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Publié le 18 Avril 2018

 

Par la fenêtre, vous, vous voyez un soleil brillant sur votre avenir radieux. Vous êtes probablement jeune, cadre dynamique, motivé, très bien rémunéré. Vous travaillez probablement dans la salle des marchés d’une banque anglo-saxonne ?

 

Par la fenêtre, Imene voit un ciel bas, gris, sale. Elle pousse sa vie au quotidien. Les seuls projets auxquels elle participe sont les rêves érotiques de Raoul et sa valeur ajoutée, ce sont les copains de Raoul toujours plus nombreux.

L’environnement, lui, est international ; les potes de Raoul, c’est une tranche nord-sud avec une touche d’Asiate et une pointe d’Amérique du Sud.

Les salles de marchés ? Imene n’en a jamais entendu parler. Les salles de classe, oui, un mauvais souvenir. Salle des marchés ? Ce doit être une épicerie.

Son truc à elle c’est plus fort, beaucoup plus grand, c’est le supermarché.

Elle y passe sa vie, huit heures par jour, quarante heures par semaine assise derrière sa caisse à voir défiler codes à barres, clientes ronchonneuses, pâtes et lessives de marques distributeurs qui vous remboursent la différence si vous trouvez moins cher ailleurs. Au prix où est le gasoil, si tu crois que je vais aller chercher ailleurs ! De temps en temps elle arnaque une cliente, faut bien manger. Ça la fait marrer Imene. Une vie ordinaire entre supermarché et HLM.

 

Par la fenêtre, moi, je vois passer les jours. Le boulot a fui. Je mène un quotidien des plus monotones, une vie de déjà vieux, une vie qui regarde les voitures, les jolies filles, les affaires, sans même la moindre érection. Bref, ce n’est pas la panade mais pas loin.

Le téléphone sonne, d’une part il est fait pour cela, d’autre part il me sort de mes idées grisâtres.

 

  • Brigade Anti Criminalité Bobigny, Officier de police Soilta, êtes-vous Evre Ekwélé ?

  • Ben oui.

  • Présentez-vous le quatre août à quatorze heures trente au commissariat pour une affaire vous concernant.

  • Il s’agit de quoi ?

  • Rendez-vous le quatre à quatorze heures trente au commissariat.

  • D’accord capitaine.

Le pâtissier ajoute un peu de sucre glace, moi j’ajoute le titre de capitaine, adoucir, adoucir.

 

Au commissariat, j’attends, regarde par la fenêtre aux vitres sales, suis conduit dans un bureau aux murs verts délavés, écaillés, éclairés par des néons, pas franchement coquet, m’assois face à deux policiers en civil. Chacun décline son identité.

Mon capitaine, Ô capitaine, est l’homme assis à ma gauche, donc en charge de gérer mon cerveau droit, irrationnel

Son acolyte prend en charge l’autre moitié du même cerveau, la gauche, rationnelle. La première question devrait venir de lui.

Effectivement il attaque :

  • Vos nom, prénom, âge et profession ?

  • Je m’appelle Ekwélé Evre, j’ai trente-neuf ans et suis chômeur.

  • Votre adresse actuelle ?

  • 158 avenue Principale à Bobigny

  • Connaissez-vous une certaine Imene Bouton ?

  • Bien sûr.

  • Depuis combien de temps ?

  • Laissez-moi calculer. Nous nous sommes rencontrés en classe de cinquième, je devais avoir… attendez, arrivé à Bobigny en octobre 1986, en 87 la sixième, 88, j’avais 12 ans.

 

Il doit faire très froid dans leurs têtes, porte et fenêtres sont clauses, j’étouffe dans cette pièce.

Les deux hommes me regardent, je dirais qu’ils ont presque l’air déçu. Cerveau droit s’exclame :

  • On le savait, nous avions réuni des preuves !

En voilà une histoire ! Ces gens m’ont fait prendre le bus, poireauter dans le hall, perdre mon après-midi pour apprendre ce que je ne cache pas et qu’ils savaient déjà.

