RÊVERIES VAGABONDES

Publié le 15 Février 2023

 

LE TRÉSOR DE CHILDÉRIC Ier

Childéric 1er succéda en 457 à son père Mérovée. C’était un guerrier barbare, courageux et conquérant, au service des Romains. En 457 il devint roi des Francs. Au fil des ses conquêtes, il amassa peu à peu le trésor que je suis, du moins ce qu’il en reste aujourd’hui. Toute sa vie il veilla jalousement sur moi et je me sentais en sécurité. Quand il mourut, son fils Clovis respecta ses volontés et décida de l’enterrer selon les rites romains. Je me retrouvai donc avec lui dans une tombe, sous plusieurs mètres de terre. Je pensais que je ne reverrais jamais le jour. Mais c’était sans compter sur l’énergie de cet ouvrier de Tournai et de sa pioche qui, en 1653, durant des travaux de démolition, mit à jour le caveau et son précieux contenu dont l’anneau d’or à l’effigie du roi franc…

La nouvelle se propagea rapidement et Léopold Guillaume d’Autriche, gouverneur des Pays-Bas, me récupéra. Quand en 1656 il partit pour Vienne, je faisais partie du voyage. A sa mort je devins la propriété de Léopold 1er et de la maison d’Autriche. On aurait pu s’arrêter là mais, pas du tout ! Pour remercier Louis XIV d’avoir apporté son aide à l’armée impériale on lui remit le trésor. J’étais très heureux car je retrouvais ma terre natale et une prestigieuse demeure : la bibliothèque royale. J’allais enfin pouvoir me reposer. Mais la vie en avait décidé autrement et mon périple était loin d’être terminé. En effet, dans la nuit du 5 au 6 novembre 1831, des cambrioleurs pénétrèrent dans le cabinet des médailles et s’emparèrent de moi. La majeure partie des éléments qui me composait fut fondue et le reste jeté dans la Seine…

Aujourd’hui, il ne reste comme preuve de mon existence passée, que quelques répliques du fameux anneau d’or. Une bien triste fin pour un trésor aussi prestigieux !

LE COLISÉE

Ma petite fille vient de partir pour le collège. Elle a laissé son exposé d’histoire sur le bureau pour le relire ce soir. De quoi s’agit-il ? Le titre attire mon attention : « Le trésor disparu de Childéric 1er ». Curieuse, je lis l’introduction : « Childéric était un guerrier téméraire et conquérant au service de Rome »…

Rome, ma première destination choisie quand j’avais décidé de voyager après avoir pris ma retraite. Rome, un rêve devenu réalité au printemps 2012. Je ferme les yeux un instant pour essayer de retrouver la magie de ma rencontre avec l’un de ses trésors inestimables : le Colisée. Je me souviens de l’émotion ressentie en le voyant pour la première fois. Il se dressait immense, majestueux, flamboyant dans le soleil couchant de cette fin de journée. Il portait bien son nom ce colosse de pierres haut de 57m ! Pourtant le temps ne l’avait pas épargné : les incendies, les tremblements de terre, les guerres avaient réduit à néant une partie de son édifice. Mais, même en ruines aujourd’hui, ce géant de plus de 2000 ans captivait toujours les foules.

Lors de la visite, je m’étais assise un moment en haut des gradins. Des noms me revenaient soudain à l’esprit : César, Néron, Spartacus, Gladiator… Je devenais tout à coup le spectateur de cette splendeur passée. J’entendais les cris de la foule monter jusqu’à moi. Qui acclamait-elle ? Ce gladiateur courageux qui se battait pour rester en vie ? Ce conducteur de char qui franchissait la ligne d’arrivée en vainqueur ? Ce chrétien qui allait mourir pour défendre sa foi ? Je réalisais soudain que le Colisée, l’un des plus beaux symboles de la grandeur de Rome, avait été aussi le théâtre de violences, de cruautés, de souffrances…

La visite était terminée. Avant de sortir, je me retournai pour le contempler une dernière fois et graver en moi son image. Je voulais garder de lui le souvenir d’un chef-d’œuvre capable de traverser le temps et de susciter l’admiration de tous ceux qui, comme moi, avaient eu la chance de le contempler.

Pour être sûre de revenir un jour dans la ville éternelle je n’avais pas oublié avant de partir, d’aller jeter une pièce de monnaie dans la fontaine de Trevi (dos à la fontaine, de la main droite par-dessus l’épaule gauche) en espérant que mon vœu serait exaucé…

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LA CHUTE DE LA DRUISE

En revenant de mon voyage à Rome je décidai de m’arrêter chez ma fille dans la Drôme, une région que je ne connaissais pas encore.

