tresors du monde

Publié le 15 Février 2023

 

LE TRÉSOR DE CHILDÉRIC Ier

Childéric 1er succéda en 457 à son père Mérovée. C’était un guerrier barbare, courageux et conquérant, au service des Romains. En 457 il devint roi des Francs. Au fil des ses conquêtes, il amassa peu à peu le trésor que je suis, du moins ce qu’il en reste aujourd’hui. Toute sa vie il veilla jalousement sur moi et je me sentais en sécurité. Quand il mourut, son fils Clovis respecta ses volontés et décida de l’enterrer selon les rites romains. Je me retrouvai donc avec lui dans une tombe, sous plusieurs mètres de terre. Je pensais que je ne reverrais jamais le jour. Mais c’était sans compter sur l’énergie de cet ouvrier de Tournai et de sa pioche qui, en 1653, durant des travaux de démolition, mit à jour le caveau et son précieux contenu dont l’anneau d’or à l’effigie du roi franc…

La nouvelle se propagea rapidement et Léopold Guillaume d’Autriche, gouverneur des Pays-Bas, me récupéra. Quand en 1656 il partit pour Vienne, je faisais partie du voyage. A sa mort je devins la propriété de Léopold 1er et de la maison d’Autriche. On aurait pu s’arrêter là mais, pas du tout ! Pour remercier Louis XIV d’avoir apporté son aide à l’armée impériale on lui remit le trésor. J’étais très heureux car je retrouvais ma terre natale et une prestigieuse demeure : la bibliothèque royale. J’allais enfin pouvoir me reposer. Mais la vie en avait décidé autrement et mon périple était loin d’être terminé. En effet, dans la nuit du 5 au 6 novembre 1831, des cambrioleurs pénétrèrent dans le cabinet des médailles et s’emparèrent de moi. La majeure partie des éléments qui me composait fut fondue et le reste jeté dans la Seine…

Aujourd’hui, il ne reste comme preuve de mon existence passée, que quelques répliques du fameux anneau d’or. Une bien triste fin pour un trésor aussi prestigieux !

LE COLISÉE

Ma petite fille vient de partir pour le collège. Elle a laissé son exposé d’histoire sur le bureau pour le relire ce soir. De quoi s’agit-il ? Le titre attire mon attention : « Le trésor disparu de Childéric 1er ». Curieuse, je lis l’introduction : « Childéric était un guerrier téméraire et conquérant au service de Rome »…

Rome, ma première destination choisie quand j’avais décidé de voyager après avoir pris ma retraite. Rome, un rêve devenu réalité au printemps 2012. Je ferme les yeux un instant pour essayer de retrouver la magie de ma rencontre avec l’un de ses trésors inestimables : le Colisée. Je me souviens de l’émotion ressentie en le voyant pour la première fois. Il se dressait immense, majestueux, flamboyant dans le soleil couchant de cette fin de journée. Il portait bien son nom ce colosse de pierres haut de 57m ! Pourtant le temps ne l’avait pas épargné : les incendies, les tremblements de terre, les guerres avaient réduit à néant une partie de son édifice. Mais, même en ruines aujourd’hui, ce géant de plus de 2000 ans captivait toujours les foules.

Lors de la visite, je m’étais assise un moment en haut des gradins. Des noms me revenaient soudain à l’esprit : César, Néron, Spartacus, Gladiator… Je devenais tout à coup le spectateur de cette splendeur passée. J’entendais les cris de la foule monter jusqu’à moi. Qui acclamait-elle ? Ce gladiateur courageux qui se battait pour rester en vie ? Ce conducteur de char qui franchissait la ligne d’arrivée en vainqueur ? Ce chrétien qui allait mourir pour défendre sa foi ? Je réalisais soudain que le Colisée, l’un des plus beaux symboles de la grandeur de Rome, avait été aussi le théâtre de violences, de cruautés, de souffrances…

La visite était terminée. Avant de sortir, je me retournai pour le contempler une dernière fois et graver en moi son image. Je voulais garder de lui le souvenir d’un chef-d’œuvre capable de traverser le temps et de susciter l’admiration de tous ceux qui, comme moi, avaient eu la chance de le contempler.

Pour être sûre de revenir un jour dans la ville éternelle je n’avais pas oublié avant de partir, d’aller jeter une pièce de monnaie dans la fontaine de Trevi (dos à la fontaine, de la main droite par-dessus l’épaule gauche) en espérant que mon vœu serait exaucé…

...

LA CHUTE DE LA DRUISE

En revenant de mon voyage à Rome je décidai de m’arrêter chez ma fille dans la Drôme, une région que je ne connaissais pas encore.

Le lendemain de mon arrivée, ma fille décida de m’emmener découvrir la chute de la Druise située dans le magnifique massif du Vercors. Nous partîmes tôt le matin. La route serpentait dans une forêt de sapins et de mélèzes d’un vert sombre. Les virages succédaient aux virages pour arriver enfin au village d’Ansage, un endroit bucolique avec ses prés verts, ses troupeaux de vaches dont les cloches tintaient allègrement. Après avoir dépassé le village, on emprunta un petit sentier qui s’enfonçait dans la forêt. A la chaleur de la route succédait une fraîcheur agréable. Une odeur de terre mouillée chatouillait agréablement mes narines. De part et d’autre du sentier, de jolies violettes se cachaient sous l’herbe tendre et leur délicat parfum flottait dans l’air. Puis, le sentier se mit à descendre brusquement et devint très escarpé. Pour ne pas glisser, je m’accrochais aux buissons qui me griffaient les mains. Je percevais au loin le bruit de la cascade. Plus on se rapprochait, plus il devenait assourdissant et, soudain, elle apparut. Pour l’admirer, il fallait lever la tête. L’eau qui jaillissait du haut de la falaise venait se fracasser sur les rochers soixante-dix mètres plus bas dans un bouillonnement d’écume. Le souffle qui en résultait parsemait notre visage de fines gouttelettes, une sensation vraiment agréable. Puis l’eau s’apaisait et, après avoir sautillé sur les cailloux dans un léger clapotis, elle finissait sa course au milieu des rochers. On découvrait alors un lagon aux eaux translucides légèrement bleutées, véritable invitation à la baignade. Je ne pus résister à la tentation d’y tremper les pieds mais je les retirai très vite : je ne pouvais plus bouger mes orteils paralysés par le froid…

Je me souviens bien de cette magnifique journée. Même les sandwichs que nous avions apportés avaient un goût différent au milieu de cette nature préservée : on les savourait et chaque bouchée était un plaisir renouvelé.

...
LES SANTONS DE PROVENCE
Je quittai la Drôme après un séjour des plus agréables. Je décidai de ne pas reprendre l’autoroute mais de rejoindre Nice par la mythique Nationale 7. Je pourrai ainsi profiter du paysage et m’arrêter selon mes envies. J’avais d’ailleurs l’intention de faire une halte à Saint-Maximin-la-Sainte-Beaume et de rendre visite à Enika Eygazier, maître santonnier. C’est grâce à elle que je possède une collection de santons magnifique que j’enrichis à chacune de mes visites.
Me voilà arrivée chez Enika. Je pousse la porte de son atelier et pénètre dans son royaume. Elle est assise devant sa grande table et me tourne le dos. Absorbée par son travail minutieux, elle ne m’a pas entendue. Pour ne pas la déranger, je vais faire un tour dans la salle d’exposition pour admirer les œuvres terminées qui sont rassemblées dans une crèche géante. J’ai l’impression de retrouver des amis de longue date, ceux qui ont enchanté les Noëls de mon enfance. Grasset et Grassette, les vieux, avancent main dans la main en s’abritant sous leur grand parapluie rouge. Ils sont amoureux comme au premier jour. Le Ravi, lui, est toujours à la même place, les bras en l’air. Son sourire béat est la preuve de son ravissement. Mais voilà le tambourinaire qui s’approche. Comme il est élégant avec son feutre à larges bords ! Il conduit la farandole au son du galoubet et du tambourin. Je ne peux m’empêcher de fredonner quelques notes. Monsieur le Maire, lui, a revêtu ses plus beaux atours : écharpe tricolore et haut de forme. Il se tient très droit et semble fier de son rôle de premier magistrat. Il m’intimide un peu. Ce n’est pas le cas du Pistachié que je trouve sympathique et amusant avec ses gilets superposés, de toutes les couleurs et de longueurs différentes. J’aperçois près de l’étable, les bergers et leurs moutons et, au-dessus de celle-ci, l’ange Boufaréou appelé ainsi à cause de ses joues rebondies à force de jouer de la trompette. Même si tous ces santons sont mes préférés, je n’oublie pas d’aller saluer le bûcheron chargé de son fagot de bois, le meunier avec son sac de farine, le rémouleur et sa meule pour aiguiser les couteaux et la lavandière avec son savon de Marseille et son battoir. Mais, aujourd’hui, je suis venue pour un personnage en particulier. Il est inquiétant et peu sympathique, certes, mais il manque à ma collection : c’est le bohémien. Il se tient un peu à l’écart mais il ne passe pas inaperçu avec sa cape noire, son foulard rouge et son couteau qui étincelle à la ceinture. Il me fait un peu peur et me fascine à la fois…
Enika a fini de travailler et vient me rejoindre. Elle est ravie de mon choix. C’est avec une grande délicatesse qu’elle range mon nouveau trésor dans une boîte, après l’avoir enveloppé dans un papier de soie. Je repars heureuse et le cœur léger. Les santons représentent pour moi l’art de vivre en Provence. Ils évoquent, parfois avec un peu de nostalgie, des personnes ou des métiers aujourd’hui disparus mais que, grâce à eux, on n’ oubliera jamais.
...

LE CARNAVAL DE NICE ET LES TRÉSORS DU MONDE

Me voilà de retour à Nice, juste à temps pour les festivités de Carnaval qui débutent demain Samedi 11 Février. Son thème, «  Les trésors du Monde », va me permettre de clore mon carnet de voyage commencé quelques semaines plus tôt.

Mais ce soir je suis fatiguée. Aussi je me couche tôt et je m’endors aussitôt…

Je suis sur l’avenue Jean Médecin au milieu d’une foule colorée, bruyante et joyeuse. En jouant des coudes, je me fraie un chemin et je réussis à trouver une place au bord de la chaussée pour jouir pleinement du spectacle. Le premier char qui descend lentement l’avenue arrive enfin à ma hauteur. A ma grande surprise, je découvre que le personnage principal n’est autre que Childéric Ier.

Celui-ci, assis sur un magnifique cheval noir dont la crinière flotte dans le vent, contemple avec fierté le trésor répandu à ses pieds : bagues, épées, lances brillent de mille feux. Les pièces d’or lancées en l’air par des soldats en armure retombent sur le sol dans un joli tintement semblable à des notes de musique qui volent dans les airs.

Je suis encore sous le charme quand le deuxième char entre en scène. Il est précédé par le son puissant, guerrier et solennel des trompettes qui emplit mes oreilles. Je lève la tête : à plus de dix mètres de haut, immobile et majestueux, le Colisée nous écrase de sa superbe. J’entends tout autour de moi des cris d’admiration. A l’avant du char, des gladiateurs miment un combat sans merci. Une musique forte et lancinante accompagne chacun de leurs gestes. Elle est aussi froide et tranchante que la lame de leur glaive qui luit au soleil. Par moment, le son d’un gong retentit. Les vibrations de cet instrument résonnent au plus profond de mon être et pénètrent dans toutes les cellules de mon corps. Je suis comme transportée.