Comme disent les footballeurs « faut se parler les gars ! »

On s’est tout dit, du moins je le crois. Je fais mine de me lever, genre l’entretien est terminé, merci d’être venus si nombreux quand Cerveau gauche m’interpelle brutalement :

  • Avez-vous vu l’enfant tomber par la fenêtre ?

Détendu je réponds :

  • Quel enfant ? Tombé par quelle fenêtre ? Sauf une perte de mémoire toujours possible, je ne comprends pas l’objet de votre question.

  • Où étiez-vous le samedi deux août à vingt-deux heures dix ?

  • Probablement devant la télé, probablement à regarder un match de foot, avec probablement l’esprit ailleurs.

  • Donc, assis sur votre canapé, vous regardez distraitement la télévision, nous sommes d’accord ?

  • Puisque je vous le dis !

  • Toujours assis sur votre canapé, vous apercevez aussi la fenêtre du salon, oui ou non ?

  • Oui, je peux voir par la fenêtre.

  • Et votre fenêtre est ouverte ce soir-là.

  • Évidemment, en août c’est assez normal, n’est-ce pas ?

  • Tout à fait, et c’est pourquoi je renouvelle ma question : « Avez-vous vu l’enfant tomber par la fenêtre?»

  • Sincèrement je n’ai rien à vous dire de plus !

Cerveau droit dramatise pour essayer de me faire bouger :

  • Prenez le temps de réfléchir, si vous êtes impliqué, complice pourquoi pas, vous serez accusé de faux témoignage, recel de preuves, vous imaginez seulement la masse d’emmerdements qui va vous arriver sur la tête ?

Je les regarde, droite, gauche, et prends l’attitude dynamique du bœuf à l’étable.

  • J’imagine très mal, j’ai peut-être vu tomber, j’insiste sur peut-être, une étoile filante, un mégot de cigarette, rien qui puisse ressembler à un enfant. J’en suis certain.

  • Bon, c’est tout pour aujourd’hui, si un fait vous revenait, n’hésitez pas à nous téléphoner. Et, en attendant, vous ne quittez pas la ville.

 

Et si je savais quoi que ce soit, tout comme vous, ce n’est pas aux condés que j’irais balancer.

Ballot hein ? En même temps, elle servirait à quoi la police si chacun lui apportait la solution.

 

Le deux justement, dans le hall de mon HLM, j’ai croisé Imene qui poussait un landau hurleur.

Imene ma voisine, même appartement un étage au-dessus. Depuis février, Imene garde son neveu, dix-sept mois, le fils de sa sœur Lucette.

Lucette, la petite sœur qui a tout compris de la vie, possède manteaux de fourrure, Mercedes, belle villa. Ce n’est pas Lucette qui irait travailler dans un supermarché, ah non !

Non, officiellement, pour la famille et les voisins, Lucette est partie faire la danseuse à Marrakech, pour de vrai, elle fait « pute » boulevard Lannes à Paris.

Lucette donne beaucoup d’argent pour élever Pierre-Henri, beaucoup plus que nécessaire. Plutôt que d’en profiter, Imene a ouvert un livret A pour les futures études du petit, vraiment une brave femme.

Pierre-Henri s’appelle Pierre-Henri parce que la mairie a refusé de le prénommer Pierre-Comptable.

Pourquoi « Comptable » ? Parce que Riri, l’Homme à Lucette, est appelé le Comptable par ceux qui savent, les voyous et les flics de Bobigny.

Souvent après le quarantième client, l’envie de fumer une cigarette prend à Lucette, elle perd trop de temps. Alors Riri a pris l’habitude de lui balancer des pierres pour la remettre au travail. Il rigole le Riri, souvenirs d’enfance qu’il dit, quand il tirait par la fenêtre ouverte sur les pigeons du parc Stalingrad.

  • Fume tes cigarettes par moitié, aboie-t-il.

D’abord la moitié tabac, puis la moitié filtre, les pauses sont plus courtes, même si le filtre laisse un goût affreux dans la bouche. Pas facile le Comptable, pas facile la vie !

