de créer une symphonie, mais ne s’était pas encore sérieusement attelé à la tâche.

Il se consacrait ainsi entièrement à sa passion, sans autre souci que de trouver la note juste, l’accord parfait quand la mort de son père bouleversa sa vie tranquille. Il s’avéra qu'il ne laissait rien à sa famille, ses comptes en banque étaient vides. Antoine dut alors gagner sa vie lui-même. Pianiste acceptable, il trouva du boulot dans des piano-bars de la Côte, jouant ce qu’on attendait de lui, en y glissant de temps en temps un morceau de sa propre composition.

Un soir, une jeune femme vint le voir pendant sa pause.. Elle le félicita pour son jeu – c’était la première fois que ça lui arrivait depuis qu’il jouait dans les piano-bars – et l’interrogea ensuite sur un des morceaux qu’il avait joué peu avant. C’était une de ses compositions préférées, un tango. Bien que le tango ne soit plus à la mode, il s’était essayé, par curiosité, à cette danse. Lorsque la jeune femme apprit qu’il l'avait composé lui-même, elle lui demanda :

  • Est-ce que je pourrais écrire des paroles sur cet air ? Il m’inspire. Je chante aussi, et si mes paroles vous plaisent, je pourrais chanter la chanson.


Tout son Être se révolta : mettre des paroles sur sa musique, quel sacrilège ! Il n’était pas un vulgaire compositeur de chansonnettes, il allait composer sa symphonie, et le monde verrait ! Mais devant les yeux et le sourire de la jeune femme, ses lèvres formèrent les voyelles o-u-i.

  • Donnez-moi la partition, je reviendrai demain avec les paroles.

Elle tint sa promesse. Le lendemain, elle était là. Ce soir-là, Antoine interpréta beaucoup de ses compositions, rassuré par l’intérêt qu’elle lui portait et pour lui montrer l’étendue de son talent. Elle le rejoignit pendant sa pause.

  • Voilà les paroles que j’ai mises sur votre tango.

  • Je vais les regarder plus tard.

  • Non, regardez-les maintenant, s’il vous plaît. Sinon, je ne pourrai pas dormir de toute la nuit.

En lisant le texte, il constata qu'il sonnait juste. Une histoire de passion, de vengeance, de descente en enfer. Juste ce qu’il fallait pour un tango. Des paroles dures, sans sentimentalisme superflu. Il cherchait quelque chose à critiquer. Il ne trouva rien. Finalement, il lui dit :

  • Ça va, ce n’est pas trop mal.

Avec son sourire énigmatique, elle lui proposa :

  • Je peux chanter toute de suite, juste après la pause.

  • Le patron du bar ne va pas être d’accord, rétorqua-t-il.

  • Je me suis déjà arrangée avec lui, répondit-elle.


Après la pause, elle se mit debout devant le piano, il frappa les premiers accords. Avec sa voix un peu rauque, elle commença à chanter. Les conversations s'arrêtèrent, le brouhaha disparut. Tout le monde écoutait en regardant les musiciens. C’était magique. Des applaudissements tonitruants ponctuèrent la fin de la chanson. Antoine se leva. Valérie, la jeune femme, l’embrassa, le serra contre elle avant de retourner s’asseoir dans la salle. Il continua son répertoire. Les conversations reprirent petit à petit. Valérie observait. Le rejoignant à la fin de la soirée, elle lui dit :

  • On pourrait voir ensemble tes autres compositions, il y en a certainement quelques-unes sur lesquelles je pourrais ajouter des paroles. Tu sais, j’ai aussi la tête pleine de paroles. Tu pourrais composer des airs en partant de mes textes.

Elle l’avait charmé, il se laissa faire et lui répondit :

  • Dans mon studio, on est tranquille.


Ils passèrent la moitié de la nuit ensemble, à discuter, à choisir des morceaux et à essayer des airs.

Antoine était heureux. Il ne se l’était jamais avoué : souvent, il avait eu l’impression qu’il manquait quelque chose à sa musique, que ce n’était pas tout-à-fait ce qu’il voulait faire, mais il n’y arrivait pas, ce qu’il entendait n’était pas exactement ce qu’il avait eu en tête lorsqu’il s’était mis à composer. Avec les paroles et la voix de Valérie, certaines de ses compositions sonnaient juste. Il avait trouvé la solution, ou faut-il dire que la solution l’avait trouvé ?



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Rédigé par Iliola

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Publié le 20 Avril 2016

Un testament à la manière de Léo Ferré... La première strophe est celle de la chanson.

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Avant de passer l'arme à gauche

Avant que la faux ne me fauche

Tel jour telle heure en telle année

Sans fric sans papier sans notaire

Je te laisse ici l'inventaire

De ce que j'ai mis de côté

Cet edelweiss que tu m'avais donné,

L'album photo des premières vacances,

Les vieux faire-parts de nos jolis bébés

Que tu créas au jour de leur naissance.

Toutes les étoiles qui scintillent au ciel,

Albiréo qui a ma préférence

Et les jours bleus éclairés de soleil

Les fins d'été lorsque les feuilles dansent.

Les notes claires au son de ta guitare,

Les grands fous-rires sous l'ancien cabanon,

Les secrets clos au fond de la mémoire,

Nos chiens, nos chats autour de la maison.

Et tout le reste, les choses indicibles,

La poésie au creux du quotidien,

La traversée, le temps à la dérive,

Comme du sable qui coule de nos mains.

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Rédigé par Carmella

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Publié le 20 Avril 2016

Sur le thème : "Quand les mots rencontrent la musique..."

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Quand les mots rencontrent la musique, s’éveillent les vibrations, vibrations de l'ouïe, vibrations de l’esprit.

Moi je suis la note, do, ré, mi, fa, sol, la, si, do, peu importe, retrouver le mot est mon seul boulot.

Moi je suis le mot, juste la parole pour soutenir la note qui s’envole allégretto.

Moi je suis la note, je me moque que le mot soit de l’argot, du jargon militaire ou le chant de ma mie.

Moi je suis le mot, le mot choisi pour dire joie et souffrance, espoir ou amour.

Quand les mots rencontrent la musique, nous devenons chansons, opéras, chants ou sérénades.

Quand nous devenons chansons, nous entonnons chansons à boire, chansons à mourir ou douces ballades.

Quand nous devenons opéras, lyriques, épiques, ou ballets, nous rehaussons l’or des palais impériaux.

Quand nous devenons chants, nous trillons comme l’oiseau-lyre ou bruissons tel un ruisseau.

Quand nous devenons sérénade, nous contons à une belle les gracieux poèmes de l’amour.

Quand les mots rencontrent la musique, naissent nos héros, cantatrices, ténors, chanteurs ou troubadours graves.

Quand naissent nos héros, cantatrices, divas, atteignent d’un souffle le do dièse à la septième octave.

Quand naissent nos héros, ténors, barytons, nous ensorcellent au plus profond de nos cœurs.

Quand naissent nos héros, chanteurs et pop stars mettent le feu à des stades en fureur.

Quand naissent nos héros, les troubadours vont par les châteaux réciter aubade à l’amour.

Quand les mots rencontrent la musique, naît l’union universelle du rêve et de l’amour.

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Rédigé par Hervé

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