Le lendemain de mon arrivée, ma fille décida de m’emmener découvrir la chute de la Druise située dans le magnifique massif du Vercors. Nous partîmes tôt le matin. La route serpentait dans une forêt de sapins et de mélèzes d’un vert sombre. Les virages succédaient aux virages pour arriver enfin au village d’Ansage, un endroit bucolique avec ses prés verts, ses troupeaux de vaches dont les cloches tintaient allègrement. Après avoir dépassé le village, on emprunta un petit sentier qui s’enfonçait dans la forêt. A la chaleur de la route succédait une fraîcheur agréable. Une odeur de terre mouillée chatouillait agréablement mes narines. De part et d’autre du sentier, de jolies violettes se cachaient sous l’herbe tendre et leur délicat parfum flottait dans l’air. Puis, le sentier se mit à descendre brusquement et devint très escarpé. Pour ne pas glisser, je m’accrochais aux buissons qui me griffaient les mains. Je percevais au loin le bruit de la cascade. Plus on se rapprochait, plus il devenait assourdissant et, soudain, elle apparut. Pour l’admirer, il fallait lever la tête. L’eau qui jaillissait du haut de la falaise venait se fracasser sur les rochers soixante-dix mètres plus bas dans un bouillonnement d’écume. Le souffle qui en résultait parsemait notre visage de fines gouttelettes, une sensation vraiment agréable. Puis l’eau s’apaisait et, après avoir sautillé sur les cailloux dans un léger clapotis, elle finissait sa course au milieu des rochers. On découvrait alors un lagon aux eaux translucides légèrement bleutées, véritable invitation à la baignade. Je ne pus résister à la tentation d’y tremper les pieds mais je les retirai très vite : je ne pouvais plus bouger mes orteils paralysés par le froid…

Je me souviens bien de cette magnifique journée. Même les sandwichs que nous avions apportés avaient un goût différent au milieu de cette nature préservée : on les savourait et chaque bouchée était un plaisir renouvelé.

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LES SANTONS DE PROVENCE
Je quittai la Drôme après un séjour des plus agréables. Je décidai de ne pas reprendre l’autoroute mais de rejoindre Nice par la mythique Nationale 7. Je pourrai ainsi profiter du paysage et m’arrêter selon mes envies. J’avais d’ailleurs l’intention de faire une halte à Saint-Maximin-la-Sainte-Beaume et de rendre visite à Enika Eygazier, maître santonnier. C’est grâce à elle que je possède une collection de santons magnifique que j’enrichis à chacune de mes visites.
Me voilà arrivée chez Enika. Je pousse la porte de son atelier et pénètre dans son royaume. Elle est assise devant sa grande table et me tourne le dos. Absorbée par son travail minutieux, elle ne m’a pas entendue. Pour ne pas la déranger, je vais faire un tour dans la salle d’exposition pour admirer les œuvres terminées qui sont rassemblées dans une crèche géante. J’ai l’impression de retrouver des amis de longue date, ceux qui ont enchanté les Noëls de mon enfance. Grasset et Grassette, les vieux, avancent main dans la main en s’abritant sous leur grand parapluie rouge. Ils sont amoureux comme au premier jour. Le Ravi, lui, est toujours à la même place, les bras en l’air. Son sourire béat est la preuve de son ravissement. Mais voilà le tambourinaire qui s’approche. Comme il est élégant avec son feutre à larges bords ! Il conduit la farandole au son du galoubet et du tambourin. Je ne peux m’empêcher de fredonner quelques notes. Monsieur le Maire, lui, a revêtu ses plus beaux atours : écharpe tricolore et haut de forme. Il se tient très droit et semble fier de son rôle de premier magistrat. Il m’intimide un peu. Ce n’est pas le cas du Pistachié que je trouve sympathique et amusant avec ses gilets superposés, de toutes les couleurs et de longueurs différentes. J’aperçois près de l’étable, les bergers et leurs moutons et, au-dessus de celle-ci, l’ange Boufaréou appelé ainsi à cause de ses joues rebondies à force de jouer de la trompette. Même si tous ces santons sont mes préférés, je n’oublie pas d’aller saluer le bûcheron chargé de son fagot de bois, le meunier avec son sac de farine, le rémouleur et sa meule pour aiguiser les couteaux et la lavandière avec son savon de Marseille et son battoir. Mais, aujourd’hui, je suis venue pour un personnage en particulier. Il est inquiétant et peu sympathique, certes, mais il manque à ma collection : c’est le bohémien. Il se tient un peu à l’écart mais il ne passe pas inaperçu avec sa cape noire, son foulard rouge et son couteau qui étincelle à la ceinture. Il me fait un peu peur et me fascine à la fois…
Enika a fini de travailler et vient me rejoindre. Elle est ravie de mon choix. C’est avec une grande délicatesse qu’elle range mon nouveau trésor dans une boîte, après l’avoir enveloppé dans un papier de soie. Je repars heureuse et le cœur léger. Les santons représentent pour moi l’art de vivre en Provence. Ils évoquent, parfois avec un peu de nostalgie, des personnes ou des métiers aujourd’hui disparus mais que, grâce à eux, on n’ oubliera jamais.
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LE CARNAVAL DE NICE ET LES TRÉSORS DU MONDE

Me voilà de retour à Nice, juste à temps pour les festivités de Carnaval qui débutent demain Samedi 11 Février. Son thème, «  Les trésors du Monde », va me permettre de clore mon carnet de voyage commencé quelques semaines plus tôt.

