La romance a brisé l'étoile

Publié le 29 Février 2024

L'avocat me donne rendez-vous pour le lendemain dimanche, vu l'urgence, à sa propriété à Aubenas.
Le château est grand et majestueux, la grande allée, bordée de magnolias grandifolia, distille un parfum envoûtant. Les allées secondaires sont recouvertes de magnifiques rosiers et rhododendrons, ainsi que de splendides hortensias, qui donnent une harmonie de teintes pastel.
Je suis un peu en avance, je prends un café à la brasserie de la place, lorsque un homme m 'interpelle : « Julien ! », je me retourne et aperçois « Joël » le meilleur copain de mon père, qui est comme un frère pour lui.
On déjeunait souvent avec lui « chez Marius » sous la tonnelle couvertes de grappes de raisins dorés dont les grains craquaient sous le soleil.
– Tu es le fils d'Henry ? Tu lui ressembles toujours autant.
Il me dit :
– Je suis au courant de ce qui lui arrive, je suis très triste, mais je le comprends.
– Vous comprenez quoi ?
– Ah tu n'es pas au courant. ?
– Au courant de quoi ?
– Alors je ne te dis rien, je ne veux pas le trahir.
– Joël, dites-moi ce que vous savez, cela l'aidera.
– Tu sais, ton père a été un homme meurtri dans sa jeunesse, ses parents étaient des
religieux fanatiques, ils l'ont brisé. Ils fréquentaient une sorte de secte.
– Ah bon ! Je ne savais pas
– Lorsqu'il a rencontré ta mère, ça été sa renaissance pour lui, ils se sont aimés et mariés en 1977. Tes parents étaient très heureux. Ils baignaient dans une atmosphère simple, harmonieuse, joyeuse. Quelques années après ton père a dû descendre à Nice pour parfaire ses examens d'expert comptable pendant six mois. Ton père et ta maman étaient très malheureux d'être séparés.
A l'hôtel où il était descendu, il a fait la connaissance d'une jolie femme. Tous les jours à table, ils se retrouvaient pour déjeuner. Un soir le patron a réuni tous ses clients pour fêter « le vin nouveau ». Ils avaient tous bien bu, et ton père a succombé à cette femme. Pour rien au monde, il n'aurait laissé ta mère. C'était son oxygène, son équilibre. Il ne s'autorisait même pas d'y penser.
Plus tard au hasard de ses déplacements pour son travail, il revoyait cette jeune femme.
Un jour elle lui avoua avoir eu un enfant de lui. Il était fier et heureux. Car ta mère à cette époque menait un combat pour avoir des enfants. Aussi, il garda le silence c'était son secret.
Il l'aimait ce petit, il recevait des photos de lui, il ne l'a jamais laissé tomber. Mais au fil du temps, les visites se sont effilochées, ils ne les a jamais plus revus.
– Ah bon !! Plus jamais ?
– Non.
– Je ne sais rien de tout ça, j'étais souvent avec mes grands-parents, c'est peut-être pour cela que je ne suis pas au courant de tout ce fourbi.
– Le jour du drame ton père m'a téléphoné en pleurs, il m'a expliqué que ta mère lui a
demandé de passer au restaurant prendre les nappes sales, et voilà que ce Monsieur l'interpelle et lui dit :
– Tu me reconnais pas ?
Aussitôt, il remarque sur sa joue le même grain de beauté que lui. La situation lui a sauté au visage. Il a vu rouge.
Ton frère lui dit :
– Tu me présentes à ta femme et ton fils, je n'ai plus de famille, ma mère est morte. Je
suis seul maintenant.
Là ton père a perdu pied, il n'a pas réfléchi, il a pris sa seringue dans sa poche et l'a piqué avec son insuline pour son diabète. Tu sais, il ne voulait pas le tuer, il a perdu la raison.
– Quelle histoire, mon père est devenu fou !
– Tu sais Julien, ton père t'a écrit une lettre.
 
Je rentre chez moi, je cherche dans le tiroir aperçois l'enveloppe froissée, je l'ouvre
et lis :
Mon Cher fils
Lorsque tu liras cette lettre, je serais ailleurs, aussi il faut que je t'avoue, que tu as un grand-frère que j'ai caché à tout le monde, ainsi qu'à ta maman. Je n'ai pas voulu lui faire du mal ; mon cœur a saigné par manque de sagesse. Ce petit je l'ai aimé, mais de loin, je n'ai pas eu le courage d'affronter le regard de ta mère. J'ai souffert de ne pas l'avoir vu grandir. Je le côtoyais de temps en temps, mais plus tard, ils se sont éloignés de moi.
Je ne te demande pas de me pardonner, mais d’essayer de comprendre mes faiblesses. Je t'aime et espère que tu seras plus honnête que moi. Je pensais protéger ta mère mais j'ai eu tort. C'est sans doute moi que je protégeais.
Aujourd'hui je me noie dans mon chagrin.
Ai-je commis le pire ?
 
Va-t-il tenir le coup, lorsqu'il réalisera qu'il a tué son fils, me dis-je.
Je sors du cellier bouleversé, je croise le regard de ma mère dans le couloir, et là j'ai su quelle savait...
Elle aussi a choisi le silence et la solitude.
Peut-on un jour se sortir de cette sombre histoire d'amour ?
 

Rédigé par Arlette

Publié dans #Ecrire sur des photos

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