A LA RECHERCHE DE MON TRÉSOR
Publié le 14 Février 2023
LE TRÉSOR DES CATHARES
Je vivais enfermé dans le château de Montségur à l’abri d’une caisse en bois. Moi, le trésor des Cathares, de trésor je n’avais que le nom, j’étais composé d’un simple calice dans lequel Jésus-Christ aurait bu. Je n’avais de valeur que pour ces gens qui voulaient vivre en paix, entre le Bon Dieu et le Diable.
Mes fidèles vivaient dans le sud ouest de la France à l’abri des forteresses de Montségur, Peyrepertuse, Carcassonne, Queyribus et pourtant ils déclenchèrent la jalousie de la Papauté qui voyait en eux des hérétiques à la vraie foi. Le pape lui-même organisa une croisade pour combattre ses ennemis. Les villes, les forteresses tombèrent sous les coups du seigneur de Montfort, commandant en chef de ce que l’on appellera la croisade des Albigeois. Il fit brûler sur le bûcher femmes, hommes et enfants au nom de la chrétienté.
Moi je fus sauvé par un jeune qui allait devenir un « Parfait », il m’emporta en fuyant Montségur et me cacha dans une crypte d’un château.
Aujourd’hui, tout le monde me recherche, je suis, comme mon cousin le trésor des Templiers, devenu l’objet de convoitise d’historiens, de chercheurs qui voient en moi un objet de sciences occultes possédant des pouvoirs magiques pour les uns et de richesse pour la cupidité des autres. Pourtant je ne suis qu’un simple calice en métal blanc, aujourd’hui je porterais le nom de gobelet.
Ma valeur n’est que spirituelle et mon regret c’est de penser à tous ces gens qui sont morts pour moi sur le bûcher sans connaître la vérité.
…
CHÂTEAUX CATHARES
Après avoir lu ce livre ancien découvert au marché aux puces de Saint-Ouen, me voilà sur les traces des Cathares, sac à dos, par les monts et les sentes à la découverte de ces merveilleux châteaux dont les ruines défient le temps et dont les noms résonnent comme des poèmes venus du fond de l’histoire, Queribus, Peyrepertus, Puilaurens. Un monde de pierres bâti par l’homme pour protéger sa foi.
Ce soir je m’installe au pied de celui qui représente le monde cathare, le Montségur. J’écoute le vent qui souffle entre les pierres et qui me raconte l’histoire de ce lieu.
La fatigue m’entraîne vers les bras de Morphée et je ne tarde pas à m’endormir. Quand soudain, est-ce un rêve ou une réalité, des cris résonnent dans ma tête, des cris de suppliciés. Des images défilent comme un vieux super 8, je réalise que je suis sur le lieu où les Cathares de Montségur, après un siège d’environ deux cent jours, ont péri par les flammes sans renier leur foi. Parmi eux un enfant de sept ans m’interpelle :
– Retrouve-le !
– Qui ? Quoi ? demandais-je.
– Le Trésor ! furent ses dernières paroles avant que lui aussi soit dévoré par les flammes.
Trempé de sueur, je me suis réveillé, le soleil pointait ses rayons et auréolait la silhouette fantomatique de Montségur. Les paroles de cet enfant résonnaient encore dans ma tête : « Le Trésor ».
J’en avais entendu parler, mais mon esprit cartésien l’avait toujours considéré comme une légende. Me serais-je trompé ?
Pour faire fuir mon trouble je me rendis à la bibliothèque de Foix.
C’est ainsi que j’ai eu connaissance de l’histoire du trésor des Cathares. A partir de ce jour je n’ai eu de cesse que de remuer ciel et terre pour connaître l’histoire du catharisme. C’est comme ça que ma vocation est née. Je suis devenu archéologue et spécialiste de cette époque.
Quelques années après, lors d’une campagne de fouille dans un château qui n’a laissé dans l’histoire que son nom, « Pieusse », je découvris sous un mètre de sédiment un coffre en bois rongé par le temps et dans lequel un Gobelet en métal finissait sa vie, mangé par la rouille.
Je venais de trouver le trésor des Cathares.