 

Je devine bien ce qui a pu se passer, ce que j’ignorais encore, c’est la tournure que prendraient les événements. Non, je ne pouvais pas l’imaginer !

Après une banale journée de folie, je subodore qu’à dix heures du soir Imene a sommeil.

Pierre-Henri, qu’elle appelle affectueusement Ptit-Compt, diminutif de Pierre-Comptable, est, ce soir, particulièrement braillard.

Faut dire qu’Imene oublie parfois de lui donner à manger, ou de le changer, trop chiant, trop puant, trop fatiguée.

Ce soir du deux août, Imene est d’autant plus lasse qu’en rentrant du boulot Raoul et ses potes l’attendent, la poussent gentiment dans la cave. Elle ne refuse jamais Imene. D’une part, ils ont l’air contents, d’autre part, comme disait sa grand-mère, « si t’es obligée, prends au moins du plaisir » et puis ils lui donnent toujours quelques gorgées de whisky. Ça la remonte… au moins jusque chez elle.

 

Du fond de son premier sommeil, le meilleur, elle entend Ptit-Compt hurler à la mort.

Ptit-Compt, la mort… Encore toute endormie, cul à l’air et t-shirt flottant au vent, elle attrape le gosse et lui flanque deux baffes, des vraies, pas genre humour pas drôle.

  • Tu vas te taire Ptit-Compt, arrête de gueuler ou je te balance par la fenêtre !

A quoi Ptit-Compt ne sait répondre que par un hurlement si haut dans les aiguës qu’il n’est pas sans rappeler un do dièse à la septième octave de Mariah Carey.

Imene craque, trop c’est trop ! Elle attrape le Ptit-Compt par une jambe et hop le jette par la fenêtre !

Oh putain ! Brusquement réveillée, Imene se penche, tout en bas, sur le trottoir une belle et large tache de sang avec plein de débris tout autour.

Elle ramasse vite fait un sac-poubelle, dégringole l’escalier, même pas le temps d’attendre l’ascenseur.

Sur place, elle récupère les éclats qu’elle enfourne dans le sac et vire le tout dans la poubelle.

Merde, il reste la tache de sang, grosse tache d’ailleurs pour un si Ptit-Compt.

 

Bien sûr j’ai vu passer le gosse par la fenêtre, j’ai entendu Imene dévaler, je l’ai vu jeter un sac en plastique dans la poubelle et j’ai regardé perplexe la tache de sang au pied de l’immeuble.

Moi, j’aime bien Imene.

J’ai pris mon chat par la peau du cou, il adore. D’habitude je le dépose doucettement devant sa gamelle. Pas cette fois, non. Je guette, vise avec attention et splash… Entrechat s’esquiche sur la tache de sang.

J’enfile un sweat, un jean, mes santiags, j’attrape ma bouteille de whisky, elle en raffole.

Je frappe à sa porte. Imene, un fragile point d’exclamation tremblotant, m’ouvre.

  • T’inquiète pas, j’ai tout arrangé. Entrechat s’est écrasé pile-poil.

  • T’as balancé Entrechat par la fenêtre ? Où, pourquoi ?

  • Un maquillage sang pour sang, Imene, parce que tu le vaux bien !

 

La suite...

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Rédigé par Hervé

Publié dans #Divers

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Publié le 25 Mai 2017

Le lecteur assidu, attentif, aux écrivains et pourtant amis de l’Atelier d’écriture AnimaNice.

 

Hier encore je vivais dans l’angoisse quand ouvrant ma boite mail je découvre un nouveau message « Un atelier d'écriture a publié… »

Chaque fois un nouveau personnage surgit comme diable à ressort.

L’avocat plaide, quoi de plus normal, Sandra l’aime. Jane cherche, Rémi aussi, qui sa fille, qui l’art médiéval, le cheval de Troie, un serpent à deux têtes ou le vase de Soisson. Gérard supplie Simon de l’aider à trouver, seule Lucie trouve… un bijou, une lettre, un passeport. Et Louis ? Ah Louis, Louis prend la monnaie.

