LE LIVRE
Publié le 27 Avril 2017
Un texte de Bernard...
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Sur la commode, il était la posé un peu comme une relique du temps passé. Sa reliure en cuir lui donnait un air respectable et mystérieux à la fois. Cela faisait combien d'années qu'il trônait sur cette étagère, personne ici ne le savait. Combien de temps que ses pages jaunies n'avaient plus eu le plaisir d'être tournées par un index mouillé.
Il, je crois, appartenait à ma grand mère, la mère de mon père. Cette femme pieuse qui dans ma mémoire se confond ou a pris la couleur sépia de la photo accrochée dans sa chambre. Je n'étais qu'une petite fille, quand elle est partie au pays des ombres. Et voilà qu'aujourd'hui, je suis l'héritière de ce monde figé, que seul le décès de mes parents m'autorise à découvrir.
Il, je m'approche de lui, va-t-il enfin me dire?
Est-ce le journal intime de ma grand mère, vais-je mettre à jour des secrets de famille ?
J'ouvre délicatement les volets, une lumière blafarde inonde la pièce.
Mon cœur bat la chamade, je n'ose et pourtant, avec mon doigt et tout en délicatesse je tourne la première page sur laquelle est écrit une dédicace. Je reconnais l'écriture en pleins et en déliés de mon grand père, et je lis :
" Pour toi, je t'offre ce catéchisme de la femme bien aimée"
Quoi! tout ce secret pour un livre d'église, de "grenouille de bénitier" !
Non, ce n'était pas possible, tant de mystère et d'interdit autour de ce livre durant toute mon enfance. Combien d'histoires et d'aventures, je m'étais racontées, j'avais vécues. Jamais je n'aurais pu penser que ce livre n'était que ce que nous racontait Monsieur le Curé, tous les jeudi à la sacristie. Je m'apprêtais à le reposer sur son étagère, je me consolais, le livre était beau tout de cuir vêtu.
Quand mon doigt, allez savoir pourquoi, voulut en savoir plus, tourna la deuxième page et là je partis d'un grand éclat de rire en lisant le titre en lettres dorées.
"Le Kamasoutra illustré de la femme bien aimée"
Une bouffée de joie et d'amour me remplit le cœur en regardant la photo jaunie.
J'ai eu envie de crier "merci mémé, merci pépé" je sais aujourd'hui que vous vous êtes aimés.