DIS-LUI LA TERRE...

Publié le 21 Mai 2022

 

Le trentième siècle nous doit des réponses !

En effet ! Nos scientifiques avaient été unanimes à le proclamer et même les oracles l'avaient prédit, ce siècle couronnerait l'aboutissement des travaux qui allaient résoudre tous les problèmes des humains vivant sur notre vieille terre.

Depuis que nos savants et nos techniciens ont vaincu l'espace, l'homme a commencé à investir des planètes dont il ignorait tout, il y a encore trois cents ans. Tout devait donc se dérouler avec bonheur et permettre aux humains des lendemains dénués de tous soucis.

Pourtant, tout ce qui devait être fait, ne l'a pas été . La découverte d'Antarius, magnifique planète, dix fois plus grosse que la terre, avec ses deux soleils et ses trois lunes, a déjà permis à une nombreuse population, triée sur le volet, de s'installer et de se multiplier avec bonheur dans ce nouveau paradis. Mais rappelons-nous ! Ce privilège ne devait pas être réservé à une certaine catégorie d'hommes et de femmes. Tous les humains devaient avoir droit à la vie et pouvoir quitter cette vieille terre stérile où l'eau n'est plus qu'un souvenir lointain et que les tempêtes de sable transforment en déserts arides. Déserts qui s'étendent de jour en jour sans pitié pour les populations de survivants qui attendent avec impatience le droit de quitter cet enfer.

Si quelques vaisseaux se posent encore, c'est uniquement pour distribuer des vivres et de l'eau, afin de continuer à assurer à ces laissés pour compte un espoir de survie de plus en plus précaire. Les gouvernements en place sur Antarius font la sourde oreille et invoquent des prétextes de plus en plus futiles pour retarder leur arrivées sur ce nouveau monde. Que devons-nous penser ? Allons-nous les laisser périr pour la simple raison qu'ils ne correspondent pas aux nouvelles normes de vie ?

Il est vrai que ces populations sont encore animées par leur foi et honorent des dieux qui n'ont plus leurs places sous ces nouveaux cieux. Ils regardent encore le ciel de notre vieille terre avec l'espoir d'apercevoir l'ange libérateur qui viendra à leur secours. Serrés, le uns contre les autres, pour se protéger des vents de sable, ils conservent l'espoir que les hommes aient encore, dans leurs cœurs, une petite place pour l'humanité.

La question se pose. Nos dirigeants vont-ils attendre que le problème se règle de lui même dans le temps ?

Nous, témoins de notre temps, exigeons des réponses, même si nos questions dérangent... Il serait bienvenu qu'un de nos estimables historiens se souviennent du nom d'un ancien navire, loin dans l'histoire, qui avait été baptisé " EXODUS "...

...

Scientifique de premier plan, sur la planète " Antarius ", Tahidja avait convoqué son subordonné Claodius. Elle venait de subir quatre espaces temps de punition à cause de lui et tenait à le mettre en garde contre un nouveau relâchement coupable envers les dogmes prônés par les sages dirigeants de cette planète.

Vêtue d'une belle robe rouge sang qui s'accordait avec bonheur à sa coiffe brune, elle l'attendait, assise sur un fauteuil, les deux pieds posés sur une vieille mappemonde, vestige des temps passés.

Jeune homme, à la fois mince et élégant dans son bel uniforme blanc et noir, Claodius se présenta à elle un sourire éclatant aux lèvres, mais ses yeux disaient le contraire et ils avaient du mal à cacher une certaine appréhension.

- Bonjour Tahidja. Je te prie d'excuser mon retard à venir saluer ton retour, mais j'ai été envoyé en mission sur la Terre et les liaisons avec celle-ci sont toujours sujettes à beaucoup de contraintes.