Mais ce soir je suis fatiguée. Aussi je me couche tôt et je m’endors aussitôt…

Je suis sur l’avenue Jean Médecin au milieu d’une foule colorée, bruyante et joyeuse. En jouant des coudes, je me fraie un chemin et je réussis à trouver une place au bord de la chaussée pour jouir pleinement du spectacle. Le premier char qui descend lentement l’avenue arrive enfin à ma hauteur. A ma grande surprise, je découvre que le personnage principal n’est autre que Childéric Ier.

Celui-ci, assis sur un magnifique cheval noir dont la crinière flotte dans le vent, contemple avec fierté le trésor répandu à ses pieds : bagues, épées, lances brillent de mille feux. Les pièces d’or lancées en l’air par des soldats en armure retombent sur le sol dans un joli tintement semblable à des notes de musique qui volent dans les airs.

Je suis encore sous le charme quand le deuxième char entre en scène. Il est précédé par le son puissant, guerrier et solennel des trompettes qui emplit mes oreilles. Je lève la tête : à plus de dix mètres de haut, immobile et majestueux, le Colisée nous écrase de sa superbe. J’entends tout autour de moi des cris d’admiration. A l’avant du char, des gladiateurs miment un combat sans merci. Une musique forte et lancinante accompagne chacun de leurs gestes. Elle est aussi froide et tranchante que la lame de leur glaive qui luit au soleil. Par moment, le son d’un gong retentit. Les vibrations de cet instrument résonnent au plus profond de mon être et pénètrent dans toutes les cellules de mon corps. Je suis comme transportée.

Le char s’éloigne à son tour et celui qui le suit de près est un véritable enchantement. Une cascade saute de rocher en rocher au milieu d’une végétation luxuriante. Une multitude de bruits l’accompagnent dans sa course : le clapotis de l’eau sur les pierres, le murmure du vent dans les feuilles, le gazouillis des oiseaux sur les branches et le bourdonnement des abeilles butineuses. Ils se mélangent avec grâce pour devenir une symphonie délicate, véritable hymne à la nature : la chute de la Druise est encore plus belle que dans mes souvenirs !

Mais je n’ai pas le temps de rêver. Une musique retentit au loin. Je la reconnaîtrais entre mille car elle fait partie de ma vie depuis ma naissance. Elle est légère, joyeuse, entraînante. Elle sautille, virevolte et me donne envie de danser. En me penchant un peu j’aperçois les santons de la crèche qui avancent à petits pas. Arrivés devant moi ils se prennent par la main pour effectuer une farandole endiablée. Les spectateurs autour de moi frappent dans les mains pour marquer la cadence et je ne peux m’empêcher de les imiter. Le tambourinaire, un fort joli garçon, très élégant avec son pantalon blanc et sa ceinture rouge nouée autour de la taille me fait un signe de la main et m’invite à les rejoindre. Je ne me fais pas prier.

Alors que je m’apprête à entrer dans la danse… Le téléphone sonne et me réveille en sursaut. Je réalise alors que tout cela n’était qu’un rêve, mais quel joli rêve ! Je suis un peu déçue mais je me console vite : dans quelques heures j’ai rendez-vous avec Sa Majesté Carnaval qui va me raconter l’histoire des « Trésors du Monde ». Tout un programme !

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MA MALLE AUX TRÉSORS
Mon voyage dans le temps, riche en émotions et découvertes, a pris fin. Mais il me reste des souvenirs inoubliables qui vont enrichir ma malle aux trésors personnelle bien remplie. On y trouve déjà : un petit village niché dans la verdure, témoin immobile et muet de mes vacances passées et qui garde jalousement entre ses murs une partie de ma jeunesse ; un grand lac aux eaux turquoises où je viens me ressourcer encore aujourd’hui ; une plage de sable fin qui s’étend à perte de vue, lieu favori de mes promenades estivales ; et, pas très loin d’ici, mon joli jardin en restanques, un vrai paradis pour tous ceux qui aiment lire ou écrire à l’ombre des arbres.
Tous ces trésors sont inestimables à mes yeux. Ils ont, au fil du temps, rendu ma vie plus riche et plus belle. Aujourd’hui je les partage volontiers avec ceux que j’aime.
 
ÉlisabetH CUILLERIER


 

Rédigé par Elisabeth

Publié dans #Trésors du monde

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