 

Aujourd’hui, j’assiste à l’Atelier et je comprends, une révélation, il n’y avait rien à comprendre ! Il faut attendre. Qui connaît la fin de l’histoire !!!

 

 

Atelier d’écriture AnimaNice, ce 22 mai de l’an 2017

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Rédigé par Hervé

Publié dans #Ecriture collective, #Divers

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Publié le 24 Mai 2017

La Corse, le maquis, à midi.

Qui connaît le maquis, le maquis à midi ?

La nature est stupéfiée, plus rien ne bouge, chaque être bloqué dans son mouvement, attend.

La lumière n'accepte plus un lux, l'air sature le parfum des fleurs, le zinzin lancinant du grillon exaspère l'oreille.

Le Dieu Ra règne.

Je redoute l'explosion de tant d'absolus réunis.

Trois heures sonnent … l'horloge de la Cathédrale Fech lève sa garde, le lézard reprend sa chasse, la fleur s'abandonne à plus de douceur, le grillon lui-même baisse d'un ton, l'humanité imprègne à nouveau les couleurs.

La révolte n'a pas eu lieu.

Chaque jour, depuis toujours, Dieu joue avec la nature, l’a conduit à son paroxysme.

En Corse, dans le maquis, à midi, le Soleil figeait l’enfant que j’étais.

 

 

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Rédigé par Hervé

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Publié le 27 Avril 2017

Un texte de Bernard...

***

Sur la commode, il était la posé un peu comme une relique du temps passé. Sa reliure en cuir lui donnait un air respectable et mystérieux à la fois. Cela faisait combien d'années qu'il trônait sur cette étagère, personne ici ne le savait. Combien de temps que ses pages jaunies n'avaient plus eu le plaisir d'être tournées par un index mouillé.

 

Il, je crois, appartenait à ma grand mère, la mère de mon père. Cette femme pieuse qui dans ma mémoire se confond ou a pris la couleur sépia de la photo accrochée dans sa chambre. Je n'étais qu'une petite fille, quand elle est partie au pays des ombres. Et voilà qu'aujourd'hui, je suis l'héritière de ce monde figé, que seul le décès de mes parents m'autorise à découvrir.

 

Il, je m'approche de lui, va-t-il enfin me dire?

Est-ce le journal intime de ma grand mère, vais-je mettre à jour des secrets de famille ?

J'ouvre délicatement les volets, une lumière blafarde inonde la pièce.

Mon cœur bat la chamade, je n'ose et pourtant, avec mon doigt et tout en délicatesse je tourne la première page sur laquelle est écrit une dédicace. Je reconnais l'écriture en pleins et en déliés de mon grand père, et je lis :

" Pour toi, je t'offre ce catéchisme de la femme bien aimée"

 

Quoi! tout ce secret pour un livre d'église, de "grenouille de bénitier" !

Non, ce n'était pas possible, tant de mystère et d'interdit autour de ce livre durant toute mon enfance. Combien d'histoires et d'aventures, je m'étais racontées, j'avais vécues. Jamais je n'aurais pu penser que ce livre n'était que ce que nous racontait Monsieur le Curé, tous les jeudi à la sacristie. Je m'apprêtais à le reposer sur son étagère, je me consolais, le livre était beau tout de cuir vêtu.

 

Quand mon doigt, allez savoir pourquoi, voulut en savoir plus, tourna la deuxième page et là je partis d'un grand éclat de rire en lisant le titre en lettres dorées.

"Le Kamasoutra illustré de la femme bien aimée"

Une bouffée de joie et d'amour me remplit le cœur en regardant la photo jaunie.

J'ai eu envie de crier "merci mémé, merci pépé" je sais aujourd'hui que vous vous êtes aimés.

