Le festin des cougourdons

Publié le 24 Janvier 2024

 

Oh, comme j’étais heureux à côté de mon mur ensoleillé. Les fleurs me caressaient le ventre et les geckos se doraient au soleil à mes côtés. La belle vie ! Je serai bien resté là toute mon existence, mais figurez-vous qu’un jour, une face barbue et chevelue s’approcha de moi. Un monstre aux yeux noirs. Il me souleva, me mit à la hauteur de sa grosse tête et prononça les paroles qui allaient changer ma vie : « parfait. Il est bien gros celui-là. Il sera parfait pour le festin. »

Le festin, quel festin ? Allais-je finir comme les tomates, les haricots, les radis qui partaient et qu’on ne revoyait jamais ? Il en était fait de moi et de ma tranquillité. De grosses mains me posèrent dans un panier où je tombais nez à nez avec des compères de toutes tailles et de toutes formes : certains bedonnants, d’autres au long cou, des petits tordus et des épanouis, certains un peu pâles, d’autres d’une belle couleur de terre. Nous formions une sacrée colonie. Et nous voici transbahutés de-ci de-là jusqu’à une grande bâtisse. Une face ronde et rougie avec de grands yeux bleus nous regardait : « très bien, je vais les préparer. » Nous nous mîmes à trembler. C‘était malheureux de nous voir tous essayant d’aller au fond du panier, les petits s’y glissant habilement.

D’une main ferme, on s’empara de moi et avec une peau de chamois, on me caressa le ventre. Je me surpris à ronronner comme un chat, enfin intérieurement, une cucurbitacée est bien incapable de ronronner ! Ensuite, une autre main me prit et me roula dans tous les sens, puis entrepris de percer ma paroi. Aie, ouille, ça ne va pas non ? Mais impossible de bouger. Elle perça encore quelques trous de tous les côtés puis inséra une petite bougie par l’un d’entre eux.

Deux jours plus tard et après ce traitement quelque peu inadapté, nous nous retrouvâmes tous dans le bruit et la lumière. De nombreux lampions illuminaient les oliviers. Moi, j’étais entouré de quelques beaux spécimens, des amis, la bougie avait été allumée et je brillais de mille feux.

Des yeux s’éclairaient en me regardant, souvent des têtes plus petites. On me touchait, on criait : « je veux celui-là ! » Du coup, je me rengorgeais. Ah, la célébrité, quel bonheur ! On entendait de la musique, l’accordéon et le pétadou. On riait, on chantait. Et moi, étoile sous les étoiles, je me sentis comblé.

Brigitte SAGOT

Rédigé par Brigitte S.

Publié dans #Patrimoine & Méditerranée

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