C’est avec délicatesse et à l’encontre de la déontologie de ma profession que je pris le coffre, comme si je portais un saint sacrement pour l’emmener au pied du Montségur pour les répandre sur le lieu du sacrifice.
La nuit venue, mon rêve fut peuplé des rires d’un enfant qui venait de retrouver son trésor.
...
LE CIRQUE DE GAVARNIE
Le jour pointait sa lueur au dessus de Montségur, m’invitant au réveil. Je m’étirais langoureusement respirant les effluves de la fraîcheur du matin. Je repensais aux rires de l’enfant qui avait retrouvé son trésor. Moi aussi je voulais découvrir cette sensation que peut entraîner ce moment où l’on oublie qui on est et que l’on retrouve la modestie devant le merveilleux, le sacré.
Mon sac sur le dos, je me rendis au village de Gavarnie, point de départ de mon aventure.
Un choix s’imposa à moi : à pied ou à cheval ?
Me voilà assis sur ce magnifique alezan, au doux nom de Pepito, qui allait m’emmener vers ma destination. Le chemin serpentait au milieu des herbes folles aux senteurs de fin d’été, j’écoutais le bruit des sabots qui, à chaque pas, cognaient sur la roche usée par le passage de milliers de visiteurs. Clip, Clop, musique qui m’entraîne doucement dans ce monde féerique où seule la nature dicte ses droits.
Cela faisait maintenant presque une heure que j’avais laissé la plaine quand soudain devant mes yeux émerveillés, il était là, dans toute sa splendeur. « Le Cirque de Gavarnie », ses falaises grises formant un demi-cercle parfait, s’offrait à moi en toute simplicité.
Je descendis, laissant à Pepito, mon compagnon d’aventure, la liberté d’aller brouter l’herbe verte. Cette herbe tendre, craquante, qui ne pousse qu’ici, au milieu de cette nature protégée.
Je m’avançais comme si je pénétrais dans le chœur d’une cathédrale, rempli d’humilité devant tant de beauté.
Assis au centre de ce cirque, je me laisse griser par toutes les senteurs des fleurs qui poussent entre les pierres. J’écoute le silence juste troublé par le chant de la cascade qui emporte vers la plaine sa chanson sans cesse répétée. Je caresse les pierres polies, souvenir de la présence d’un glacier aujourd’hui disparu. Je respecte ce lieu magique où je pourrai revenir me ressourcer.
Dans ce cirque je suis redevenu un enfant émerveillé devant ce spectacle que la nature m’offrait.
Je venais de trouver mon trésor, au loin un oiseau s’est mis à chanter.
...
LE PARFUM
Le chant de l’oiseau me dit qu’il était temps de rentrer. Me voilà installé dans le train qui allait, de gare en gare, me ramener chez moi.
Les bruits des roues sur les raccords des rails me rappelèrent la musique des sabots de mon compagnon Pepito sur les roches et m’entraînèrent doucement dans les bras de Morphée.
Le crissement du métal provoqué par le freinage du train me réveilla ; me voilà chez moi.
L’aventure des Cathares, la découverte du cirque de Gavarnie avaient déclenché en moi le virus de la recherche pour les trésors de ce monde.
Et c’est comme ça que j’appris qu’en novembre 2018, l’Unesco avait inscrit à son patrimoine immatériel le savoir-faire de la ville de Grasse en matière de parfum. Habitant les Alpes-Maritimes, je me fixais comme but de le découvrir. Je me replongeais aussitôt dans le livre « Le Parfum » de Patrick Süskind pour m’imprégner des lieux et des senteurs de ce trésor immatériel.
Comment allais-je m’approprier cette sensation créée par l’ivresse éphémère d’un arôme aux saveurs musquées ?
Me voilà dans la capitale azuréenne des senteurs où, à travers les différentes parfumeries, je poursuivais ma quête de ce bouquet qui allait m’apporter le Nirvana olfactif.