- Bonjour Claodius. Je vois que tes centres d’intérêts sont restés les mêmes. Je te rappelle, néanmoins que la punition que j'ai subie est le résultat de tes prises de position concernant les populations qui sont restées sur terre. Tu sais qu'étant ta supérieure je suis responsable de tes lubies et les sages ne me pardonneront pas de faire preuve, une nouvelle fois, de laxisme envers le jeune fou que tu es. En terme clair, si tu insistes dans cette voie tu te retrouveras seul face à tes juges… De toute façon, je pense que le problème a été résolu avec le temps et que tes attentions vont se porter désormais au bénéfice de la vie sur Antarius.

- Ne m'en veux pas Tahidja, je sais que je suis responsable de mes écrits mais la mission que je viens de d’exécuter sur terre me donne raison. Ces hommes et ces femmes que nous avons abandonnés à leur sort, ont développé des ressources de survie remarquables. Dans leur lutte pour leur existence journalière, ces nouvelles générations d'humains, ont réappris les gestes du passé. Grace à des vieux outils, retrouvés dans les ruines, ils ont creusé le sol pour trouver de l'eau. Ils cultivent la terre et la respectent. Celle-ci le leur rend bien en laissant pousser de la nourriture. La nature s'est calmée et les tempêtes se sont rendormies. Leur soleil s'éteint doucement, dans la plénitude des quelques milliers d'années terrestres qui lui restent à vivre. Ils ne dépendent plus de nous, mais le plus important c'est qu'ils ont reçu la visite d'un être humain venu d'on ne sait où qui va de village en village prêcher la non violence et la tolérance et il leur promet la vie éternelle… pas la nôtre… la leur, celle de Dieu. Il est grand, ses yeux sont clairs, à la fois bienveillant et sans partage. Il raconte qu'un de ses ancêtres lointain est mort cloué sur des bouts de bois, mais qu'à sa mort des êtres, brillants comme des éclairs, sont venus le chercher, lui ont rendu la vie et l'on emmené au paradis. Et il promet ce paradis à tous ceux et à toutes celles qui respecteront les préceptes d'une vie paisible.

- Comment se nomme ce homme Claodius ?

-Il dit s'appeler "Expérios" et les Terriens commencent à bâtir des temples pour l'honorer.

-Nous aussi nous avons nos temples et nos saints, Claodius.

-Nos temples, Tahidja, sont les laboratoires qui nous tiennent en respect, grâce aux traitements que nous devons assimiler dans nos organismes et les saints que nous honorons sont les professeurs et les savants qui sont les véritables maitres d'Antarius. Quant à la vie éternelle qu'ils nous promettent elle est liée à tellement de contraintes que je retrouve, à travers elles, les notions d'esclavage des temps passés. Et...

-Prends garde Claodius, modère tes paroles, je ne te sauverai pas une deuxième fois. Tu pourrais payer cher ton admiration pour ces culs terreux.

-Rends-toi compte Tahidja. Ils viennent d'inventer la roue !

- La roue ? c'est quoi ça ? et ça sert à quoi ?

Alors que l'obscurité prenait tout doucement possession de la place où s'était réunie l'assemblée des villageois après une dure journée de labeur, Experios apparut dans la faible clarté dansante des flammes que dispensait un feu central qui ne se nourrissait plus que de cendres et de braises. Tous ceux qui étaient présents se levèrent, à tour de rôle, et regagnèrent leurs abris de chaume et de boue. En un instant le silence se fit, même le feu ne crépitait plus. Lui aussi prétendait à son repos.

- Alors Claodius, comment se passe ton séjour sur cette vieille planète qui a été le berceau de tes ancêtres ? Que diras-tu à Tahidja ?

- Je ne sais pas. Tout est trop différent ici. Nous ne vivons pas comme vous. Tout est organisé pour que nous n'ayons pas à nous soucier du jour ou du lendemain. Les sages qui dirigent nos existences nous donnent la marche à suivre et nous ne dépassons pas les lignes interdites.