Le char s’éloigne à son tour et celui qui le suit de près est un véritable enchantement. Une cascade saute de rocher en rocher au milieu d’une végétation luxuriante. Une multitude de bruits l’accompagnent dans sa course : le clapotis de l’eau sur les pierres, le murmure du vent dans les feuilles, le gazouillis des oiseaux sur les branches et le bourdonnement des abeilles butineuses. Ils se mélangent avec grâce pour devenir une symphonie délicate, véritable hymne à la nature : la chute de la Druise est encore plus belle que dans mes souvenirs !

Mais je n’ai pas le temps de rêver. Une musique retentit au loin. Je la reconnaîtrais entre mille car elle fait partie de ma vie depuis ma naissance. Elle est légère, joyeuse, entraînante. Elle sautille, virevolte et me donne envie de danser. En me penchant un peu j’aperçois les santons de la crèche qui avancent à petits pas. Arrivés devant moi ils se prennent par la main pour effectuer une farandole endiablée. Les spectateurs autour de moi frappent dans les mains pour marquer la cadence et je ne peux m’empêcher de les imiter. Le tambourinaire, un fort joli garçon, très élégant avec son pantalon blanc et sa ceinture rouge nouée autour de la taille me fait un signe de la main et m’invite à les rejoindre. Je ne me fais pas prier.

Alors que je m’apprête à entrer dans la danse… Le téléphone sonne et me réveille en sursaut. Je réalise alors que tout cela n’était qu’un rêve, mais quel joli rêve ! Je suis un peu déçue mais je me console vite : dans quelques heures j’ai rendez-vous avec Sa Majesté Carnaval qui va me raconter l’histoire des « Trésors du Monde ». Tout un programme !

...
 
MA MALLE AUX TRÉSORS
Mon voyage dans le temps, riche en émotions et découvertes, a pris fin. Mais il me reste des souvenirs inoubliables qui vont enrichir ma malle aux trésors personnelle bien remplie. On y trouve déjà : un petit village niché dans la verdure, témoin immobile et muet de mes vacances passées et qui garde jalousement entre ses murs une partie de ma jeunesse ; un grand lac aux eaux turquoises où je viens me ressourcer encore aujourd’hui ; une plage de sable fin qui s’étend à perte de vue, lieu favori de mes promenades estivales ; et, pas très loin d’ici, mon joli jardin en restanques, un vrai paradis pour tous ceux qui aiment lire ou écrire à l’ombre des arbres.
Tous ces trésors sont inestimables à mes yeux. Ils ont, au fil du temps, rendu ma vie plus riche et plus belle. Aujourd’hui je les partage volontiers avec ceux que j’aime.
 
ÉlisabetH CUILLERIER


 

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Rédigé par Elisabeth

Publié dans #Trésors du monde

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Publié le 15 Février 2023

 
Mon voyage dans le temps, riche en émotions et découvertes, a pris fin. Mais il me reste des souvenirs inoubliables qui vont enrichir ma malle aux trésors personnelle bien remplie. On y trouve déjà : un petit village niché dans la verdure, témoin immobile et muet de mes vacances passées et qui garde jalousement entre ses murs une partie de ma jeunesse ; un grand lac aux eaux turquoises où je viens me ressourcer encore aujourd’hui ; une plage de sable fin qui s’étend à perte de vue, lieu favori de mes promenades estivales ; et, pas très loin d’ici, mon joli jardin en restanques, un vrai paradis pour tous ceux qui aiment lire ou écrire à l’ombre des arbres.
Tous ces trésors sont inestimables à mes yeux. Ils ont, au fil du temps, rendu ma vie plus riche et plus belle. Aujourd’hui je les partage volontiers avec ceux que j’aime.

 

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Rédigé par Elisabeth

Publié dans #Trésors du monde

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Publié le 14 Février 2023

 
LE TRÉSOR
 
Beaucoup parlent de moi, mais peu m'ont approché. Dans ma cache, au fin fond des tunnels, creusés sous le castel de Montségur, je vois rarement le jour. Lorsque des visiteurs viennent jusqu'à moi, la lueur dispensée avec parcimonie par leur lampe à huile ne dégage aucun reflet de métal précieux. Je suis un trésor spirituel. Je dispense la bonne parole à l'occasion des cérémonies propres à la religion prônée par les Parfaits et les Parfaites qui ont fait don de leur vie pour donner la consolation à la population de Montségur. Ils viennent jusqu'à moi pour s'abreuver aux textes des manuscrits anciens qui vont les conforter dans leur foi. Tous ces fidèles, qui subissent depuis neuf mois un siège qui va les obliger à se rendre aux armées du Pape, ont choisi leur sort. Pas un seul ne se pliera à cette religion qui revêt d'or et de pierreries ses inquisiteurs avides de richesse et de privilèges. Ils ne cessent de les accuser d'hérésie alors qu'ils ne vivent que pour aider et assister dans la foi ceux qui tendent les mains et qui implorent miséricorde.
J'entends le bruit d'une clef qui parle à la serrure qui protège ma porte. Deux hommes reviennent. A leur vêtement de misère je reconnais des Parfaits. L'un d'eux ne m'est pas inconnu, c'est Bastian. Important au niveau de la hiérarchie et fortement respecté par ses pairs, Bastian a certainement été investi d'une mission capitale. Déjà, par la porte laissée ouverte, j'entends les chants d'espoir de tous ces humains qui vont, en procession, vers le bûcher qui les attend. Aucun d'eux ne renoncera à sa foi.
Bastian prit son comparse par les épaules et le regarda fixement dans les yeux.
« Fabien ! Nous devons fuir et emporter avec nous le trésor que nous ont légué nos ancêtres pour le mettre à l'abri des papistes. Notre devoir nous impose de permettre à nos enfants survivants de pouvoir se pencher sur l'héritage des anciens. »
Mettre le trésor à l'abri ? C'est de moi qu'il parle. Moi, la parole de leur père. Moi le détenteur des mots qui donnent l'espérance. Où vont-ils me cacher ? Reverrai-je le jour ? Vont-ils encore s'agenouiller devant moi pour retrouver la vérité ?
Bastian s'empare vivement de moi et me range dans un grand sac de cuir usagé dont l’odeur forte sent les années passées de sa vie. Il me charge sur ses épaules puissantes et nous partons par un sentier abrupt qui nous éloigne de cette fumée montant vers un ciel accueillant, un ciel paré d’un bleu merveilleux pour recevoir ces âmes si pures.
Dans ce sac je n'entends plus rien, je suis aveugle et les soubresauts du chemin me bercent. Je m'endors, c'est le mieux que j'ai à faire. Mais je sais que je me réveillerai au moment voulu et que j'illuminerai encore les yeux de ceux qui porteront leurs regards sur moi. Quant à ceux qui me cherchent, je les laisse rêver au trésor qui est et qui n'est pas.
A chacun ses phantasmes et les rêves seront bien gardés.
BASTIAN
 
En cette année 1244, les Cathares payèrent cher leur fidélité aux Parfaits et aux Parfaites. Après avoir subi un siège de plusieurs mois, ils durent s'incliner devant la force des armées du Pape. Celui-ci ne leur accorda qu'une seule chance de survie. Adjurer ou le bûcher purificateur.
Les écrits de Bastian racontent comment ils quittèrent leur nid d'aigle en chantant, hommes femmes et enfants. Dans la fumée de leur tourment toutes ces âmes s'envolèrent vers un soleil éclatant qui s'était paré, à l'intention de ces pauvres innocents, d'un ciel bleu sans nuage certainement destiné à les accueillir dans un éden merveilleux. Il nous dit avoir eu du remord de ne pas partager le sacrifice de ses frères et sœurs dans la foi, mais la mission qu'on lui avait confiée était d'une importance telle que son esprit en était chamboulé. Aller par le monde et trouver une oasis de paix où déposer les manuscrits sacrés et les objets du culte, afin que les générations futures puissent s'imprégner du mode de vie de leurs anciens.
Son sac en cuir sur le dos, il abandonna ses peurs et il emprunta le sentier des bonshommes. Chemin qui lui permettra de rejoindre l'Espagne. La route sera longue, il le sait, et son sac sera de plus en plus lourd. Arrivé après quelques semaines de marche, il fit une première halte à Barcelone où il trouva à s'employer comme portefaix. Cela lui permit de manger un peu mieux sans avoir à demander la charité. Quelques jours dans cette grande ville lui donnèrent la force de reprendre le cours de son périple. Il décida de longer la mer. Des semaines et des mois firent défiler devant ses yeux de nombreuses villes. Valence, Alicante, Carthagène et enfin Malaga.
Au cours de son long voyage il avait croisé de nombreux voyageurs et l'un deux lui parla d'une célèbre université vieille déjà de plus de trois siècles, célèbre pour la tolérance et la qualité de ses Sachants. De nombreux philosophes comme Avenpace ou Averroés ont participé au renom de ce temple de la réflexion et du savoir, véritable trésor de la connaissance. Bastian, comme il l'écrit dans son livre de mémoires, avait réfléchi à cette possibilité. Confier l'héritage des objets et des écrits de la foi à des savants capables d'interpréter les mots à leurs justes valeur était, peut-être, la meilleure chose à faire.
A ce stade de l'histoire je me pose la question… Qu'aurais-je fais à la place de Bastian ? Je ne sais pas répondre. Ce trésor en fait est un trésor de l'esprit et ne peut être considéré comme tel que par celui qui en a la responsabilité.
Bastian, après mûres réflexions, prit sa décision ; il irait terminer sa mission à Fès. L'université l'accueillera certainement. Mais un problème de taille restait à résoudre, il fallait traverser la mer. En tenant compte que sa bourse était au dernier dessous, cette épreuve l'accablait et il se mit à douter de la réussite de son projet. Il traînait sur les quais quand son attention fut attirée, au bout de la digue, par une galère où l'équipage était affairé à terminer l'approvisionnement du navire. Il s'approcha avec hésitation et héla le capitaine qui donnait ses ordres en vue de l'appareillage.
-Bonjour capitaine. Auriez-vous une place, même à fond de cale pour un passager pauvre qui souhaite se rendre au Maroc pour rejoindre la ville de Fès ?
- Non, mais par contre j'ai une place sur le banc de nage. Si tu te sens capable de ramer comme les autres je te rendrai ta liberté à Nador, qui sera notre port d'accueil. Tu ne seras qu'à deux semaines de marche de Fès. Que vas-tu faire dans cette ville ?
- Je veux me rendre à l'université pour y faire un don.
- Un don ? Tu n'es pas musulman, crois-tu qu'ils vont l'accepter ?
- Oui, car il s'agit d'un trésor spirituel qui est le reflet d'un grand sacrifice humain. Il apporte la parole de Dieu et je sais que ce lieu est une école d'humilité et de sagesse. Je souhaite en faire partie. Ce sera la première étape de ma nouvelle vie. Ensuite mon étoile me guidera et je finirai mon existence quand le Très-Haut le décidera.
- Prends ton sac et monte à bord. Je te souhaite d'arriver au bout de ton chemin. Fasse le Très-Haut que ton rêve soit exaucé.
Ainsi fut fait, Bastian rama, encore et encore, mais...
Bastian n'écrit plus... A-t-il réussi sa mission ? Le trésor est-il en bonne main ? Pour l'instant nous n'avons pas les réponses. Peut-être un jour...
...
LE MONT ARARAT
Après s'être fait accepter à la prestigieuse université AL QUARAOUINE de la ville de Fès, Fabian se consacra à la découverte d'un monde dont il ignorait tout. Ses maîtres l'initièrent à la philosophie et dirigèrent ses idées vers l'ancien testament, là où les prophètes n'étaient ni chrétiens ni musulmans. Ils se contentaient de porter la parole de Dieu à qui voulait l'entendre.
Bastian se posait beaucoup de questions, mais un évènement lui tourmentait l'esprit plus qu'un autre : le déluge ! Pourquoi la colère de Dieu avait-elle provoqué cette punition ? Pourquoi avait-il poussé un vieil homme et ses fils à construire une gigantesque arche destinée à sauver tous les animaux de la création en laissant les hommes à leur triste sort ? Même Noé, dans ses moments de doute, se posait la question, mais il était trop sourd pour entendre les réponses du Très-Haut.
De nombreux disciples, de passage à Fès, laissait entendre qu'après sept mois et quelques jours, le doigt de Dieu libéra l'arche au sommet du mont Ararat dans l'ancien royaume d'Urartu. Fabian situa cette région à l'est de l'actuelle Turquie. Un tel voyage représentait un nouveau lot de souffrance, d'épuisement et de découragement, mais la ténacité qui lui tenait lieu de bâton de marche l'emporta.
Que pensait-il trouver ? Aujourd'hui, en suivant les aventures de Fabian, je me demandais si un tel homme avait existé. Tout ce qu'il avait traversé, en commençant par la guerre des Albigeois, et tout ce qui le poussait maintenant à accomplir sa quête faisait de lui un personnage hors du commun, voire un héros de légende.
Il partit... Avec ses maigres avoirs dans un sac en vieux cuir qui avait servi à porter le trésor spirituel des cathares, une canne à la main et sa foi dans le coeur, il était paré pour faire face à l'immensité qui l'attendait. Encore une fois son courage décida pour lui. Il traversa une mer et ses pas le portèrent en vue d'une ville qui avait pour nom Dobayazit. C'était le soir. Il s'approcha d'une maison à la limite des portes de la ville. Des oignons en tresses et des piments qui séchaient donnaient à Fabian un tableau rassurant criant bien fort que la paix habitait cette demeure. Un homme sortit, faiblement éclairé par le feu dans l'âtre où une marmite suspendue laissait échapper une bonne odeur de soupe.
L'homme lui demanda ce qu'il cherchait. Fabian lui dit qu'il avait fait un long voyage pour honorer le mont Ararat sur lequel Dieu avait déposé un véritable trésor. L'arche de Noé.
- Rentre chez moi, il se fait tard et tu ne trouveras l'hospitalité nulle part à cette heure. Demain matin, au chant du coq, nous sortirons et nous attendrons que l'aube éclaire l'est et tu verras apparaître ce merveilleux glacier que tant d'hommes vénèrent. Tous cherchent les traces du miracle de l'arche. Essaie de te rapprocher de la tombe de Noé, les anciens affirment que le patriarche est enterré à Cizre, si tu lui parles avec respect, il te dira peut-être, où se trouve l'endroit que tu cherches… Mais il te faudra beaucoup de patience et de courage. En attendant viens te reposer… demain sera un autre jour.
Ce homme avait raison. Cette montagne est sacrée. Elle est aussi le symbole national de l'Arménie. Je ne sais pas si Fabian a mis fin à son pèlerinage, mais je me sens de plus en plus concerné. Il est possible que l'histoire de Fabian prenne fin mais il se peut que la mienne commence.
...
LES LOUPS
 
