LA SURPRISE

Publié le 29 Novembre 2021

 

La pluie glisse sur les vitres de la chambre. Les gouttes se rejoignent, accélèrent, se rejoignent au bas des fenêtres et s’échappent en autant de petits ruisseaux.

Lucie allongée sur son lit d’hôpital semble dormir. C’est l’heure de la sieste. Elle rêve, sa vie défile…

Les larmes qui perlent aux coins des yeux provoquées par la vitesse, un galop jamais atteint, une ivresse de liberté, la sensation de voler. Et puis, cette branche qu’elle n’avait pas vue, le choc, l’accident, une vie qui bascule en une fraction de seconde. Un hennissement strident, la sensation d’un ballottement entre insouciance et gravité, des cris, le casque qui s’échappe, une lourde chute comme si tout se désagrégeait, s’envolait, s’éparpillait. Un rêve devenu cauchemar, une obsession, un vertige de liberté brutalement bridé.

Cet autre cheval qui revenait vers elle, elle ressentait encore le souffle puissant de l’animal qui se penchait vers elle. Des mots qu’elle interprétait dans le désordre : « Je n’aurais pas dû » « elle n’était pas au niveau » et d’autres mots « la colonne vertébrale est touchée, pour ses jambes il faudra attendre »…

Un brouhaha dans le couloir qu’elle ne saisit pas très bien. La porte s’ouvre. Salto, jeune Golden Retriever fonce, saute sur le lit, lèche le visage de Lucie. Il est là, brillant, rayonnant, séduisant. Ses mains voudraient bien le caresser. Pourquoi n’est-il pas là plus souvent ?

-Lucie ! Lucie ! La main de l’infirmière caresse les joues de Lucie. C’est l’heure de la promenade, quelqu’un vous attend au grand salon. Près du lit, son fauteuil à roulettes fidèle parmi les fidèles attend. Après des mois de coma, Lucie s’était réveillée mais les médecins avaient confirmé leurs diagnostics.

L’infirmière stoppe la chaise roulante dans le grand salon et s’éloigne, discrète.

Un homme avec une sacoche en main l’approche, sourire aux lèvres. Lucie reconnaît un membre du club de lecture « cinq rue droite ». On lui apportait régulièrement les perles qu’on y avait découvertes. La lecture, cette seule évasion qui lui restait. Une liberté à laquelle elle tenait plus que tout.

-J’ai voulu vous rencontrer car une chose impensable est arrivée…

Edgar a envoyé un manuscrit à son éditeur après tant de silence. Une œuvre aboutie m’a-t-on dit, certainement le dernier tome de sa trilogie.

Le cœur de Lucie se mit à battre très fort. Elle savait qu’il était en vie. Il ne pouvait pas avoir disparu de la sorte. La pluie avait cessée. Le soleil de retour illuminait les arbres du parc.

Quand il partit, le soir s’installait. Les maisons qui entouraient l’hôpital disparaissaient peu à peu avant que la nuit ne les englobe. L’ombre des arbres du parc s’allongeaient jusqu’à devenir démesurées comme l’espoir de Lucie qui s’accrochait au souvenir d’un homme démesurément absent…

 

Rédigé par Géralg

Publié dans #Liberté

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