L'AVENTURE IMPENSÉE

Publié le 25 Février 2024

Incipit

Lecteur, cette aventure est littéralement impensée, aussi je passe par le mot pour l'inventer

Me voilà confondue avec une image ; cette image m'a choisie...
... Elle est intéressante sur un plan formel, plastique ; Étant neutre d'émotions envers elle je ne saurais la regarder autrement car elle attend que je la signifie et la renseigne. Donc cette image interpelle d'autres fonctionnalités chez moi... Mon esprit d'observation un peu particulier, ou le goût de l'étrange...
 
Le signifiant, La photo, l'Image, description ;
 
La photo est traversée de souffles contraires qui dessinent en filigranes les lignes directives du lieu. Dans un espace sombre un avant-plan vertical noir, au delà du sombre un mur gris que troue un fenestron repeint en blanc au bout duquel un cadre de fenêtre mal peint saigne d'un bleu sali ! Disons qu'un intérêt vital se trouverait derrière la vitre dépolie (ou serait-ce une image collée ), où une forme humaine délavée de bleu dans la lumière blafarde se signale. A cet instant précis, l'avant-plan personnage vertical noir réagit ; Un regard échangé entre eux deux, et une conversation muette et intense circule en accéléré, une connexion s'établit en un message codé. Urgence ou bien Interrogatoire ?
 
-Je vois, tu parles, je réponds, car je me re-connais... cette image est signifiée.
 
Transpercés comme par une lame en ces nanosecondes qui durent des siècles ces deux humains, au regard de ces paramètres improbables ont la conscience brutale de partager la même pensée !
 
Mais laquelle ?

Mérovée

 

- MEROVEE - En rêvassant Mérovée caresse le chrisme qu'il porte au cou et une onde intense lui parcourt le cerveau. Il se lève, piétine un nid de fourmis en hurlant, arrache sa tenue de travail et se quitte à l'instant même, atteint par l'acide formique il s'endort !!!

 
-Je rêve ou quoi, j'entends des bruits,cela n'a aucun sens, des gens sont en colère mais bon dieu cela fait des lustres que ça dure, que ça bugge et que ça gueule… je suis fatigué
Mérovée a un songe :
-Dans son rêve il marche, ou plutôt le monde marche pour lui car il atteint l'immobilité parfaite
-dans la rue descend en bataillon serré une armée de bouches qui n'ont plus de visage dans ce 'no-land', des bouches qui de concert vomissent en chœur une ventrée de mots de sons machinalement éructés et balancés à l'air, à la ville, à l'autorité.
-Des siècles et des siècles défilent sous ses paupières, rois, querelles intestines, parentèles toxiques qui s'étripent gaillardement depuis toujours ; et les même revendications, le même combat revient à la surface, peur, faim, quête du pouvoir et du territoire, violences, homicides, infanticides, séquestrations, chaise électrique, conflit sociétal et genré… de l'humain quoi !
-tel un essaim bourdonnant un carré de têtes noires se déploie dans un sens et puis dans un autre innovant une 'novlangue' réducteur de paroles scandées et ressassées.
-Dans son sommeil les images s'entrechoquent, la prise de Poitiers, les Sarrasins, les Burgondes et l'Austrasie, la guerre de Cent ans, Ravaillac et son bon roi de la poule au pot, le roi Soleil jouant avec Lulli encore des images, l'Esclavage et la traite des noirs, 1848, le Résorgimento Italien, la baie des cochons, le Vietnam / Vietkong et le communisme, le fascisme, Fukushi/Nagasaki, des tonnes d'images qui disent des tonnes d'histoires et la rengaine en boucle : j'ai peur, j'ai faim… famines, pestes, palu.., typhoide qui jonchent le chemin en des traces indélébiles, 1936 l'Espagne, les camps, les Afriques etc, etc, des images des histoires notre histoire
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-Mérovée sous ses paupières closes entend tintinabuler le son grêle et pur d'une comptine enfantine … Il s'endort... Ils étaient trois petits enfants qui s' en allaient glaner aux champs aux champs aux champs
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- BASSETERRE - - Hé.... un court-circuit, hé... c'est moi qui te regarde depuis mon bureau...
-c'est quoi ce court-jus ?
 
Soudain il étouffe dans le noir ; et l'humidité très vite lui suce la peau, il s'arrache le vêtement pour respirer un peu, tend les bras, trouve le mur a l'aveuglette le palpe en évalue les aspérités, les trous, le salpêtre, les moisissures, les glaviots qui dégoulinent et s'échappent de ses doigts
 
-Ça pue un max !!!
 
Une telle décomposition le prend à la gorge l'enveloppe et le tétanise ! Alors avec une rare violence il s'empare d'un manche qui traîne - pic ou merlin- ou je ne sais quoi encore et se met à cogner son mur frénétiquement, la chaux cloquée s'en échappe et dépoudre en laissant fuir son sable malodorant ; comme un piétinement de plusieurs corps en colère, à lui tout seul, Basseterre se démène rageusement, blanchi, aveuglé par les poussières et baignant dans son jus il se bouscule et atterrit dans la crasse ; il contemple son travail en souriant.