Sous un soleil éclatant dans un ciel bleu sans nuage, la nature revenait à la vie et le printemps faisait honneur à son nom. Le périple de Bastian, que j'avais laissé au pied du mont Ararat et ses voyages, aussi interminables que lointains, m'avaient amené à m'intéresser, plutôt, à un patrimoine régional qui regorgeait de chapelles, d'oratoires et d'églises, toutes et tous témoins d'un passé de vieilles pierres abandonnées, bien souvent, par les hommes du présent.
Par cette belle journée, j'avais décidé de me rendre dans un village de moyenne montagne où des amis m'avaient signalé une collégiale très ancienne décorée de scènes de chasse et une église Saint-Antoine du XVe siècle qui méritaient la visite.
J'arrivais sur la place du village aux alentours de midi et, en sortant de ma voiture, je vis la terrasse d'un bar-restaurant-épicerie-tabac dont l'ardoise, accrochée à un arbre, vantait "les raviolis de Marie". Je m'approchais tranquillement. Les tables étaient presque toutes occupées et le bruit de fond des conversations allait bon train. Je trouvais, en bordure des arbres, une place où m'asseoir. A ma droite une table de six bûcherons qui parlaient des difficultés de leur métier et à ma gauche un homme seul, habillé d'une sorte d'uniforme bleu qui portait, en travers de la poitrine, un plastron en cuir que je connaissais bien car il comportait un logement pour deux baguettes de tambour. Le tambour était d'ailleurs par terre à côté de lui.
Mes souvenirs étaient en train de me ramener à l'époque de mon service militaire où je jouais du même instrument, quand le patron vint à moi pour prendre ma commande. Il était petit, gros et chauve. Son tablier, taché de je ne sais quoi, ne m'inspirait pas une confiance énorme mais les gargouillements de mon estomac l'emportèrent sur mes hésitations.
Et là : Le flop !
Je voulu la jouer citadin plein de morgue, celui à qui on ne la faisait pas, et posais une question, pour le moins maladroite... Je demandais si les raviolis étaient vraiment maison. Tous les clients se tournèrent vers moi. Un silence, presque mortel s'installa et je compris que j'avais été un peu trop loin.
Le patron se pencha vers moi et me souffla à l'oreille que Marie était un trésor local auquel il ne fallait pas toucher, surtout si on était un étranger. Inutile de vous préciser que le qualificatif "d'étranger" était lourd de menace. Je ne savais plus où me mettre, quand le monsieur en uniforme vint à mon secours et dit quelques mots au patron. Il se présenta ensuite à moi et je sus que j'avais affaire au garde-champêtre du village. Je profitais de l'occasion pour lui demander des renseignements concernant le but de ma visite.
On me servait enfin une bonne assiette de raviolis, qui je dois le reconnaître, avaient un air sympathique, quand des coups de feu éclatèrent et provoquèrent ma stupéfaction. D'abord espacés et tout de suite après en rafale comme dans une bataille rangée. Le patron, à mon air stressé vint à ma table et daigna me renseigner.
- Ce n'est qu'un mariage, ne vous affolez pas, regardez ! Personne ne s'en émeut. C'est une tradition chez nous. De la mairie à l'église, le cortège nuptial sillonne les rues et les habitants tirent, en leur honneur, des coups de fusil. Remarquez bien qu'ils tirent en l'air. Maintenant si un pigeon passe par hasard....
- Mais, pourquoi des coups de fusil ? Cela peut être dangereux.
Le patron me regarda avec un regard, à la fois amusé et agacé.
- Depuis la nuit des temps, le bruit des tambours ou des fusils est destiné à éloigner le diable et le mauvais sort du chemin des Novis.
- C'est très bien, mais des tambours seraient moins dangereux que des fusils.
- Sans doute, mais chez nous il y a beaucoup plus de fusils… et autres... que de tambours. Ceci explique cela. Mais tenez regardez, ils arrivent.
En effet, je vis déboucher sur la place une joyeuse procession, précédée de deux tambours, deux fifres et une grosse caisse qui jouaient avec entrain "l'Offerte", morceau de fête des villages de la vallée.
Soulagé, je pris le parti de m'intéresser à mon assiette en disant au patron :
- Figurez-vous que j'ai eu peur qu'il s'agisse d'un accident de chasse.
J'ai cru le voir craquer et se mettre à pleurer devant autant de bêtise. En me regardant droit dans les yeux et en faisant preuve d'une patience que l'on n'accorde qu'à l’élève le plus ignare de la classe, il consentit à me répondre.
- Vous devez savoir une chose. Il est écrit dans notre patrimoine génétique qu'il n'y a jamais d'accident de chasse dans ce village. Jamais ! Tout au plus, une légère divergence d'opinion à vocation villageoise, qui doit entraîner une réponse rapide afin que le problème ne s'éternise pas. C'est aussi une tradition à laquelle nous tenons par dessus tout. Un usage local qui n'est pas sensé intéresser un quelconque quidam égaré sur la départementale qui longe la commune. Nos traditions sont des trésors inestimables et nous ne permettons à personne de les mettre en doute.
Pas encore vraiment assuré de rester en vie… J'osais :
- Je respecte vos coutumes, mais ça n'est peut être pas très légal....
Il me regarda, comme on regarde un condamné et il me demanda d'une voix grave :
- Savez-vous comment on nous appelle dans la région ?
- Non, répondis-je d'une voix qui avait perdu de sa superbe.
- Nous sommes "Les loups" et ce n'est pas usurpé.
Je compris, enfin, qu'il était urgent que je m'intéresse à Marie et surtout que je me taise. Je me promis d'aller allumer un cierge à saint Antoine pour le remercier de m'en sortir entier... Et aussi pour les raviolis qui méritaient, vraiment, le détour.
...
IL ÉTAIT UNE FOIS… " CARNAVAL "
 
Enfin ! Cette fois ça y est. Les hérauts ont sillonné la ville à cheval avec trompettes et tambours et, dans le fracas des cymbales, ont annoncé l'arrivée dans sa bonne ville de NICE de sa majesté Carnaval.
Le coup de canon de midi nous a rappelé qu'il fallait songer à nous substanter pour tenir le choc. Deux morceaux de pissaladière et cinq francs de socca ont suffi à notre bonheur. Le tout, naturellement, arrosé d'un petit rosé qui ne s'en laisse pas conter.
Le canon a tonné trois fois. Le corso s'anime, les chars peuplés de créatures sorties de l'imagination des carnavaliers sont précédés de fanfares diffusant une musique tonitruante : La Jeunesse Niçoise, dont certains musiciens ont dû voir les deux guerres, L'Echo de la Chaumière, dont les créateurs ont pris l'initiative d'apprendre le solfège aux enfants du quartier, les pompiers avec des musiciens de talent et tant d'autres venus de différents horizons.
Cette musique est vivante, elle nous prend par la main et nous entraîne dans des farandoles sans fin. Certains pays ont envoyé des groupes et des musiciens que nous découvrons avec curiosité. Leur musique peut être rythmée ou suave. Les notes dont ils nous abreuvent sont colorées, c'est parfois, l'écoulement d'une rivière qui furète entre les grosses têtes et parfois un torrent déchaîne entraînant une foule de costumes masqués qui ne sont plus eux-mêmes, comme le permet carnaval, mais des personnages des mille et une nuits. Pour un jour ils sont les rois, rien ne les arrête. La musique les transporte, ils la mangent, ils s'en abreuvent. Ils la vivent sans restriction… Certains s'y noient, l'instant d'un délire, mais retrouvent la surface avec un regain de jeunesse.
Tout ce beau monde participe sans retenue à la liesse générale.
Les cavalcades avec des belles jeunes filles, bien souvent apeurées quand leur monture fait un écart provoqué par une multitude de batailles de confettis. Des chars populaires de divers quartiers, tous plus farfelus les uns que les autres. Tout ce public sur l'avenue de la Victoire, ravi d'assister à ce défilé. Les enfants qui bataillent à coups de serpentins en papier. Ces confettis couvrant le sol en nous donnant l'impression de marcher sur un tapis persan...
Que dire de la journée des plâtres. Sinon que ça permettait de régler quelques comptes en souffrance, surtout si notre voisin avait commis l'imprudence de se vêtir d'un beau costume.
Hé oui mon cher Bastian, si tu m'écoutes, là où tu es, je suis sûr que tu penses comme moi... rien n'a changé. Les êtres humains ont toujours besoin d'un exutoire. Tout le temps du carnaval était une récréation.
Mais çà, c'était avant. Ce que je te raconte n'existe plus. Maintenant le Carnaval est enfermé dans de hautes palissades bien fermées ne permettant pas à un œil curieux de se glisser à l'intérieur. Seuls les clients qui peuvent s'offrir les tribunes ont accès au spectacle.
Tu as bien compris, j'ai dit spectacle et non carnaval.
...
CONCLUSION D’UN TOUT
Les tribulations de Bastian à travers un monde aussi vaste m'ont fait comprendre que mes convictions n'étaient pas de taille à comprendre les siennes. La trace de ses pas était, plus souvent, dans la boue et la poussière des chemins que sur un sentier pavé de roses. Il m'a appris que tous les hommes possèdent un trésor, mais que peu d'entre eux ont la clef qui ouvre le coffre. La quête de chacun est différente. La mienne m'a appris ce à quoi je n'étais pas destiné. Ainsi va la vie. Elle arrive, elle s'arrête un instant plus au moins long et s'éloigne doucement, sans dire un mot.
                                                      Adieu Bastian.
 
