LA LETTRE

Publié le 6 Juillet 2023

 

Cher Monsieur,

 

Votre carte est magnifique, de tout Nice et au-delà, on se bouscule pour avoir une place à votre table. Votre réputation n’est plus à faire.

Vous êtes connu pour vos plats typiques de la cuisine niçoise, mais vous vous êtes ouvert à d’autres cuisines et je vois qu’avec « Côté bistrot » vous proposez des carpaccios, des tartares, même des burgers, revisités à votre façon, bien sûr. Aussi, je ne résiste pas à l’envie de vous proposer une recette qui me tient particulièrement à cœur et ferait très bonne figure sur votre carte.

Ce n’est pas à vous -car vous le savez mieux que moi- que je vais l’expliquer : la cuisine c’est avant tout de l’amour, des émotions et souvent des souvenirs d’enfance. La tarte de mémé Yvonne, la ratatouille de maman, la truchia de tante Lucette, les panisses de papi Marius. Qui ne s’est inspiré de ces plats délicieux que l’on a vu faire et parfois appris à faire avec nos proches quand on était enfant, ce qui leur donne cette saveur unique ?

Aussi j’aimerais par-dessus tout vous suggérer cette recette qui est un des plus beaux souvenirs de la cuisine de ma mère et des moments merveilleux que j’ai passés à la préparer avec elle : les boulettes. De viande, bien sûr, de viande de bœuf même, mais on ne le disait jamais, les boulettes, c’était suffisant, tout le monde savait de quoi il s’agissait..

Maman faisait tremper à l’avance du pain rassis dans du lait, je ne sais combien de temps, mais il était bien ramolli. Elle sortait du réfrigérateur un bon paquet de viande de bœuf hachée et des œufs. Elle versait le tout dans un grand saladier. Nous ajoutions, sous sa direction, du sel, du poivre, du thym ou des herbes de Provence et il me semble aussi du paprika, peut-être une autre épice, je ne suis pas sûre. Et quelques gouttes de la mystérieuse sauce Worcersterchire au goût inimitable.

Alors commençait pour nous un moment de pur bonheur. « Vous vous êtes bien lavé les mains les enfants ? » était le signal attendu. Nous plongions avec délice nos mains dans ce mélange spongieux et le malaxions aussi longtemps qu’il fallait pour qu’il prenne une belle texture homogène.

Ensuite venait le temps de façonner les boulettes. Nous savions exactement quelle quantité il fallait mettre pour qu’elles aient toutes la même taille. Nous savions aussi leur donner la forme souhaitée, pas celle d’une sphère justement, mais plutôt une boule un peu aplatie, plus facile à faire cuire. Jamais il ne nous serait venu à l’idée d’en modifier la forme.

Alors, maman reprenait la main et les faisait frire dans une grande poêle noire, avec, je crois, pas mal d’huile.

A table, nous nous régalions du résultat de notre travail commun et faisions assez stupidement des concours de celui qui en mangerait le plus, avec l’accord tacite de nos parents, ravis qu’enfin un plat plaise à tout le monde, ce qui était rare.

Aujourd’hui, mon frère en fait quelquefois, il suit scrupuleusement la recette de base, l’aménage peut-être un peu, très peu. Moi, je ne cuisine plus beaucoup la viande, même s’il m’arrive d’en manger. Et je ne parviens jamais à suivre exactement une recette, même familiale, je change les ingrédients, en retire, en ajoute, assaisonne autrement. Mais quand je déguste celles de mon frère, c’est comme la madeleine de Proust, vous voyez ce que je veux dire ?

Aussi comprendrez-vous pourquoi j’aimerais tant retrouver ces merveilles à la carte d’un restaurant comme le vôtre. Je n’en imagine aucun autre capable de rendre l’hommage qu’il mérite à cette recette fabuleuse.

Veuillez m’excuser d’avoir été un peu longue, j’avais besoin de vous dire tout cela. J’espère vous avoir donné envie d’en savoir plus et me tiens à votre disposition pour venir en préparer chez vous afin que vous puissiez en apprécier toute la saveur. Je suis sûre que vous aurez envie de les ajouter à votre carte, et vous verrez, leur succès ne se démentira pas.

 

Bien cordialement et avec toute ma considération, gastronomiquement vôtre

 

Monique

 

Rédigé par Monique

Publié dans #Plein air

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