Horus

Basseterre
 
En avançant dans sa conquête du mur, Basseterre exhume de la blocaille des objets fort intéressants et insolites:une guimbarde, une poupée barbie, des pièces de monnaie en cuivre, une médaille dédiée à la sainte vierge, des bracelets en bakélite, des bagues en plastique de toutes couleurs...Des billes... une poche se détache promptement du lot avec un bruit mat il en jaillit de l'or, de l'antimoine et de la turquoise comme en un déploiement d' ailes vigoureux... sous son nez...il est tellement ému !
Subjugué et confondu il ne peut décrire ce phénomène ce bijou en l’occurrence plus...... précisément !!! dans un halo de poussières d'or il entend :
 

JE SUIS HORUS PROTECTEUR DE PHARAON CELUI QUI EST AU-DESSUS DE TOUT-

 
-Basseterre !... je t'ordonne en ces jours de Carnaval, je t'ordonne de me créer un masque d'orpiment par lequel je soufflerai à nouveau le fluide vital à la lumière de Aton-Reh......Et tout s'éteint. Alors qu'il est enfin arrivé à la pierre du mur et sur les genoux, il dégage encore la fenêtre et se jette à l'air libre de l'autre côté et il dit :
- Astre inconçu et puissant allié de Nout, suis-je en hypotypose ? Si tel n'est pas le cas, irradie mon humble personne et permet que j'offre à ta face sublime mes pauvres armes...
Ainsi il fait allégeance à Aton-Râ
Tel l'Oracle, la voix d'un historien célèbre lui parvient alors en ces mots :
 
- 'l'homme qui songe ne peut engendrer un art : ses mains sommeillent ;l'art se fait avec les mains.Elles sont l'instrument de la création mais d'abord l'organe de la connaissance'...Secoue-toi Oh... Basseterre et finis cette œuvre commencée : ce 'carré noir sur fond gris' que veut-tu en dire ?
 
enfin de l'autre côté du mur Basseterre prend de la distance et murmure tout bas : quel rapport entre ce mur et support/surface ou pop culture par exemple ???
 
Mérovée
 
Après des siècles et des siècles d'horreur, Mérovée ouvre un œil, baille les larmes aux yeux, s'étire et se lève ;
-tiens il n'y a plus de soleil... où est mon chrisme ensoleillé...Bah je le retrouverai plus tard, là je n'ai pas le temps de chercher...
-Mais que s'est-il passé ?
Il remet son vêtement et va au travail, il est l'heure...Mérovée est chef de chantier sur un site de rénovation du patrimoine
Ses potes à l'intérieur rassemblent les outils et font du net dans la pièce. On a bien travaillé ce matin, voilà un appareillage de pierres bien régulier, mur propre et convenable !
-Ça va les gars ?
- Rémi ! tu te mets sur les rejointoiements à vérifier et les ragréages au mortier sans oublier d'éponger sur l'humide...On garde le mur tel que, nous avons assez bossé dessus !
-Clotaire ! avec moi il faut dégager les sacs de gravats jusqu'au fourgon
...et c'est parti
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Basseterre devient un carré noir sur fond gris car pour l'heure sa pensée a été occultée subitement...
 

Chantier

Alors que Basseterre prostré sur son trou noir méditait, passe Mérovée revenu de son travail...

Ces deux-là se reconnaissent d'emblée bien qu'ils ne se soient jamais rencontrés. Leurs regards se noient dans ce fluide qui les balade depuis quelques siècles déjà et les englobe dans un même corps, là où la fuite est une qualité de survie autant qu'une hygiène mentale et autorise des débordements spacieux et temporels.
MéroBaster ne fait plus qu'une seule et même entité : ELLE   l'espace d'une nanoseconde qui dure l'éternité et dans une langue enfantée abondante et expressive l'énergie interactive circule et invente l'espace et l'environnement comme si le chantier en soi était le moteur et la condition de toute imagination et de toute création.
 
...ELLE… Mérobaster, avec sa conscience augmentée contemple non plus un mur mais ce mur géant dont les fenêtres énuclées absorbent ou recrachent à volonté dans un sonore sublime l'impassibilité du ciel, du soleil, des oiseaux qui sillonnent les espaces et les trous et le souffle dans l'air du bleu azuréen.
 
' Détruire dit-elle ' comme tel titre de roman
Ce mur est une Conscience...
 
ELLE se souvient alors, jeune, rétro pédalant dans sa mémoire, ELLE se souvient d'un petit pavillon au centre du monde réel; vestige d'un passé colonial, agrémenté d'une véranda créole, cette véranda de l'ocre et du cinabre... quelques palmiers du vert des tropiques et le silence mystérieux...
… une photo en son cœur étranger.
Dans ce lieu de souffrances et de soins où pour respirer un autre air on s'accordait un moment sur la coursive, moment de plaisir ou d'évasion que ce reste colonial évoquait car il permettait l'oubli du néant coutumier, des responsabilités, des devoirs et du temps qui passe !
 
Tel un drone survolant sa jolie ville, ELLE en découvre ses tristesses aussi, ses excavations obscènes, morbides éventrations, ses démolitions cruelles, ses béances violées, ses chantiers incertains dans l'éternel, ses citoyens lobotomisés ou désemparés et ses murs abandonnés sans amour et sans soins.. et faisant fi du béton de promoteurs mercenaires et voraces, de la guerre mondiale ainsi que du charançon féroce et sournois, ELLE pointe un doigt terriblement accusateur là là et là et là aussi laissant jaillir promptement encore et encore ici et là des bouffées de palmiers et de dattiers chargés de désirs et pleins du bruissement de mouettes cancanières et d'étourneaux bavards scandant leur refrain à tue-tête :
 
 
LA FONCTION ESSENTIELLE DE CE LIEU EST DE N'AVOIR AUCUNE FONCTION SI CE N'EST SA RAISON PROPRE D'ETRE LA , COMME L'OISEAU :
 
' La raison de l'oiseau'
 

 

 
Marie-Thérèse
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Rédigé par Marie-Thérèse

Publié dans #Ecrire sur des photos

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