Fernand ARRIGO
 
 

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Publié dans #Trésors du monde

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Publié le 14 Février 2023

Les tribulations de Bastian à travers un monde aussi vaste m'ont fait comprendre que mes convictions n'étaient pas de taille à comprendre les siennes. La trace de ses pas était, plus souvent, dans la boue et la poussière des chemins que sur un sentier pavé de roses. Il m'a appris que tous les hommes possèdent un trésor, mais que peu d'entre eux ont la clef qui ouvre le coffre. La quête de chacun est différente. La mienne m'a appris ce à quoi je n'étais pas destiné. Ainsi va la vie. Elle arrive, elle s'arrête un instant plus au moins long et s'éloigne doucement, sans dire un mot.
                                                   Adieu Bastian.

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Publié le 14 Février 2023

 
LE TRÉSOR DES CATHARES
 
Je vivais enfermé dans le château de Montségur à l’abri d’une caisse en bois. Moi, le trésor des Cathares, de trésor je n’avais que le nom, j’étais composé d’un simple calice dans lequel Jésus-Christ aurait bu. Je n’avais de valeur que pour ces gens qui voulaient vivre en paix, entre le Bon Dieu et le Diable.
Mes fidèles vivaient dans le sud ouest de la France à l’abri des forteresses de Montségur, Peyrepertuse, Carcassonne, Queyribus et pourtant ils déclenchèrent la jalousie de la Papauté qui voyait en eux des hérétiques à la vraie foi. Le pape lui-même organisa une croisade pour combattre ses ennemis. Les villes, les forteresses tombèrent sous les coups du seigneur de Montfort, commandant en chef de ce que l’on appellera la croisade des Albigeois. Il fit brûler sur le bûcher femmes, hommes et enfants au nom de la chrétienté.
Moi je fus sauvé par un jeune qui allait devenir un « Parfait », il m’emporta en fuyant Montségur et me cacha dans une crypte d’un château.
Aujourd’hui, tout le monde me recherche, je suis, comme mon cousin le trésor des Templiers, devenu l’objet de convoitise d’historiens, de chercheurs qui voient en moi un objet de sciences occultes possédant des pouvoirs magiques pour les uns et de richesse pour la cupidité des autres. Pourtant je ne suis qu’un simple calice en métal blanc, aujourd’hui je porterais le nom de gobelet.
Ma valeur n’est que spirituelle et mon regret c’est de penser à tous ces gens qui sont morts pour moi sur le bûcher sans connaître la vérité.
CHÂTEAUX CATHARES
 
Après avoir lu ce livre ancien découvert au marché aux puces de Saint-Ouen, me voilà sur les traces des Cathares, sac à dos, par les monts et les sentes à la découverte de ces merveilleux châteaux dont les ruines défient le temps et dont les noms résonnent comme des poèmes venus du fond de l’histoire, Queribus, Peyrepertus, Puilaurens. Un monde de pierres bâti par l’homme pour protéger sa foi.
Ce soir je m’installe au pied de celui qui représente le monde cathare, le Montségur. J’écoute le vent qui souffle entre les pierres et qui me raconte l’histoire de ce lieu.
La fatigue m’entraîne vers les bras de Morphée et je ne tarde pas à m’endormir. Quand soudain, est-ce un rêve ou une réalité, des cris résonnent dans ma tête, des cris de suppliciés. Des images défilent comme un vieux super 8, je réalise que je suis sur le lieu où les Cathares de Montségur, après un siège d’environ deux cent jours, ont péri par les flammes sans renier leur foi. Parmi eux un enfant de sept ans m’interpelle :
– Retrouve-le !
– Qui ? Quoi ? demandais-je.
– Le Trésor ! furent ses dernières paroles avant que lui aussi soit dévoré par les flammes.
Trempé de sueur, je me suis réveillé, le soleil pointait ses rayons et auréolait la silhouette fantomatique de Montségur. Les paroles de cet enfant résonnaient encore dans ma tête : «  Le Trésor ».
J’en avais entendu parler, mais mon esprit cartésien l’avait toujours considéré comme une légende. Me serais-je trompé ?
Pour faire fuir mon trouble je me rendis à la bibliothèque de Foix.
C’est ainsi que j’ai eu connaissance de l’histoire du trésor des Cathares. A partir de ce jour je n’ai eu de cesse que de remuer ciel et terre pour connaître l’histoire du catharisme. C’est comme ça que ma vocation est née. Je suis devenu archéologue et spécialiste de cette époque.
Quelques années après, lors d’une campagne de fouille dans un château qui n’a laissé dans l’histoire que son nom, « Pieusse », je découvris sous un mètre de sédiment un coffre en bois rongé par le temps et dans lequel un Gobelet en métal finissait sa vie, mangé par la rouille.
Je venais de trouver le trésor des Cathares.
C’est avec délicatesse et à l’encontre de la déontologie de ma profession que je pris le coffre, comme si je portais un saint sacrement pour l’emmener au pied du Montségur pour les répandre sur le lieu du sacrifice.
La nuit venue, mon rêve fut peuplé des rires d’un enfant qui venait de retrouver son trésor.
...
LE CIRQUE DE GAVARNIE
 
Le jour pointait sa lueur au dessus de Montségur, m’invitant au réveil. Je m’étirais langoureusement respirant les effluves de la fraîcheur du matin. Je repensais aux rires de l’enfant qui avait retrouvé son trésor. Moi aussi je voulais découvrir cette sensation que peut entraîner ce moment où l’on oublie qui on est et que l’on retrouve la modestie devant le merveilleux, le sacré.
Mon sac sur le dos, je me rendis au village de Gavarnie, point de départ de mon aventure.
Un choix s’imposa à moi : à pied ou à cheval ?
Me voilà assis sur ce magnifique alezan, au doux nom de Pepito, qui allait m’emmener vers ma destination. Le chemin serpentait au milieu des herbes folles aux senteurs de fin d’été, j’écoutais le bruit des sabots qui, à chaque pas, cognaient sur la roche usée par le passage de milliers de visiteurs. Clip, Clop, musique qui m’entraîne doucement dans ce monde féerique où seule la nature dicte ses droits.
Cela faisait maintenant presque une heure que j’avais laissé la plaine quand soudain devant mes yeux émerveillés, il était là, dans toute sa splendeur. « Le Cirque de Gavarnie », ses falaises grises formant un demi-cercle parfait, s’offrait à moi en toute simplicité.
Je descendis, laissant à Pepito, mon compagnon d’aventure, la liberté d’aller brouter l’herbe verte. Cette herbe tendre, craquante, qui ne pousse qu’ici, au milieu de cette nature protégée.
Je m’avançais comme si je pénétrais dans le chœur d’une cathédrale, rempli d’humilité devant tant de beauté.
Assis au centre de ce cirque, je me laisse griser par toutes les senteurs des fleurs qui poussent entre les pierres. J’écoute le silence juste troublé par le chant de la cascade qui emporte vers la plaine sa chanson sans cesse répétée. Je caresse les pierres polies, souvenir de la présence d’un glacier aujourd’hui disparu. Je respecte ce lieu magique où je pourrai revenir me ressourcer.
Dans ce cirque je suis redevenu un enfant émerveillé devant ce spectacle que la nature m’offrait.
Je venais de trouver mon trésor, au loin un oiseau s’est mis à chanter.
...
LE PARFUM
 
Le chant de l’oiseau me dit qu’il était temps de rentrer. Me voilà installé dans le train qui allait, de gare en gare, me ramener chez moi.
Les bruits des roues sur les raccords des rails me rappelèrent la musique des sabots de mon compagnon Pepito sur les roches et m’entraînèrent doucement dans les bras de Morphée.
Le crissement du métal provoqué par le freinage du train me réveilla ; me voilà chez moi.
L’aventure des Cathares, la découverte du cirque de Gavarnie avaient déclenché en moi le virus de la recherche pour les trésors de ce monde.
Et c’est comme ça que j’appris qu’en novembre 2018, l’Unesco avait inscrit à son patrimoine immatériel le savoir-faire de la ville de Grasse en matière de parfum. Habitant les Alpes-Maritimes, je me fixais comme but de le découvrir. Je me replongeais aussitôt dans le livre « Le Parfum » de Patrick Süskind pour m’imprégner des lieux et des senteurs de ce trésor immatériel.
Comment allais-je m’approprier cette sensation créée par l’ivresse éphémère d’un arôme aux saveurs musquées ?
Me voilà dans la capitale azuréenne des senteurs où, à travers les différentes parfumeries, je poursuivais ma quête de ce bouquet qui allait m’apporter le Nirvana olfactif.
Rien, pas le moindre relent pour me donner une piste, une indication, je commençais à désespérer quand, dans le vieux Grasse, une boutique attira mon regard. En pénétrant, j’eus l’impression de faire un grand bon dans le passé. Tout était vieux, même le propriétaire semblait faire parti du décor. Les flacons aux différentes essences étaient alignés sur les étagères comme des soldats de plomb. C’est là que je le vis, un tout petit flacon, avec sur l’étiquette, écrit en plein et délié, « Eau de violette » de Tourette sur Loup. Délicatement, je dévissais le bouchon et là, comme si un génie sortait de sa lampe, l’effluve m’emporta dans un monde irréel, peuplé de fleurs violettes.
Je mis un temps à retrouver mes esprits, mais je rentrais chez moi, le précieux flacon dans mon sac.
Le lendemain, je pris la route pour me rendre dans ce village et aller à la rencontre de cette senteur délicate que nous offre la nature.
Assis au milieu d’un champ de toutes petites fleurs timides qui cachent en leur cœur une essence qui, une fois distillée, apporte à celui qui la respire une vision d’un monde féerique. Je venais de trouver l’émanation d’un trésor. Ma nuit fut remplie à nouveau des rires d’un enfant.
...
CARNAVAL
 
De retour à la maison, je déposais mon précieux flacon dans ma bibliothèque ; il allait rejoindre mes trésors hétéroclites que j’amassais depuis des années.
Ce matin, à travers mes volets fermés, un vacarme s’élève de la rue et me fait sursauter. Je m’empresse d’aller à ma fenêtre pour en connaître l’origine. Mais oui, c’est carnaval et ses grosses têtes qui se préparent à défiler sur l’avenue Jean Médecin. Toutes les musiques se mélangent, les marches militaires que jouent les fanfares venues des quatre coins du monde, les hurlements des hauts parleurs accrochés aux chars, les annonces officielles, le tout dans un brouhaha indescriptible, boum, boum, taratata, zimboum, multitude de sons qui se bousculent dans mes oreilles. Je ferme précipitamment ma fenêtre et là, par le miracle du double vitrage, je retrouve le monde du silence.
L’après-midi, je me retrouve place Masséna, assis dans les tribunes au milieu d’une foule de touristes qui avaient fait le déplacement du nord de la France pour en découdre à coup de confettis et de serpentins contre l’autorité.
Sa Majesté arrive, précédée par la musique des pompiers qui jouent l’hymne officiel de carnaval.
La musique est couverte par les HO !, les WHAOU, les BRAVOS, des spectateurs qui, l’instant d’un corso, deviennent les sujets de ce grand roi fait de fer et de carton.
Pendant une heure durant, j’admire les carnavaliers, eux qui, par leur travail, chars, grosses têtes, nous font oublier les soucis, nos soucis de tous les jours.
Comme un enfant, je rentre dans mon appartement les yeux remplis d’images, la tête pleine de musique, dont les confettis sont des notes qui volent et qui retombent sur le sol. Je pense à ce bon roi de carnaval, trésor éphémère qui ne dure qu’un temps, adoré, applaudi et pourtant, il finira en fumée sous les cris et les rires d’un enfant.
...

