LES FURTIFS

Robinson, tapis derrière Noé, montre quelque chose, dissimulé derrière un fourré, qui semble jouer au caméléon pour rester hors de vue.
Le Père aime la solitude de la forêt, l'odeur humide des moisissures, les feuilles du sous-bois, la fraîcheur irradiant de cet îlot de verdure.
Aujourd'hui est un jour particulier.
Robinson veut dévoiler le réel qui s'installe au fil du temps.
Devant eux, là, au bout du doigt, un être mi-homme mi bête en train de brouter au pied d'un arbre.
Les médias officiels ont commencé à évoquer le phénomène. Une mutation génétique insolite, en adaptation aux nouvelles conditions de vie.
Peu d'eau, un soleil persistant, des ressources alimentaires en berne, des séismes et tornades en série.. la fonte des glaciers, l'élévation du niveau de la mer, les inondations, les migrations écologiques.
L'évolution comme seule solution.
La forêt, un refuge pour l'être hybride, homme-femme à la peau d'écailles, les pieds palmés, les doigts fermés sur la puce cellulaire identifiante, le nez obturé par la pollution, les oreilles soudées face au bruit…un regard fuyant qui dit la peur au ventre.
L'instinct du règne animal en quête de survie.
Robinson laisse glisser une larme.
Pardon Noé… pardon.
La bête lève la tête, inquiète, elle a perçu une vibration suspecte.
Ses écailles se ferment, son dos se voûte, elle se recroqueville et devient rocher minéral immuable..