 

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Rédigé par Bernard

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Publié le 21 Mars 2017

Suite à l'atelier "Nouvelle littéraire", une mini-nouvelle à partir du titre :

LE PORTRAIT FATAL

Je contemplai les formes rondes rondes de la "Femme à sa toilette" de Botero, enfin... une copie... un petit tableau chiné dans une brocante qui avait trouvé sa place dans la salle de bain d'une amie chez qui je passais le week-end. La belle aux hanches pleines, de dos, nue devant son lavabo, accomplissait les mêmes gestes que moi, nue, devant mon lavabo.

Je m'approchais du tableau pour en saisir les détails quand tout a basculé. Aspirée par un drôle de courant d'air, j'ai été happée. Et me voici, debout à côté d'elle, devant son miroir. Elle a tellement été surprise qu'elle en a oublié de crier... Moi aussi... tétanisée... Puis elle a froncé le sourcil, a attrapé mon bras et débité un chapelet de phrases agressives en espagnol je crois... Je n'ai rien compris mais j'ai bien senti que je n'étais pas la bienvenue ! J'ai tenté de me sauver, en vain, me heurtant de partout sur le cadre.

Le plus étrange était de voir la salle de bain d'où je venais, ma brosse à dents abandonnée, mes affaires éparpillées. La "Femme à sa toilette" s'est retournée, a compris qu'on pouvait la voir, nue, devant son lavabo. Cela l'a paniquée et moi aussi du coup, surtout quand j'ai croisé le regard éberlué de mon amie qui venait d'entrer et qui nous a trouvées, toutes les deux, agrippées au cadre du tableau. Elle s’est approchée, a essayé d’attraper ma main, en vain. Pourvu qu’elle ne bascule pas à son tour !

Le tableau n’a pas voulu d’elle. Elle s’est enfuie – chercher du secours, a-t-elle hoqueté – et depuis, j’attends. La "Femme à sa toilette" est retournée à ses ablutions éternelles et moi, clouée comme un papillon sur une toile, je fixe sans ciller la salle de bain vide. Les saisons se succèdent à travers la fenêtre, la poussière s’amoncelle sur le lavabo, la maison s’endort dans l’oubli, me laissant figée dans mon tout petit cadre.

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Publié le 18 Mars 2017

Issus de l'atelier "LES CLICHÉS", les textes de Monique :

Clichés

 

  1. Camus ampoulé

 

Un bolide pétaradant à deux roues, conduit par un homme de taille réduite et de faible corpulence, arborant un lorgnon et un pantalon qui semblait tout droit sorti d’une aventure de Tintin, avait eu l’impudence de me doubler et de s’installer devant moi au feu tricolore. Marquant un arrêt, ce gringalet avait calé le moteur de son bruyant engin et se donnait une peine infinie pour lui donner un second souffle, mais ses efforts restaient lettre morte. Quand le feu tricolore changea de couleur pour nous laisser le passage, je le priai instamment, usant de la déférence qui m’était coutumière, de bien vouloir me céder le passage en mettant de côté son véhicule motorisé. L’individu de modeste taille était encore en proie à un vif courroux contre son moteur qui refusait obstinément de reprendre du service. Il me rétorqua in petto, montant sur ses grands chevaux et faisant fi des lois de la civilité, que je pouvais aller me faire voir chez les Grecs. Prenant mon courage à deux mains, je me mis en tête d’enjoindre ce conducteur exaspérant de respecter les règles de la plus élémentaire courtoisie et de prendre en considération l’entrave qu’il occasionnait aux véhicules qui s’efforçaient de le dépasser. Le fanfaron atrabilaire, poussé à bout par l’insondable obstination de son moteur à refuser catégoriquement de démarrer, me fit savoir que si j’émettais le souhait de le voir mettre son poing sur ma figure, c’est avec une joie sans mélange qu’il s’acquitterait de cette délicate mission. Une impudence aussi ahurissante me mit dans une colère noire et je résolus de m’extraire de ma voiture, animé d’une détermination sans faille, fermement décidé à rendre à ce matamore la monnaie de sa pièce. Mais en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, de la foule qui, comme par enchantement, commençait à former une amas compact, surgit un olibrius qui se jeta sur moi comme la vérole sur le bas clergé et usa de sa persuasion pour m’intimer l’ordre de m’abstenir de lever la main sur ce douteux personnage, au fallacieux prétexte que, chevauchant son engin à roulettes, il ne faisait pas le poids et que je serais un fieffé gredin si je m’avisais de tirer parti de la situation. J’attendis de pied ferme ce fier à bras, et pour ne rien vous cacher, il n’apparut même pas dans mon champ de vision. A la vitesse de l’éclair, le diabolique engin fit entendre son vrombissement et c’est alors que, tel un coup de massue, me fut asséné un direct du droit sur le pavillon. A peine avais-je eu le temps de reprendre mes esprits et de tourner les talons que le bolide infernal prit la poudre d’escampette.