UN PETIT BOUT DE PAPIER

Allongé sur mon lit, je regarde la fumée de ma cigarette qui s’étire et forme des arabesques éclairées par un rayon de soleil. Mes pensées suivent le mouvement des volutes et m’entraînent dans le monde imaginaire peuplé de trésors perdus du passé.
Pourquoi chercher au loin alors que là, protégée, glissée entre les pages d’un livre se cache une petite feuille de papier jaunie par le temps.
Un certificat de travail de mon arrière, arrière, arrière-grand-père, qui a su malgré sa fragilité, traverser les années pour arriver jusqu'à moi.
Bien sûr, ce petit bout de papier ne peut se monnayer, il n’a de la valeur que pour moi.
Les plis montrent combien de fois il a été présenté et replié.
J’imagine mon aïeul rangeant précieusement ce document dans son portefeuille, qu’il portait contre son cœur.
Je le regarde, je le manipule tendrement en repensant au petit garçon cathare. Comme lui, j’avais entre mes mains mon trésor.
 
Bernard BRUNSTEIN
 

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Rédigé par Bernard

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Publié le 14 Février 2023

 
JE SUIS L’ŒUF !
 
ZDRASTVOUÏTIE (bonjour), j’ai été conçu, enfin élaboré par « mon  père » KARL au début du XIXe siècle à Saint-Pétersbourg. Une grande famille de joailliers qui était très appréciée du tsar Alexandre III ainsi que de son fils Nicolas II et, par la suite, par sa femme, la tsarine, et les dames de la cour.
Le petit Nicolaï, passait souvent le bout de son nez par la porte entre ouverte de l’atelier de son père.
- Ne touche à rien, lui demandait ce dernier, je travaille.
Mais les maquettes, les bijoux, les bouts de tissus, les perles qui participent à mon élaboration, faisaient briller les yeux du petit garçon. Moi, LOeuf à la poule, le premier phénomène d’une longue lignée d’une cinquantaine, j’ai été d’une grande complexité. Karl se lissait sa moustache et se grattait le peu de cheveux qui lui restaient en pestant, car des perles tombaient et roulaient sous son établi. Des dessins et des plans effacés et recommencés.
Un jour, un ami proche de Karl et amateur de joaillerie lui fit une commande d’un œuf.
- Le tsar a entendu parler de ta passion et serait heureux et honoré de te recevoir afin de contribuer à un éventuel achat, lui dit-il.
J’ai l’oreille fine, si, si j’ai des oreilles… Moi ! criais-je.
Karl se lissant à nouveau la moustache croyait à une blague, il rougissait. Moi, dans ses mains, j’étouffais... Hé ! lâche-moi, réfléchis et dis oui, je suis prêt.
Quelques semaines plus tard, je fus présenté au tsar NICOLAS II, à la tsarine A. FEDOROVNA et aux dames de la cour. Certaines personnes étaient surprises, d’autres dubitatives.
- Bien, très bien ! s’exclama le tsar s’adressant à Karl. Combien en voulez-vous cher monsieur ? Cet Œuf de Poule incrusté de pierres précieuses sera le premier de ma collection, soyez en certain.
Moi je ne savais pas comment me comporter, je ne bougeais pas, me laissant admirer. Entre nous, j’étais une copie du premier de mes frères, mais chut ! ne le dites à personne ; le bébé ayant fait suer de travail et d’amour mon père Karl était caché dans son antre de trouve-tout.
Les années qui suivirent furent un enchantement de grâce et de subtilité, le travail de Karl FABERGÉ est et sera mondialement connu et apprécié, j’en suis certain.
Au début, je n’était qu’un œuf tout bête, puis je me suis paré de luxe et de beauté.
DO SVIDANIA (au revoir), je laisse à Dominique le soin de parler de sa visite au musée FABERGÉ à Saint-Pétersbourg, d’où elle a rapporté un magnet, un œuf bien sûr...
LA CATHÉDRALE DE 140 ANS
 
Je reprends mon voyage en Europe, après la visite de cette merveilleuse ville de Saint-Pétersbourg, je prends mon sac à dos, l’avion et j’arrive à Paris. J’ai rendez-vous avec mes amies Claire et Colette, place d’Italie, où Nathalie nous attend et nous propose la chambre de son fils pas encore rentré du Japon. Son chat abyssin nous ouvre un œil avec un miaulement complaisant. Sous les toits de Paris, c’est original, j’adore. Nous organisons notre prochaine aventure, dans le sud, en Espagne à Barcelone.
Descendre en voiture, avec la vieille teuf-teuf que le père de Claire lui a prêté pour l’occasion. PARIS-BARCELONE, une auberge de jeunesse trouvée sur internet nous attend, ouf ! Nous sommes arrivées, après seulement trois pauses, pipi, café, sandwiches. Un dépliant donné à l’entrée de l’auberge, une ambiance bruyante mais joyeuse se fait entendre avec des accents étrangers agréables.
L’incontournable édifice de la Sagrada Família avec ses tours biscornues aux quatre vents, ses couleurs vives et son atmosphère religieuse incitant au recueillement. Antoni GAUDI, né en 1852, avait dans l’idée très jeune de construire une œuvre grandiose, colorée, en souvenir de ses grands-parents disparus trop tôt. Architecte catalan de renom, il entreprit donc à trente ans de construire cette splendeur qui sera la plus haute cathédrale du monde, une fois ses flèches terminées… en 2026…
C’est haut, très haut, plus de 172 m, des photos crépitent, on ressort bouleversées.
On irait bien manger des tapas, on traverse ces immenses rues pour atteindre La Rambla, cette très longue avenue traversant la ville. Demain, nous irons visiter le Parc Güell avec ses céramiques et la Salamandre qui nous accueille à l’entrée. Ces jardins, tout en beauté scintillante de mille couleurs, des bancs en pierre, des arceaux, des sentiers sinueux qui obligent aux photos souvenirs. Un banc en forme allongée, dans une allée, nous tend ses bras de mosaïque bleue et or.
Nous avons eu beau temps, mes amies et moi ; en grandes routardes, nous reprendrons peut-être ensemble notre circuit européen un des ces jours.
ADIOS
...
L’IRLANDE ET SES SECRETS
 
Bonjour mon journal de voyage.
Aujourd’hui, je me prépare à partir  en Irlande, mon amie Abby m’attend à l’aéroport de Collinstown de Dublin. Mon sac à dos est prêt, pour une fois je vis dormir chez l’habitant, mon amie m’emmène manger un Fish and Chip irlandais, le poisson est en forme de poisson, c’est drôle…
Je suis contente de revoir mon amie, elle m’informe qu’avec son mari Jack, un programme intéressant m’a été concocté pour la journée de demain.
Nous prenons le bus pour aller dans le comté de Meath, découvrir un site archéologique exceptionnel, il y aura des Mérinos bien sûr sur un immense terrain, sur lequel de nombreux sillons circulaires de 228 m, ont été aménagés pour organiser de nombreux festins ou malheureusement des massacres entre ethnies…
En quittant le bus, nous prenons une allée bordée de ronces, où nous nous gavons de mûres. Arrivés sur le site, nous apercevons les restes d’une petite église sombre. Soudain, une nuée de corbeaux noirs s’abat sur nous, je suis terrifiée, les coassements sont effrayants… puis ils passent leur chemin, nous rasant la tête. Nous avançons ; des sillons qui ressemblent à des empreintes laissées par des soucoupes volantes et des ruines témoignent de bâtisses datant de siècles anciens.
Ce paysage est émouvant de désolation. Nous apercevons ces fameux Mérinos broutant paisiblement, je ramasse des bouts de laine éparpillés sur le sol, en souvenir. Des photos s’imposent, mais le ciel devient nuageux ; bon, on est en septembre c’est normal, ce qui n’empêche en rien la vertigineuse vue du pré et des bois alentours, j’adore… Un petit air fais se lève, je sens quelques gouttes de pluie sur ma main.
Le chat de la boutique-restaurant nous accueille d’un petit miaulement, irlandais bien sûr… Nous nous installons au restaurant dans des sièges en osier pour boire une Guinness bien  méritée.
Je repars, des images, des sons, plein les yeux, les oreilles et la tête.
– Demain, me dit Abby, nous irons au bord du fleuve La Liffey, pour te montrer et te raconter l’histoire de la grande famine de 1845, l’hécatombe des Irlandais qui dura quelques années épouvantables. On découvrit du mildiou qui détruisit les pommes de terre et affama la population à cause de la mauvaise récolte. S’en suit une révolte des catholiques et l’émigration des Irlandais aux États-Unis.
Effectivement, un mémorial de la Grande Famine, représenté par des statues d’hommes, de femmes et d’enfants, d’une maigreur extrême, quémandant à manger. J’en ai la chair de poule et les larmes coulent lentement, je prends tout de même une photo souvenir en regardant une petite fille en haillons, sale, maigre et touchante, j’ai l’impression qu’elle s’avance vers moi.
- Je te l’avais dit, s’écria Abby, mettant sa main sur mon épaule.
Nous marchons d’un pas rapide voir un paquebot qui fait escale dans le port de la mer d’Irlande. De petites échoppes vendent des cafés et des chocolats bien chauds.
Et bien, me dis-je c’était une expédition fabuleuse, où mes sens ont été mis à contribution, merci mes amis. Je retournerai en Irlande pour y découvrir d’autres sites extraordinaires.
SLAN (au revoir en gaélique)
 ...
 