- Claodius, vous ne vivez pas vous survivez. Vous avez établi des quotas de population, vous refusez la mort et vos corps ne sont plus que des laboratoires d'essai. Vous n’êtes plus des êtres humains mais des machines nourries par d'autres machines qui vous surpassent et qui vous punissent au moindre faux pas...

Ils parlèrent, ainsi, toute la nuit. Arguments contre arguments, vérités contre vérités. L'aurore se manifesta sans que Claodius ne s'en rendit compte. Expérios lui prit le bras, l'aida à se relever et lui dit :

- Viens, je vais te montrer ce qu'est la vie. Regarde au delà de cette montagne la lumière va redonner naissance à ce qui nous entoure. Tu vois cette lueur rouge incendiaire qui commence à envahir le ciel, elle va se transformer en rayons éclatants au fur et à mesure que l'astre divin grandira dans le ciel. Ouvre tes yeux, un rayon s'approche et éclaire, maintenant, un endroit précis. Ne vois-tu rien ?

- Je vois un de ces tapis verts que vous appelez de l'herbe...

- Regarde mieux ! Au milieu de ce champ verdoyant, ce que tu vois s'appelle une fleur. Elle n'était pas là hier soir quand nous débattions, et ce miracle porte un nom.

- Oui ? lequel ?

- La vie ! Claodius, la vie ! Sa tige est sortie de terre, son bourgeon s'est ouvert et ses pétales recueillent la rosée bienfaisante du matin et la douce chaleur du soleil lui permet de resplendir et d'agrémenter par sa beauté la nature qui nous entoure.

- Qui êtes vous Expérios ? D'où venez-vous ? Quel est votre rôle dans cette tragédie ?

- Claodius, je suis celui qui est venu. Et toi tu es celui qui reviendra. D'autres que moi sont arrivés sur terre et ont dû repartir vers d'autres cieux. Pour l'instant ma page est remplie d'écriture. Quand la plume décidera du point final, une autre histoire commencera. Peut être la tienne. Pour l'instant, repars sur Antarius, va raconter à Tahidja ce que tu as vu ici. Et dis-lui que sur Terre les hommes ont du sang dans leurs veines. Dis-lui qu'ils enfantent eux-mêmes leurs descendants. Dis-lui qu'ils n'ont pas peur de la mort. Dis-lui qu'ils croient fermement à leur résurrection. Dis-lui qu'ils font tout pour laisser leur foi en héritage à leurs enfants. Dis-lui qu'ils ne volent pas la sève de leurs arbres, car ils sont leurs temples et qu'ils les vénèrent. Et surtout dis-lui qu'ils restent sur Antarius et qu'ils nous laissent vivre et mourir dans la quiétude et la sérénité qui sont les nôtres.

- Pourrais-je revenir après avoir délivré mon témoignage à Tahidja ?

- Tu reviendras, car cela est écrit dans ta page et que jusqu'à ton point final, ton devoir envers les hommes va être plus fort que tout. Tu mourras quand ton heure viendra. Va et reviens vite. Je t'attends.


 

Claodius ne trouva pas les mots pour témoigner aux habitants d'Antarius tous les miracles auxquels il avait assisté et qui avaient transformé sa façon de penser. Son environnement était fait d'acier et de baies vitrées. Pas question de champs verdoyants et encore moins de fleurs. Tout était gris uniforme et trop bien fait. Aucun défaut ne venait agresser la vue de tout un chacun. Les soleils et les lunes ne dispensaient que la peur écrasante de les voir tomber. La pluie était malvenue et la rosée n'existait pas dans le langage d'Antarius. La science s'était emparée de tout et de tous.

Retournera- t-il sur Terre ou Espérios l'attend ? Il faudra, pour cela, admettre la mort et l'accepter comme une fin de vie naturelle et non comme sur Antarius un dysfonctionnement malencontreux. Mais, après tout, si la vie est à ce prix-là. Pourquoi pas !

 

Fernand

Rédigé par Fernand

Publié dans #Ecrire sur des photos

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