 

  1. Raviver les clichés

 

  • Je caresse l’idée de partir au bout du monde.

  • Ah bon ! Et vous la caressez dans le sens du poil ?

  • Oui, autant que possible, sinon l’idée ne peut pas germer.

  • Comment ça, elle reste en terre, alors ?

  • Euh, disons qu’elle ne fait que de brèves apparitions.

  • Ah ! En quelque sorte, elle tente de se frayer un chemin dans le labyrinthe de vos pensées ?

  • C’est cela et quand je m’y abandonne corps et âme, elle suffit à me plonger dans une joie indicible.

  • Je vois et quand comptez-vous la passer au crible de la dure réalité ?

  • Je ne sais trop. Peut-être restera-t-elle à l’état d’ébauche et irradiera-t-elle ainsi de sa lumière mon paysage intérieur

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Rédigé par Monique

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Publié le 11 Mars 2017

Description sensorielle...

***

Le feu ronfle dans la cuisinière à bois. Le chaudron fume. Les oignons, comme toujours, remplissent la pièce de leurs délicates effluves. Les tomates plus fragiles ne seront rajoutées qu’en fin de cuisson.

Les poivrons, courgettes, aubergines coupés en petits dés attendent dans un plat, recouvert d’un torchon impeccable.

La poignée de la lourde porte bascule et François entre en coup de vent. Les volutes qui s’élèvent au dessus du chaudron, s’enroulent autour de la chaînette de suspente de la cheminée ; il referme la porte. Un souffle d’air froid se glisse dans le refuge.

Michel attentif à la cuisson, fait la grimace. Toujours pressé celui-là! François enchaîne déjà :

-Bon ! Dis-moi, tu es prêt ? On doit partir après le repas. J’ai préparé les skis et le temps à l’air de tourner, tu t’en es rendu compte non ?

-Oh là ! Oh là ! Du calme François ! Chaque chose en son temps. Maintenant, je prépare le repas, c’est une chose sacrée, tu as l’air de l’oublier ! Alors on se concentre sur le repas, la descente on en parlera après ! Il termine par :

-Ah, ces intellos !

-Quoi, ces intellos ! Tout ça parce que je suis toujours avec un livre ? Oui, d’accord, je …

François arrête sa phrase, il vient de se rendre compte subitement du parfum des oignons qui rissolent ! Son œil glisse vers l’assiette de légumes prêts à être cuits. Quelles belles couleurs, en effet …

Il veut renchérir sur la descente, mais le regard de Michel l’arrête net. Il plonge sa main dans le plat en attente et croque une carotte coupée, ferme, savoureuse. Il décide de s’asseoir près du foyer et surveiller les gestes de Michel tout à sa préparation.

-Tu ferais mieux de dresser la table, ça t’occuperas !

François ne se fait pas prier. Il ouvre le grand buffet, en sort une nappe à carreaux et d’un geste brusque et adroit envoie le tissu qui se dépose en douceur, comme par enchantement, sur la grande table. Il en caresse le chêne, ajuste le tissu, dépose assiettes et couverts.