LE CARNAVAL DE VENISE
 
Bonjour mon carnet, l’idée me vient d’aller m’amuser. Eric, un ami m’avait parlé de Venise, où je suis déjà allée deux fois. Mais bientôt, en février, il y aura le Carnaval.
Pourquoi pas, c’est une bonne idée, on est dans les temps, pensais-je.
Un petit hôtel, un peu éloigné de la Place Saint-Marc. Les bagages déposés, nous allons d’un pas détendu apercevoir ces fameux personnages de rêverie. Une documentation prise à l’accueil me renseigne sur les débuts de ces extravagances colorées.
« Le CARNAVAL de VENISE remonte au Moyen Âge, les aristocrates voulaient associer le peuple aux jeux publics. Une abolition des différences sociales par le port du masque. A la Renaissance, le carnaval s’ouvre à l’opéra, au XVIIIe siècle, à la peinture. Sur la place San Marco déambulaient des acrobates, des jongleurs et des déguisements de la Commedia dell'Arte, avec des masques grimaçants. Le vol du Rat, un cortège en bateau avec l’effigie d’un gros rat qui exploserait de confettis en donnant le départ. »
 
Bon, et bien allons voir ce dont il est question….
La Place Saint-Marc, quelle beauté ! Je ne me lasserais jamais de voir ces nuées de pigeons et cette nonchalance italienne. Soudain, je me sens attrapée les bras par deux personnes sous de resplendissants costumes d’Arlequin et de Colombine, sous les yeux ébahis de mon ami…
- Prends une photo ! lui dis-je.
Puis, comme une attraction, de fil en aiguille, suivant un cortège de personnages plus beaux, plus colorés, plus audacieux et un brin prétentieux, je suis amenée au bord du Grand Canal, près des gondoles qui, semble-t-il, sont un peu délaissées… Un couple de Français s’avance vers moi, à l’écart de cette mascarade, me confie qu’ils confectionnent eux-mêmes leurs costumes et sont des habitués du Carnaval depuis des années.
- On ne se déguise pas, on se costume, me dit à l’oreille la dame. Le thème de cette année 2023 sera « Les Signes du Zodiaque » et le dernier jour, un jury décerne le prix du plus beau costume.
Suite à ces confessions intéressantes, je me réfugie dans une pâtisserie afin d’évaluer ce qui se passe sous mes yeux. Des rois, des reines, des princes, tout un défilé de personnalités déguisées.
Qui est qui sous ce masque ? me dis-je en regardant une silhouette fluette détonnant des autres aventuriers.
Peut être une fée, une elfe vêtue de noir ; des ongles très, très longs, des cris perçants sortant de sa bouche et des gestes saccadés accompagnent ses élucubrations. Tout un chacun peut ou veut se réfugier dans l’anonymat, l’espace de quelques jours de fêtes.
J’ai adoré ces trois jours festifs. Moi, me déguiser non, mais acheter un masque bien sûr, je ne veux me cacher qu’à moitié…
GRAZIE MILLE VENEZIA...
...
LE CARNAVAL DE NICE
 
Un petit bonjour, mon journal, aujourd’hui je vais rester à Nice pour me reposer.
NON, le carnaval de ma ville va bientôt s’y dérouler, alors, alors… Le thème de cette année complète mes pérégrinations précédentes.
Le Carnaval de Nice est le plus grand de France et l’un des plus célèbres du monde. Thème de l’année : « LE ROI DES TRÉSORS DU MONDE », festivités, fleurs, costumes spectaculaires. Jolies filles sur les chars jetant des fleurs par ci par là, à la grande joie du public, des enfants aux plus âgés, contents de rentrer chez eux avec un souvenir de ces belles journées.
Pour rendre hommage à ce Carnaval particulier, des chars représentant différents monuments mondiaux défilent. La musique, parlons-en, c’est un tout, me direz-vous, on ne dissocie pas toujours la vue des couleurs, des gestes, des sons assourdissants de la part des notes bruyantes, des fanfares, des cris arrachés aux jeunes personnes sur les chars colorés, attirant le public, de leur voix qui se veulent les plus haut perchées accompagnées de sourires gigantesques offrant leurs plus beaux atours.
Je viens d’apprendre que le nouvel hymne du Carnaval est « La Marche du ROY », crée par un niçois, gagnant au concours de mai 2021, et arrangé par un musicien niçois également, associant jazz et classique, le tout avec un chœur d’enfants du lycée René CASSIN .
Le char de RIO par exemple, nous entraînerait dans une samba endiablée. Celui de l’Inde, la musique la plus gestuelle sur des sons répétitifs et agréables.
La citation « Au carnaval tout le monde est jeune, même les vieillards. Au carnaval tout le monde est beau, même les laids. » est d’une logique imparable, les personnes âgées, le temps d’une journée de folie, réagissent à des réactions inopinées de jeunesse.
Les masques ont pour mission de nous dissimuler pour une raison avouable ou non, mais il y a ceux qui choisissent des masques laids par plaisir de choquer ou d’effrayer. Le Carnaval sera toujours une question de sens, la vue des couleurs, la senteur des fleurs, l’ouïe des sons que l’on peut interpréter selon son humeur, le toucher imperceptible ou puissant des confettis qui s’envolent au grès du vent, et le dernier, et non des moindres, celui de déguster ces magnifiques pommes d’amour et autres gourmandises.
E VIVA NISSA LA BELLA !
...
MES ESCAPADES…
 
Mon journal, aide-moi à conclure cette belle épopée des trésors de mes voyages. Tu as été le confident de mes pensées, mes peurs, mes découvertes. Je vais remplir tes quelques pages blanches de mes trésors personnels.
Deux adorables petites filles qui ont déjà beaucoup exploré une partie du monde. Elles sont pleines de souvenirs, heureux ou malheureux, des visions de l’humanité colorées, bruyantes, noires et calmes selon leurs ressenti. Avec moi, dans le cœur de mes découvertes, je les emmènerai voir des ailleurs de la vie, des pays que j’ai aimé visiter, les paisibles paysages de verdure, des animaux dit sauvages comme les écureuils de Saint-Pétersbourg se laissant approcher et nourrir de graines appropriées, les moutons d’Irlande, l’Atomium de Bruxelles. Je leur ferai pratiquer l’anglais à Londres et surtout je prendrai des photos, plein de photos, pour plein de souvenirs en tête et en papier.
Pour mes trésors de voyage, tu seras toujours bien caché dans un tiroir secret. Peut être un jour, te ressortirais-je pour d’autres aventures… Il faut être curieuse du monde et de ses trésors qui sont parfois près de nous…

Dominique DRUARD

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Rédigé par Dominique

Publié dans #Trésors du monde

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Publié le 14 Février 2023

 
Mon journal, aide-moi à conclure cette belle épopée des trésors de mes voyages. Tu as été le confident de mes pensées, mes peurs, mes découvertes. Je vais remplir tes quelques pages blanches de mes trésors personnels.
Deux adorables petites filles qui ont déjà beaucoup exploré une partie du monde. Elles sont pleines de souvenirs, heureux ou malheureux, des visions de l’humanité colorées, bruyantes, noires et calmes selon leurs ressenti. Avec moi, dans le cœur de mes découvertes, je les emmènerai voir des ailleurs de la vie, des pays que j’ai aimé visiter, les paisibles paysages de verdure, des animaux dit sauvages comme les écureuils de Saint-Pétersbourg se laissant approcher et nourrir de graines appropriées, les moutons d’Irlande, l’Atomium de Bruxelles. Je leur ferai pratiquer l’anglais à Londres et surtout je prendrai des photos, plein de photos, pour plein de souvenirs en tête et en papier.
Pour mes trésors de voyage, tu seras toujours bien caché dans un tiroir secret. Peut être un jour, te ressortirais-je pour d’autres aventures… Il faut être curieuse du monde et de ses trésors qui sont parfois près de nous…
 
 

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Rédigé par Dominique

Publié dans #Trésors du monde

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Publié le 14 Février 2023

 
TEMPUS FUGIT
 
On m’appelait le phare d’Alexandrie. J’ai servi de guide aux marins pendant des siècles. Tous les soirs un homme montait à mon sommet pour raviver le feu. Et moi, fier, dressé au bord de la Méditerranée, j’éclairais la nuit, j’envoyais la lumière jusqu’au bout de la mer, jusqu’au bout de la Terre, veilleuse nocturne pour les habitants de la ville.
Un jour, j’ai senti vibrer sous mes pieds. C’était léger, je ne me suis pas méfié. De toute façon, qu’aurais-je pu faire, scellé sur la roche ? Ce petit tremblement fut suivi d’une secousse terrible. Tout mon socle a vacillé, mon faîte s’est décroché. Un grondement, un rugissement digne d’un grand fauve m’a encerclé, la mer m’a attaqué pendant qu’autour de moi, la ville s’écroulait. Une autre secousse est arrivée, encore plus forte. Elle a descellé mes pierres blanches, je me suis effondré, des vagues terrifiantes m’ont avalé.
Depuis je gis, éparpillé, au fond de la mer. L’algue, le sable ont peu à peu recouvert les morceaux de moi. Je ne sais plus si c’est ma base, mon centre, mon sommet qui raconte mon histoire. Drôle de sensation d’être ainsi éclaté…
Moi, symbole de puissance, haut de plus de cent mètres, j’étais altier et magnifique. J’étais l’une des sept Merveilles du monde antique, orné de statues roses, resplendissant de jour comme de nuit, et me voilà aujourd’hui déchu et disloqué ; je ne sers plus que de cachette aux petits poissons.
Il y a quelques années, un espoir insensé m’a traversé. Des plongeurs ont retrouvé quelques pierres de mon corps. Tous mes autres débris ont alors essayé de crier, de bouger, de se manifester de toutes les manières possibles pour qu’on nous repêche et qu’on me reconstruise. En vain. Personne ne les a entendus, ni vus. Les plongeurs sont repartis, je suis resté au fond de l’eau. La mer, mon tombeau… Je me croyais immortel, je n’étais qu’éphémère.
Un matin de soleil, alors que la lumière dansait entre deux eaux, j’ai vu passer une bouteille, sans doute jetée à la mer par un poète car elle ne contenait que quatre vers, mais qui ont résonné très fort en moi :
 
Le Temps qui, sans repos, va d'un pas léger,
Emporte avecque lui toutes les belles choses :
C'est pour nous avertir de le bien ménager
Et faire des bouquets en la saison des roses.
 
Il m’a semblé important de vous les transmettre, juste pour vous dire de rester tout le temps en éveil devant les trésors que le monde vous offre. Moi, je repars vers l’oubli.
...
ATHÈNES
 
Marie repose la vieille feuille jaunie. Ce texte, elle l’avait écrit en atelier d’écriture, il y a quelques années. Une prosi…. proso… prosopopée ! Faire parler un objet, avait dit l’animatrice, faire raconter son histoire à un trésor disparu. Sensible aux vieilles pierres, Marie avait tout de suite pensé au phare d’Alexandrie, ce géant abattu, et les vers de Tristan l’Hermite s’étaient invités dans le texte pour souligner le côté éphémère des choses.
Tempus fugit… Et drôlement vite ! Aujourd’hui, elle est à la retraite et il serait grand temps qu’elle fasse des bouquets en la saison des roses, qu’elle parte découvrir les trésors du monde, qu’elle s’offre le voyage qui lui lui tient à cœur : Athènes, la première démocratie du monde, la genèse de la civilisation occidentale…
 
