Publié le 29 Mai 2024
José B...
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Il a troqué les plaines fleuries contre un building en verre glacé. Et la combinaison pour un veston cosy. Le regard perçant, sourire moqueur sous une moustache fournie.
Le pas débonnaire et décidé, il monte l'escalator, son assistant et une stagiaire sur les talons.
Sa pipe en main, il sourit. Objet sculpté qui lui tient lieu de mascotte.
Il rêve.. la ferme rustique en pierre de taille, baignée dans la brume ardente du Larzac, au soleil couchant.
Le ciel de feu avant la guerre, celle du camembert et des produits chimiques.
Une guerre de cris contre une colonisation qui ne dit pas son nom.
Lui… un Gaulois moustachu au franc-parler, la lutte commune avec ses amis fiers et rageurs, durs à la tâche…. Sauver les champs, les bêtes, la vie rurale, garder un mode de vie âpre et discret. Nourrir le monde.
La vie comme un combat. Les échauffourés contre l'uniforme et la pensée unique. Le long chemin entre les champs de fleurs et les micros, les caméras. Les marches à gravir, les actions en justice, les succès, les échecs, la colère médiatisée, les séjours en prison.
Il est arrivé.
Bruxelles, 5e niveau du Parlement européen. Obtenir les documents nécessaires, contacter les membres de l'Office de Lutte Anti Fraude.
Il s'installe au bureau, entouré par ses acolytes. Il est un caillou dans les chaussures vernies de ses collègues députés.
Il veut la clarté d'un fonctionnement démocratique au sein des institutions.
Et dénoncer les lobbies au sein des commissions. Résister au temps qui use.
C'est l'heure du rendez-vous avec les Suédois, de mèche avec Philippe Morris.
Des yeux... et des tuyaux
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Un dédale de tuyaux qui courent autour du lit, une débauche d'écrans aux lumières flashy, un arc-en-ciel de graphiques et de courbes au chevet des tubulures. Qui donc actionne les robinets ?
Ils sont flux et reflux au gré des humeurs, un débit joyeux, limpide, quand surgit la Boule Noire. Celle qui fait bloc, s'insurge et s'insinue.
Une résistance obscure au cours majestueux du liquide.
La vie en suspens.
Les yeux s'écarquillent en silence, bleus comme l'azur qui se voile sans savoir, sans vouloir, le jeu du mouvement perpétuel, aller-retour, ouvert-fermé, un jeu dangereux.
Le robinet se coince, hasard ou malveillance, usure des jointures, la rouille qui déboule, obstrue le futur.
Le tuyau s'alanguit, gémit doucement, s'aplatit sans un mot sous le poids des années.
Où vont donc les tuyaux ?
Il s'isole, vérifie ses outils.
Oublier les réseaux, revenir à la peau, le derme tenu, charnu, si fragile et subtil à la fois.
La peau, une caresse éphémère du vent, et le tuyau revit. Ou bien se replie timoré au plus profond du moi.
Les écrans se gaussent d'un semblant de pouvoir. Le vert titube le bleu sursaute le rouge s'assoupit. La nuit s'endort et lui revit. Il rêve les yeux ouverts.
La porte est close et l'espace confiné. Un air de déjà-vu.
La boule tourne, ne veut pas stopper. Le hasard et la nécessité. La chambre aseptisée. Tous les coups sont permis, il s'agit d'une vie.
Le labeur les yeux fermés, un sourire généreux.
Il faut bouger, faire des mains et des pieds, vêtir l'armure du soldat augmenté, le casque du scaphandrier, se rêver araignée ou bien drone argenté dans le ciel étoilé.
La puissance du réseau, des synapses en alerte. Les mots invisibles qui jaillissent de l'iris, un regard perforant qui retrousse les sourcils.
Tu vas y arriver… la source au plus profond.. le maître des écluses ou des veines trop polluées. Le flux en souffrance n'attend que ton clin d'œil, une pulsion écarlate, un souffle éperdu qui exclut les intrus.
La main se creuse, l'œil aux abois. La balle au rebond est dans ton camp. La lunette vise le ciel et la galaxie.
Tes yeux mobiles au milieu des tuyaux. Tu rêves, tu souris.
Le pont
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Un pont-bascule entre deux mondes verticaux. L'éclat métallique d'un ciel soucieux, qui se mire dans le fleuve parsemé de voiles nonchalantes.
Un flux à sens unique, comme une inquiétude à franchir l'obstacle éphémère, lunatique.
Un arbre esseulé pointe son âme vers la cime… des tours comme des ruches assoupies où rien ne se butine.
Le fleuve, seule note de vie, celle qui bouge et fait bouger, une pulsion sereine et silencieuse,
dernier espoir d'un monde en souffrance.
Une sirène assourdie, plainte monocorde, le temps qui passe ou s'accélère.
L'un qui grimpe l'escalier, pipe au bec et sourire rageur, un rêve éternel et fragile au creux des lèvres. Le fil de sa vie, une voix grave et obstinée qui chante le besoin d'une nature à taille humaine. Comme un oxymore vivant au sein de ces tours visant le ciel.
L'autre est cloîtré sur un lit de misère, cœur blessé, main offerte, les yeux azur en prière immobile.
Le flux, un pont…. Joindre des rives incertaines, houleuses et volatiles.
La sirène incessante, le chemin comme un but, trouver la voie de l'ouverture.
Les rives de pierre, de terre et de verre, érigées en une gloire éphémère.
Le pont se lève, vaincu, laisse passer les guerriers aquatiques, fixe les rives opposées, comme un automate au sourire figé qui refuse de choisir.
Plus tard apaisé, il pourra consentir à rejoindre les rives, un choix encore fragile, franchir le Styx sous une lune noire, ramer, ramer, ramer encore.
Se battre bien sûr, retrouver le fil d'Ariane qui fait rugir le sang dans les artères.
L'un monte les marches en souriant, son pouls pulse au gré de ses pas. Il va convaincre, il veut gagner.
L'autre ferme le point, serre les lèvres et reprend peu à peu le contrôle du battement, le contrôle de son corps, une enveloppe étale qui veut retrouver vie.
Le pont dérive, se brise vers le ciel, un insecte géant qui frémit, bat des ailes, secoue son corps mou, lévite et suffoque, refuse les adieux.
Un fleuve de vie où s'agitent des fourmis indolentes, un ballet majestueux, incestueux, une rupture en un élan joyeux.
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