Michel rajoute les légumes préparés. Avec sa cuillère en bois il tourne, goûte, rajoute un peu de thym, une demi gousse d’ail, un zeste de laurier, goûte encore, touille. Ses narines dilatées sont le baromètre de sa composition. Ses papilles le guident avec sûreté dans cette fragrance de saveurs. Une odeur trop acide, un crissement trop prononcé dans le chaudron, aussitôt, il déplace le récipient, ouvre la petite porte du foyer et remue les bûchettes. La cuisson prend forme … Enfin, le plat lui semble terminé. Il peut rajouter les feuilles de ce basilic si fragile. Le feu doux parachève la cuisson.

-Bon ! Je crois qu’on peut passer à table. La descente on pourra toujours en parler, mais si je peux me permettre : apprécie quand même ce que je vous ai préparé. Tu sais la cuisine c’est comme une belle fille qui passe prés de toi, si tu prends le temps de l’observer, de te laisser porter par ce qu’elle t’inspire, c’est une partie du bonheur que tu vis là. Cuisiner c’est un peu la même chose. Préparer, surveiller, améliorer, partager ce qu’on a créé, le mettre à disposition de ses invités c’est une autre partie du bonheur, tu comprends ça ? Et il continue, Toi tu aurais tendance a toujours anticiper, penser a autre chose, je me trompe ?

Le groupe arrive, dépose raquettes, sacs et piolets, s’installe. On parle déjà du retour. Le brouhaha s’impose.

François installé à côté de Michel ne dit plus rien. Il déguste le plat en soufflant sur sa fourchette, il apprécie vraiment, puis avec un sourire,

-Oui ! Tu as toujours une longueur d’avance sur moi ! C’est toi qui es dans le vrai, et c’est moi que tu qualifie d’intello ?

A l’extérieur, on aperçoit par la fenêtre quelques lourds flocons qui commencent à tomber.

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Rédigé par Gerald

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Publié le 18 Février 2017

Monologue intérieur

***

« Et bien, il n’y a pas de temps à perdre, la lumière est parfaite ! pense t-il, une brindille de blé entre les dents. Allongé au bord du chemin, soulevé sur un coude, Claude attend… Ses idées vagabondent.

 

Camille a-t-elle dit qu’elle s’appelait ? Oui, c’est ça ! Camille, j’aime bien ce prénom ! Blonde, oui blonde, c’est une teinte de cheveux que l’on n’oublie pas. Son allure aussi attire le regard. Des formes qui suggèrent, bien présentes mais pas provocantes. Et bien, tu te rappelles tout ça toi ? Il souriait intérieurement.

Et cette robe en tissu léger, imprimé de grosses fleurs, la portera t’elle aujourd’hui ? Du meilleur effet avec ces blés fauchés qui s’étalent jusqu’à la rivière. Mais, viendra-t-elle ?

Ah, ces nuages à l’horizon ! Il ne faudrait pas qu’ils envahissent cette lumière !

Bon, arrête de ronchonner, ils n’auront pas le temps !

Pas le temps, pas le temps, vite dit mais l’heure tourne et elle n’est toujours pas là. Mais enfin, suis-je sûr qu’elle viendra ?

Comment saisir le sens de son propos ? Je pense ne pas rater le train !

Pourquoi le raterait-t-elle ? Si ce n’est pour me rendre plus impatient !

Et puis quoi, c’est une femme, il faut bien qu’elle se fasse désirer !

Bon, je ne vais pas regretter de l’avoir invité et elle d’avoir accepté. Alors attendons !

Ce pont au loin pourrait clôturer le tableau et annoncer ces nuages …Bon sang, ils avancent trop vite ces nuages ! Et sa robe à fleurs alors, les nuances, j’en fais quoi si l’ombre envahit le paysage ?

Je devrais commencer par installer le vert sombre de ces alignements d’arbres et le jaune de ces prés fauchés. Mais non, je ne peux pas, c’est elle le personnage principal, je construirais le reste après ! Il mâchouille sa brindille »

-Bonjour, je ne suis pas trop en retard ?

Claude se retourne, surpris, il ne l’avait pas entendu arriver, Camille Doncieux était là avec sa robe à fleurs et son ombrelle bleue et jaune, Claude Monet en était émerveillé …

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Rédigé par Gérald

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