Les trous du Paillon

Publié le 27 Septembre 2023

 

Je me souviens qu’à cette époque nous logions au sixième étage de notre immeuble, angle rue Macario-route de Levens. Nous bénéficiions d’une vue imprenable sur le Paillon, notre fleuve niçois bien-aimé. Le Paillon était presque à sec, ce qui n’était pas si fréquent au début des années soixante. Ce devait être la fin du printemps ou le début de l’été. Des travaux à l’aide de tractopelles avaient été entrepris dans le lit du Paillon, de larges trous semblables à des piscines qui s’étaient remplis d’eau. Personne ne connaissait le but de ces travaux, cependant les parents avaient interdit aux enfants d’aller jouer dans les parages. Des garçons du Quartier Pasteur avaient coutume de descendre jouer dans le Paillon, et, à l’occasion, ils se mesuraient parfois à coups de poings à des garçons de Bon-Voyage, dans le lit asséché du fleuve. C’était devenu presque une tradition.

Un beau jour, ce que les parents redoutaient se produisit : deux enfants se retrouvèrent à barboter dans l’eau boueuse de l’une des piscines. Beaucoup de cris et d’agitation tout autour, les passants sur la berge s’arrêtaient pour voir, les gens des immeubles en face étaient aux fenêtres, tout le quartier était en ébullition ! L’un des garçons savait nager, il put regagner rapidement la berge. L’autre gamin ne savait apparemment pas nager, il se débattait et hurlait, s’enfonçant par intermittence dans l’eau trouble. Un homme rentrait du travail à vélo, le long de la route de Levens. Il comprit immédiatement qu’un drame se jouait. Les autres enfants sidérés regardaient la scène sans oser intervenir. L’homme lâcha son vélo, dégringola la rive du Paillon et, sans hésiter, se jeta à l’eau pour repêcher l’imprudent. Il le ramena sur le bord sous les cris d’enthousiasme et les applaudissements des spectateurs. L’enfant était sauvé ! Ce monsieur était le chef de famille de la seule famille Magrébine logée dans la cité Pasteur en ce début des années soixante. Par la suite, il a dû être longtemps considéré, à juste titre, comme le héros du Quartier Pasteur ! Et l’enfant, lui, a dû se souvenir longtemps qu’il aurait mieux fait, ce jour-là, de ne pas désobéir à ses parents !
Annie TIBERIO

 

Rédigé par Annie

Publié dans #Ville

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article