UNE SI LONGUE ROUTE

Publié le 27 Février 2024

 

AndreÏ

1980 dans un orphelinat d'Europe de l'est, Andreï subissait sa énième punition.

Ce garçonnet de huit ans au joli visage, clair de peau, les cheveux en broussaille, yeux marrons bordés de longs cils avait commis un grave délit aux yeux du directeur.
Cet  homme froid, austère et cruel exerçait ses pleins pouvoirs sur des enfants terrorisés sauf Andreî, abandonné dès la naissance. 
Ce gamin faisait tout pour se faire remarquer et exister quitte à que ce soit aux travers les punitions.
Aujourd'hui il avait osé ricaner devant le directeur et après avoir reçu une paires de claques et un tirage d'oreilles bien douloureux, il devait rester au coin pendant deux longues heures sans bouger en gardant les mains croisées derrière le dos.
Ce petit être cabossé par la vie dès sa naissance allait il devenir un homme insensible et violent ou, grâce à la résilience, un être sensible et  aimant.
Andreî ne se posait jamais ce genre de question sur son avenir et se contentait d'avancer, de rester fier sans jamais au grand jamais verser une seule larme bien qu'il souffrait terriblement en son for intérieur d'une extrême solitude et d'un immense manque d'amour et de tendresse.
 

 

En jouant au dur, il se forgeait une carapace qui l'empêchait de sombrer et plus il s'endurcissait, plus le directeur le détestait et le lui faisait savoir par des coups de plus en plus violents et des punitions de plus en plus dures...

Porte des Lilas

 

Vingt ans ont passé et, après des études inintéressantes à ses yeux, Andreî devenu plombier décile d'aller vivre à Paris où la demande est importante et grâce à son ancien patron, a trouvé un remplacement. Il arrive avec son modeste bagage gare de l'Est et se retrouve complètement perdu au milieu de la foule.

 

"Whaou tous ces gens, des blancs, des noirs, des jaunes, des moches, des beaux, des bien habillés, d'autres pas"
Il va acheter des tickets de métro et au guichet demande un plan et un itinéraire en baragouinant quelques rares mots de français connus.
"Comment je vais faire pour arriver chez moi après avoir passé ma vie dans un village de 2000 âmes"...
Andreï s'engouffre dans les entrailles de Paris et doit, coûte que coûte, arriver porte des Lilas dans le petit meublé loué.
"J'y crois pas ça schlingue à Paris et on ne voit rien de la ville"
Les gens courent dans tous les sens, se bousculent, mais il sait qu'il va y arriver en demandant encore et encore son chemin.
Il se retrouve porte des Lilas, prends l'escalator et se retrouve à l'air libre face juste à côté de son logement.
Il est beau avec son magnifique sourire, il est heureux comme jamais et il veut croire en sa chance après avoir déjà beaucoup trop  souffert dans son enfance.
"J'vais bosser, faire la bringue, danser et bien trouver une ou deux jolies Parisiennes pour sortir avec moi"
Il arrive chez lui, respire profondément et s'allonge  tout habillé sur son petit canapé lit inconfortable mais qu'importe...

L'escarpin

Après quelques jours pour se familiariser avec le quartier et ses nouveaux collègues de travail, Andreï accepte avec joie une virée à "la bohème du tertre", célèbre cabaret de Montmartre.
Ils dînent dans une ambiance festive. Le restaurant est déjà archi plein quand son regard se porte sur le pied d'une femme.
L'escarpin au talon aiguille transparent, vertigineux, haut de douze centimètres, supporte une voûte plantaire en cuir argenté et le dessus de la sandale est orné d'une large bande de cuir tressé qui maintien le joli pied en place.
L'arrière du stiletto remonte sur le talon avec  une fine fermeture éclair permettant de mettre et retirer le soulier.
Un bracelet rond en cuir argent, tressé finement est cousu à coté de la fermeture et magnifie le soulier avec grâce.
Andreï n'a jamais vu rien de tel et il est hypnotisé par cette vision d'une élégance extrême.
Son regard intense remonte sur la jambe, la robe, les bras de l'inconnue qui le regarde amusée en souriant.
Il la fixe lui aussi néanmoins un peu honteux puis, prenant son courage à deux mains, l'invite à boire une coupe de champagne car, parait il  les Parisiennes boivent uniquement cette boisson.
Elle accepte l'invitation en se déplaçant légèrement sur ses deux magnifiques escarpins qui lui fait tourner la tête !!

Une si longue route

De fil en aiguille ils firent connaissance, elle citadine sûre d'elle, extravertie et joyeuse et lui, jeune homme cabossé par la vie, un brin timide, un brin rêveur, inquiet souvent, courageux certes désireux de se construire une nouvelle vie, à Paris pourquoi pas, bien qu'il ne maitrisait pas la langue mais qu'importe, quand on est jeune, on à tant de ressources.
Elle possédait son havre de paix dans la campagne normande et ils y partirent quelques jours pour mieux se découvrir loin de la capitale et de sa foule constamment en ébullition.
Ils prirent le train à la gare Montparnasse et atterrirent dans un bled de quatre pelés, un tondu, avant qu'elle ne récupère, garée dans un coin du parking désert, sa vielle guimbarde juste bonne pour les chemins de terre et les nids de poule. Cela les firent hurler de rire, cette voiture d'un autre temps, qui cahotait dans les sentiers entourés d'arbres certainement centenaires.
Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent près de la maison entourée de bosquets et de grands champs.
L'herbe était verte et si épaisse quand ils sortirent du véhicule qu'ils crurent qu'elle s'élançait vers eux pour leur souhaiter la bienvenue. Les rafales de vent envoyaient un doux chant mélodieux et enveloppaient les deux amoureux d'une caresse odorante et sensuelle. La longère un peu délabrée semblait les attendre depuis fort longtemps, ses volets vermoulus claquaient au rythme des bourrasques et semblaient dire :"il est temps de rentrer car la nuit épaisse, noire et inquiétante ne va pas tarder".
La cheminée remplie de bois craquait à mesure que le feu se consumait et envoyait des ombres comme des images sur les murs. C'était calme, reposant, inquiétant peut-être, mais ils étaient heureux loin de tout, dans un autre univers et cette douce quiétude était comme un baume sur le cœur, une douce promesse d'un avenir plus radieux pour Andreï  qui ferma les yeux un court instant pour se recueillir sur ce moment de grâce...
 
Véronique
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Rédigé par Véronique

Publié dans #Ecrire sur des photos

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