16 janvier 2023
Je commence mon carnet de voyage. Je suis arrivée hier soir à Athènes et aujourd’hui, j’ai visité l’Acropole.
C’est en m’y rendant que j’ai eu un premier choc : au détour d’une rue, l’Acropole, qui pour moi, jusqu’à ce jour, n’était qu’une image vue dans un bouquin ou à la télé, s’est soudain matérialisée. Le Parthénon trônait, altier, au-dessus des immeubles. Là, je me suis arrêtée un moment pour intégrer cette réalité.
Arrivée sur le site, j’ai d’abord traversé une multitude de vestiges, morceaux de colonnes, pierres de différentes taille, toujours blanches. Le blanc, c’est la couleur d’Athènes, aussi bien l’antique que la moderne. Je suis arrivée devant un théâtre, l'odéon d'Hérode Atticus, datant de l’époque romaine d’après le flyer qu’on m’a donné à l’entrée. Un demi cercle de gradins adossé à la colline et fermé par de hauts murs en partie détruits mais qui ont encore à leur niveau le plus bas, deux belle rangées d’arcades. Il est toujours utilisé pour des concerts et des spectacles, des musiciens faisaient des réglages de balance. Cette musique contemporaine au milieu des vieilles pierres, cette continuité m’a touchée. Un pont de culture depuis deux mille ans.
En haut de la colline, les escaliers grimpent entre deux rangées de colonnes monumentales vers une porte géante ouverte sur le ciel. Émotion difficile à décrire en franchissant la porte. Je n’ai pas les mots. Là-haut, c’est… je ne sais pas si beau convient. C’est la claque, c’est sûr ! J’en ai des larmes au bord des cils et le cœur étreint. Le Parthénon majestueux, tant de fois vu sur des images, se dresse devant moi sur ses colonnes blanches, cerné de débris. L’Érechthéion, temple aux cariatides magnifiques, en fait de même et Athènes toute blanche s’étale en bas, autour de la colline. Je ne sais pas décrire ce moment. C’est fort, riche, mais je n’ai toujours pas les mots pour le raconter. Je déambule entre les monuments, nourrie d’Histoire et de légendes. Le soleil décline, la mer se teinte de rose et les pierres blanches s’ornent d’ocre et d’or.
Je n’ai pas envie de redescendre.
...
GIANT’S CAUSEWAY
 
Pourtant, il a bien fallu repartir. Marie marche vers son hôtel, les yeux rivés sur le Parthénon illuminé, majestueux ainsi dressé sur la colline, adossé à la nuit. Dans le ciel sombre, juste au-dessus de lui, comme un signe venu de la Grèce antique, Jupiter/Zeus brille. Il semble s’être arrêté là, le dieu des dieux. Marie s’arrête aussi. Communion païenne… Ici, maintenant, tempus non fugit... Instant suspendu... Journée inoubliable...
Le lendemain matin, plus de table disponible au petit déjeuner. Le personnel place Marie face à un homme qui déjeune seul. Le personnage est avenant, la conversation s’engage naturellement et se termine par la décision de poursuivre leur visite d’Athènes ensemble. L’homme est un grand voyageur. Avant d’arriver en Grèce, il a passé quinze jours en Irlande et il a su si bien raconter ce pays que Marie, à la fin de son séjour, s’y rend sans repasser par Nice.

Première visite, la Chaussée des Géants, qu’elle s’empresse de relater dans son carnet de voyage :

Lundi 23 janvier2023

Me voici en Irlande. C’est grâce à mon nouvel ami, Jean, que j’ai recontré à Athènes et qui m’a incitée à y venir. Alors, plutôt que raconter ce formidable trésor du monde sur mon carnet, je vais l’envoyer par courrier à Jean et garder le double de la lettre :

 
Cher Jean,
 
          Je t’écris depuis la Chaussée des Géants, Giant’s Causeway, comme tu dis si bien. C’est vraiment comme tu me l’as décrit. De hautes falaises, un escaliers aux milliers de marches, des colonnes dressées, des dalles qui s’enfoncent dans la mer.
Le vent siffle fort, les vagues se fracassent dans un vacarme terrible et les oiseaux de mer, je ne sais pas leur nom, crient au-dessus des lames. Si je ferme les yeux, je pourrais presque imaginer que c’est le géant écossais de la légende qui avance, grondant, hurlant, frappant le sol de ses grands pieds.
Des embruns glacés mouillent mon visage, j’ai les joues qui piquent et un goût salé sur la langue. Ca sent la mer, tu sais, cette odeur d’iode, de varech, de poisson, un peu tout mélangé...
Je me promène sur les dalles sombres, caressant d’une main les colonnes ocres, humides et froides. Mon autre main, pas folle, reste sagement blottie dans la chaleur du duvet de mon anorak.
Le ciel et la mer sont gris, de gros nuages blancs défilent sur l’horizon. Tu as raison quand tu dis que l’on peut avoir les quatre saisons en une journée ici, je les ai vues défiler aujourd’hui.
Merci encore de m’avoir donné envie de venir en Irlande. Devant ce paysage... je ne sais comment dire... il y a comme un frémissement, une empreinte invisible, peut-être celles des géants.. ou celle du temps, immuable pour les pierres, fugace pour moi. En tout cas, je repars riche d’un nouveau trésor.
                                Je t’embrasse
                                                                   Marie
...
L’ALPHABET ARMÉNIEN
 
Après son escapade irlandaise, Marie est rentrée chez elle pour accueillir Jean. Elle l’a invité pour le Carnaval. Il est arrivé hier soir et dort encore. En attendant son réveil, Marie feuillette un livre qu’il a laissé sur la table basse du salon. Un livre à l’alphabet incompréhensible, mais magnifique. Certaines lettres, calligraphiées avec élégance, sont accompagnées d’oiseaux, de fleurs, d’arbres, avec des couleurs lumineuses d’une grande finesse. Une merveille !
 
Un bruissement dans son dos lui fait lever la tête. Jean est là, qui la regarde en souriant :
– C’est un livre écrit en arménien, lui dit-il.
– Il est vraiment superbe ! Quelle écriture étrange… Tu sais la déchiffrer ou c’est juste pour la beauté de l’objet ?
Jean s’assoit près d’elle, le visage soudain sérieux.
– Je sais la lire, c’est ma langue maternelle, tu sais. Et, tu vois, l’alphabet arménien est pour moi bien plus qu’un ensemble de lettres, c’est le symbole de mon identité culturelle et historique. Tu connais l’histoire du peuple arménien ?
Avant que Marie réponde, Jean lui raconte le génocide, la diaspora, les Arméniens éparpillés au quatre coin du monde, avec leur alphabet pour les relier.
– Cet alphabet, c’est la fierté de notre culture, ajoute-t-il. Il a été inventé par Mesrop Machtots au IVᵉ siècle pour traduire la Bible en arménien.
 
Dans les yeux sombres de Jean flotte comme une brume… douleur, nostalgie, souvenir… Marie ne saurait dire. Il se penche vers elle, murmure sur un ton de confidence :
– Sais-tu quelle a été la première phrase écrite en arménien ?
– Non, comment veux-tu que je le sache ! répond Marie tendrement.
– C’est : « Pour connaître la sagesse et l'instruction, Pour comprendre les paroles de l'intelligence. »
C’est pas une belle philosophie, ça ? ajoute-t-il en riant.
Marie acquiesce, feuillette le livre, demande :
– Elle y est dans ce livre ?
– Oui, elle est là :
" Ճանաչել զիմաստություն զիմաստություն և զխրատ, իմանալ զբանս զբանս հանճարոյ "
– Ah, oui ! Faut le savoir ! Mais ça me plaît de ne pas savoir. Ça donne un côté un peu magique, comme si j’avais découvert un document secret, rédigé pour protéger quelque chose de précieux, un trésor... tu vois, un peu comme dans les contes de fée.
– Tu ne crois pas si bien dire ! En fait, c’est l’alphabet lui-même qui est un trésor. En 2019, l’Unesco l’a inscrit au patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
 
Que de fierté dans la voix de Jean ! Marie en est toute émue. Jean prend le livre, cherche une page, l’ouvre, montre à Marie cette phrase :
"Եթե ​​ամեն մորուքի հետևում իմաստություն լիներ, այծերը բոլորը մարգարեներ կլինեին:"
Cest un dicton que jaime beaucoup et qui, je pense, est universel.  Ça dit :
« Si derrière toute barbe il y avait de la sagesse, les chèvres seraient toutes prophètes. »
– Très juste ! rétorque Marie en riant. Et si, pour rester dans la thématique des trésors du monde immatériels, nous allions prendre un bon petit déjeuner ? La baguette française aussi fait partie du patrimoine mondial, non ? J’en ai une, encore tiède, sortie du four du boulanger il y a une demi-heure.
 
Jean referme le livre, le pose sur la petite table du salon, comme un objet d’art. Un rayon de soleil matinal vient se poser délicatement sur la belle calligraphie, et les oiseaux, les fleurs, les arbres s’animent. L’alphabet arménien est vivant.

...

LE CARNAVAL DE NICE

Marie et Jean ont passé un après-midi au carnaval de Nice. Un bel après-midi de soleil, de musique, de fête, avec les chars gigantesques. Carnaval, Roi des trésors du monde ! C’est le thème de l’année, pour le cent-cinquantième anniversaire de sa Majesté.

Le soir, lovés sur le canapé, un verre à la main, la tête pleine de chants, rires et confettis, ils se remémorent la journée et décident de n’en rien perdre en la consignant dans le carnet de voyage de Marie :

Samedi 11 février 2023

Ici s’achève ma quête des trésors du monde, à Nice, avec le carnaval. Notre trésor niçois depuis 150 ans.

Il ne reste qu’une page à mon carnet de voyage, juste pour lui. Pour un tour d’horizon complet, je vais aussi y glisser mon vieux texte sur le phare d’Alexandrie, à l’origine de tout ce périple, et relater la conversation que j’ai eue avec Jean au sujet de l’alphabet arménien, autre trésor remarquable. Quelques semaines riches de découvertes, de sensations, et une belle rencontre : Jean, qui est là avec moi pour narrer notre échappée carnavalesque :

On a été subjugués par le char du Roi. Assis sur le Colisée, avec une pyramide dans la main, le Taj Mahal au bout des jambes, il est superbe. Derrière le roi, une fanfare arrive. La musique, d’abord battement de la grosse caisse, se structure en approchant. Une marche enlevée, claironnée par les trompettes. Les notes retentissent, rebondissent, claquantes comme un ballon, contre les murs des immeubles, frappent les oreilles. Le tambour rythme la marche de son cœur qui bat. Les nôtres en font autant, nos poitrines comme des caisses claires. Ça tourbillonne, ça s’éparpille, la musique est partout… juste le temps de défiler devant nous. Puis, elle s’éteint, se perd en s’éloignant, d’abord étouffée, puis remplacée par celle d’un char qui s’approche, précédé de quelques grosses têtes. Des confettis multicolores, des serpentins volent, on en a plein les cheveux, les manteaux et les poches. Le corso défile, voici le char de la Reine, magnifique déesse indienne aux bras multiples. Suivent des troupes venues des quatre coins du monde qui dansent en habit traditionnel, et d’autres grosses têtes, et d’autres chars. C’est coloré, pimpant, vivant, bruyant. Les musiques se mêlent, s’enveloppent les unes avec les autres, se fracassent en un joyeux brouhaha.

Le char du Roi repasse, toujours aussi impressionnant. Des heures de travail pour une œuvre magistrale qui sera brûlée à la fin des festivités. Paraît que le monarque emporte ainsi tous les soucis, les choses négatives et le froid de l’année écoulée… Un colosse éphémère, comme le phare d’Alexandrie… Temporalité des choses, finitude… Cela m’a accompagnée tout au long de ce voyage et carnaval, en brûlant, y met le point final.

Marie regarde Jean, lui sourit. La fête, la musique, elle les porte en elle depuis qu’elle l’a rencontré.
Sa quête de trésors l’a guidée vers les plus beaux qui soient à ses yeux, la rencontre, le partage, la tendresse et les bouquets en la saison des roses...
 
Mado CAFEDJIAN
 
 

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Rédigé par Mado

Publié dans #Trésors du monde

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Publié le 14 Février 2023

Allongé sur mon lit, je regarde la fumée de ma cigarette qui s’étire et forme des arabesques éclairées par un rayon de soleil. Mes pensées suivent le mouvement des volutes et m’entraînent dans le monde imaginaire peuplé de trésors perdus du passé.
Pourquoi chercher au loin alors que là, protégée, glissée entre les pages d’un livre se cache une petite feuille de papier jaunie par le temps.
Un certificat de travail de mon arrière, arrière, arrière-grand-père, qui a su malgré sa fragilité, traverser les années pour arriver jusqu'à moi.
Bien sûr, ce petit bout de papier ne peut se monnayer, il n’a de la valeur que pour moi.
Les plis montrent combien de fois il a été présenté et replié.
J’imagine mon aïeul rangeant précieusement ce document dans son portefeuille, qu’il portait contre son cœur.
Je le regarde, je le manipule tendrement en repensant au petit garçon cathare. Comme lui, j’avais entre mes mains mon trésor.
 

