Retour de bâton

Publié le 21 Février 2024

 

Réfugié dans l’ancien atelier de son père, Jacques commençait à envisager le futur d’une nouvelle vie. Il est vrai que les paroles de Marie l’avaient réconforté et l’ambiance de son environnement était enfin au beau fixe. Le feu de bois qui ronronnait dans le poêle au fond de la pièce chantait une douce mélodie qui l’emmenait, malgré lui, vers une somnolence difficile à refuser. Les fenêtres, enfin nettoyées, lui offraient un paysage printanier que la nature se plaisait à embellir, jour après jour. La vie éclatait partout où portait son regard et une sérénité nouvelle lui promettait un avenir plein de promesses. Mais...

Un sentiment profond et soudain obligea Jacques à ouvrir ses yeux qu’il n’avait d’ailleurs pas souvenir d’avoir fermés. L’atelier s’était évanoui dans une brume malfaisante. Le froid avait envahi son corps. Il se retrouva par terre, comme si quelqu’un l’avait jeté, ordure parmi les ordures, sur une route de terre et de boue glacée. Le paysage qui l’entourait était fait de pics enneigés cernés par des nuages noirs et gris qui se débattaient dans un ciel qui n’en était pas un. Des averses de glace punissaient ce sol ingrat et des larmes aussi acérées que des lames d’acier de Damas traçaient des allées sanglantes sur le visage du gisant.

Que se passe-t-il ? Où suis-je ? Quel est ce personnage tout vêtu de noir qui vient vers moi ? L’ombre sombre s’approcha lentement de lui.
- Te voila enfin Jacques. Me reconnais-tu ? Non ? Pourtant nous sommes intimes.
- Je ne vous ai jamais vu. Pourquoi cette tenue noire et misérable ? Surtout par ce froid sans pitié qui fige notre sang.
- Pourquoi ? Tu devrais le savoir ! Plus qu’un autre ! Jadis je portais une robe blanche éblouissante, j’étais blonde et mes yeux bleus distribuaient un monde enchanteur à qui les regardait. Mes cheveux avaient la couleur des épis fraîchement fauchés, mes ongles étaient des diamants et mon sourire était un collier de perles fines. Maintenant, j’ai des cheveux noirs comme du charbon, mes yeux se perdent dans la noirceur de mon regard et les dépouilles noires de mon vêtement me font ressembler à une créature issue de l’enfer le plus profond. Et tu me demandes qui je suis ? Pauvre imbécile ! Je suis ton âme ! Ce qu’il en reste, ce que tu en as fait... L’abandon du chemin qui était le tien n’a pas abouti à ta délivrance. Tu n’as pas expié tes fautes.
Que croyais-tu? Que Marie allait te sauver ? Elle t’a, malgré tout, donné l’occasion de te repentir devant un livre sacré venu de la nuit des temps. Une relique, témoin du calvaire du Christ, t’a parlé mais tu es resté sourd. Ta seule ambition a été d’embrasser la profession de boulanger. Aucun remord, aucune repentance. Quand il aurait été nécessaire que tu sois un saint tu n’as été qu’un homme.
-Cessez vos reproches, laissez moi tranquille. Je veux retourner dans mon atelier !
Ton atelier ? Rassure-toi, ton corps y est. Toi tu as un chemin à faire. Tu marcheras souvent pieds nus. Tes pensées décideront de l’état de la route. Celle-ci sera longue et pénible. Tu pleureras souvent. Tu prieras haut et fort avec l’espoir d’être entendu, mais parfois les mots se perdent dans l’immensité du ciel. Je vais t’abandonner à ton sort et me dépêcher de revêtir un vêtement immaculé. Pour toi la dette sera lourde à porter. Elle te sciera les épaules… Mais un temps viendra ou une petite lueur te dira « Viens ! »Une porte s’ouvrira. Il te faudra la franchir sans hésiter ! Ou bien...
 
 

Rédigé par Fernand

Publié dans #Ecrire sur des photos

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