LES OBJETS

Publié le 25 Mai 2021

 

 La tasse de café, le porte-plume, l’ordinateur, le peignoir

et la paire de lunettes


 

Tous les matins, qu’il vente, qu’il pleuve, qu’il neige

Quand la brume s’étire doucement

Comme une procession, un cortège

Je sais que pour moi, il est temps.

 

Entre nous, c’est un cérémonial,

Un peu comme un vol nuptial.

Il me prend dans sa main,

Me regarde, m’étreint.

 

Pourtant il m’épouvante

Avec une eau bouillante

Et pour se faire pardonner

Il devient tout sucré.

 

Même ébréchée,

Il continue de m’aimer.

Mon Homme a du mal à se réveiller

Sans moi, sa petite tasse de café

 

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Sur la page blanche,

Il me laisse courir.

Il m’arrive parfois que je me penche

Pour pouvoir mieux lui écrire.

 

Avec moi, il joue

Comme avec une marionnette

A sa volonté, mes gestes se soumettent

Plein et délié, pas de jaloux

 

Parfois je fais des arabesques

Et quelques taches burlesques,

Mais jamais je ne pars à l’aventure

Quand il s’agit de sa signature.

 

Je me dis souvent que j’ai de la chance

D’être un objet de prestance.

Quand je pense à mes cousins jetables

Je me sens parfois coupable.

 

Je ne suis qu’un porte-plume

Fait dans de l’écume

Il me laisse courir

Pour pouvoir lui écrire.

……………………………………………………………………………

Le matin, son premier geste

C’est de m’allumer.

Parfois il m’arrive que je peste

Comme on dit, de « buguer »

 

Il faut que j’ouvre les fenêtres

En sachant parler anglais.

Windows me fait apparaitre

Sur un fond bleuté.

 

Là commence ma dure journée.

Pas un instant pour me reposer

Orange, Facebook se disputent l’écran.

Parfois avec Photoshop, il prend le temps

 

Mais pour moi, pas de repos.

J’enregistre, les messages, les photos.

Seuls moments de répits,

Quand doucement tombe la nuit.

 

Alors j’apprécie le tic tac des heures

Où, pendant un moment,

J’écoute la respiration du temps.

Poète, non ! Je ne suis qu’un ordinateur.

 

……………………………………………………………………………

 

Doucement en moi il s’insère

Son corps mouillé espère

Ressentir le doux contact

Comme la buée qui rend opaque

Le miroir sur lequel il se mire

Sa peau frissonne elle respire

 

Il s’enveloppe, il est nu

Tout contre mon tissu

Son parfum se mélange

A mon adoucissant

Comme une alchimie étrange

Nous sommes virtuellement amants

 

Je le sèche, je l’essuie

Je suis elle il est lui

D’un geste je me retrouve parterre

Puis accroché à la patère

Pour attendre demain

Qu’il me reprenne entre ses mains

La nuit je garde l’espoir

Je ne suis qu’un simple peignoir

 

………………………………………………………………………………………..

Sans moi son monde devient trouble,

Parfois même il se dédouble.

Je le force à se concentrer

Pour lire les mots sur le cahier.

 

Il est complètement perdu

Quand il ne me trouve plus.

Parfois il m’accroche à une chaine

Depuis qu’il a eu la cinquantaine

Pour être sur de ne pas se tromper.

Lorsque je ne suis pas sur son nez

Je suis plus qu’une amourette.

Il me caresse avec une chiffonnette

Je sais ce que vous allez me dire, je suis bête,

Je ne suis qu’une paire de lunettes.

Mais sans moi pour régler la vision,

Combien d’amour et de passion

Seraient tombés dans l’oubli

Si je n’avais pas arrangé leur myopie.

 

 

 

Rédigé par Bernard

Publié dans #Les objets

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