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Rédigé par Bernard

Publié dans #Trésors du monde

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Publié le 13 Février 2023

 
De nouveau sur la route et encore une fois ma trajectoire en diagonale.
On a quitté Oaxaca au Mexique, le souvenir de mon séjour ne me lâche pas d’un pouce. Au départ j’étais juste en transit là-bas, à la recherche d’un moyen de transport pour me rendre au Pérou. J’avais trouvé une chambre dans une pension de famille, pour me reposer, chez Ana-Lucia. Toute la ville se préparait à El Dias del Muertos, la Fête des Morts. Chaque année, au début de Novembre, on invite l’âme des défunts à festoyer et danser avec les Vivants. Des costumes de squelettes envahissent les rues sur des rythmes endiablés. La Mort est moquée et tournée en dérision et les Âmes des Trépassés qui la côtoient depuis, sont accueillies à bras ouverts.
Chaque famille honore ses disparus, prépare des offrandes à leurs égards en confectionnant des plats et des pains spéciaux à la farine de maïs, décorés de figurines en terre. Ana-Lucia m’a convié à m’asseoir à sa table au côté de sa famille, pour partager leur festin destiné à saluer la mémoire de son mari, Fidel, qui venait de les quitter. Autour de moi, certains tapaient contre les murs ou avec un marteau sur des marmites, toutes les portes et fenêtres demeuraient grandes ouvertes, pour que l’Esprit des Disparus ne rentre pas la maison. On a mangé du Molé et des Tacos, on a bu de la Cerveza et du Mescal.
Tout autour de moi aucune tristesse, juste une allégresse ambiante de se retrouver à nouveau réunis entre vivants et présences invisibles. Tout ce monde chantait, riait, au son des mariachis. Ana-Lucia m’a regardé et m’a demandé, en buvant une gorgée de tequila :
– C’est Pour Fidel ! C’est ta première Fêtes des Morts ?
– Oui, chez moi, la Toussaint ça n’a rien a voir, j’ai répondu.
Et elle enchaîne :
– Pour nous ce sont des jours importants, on retrouve durant quelques heures celles et ceux qui voyagent ailleurs dans ce pays voisin transparent. On ne les voit pas mais ils sont là, crois-moi.
Elle a tourné les talons pour repartir en dansant vers la cuisine.
Près de moi, Miguel, son frère :
– Si tu avais connu Fidel, je pense que vous vous serez bien accordés. Vous avez la même attitude rêveuse. Si tu avais pu les voir ensemble, je leur disais toujours, toi et Ana-Lucia, Madre de Dios, à vous deux vous êtes la personne parfaite.
Puis, il ajoute :
– Je vais t’expliquer la véritable histoire de cette journée. Il faut remonter très loin dans le temps et l’espace. Dans les croyances précolombiennes, bien avant les Aztèques, quand on mourrait on effectuait un voyage qui durait quatre ans, au cours duquel l’Esprit du mort devaient traverser neuf mondes et surmonter de multiples épreuves, pour parvenir enfin au Mitlàn, le lieu du repos éternel, faire partie d’un tout. Et une fois l’an, ils reviennent nous saluer ; et nous avec tout ça on les salue en retour.
 
Le soir commençait à tomber, tout le monde s’est mis en route, on est parti vers le cimetière pour se retrouver sur la tombe de Fidel. De partout, des bougies, de la musique, la fumée odorante du copal, sorte d’encens à base de résine et sciure de bois, et des bouquets de cumpasuchil, ses fleurs orange, spécifiques pour cette célébration.
On est restés là, jusqu’au lever du jour, et on est rentrés.
La tête alourdie par la bière et trop de tequila, je buvais un café très fort pour me réveiller.
Ana-Lucia se tenait près de moi, en fumant une cigarette. Toujours son petit sourire au coin des lèvres, elle me demande :
– Pourquoi le Pérou ? Il y a une Chiquita, une femme qui t’ attends là-bas ?
– Oui, j’ai répondu, mais pas comme tu l’imagine !
Et comme les effluves de l’alcool ingurgité tout au long de la journée précédente stagnaient encore dans mes cellules et que la caféine n’agissait pas encore, en pleine désinhibition, je me suis mis à lui raconter ma vie, mon histoire obsédante avec les vieux cailloux de du cosmos, ma fascination pour les ruines du passé, la véritable raison de mon odyssée.
Et je lui parlais du Pérou, des géoglyphes mystérieux du désert de Nazca et de Maria.
Tous ces alliés complices qui ont, un soir, pris en otage ma curiosité maladive, expliquant ma position actuelle en temps et heures sur ce bout d’espace terrestre.
 
Voilà plusieurs mois, dans ma chambre d’auberge de jeunesse de Vik, en Islande, à quelques mètres d’une plage de sable et galets noirs, minuscules fragments de la lave basaltique qui recouvre la région, je ne trouvais pas le sommeil. Je passais d’une chaîne à l’autre sur ma télé sans savoir, d’un coup je tombe sur un vieux reportage en noir et blanc, le visage patiné par le temps de Maria Reiche la dame de Nasca, et son désert insolite inondèrent ma fenêtre cathodique.
Il y a plus de 2000 ans, au Sud du Pérou, le peuple Nazca, ancêtres des Incas, gravaient dans ce désert où il n’y a presque pas de vent, où il ne pleut presque jamais, des œuvres monumentales et, aussi incroyable que cela puisse paraître, cette relique humaine est demeurée secrète durant plusieurs siècles. A la fin des années 20, des archéologues grimpent une colline observent dans cette vallée de curieux sillons, ils n’y prêtent peu d’attention, pensent que ce sont justes d’anciens chemins d’irrigation. En fait ils ignorent encore qu’ils viennent de mettre à jour un trésor du monde, passé et actuel. Le reportage montra alors une vision aérienne en noir et blanc du site et les figures apparurent, un homme stylisé de plus de 30 mètres, un colibri, un singe, un poisson. Et Maria repris sa narration, elle avoua que depuis son arrivé, dans les années 40, elle avait répertorié plus de 800 lignes dont certaines s’étalent sur plusieurs kilomètres et des centaines de gravures titanesques, passant chaque jour à les dessiner, classer et à les balayer toutes ces lignes au fur et à mesure.
 
Imaginer, son corps voûté, courbé par l’âge, suivant chaque trace avec son balai, pour éloigner cette poussière du temps, figée sur ce morceau de monde…
Bien des théories, par la suite, furent échafaudées, des plus farfelues aux plus hypothétiques, mais c’est Maria qui, à force de les côtoyer, a révélé leurs véritables fonctions, un gigantesque horoscope céleste à destination des dieux.
La région était oubliée, voire juste un point sur la carte, mais tout son travail colossal accompli à remis à jour et rendu célèbre ce pays désertique. Son combat pour la préservation aboutit le jour elle réussit à le faire classer au patrimoine de l’humanité. Aujourd’hui, elle repose juste en face de ses lignes.
 
Trouvant ensuite une once d’évasion dans mon sommeil paradoxal, je fis des rêves peuplés de traits entremêlés et animaux au contours bizarroïdes. A mon réveil, l’aube pointait son museau, une évidence me pétrifia, il fallait que je parte, que je découvre par moi-même, ce fragment d’histoire démesuré. Après la traversée d’une mer, d’un océan et d’un continent, je touche presque qu’au but. Quand j’ai fini de lui parler de tout ça, Ana-Lucia a jeté sa cigarette, a fixé ses yeux dans les miens, elle a juste dit :
– En route je t’emmène là-bas.
Guatemala, Nicaragua, Équateur, Colombie, notre périple touche presque à son but.
On roule toujours, on a quitté Lima depuis six heures.
Le soleil se dandine tout en haut du vieux combi Volkswagen pour que la chaleur dans l’habitacle s’en donne à cœur joie. J’ai très soif, on a fini les dernières bouteilles d’eau et nos sodas qui, même tièdes et éventés, nous auront bien dépannés. Pas de station-service ou de drugstores en vue. La Pan Americana, long serpent de bitume, s’étale devant nous au milieu du sol aride et rien qui bouge.
Mon dos accuse le coup de ce voyage interminable, les amortisseurs du véhicule, s’ils existent encore et au vu du ressenti de mes lombaires, ils ne servent plus à rien. Sans doute aussi vieux et usés que cet espace au visage lunaire que nous parcourons.
A côté de moi, mains scotchées au volant, pied figé sur l’accélérateur pour mieux faire couiner les roulements à bille du moteur, Ana-Lucia, ma conductrice et guide imprévue, n’arrête pas de sourire et me regarde en fredonnant les paroles d’une chanson qui bourdonne dans la radio :  Cuando el viaje acabe, tal vez sea feliz...
Avec mon espagnol sud-américain un peu bancal ça se traduit ainsi : quand le voyage sera terminé, peut être que je serai heureux. Devrais-je me sentir tout à coup concerné, moi qui parcourt notre monde depuis si longtemps ?
Et elle éclate de rire, comme pour me narguer. Le vent de la vitesse qui s’engouffre par la vitre absente de sa portière se joue de ses longs cheveux noirs grisonnants, comme les filaments désordonnés d’une comète espiègle.
Je m’assoupis quelques minutes. Un coup de frein, me secoue, je me cogne contre ma vitre.
Ana-Lucia se tient hors du fourgon. Je la rejoins.
– Regarde ! Sur le sol, m’intime-t-elle.
Et je regarde, de part et d’autre de la nationale, un long sillon coupé par le goudron. Sans un mot, nos pensées se rejoignent, et on suit l’une d’elle. Elle escalade la pente d’une colline, on adopte en parallèle cette même trajectoire, et on arrive, avec elle, tout au sommet. Les pierres roulent sous nos pas, il fait chaud, l’atmosphère ambiante est sèche. Et puis il y a ce petit sifflement, ce mince filet de vent qui flirte avec les rochers chauffés à blancs. Et puis je sens une main qui se met à serrer très fort mon avant-bras. Je regarde Ana-Lucia, elle pointe son doigt, mes yeux suivent cette direction et dans ce presque silence, comme figé dans une sorte d’Espace-Temps, je les parcours, les paupières grandes ouvertes, ébahi. Les Lignes de Maria, elles partent dans toutes les directions, de manières précises et mystérieuses. Inimaginable de songer un seul instant que des milliers d’années auparavant des personnes aient pu concevoir pareil ouvrage, le témoin silencieux d’une épopée humaine aujourd’hui disparue.
Tout à coup Ana-Lucia éclate de rire.
– Et ta Maria elle a balayé tout çà ?
 
On est restés là, jusqu’au coucher du soleil, on avait faim, soif, on avait besoin d’une bonne douche, on a repris la route jusqu’à la ville. On a laissé le soir venir, recouvrir une fois de plus le désert de ses secrets et sa légende. A mesure que la voiture s’éloignait, j’ai compris que, parfois, on passe son temps a chercher des réponses qu’on ne trouvera sans doute jamais, que certaines doivent restées ainsi, irrésolues et clandestines.
Il était temps pour moi, de rentrer.
 

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Rédigé par Jean-Michel

Publié dans #Trésors du monde

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