Rien, pas le moindre relent pour me donner une piste, une indication, je commençais à désespérer quand, dans le vieux Grasse, une boutique attira mon regard. En pénétrant, j’eus l’impression de faire un grand bon dans le passé. Tout était vieux, même le propriétaire semblait faire parti du décor. Les flacons aux différentes essences étaient alignés sur les étagères comme des soldats de plomb. C’est là que je le vis, un tout petit flacon, avec sur l’étiquette, écrit en plein et délié, « Eau de violette » de Tourette sur Loup. Délicatement, je dévissais le bouchon et là, comme si un génie sortait de sa lampe, l’effluve m’emporta dans un monde irréel, peuplé de fleurs violettes.
Je mis un temps à retrouver mes esprits, mais je rentrais chez moi, le précieux flacon dans mon sac.
Le lendemain, je pris la route pour me rendre dans ce village et aller à la rencontre de cette senteur délicate que nous offre la nature.
Assis au milieu d’un champ de toutes petites fleurs timides qui cachent en leur cœur une essence qui, une fois distillée, apporte à celui qui la respire une vision d’un monde féerique. Je venais de trouver l’émanation d’un trésor. Ma nuit fut remplie à nouveau des rires d’un enfant.
...
CARNAVAL
De retour à la maison, je déposais mon précieux flacon dans ma bibliothèque ; il allait rejoindre mes trésors hétéroclites que j’amassais depuis des années.
Ce matin, à travers mes volets fermés, un vacarme s’élève de la rue et me fait sursauter. Je m’empresse d’aller à ma fenêtre pour en connaître l’origine. Mais oui, c’est carnaval et ses grosses têtes qui se préparent à défiler sur l’avenue Jean Médecin. Toutes les musiques se mélangent, les marches militaires que jouent les fanfares venues des quatre coins du monde, les hurlements des hauts parleurs accrochés aux chars, les annonces officielles, le tout dans un brouhaha indescriptible, boum, boum, taratata, zimboum, multitude de sons qui se bousculent dans mes oreilles. Je ferme précipitamment ma fenêtre et là, par le miracle du double vitrage, je retrouve le monde du silence.
L’après-midi, je me retrouve place Masséna, assis dans les tribunes au milieu d’une foule de touristes qui avaient fait le déplacement du nord de la France pour en découdre à coup de confettis et de serpentins contre l’autorité.
Sa Majesté arrive, précédée par la musique des pompiers qui jouent l’hymne officiel de carnaval.
La musique est couverte par les HO !, les WHAOU, les BRAVOS, des spectateurs qui, l’instant d’un corso, deviennent les sujets de ce grand roi fait de fer et de carton.
Pendant une heure durant, j’admire les carnavaliers, eux qui, par leur travail, chars, grosses têtes, nous font oublier les soucis, nos soucis de tous les jours.
Comme un enfant, je rentre dans mon appartement les yeux remplis d’images, la tête pleine de musique, dont les confettis sont des notes qui volent et qui retombent sur le sol. Je pense à ce bon roi de carnaval, trésor éphémère qui ne dure qu’un temps, adoré, applaudi et pourtant, il finira en fumée sous les cris et les rires d’un enfant.
...
UN PETIT BOUT DE PAPIER
Allongé sur mon lit, je regarde la fumée de ma cigarette qui s’étire et forme des arabesques éclairées par un rayon de soleil. Mes pensées suivent le mouvement des volutes et m’entraînent dans le monde imaginaire peuplé de trésors perdus du passé.
Pourquoi chercher au loin alors que là, protégée, glissée entre les pages d’un livre se cache une petite feuille de papier jaunie par le temps.
Un certificat de travail de mon arrière, arrière, arrière-grand-père, qui a su malgré sa fragilité, traverser les années pour arriver jusqu'à moi.
Bien sûr, ce petit bout de papier ne peut se monnayer, il n’a de la valeur que pour moi.
Les plis montrent combien de fois il a été présenté et replié.
J’imagine mon aïeul rangeant précieusement ce document dans son portefeuille, qu’il portait contre son cœur.
Je le regarde, je le manipule tendrement en repensant au petit garçon cathare. Comme lui, j’avais entre mes mains mon trésor.
Bernard BRUNSTEIN