ESSAI

Publié le 10 Septembre 2020

Début Juin, le printemps dans toute sa splendeur, dès l'aurore, souligne le beau. Au large, la ligne d'horizon se précise. La Méditerranée se pare d'un bleu néophyte. La pointe du cap d'Antibes se dégage de la brume matinale et l'aube se poursuit jusqu’à la ville. Au fil du lever du soleil, toute la baie des anges s'embrase, ne laissant pour quelques minutes encore qu'un coin d'ombre dans le petit triangle de la plage des bains de la police. Pour les avertis déambulant en bordure de l'eau, le moment est unique. L'eau est limpide, aucune brise ne vient friser sa surface. Les galets apparaissent légèrement troubles, gardant leurs volumes et leurs couleurs. Des petits bans de sars non encore troublés par les premiers baigneurs font quelques tours de piste avant leur retraite à quelques mètres de la plage. Un pointu sortant de derrière les rochers met un peu d'animation, et se rend responsable des premières vagues venant s'échouer sur la grève. Puis les premiers baigneurs déploient leurs serviettes, des habitués des bains matinaux présents toute l'année qui ne s'enduisent pas d'huile solaire. Après un plongeon, quelques brasses, un aller-retour à quelques mètres de la plage, ils s'allongent un moment sur les galets, côté pile, côté face, et s'en vont avant que le soleil ne devienne trop agressif. Puis quelques touristes privilégiés bardés de glacières, parasols, matelas gonflables, s'éparpillent tout au long de la promenade des anglais. La circulation devient plus dense. Ce n'est pas encore le folklore de juillet-août, mais ça ne devrait tarder. Le plaisir, la joie, le bonheur simple de milliers de « privilégiés » !

 

Les journées s'allongent encore de quelques minutes jusqu'au 20 juin, premier jour d'été, journée la plus longue du calendrier. Point de départ de l'invasion de la Côte d'Azur par des foules de vacanciers. Les thermomètres dépassent les trente degrés, les plages sont saturées, les autochtones partent à l'assaut des jeunes estivantes pour un flirt, une amourette le temps des vacances. Le fiasco... ou la bonne rencontre qui va émoustiller les cœurs et les corps. Puis la séparation, dernier baiser, échange de numéro de portable. La chaleur s’amplifie encore au mois d’août. Les journées plus intenses mais plus courtes, les dernières festivités le 15 de ce mois. L’affluence encore jusqu'au 31, et dans la nuit, un exil presque général, les niçois retrouvant leurs plages. Je me souviens quand j'étais écolier que les vacances duraient jusqu'à fin septembre, c'était l'été indien.

 

Certaines années quand le beau temps perdurait, nous allions encore nous baigner. Une douceur, une volupté, un moment magique se propageaient quand la luminosité devenait plus intime. Lorsque le porte-monnaie était un peu mieux rempli, notre mère préparait une grande plaque de farcis qu'elle faisait cuire chez le boulanger et que nous mangions sur la plage. C'était le moment ou les pêcheurs de poulpes lançaient leurs appâts faits d'un hameçon à plusieurs branches appelé « romagnole » entouré d'un chiffon rouge. Le tout attaché à une longue ficelle qu'ils faisaient tournoyer au-dessus de leur tête avant de le lancer le plus loin possible. Puis ils le retiraient lentement, espérant une prise, ce qui était aléatoire. Un peu plus âgés, nous aidions, si peu, à remonter les pointus sur les galets. Ces moments-là font partie de mes meilleurs souvenirs d'enfance... Puis, le 1er octobre, la rentrée nous surprenait alors que nous vivions encore les vacances. Les premiers jours de classe étaient difficiles, le moral en berne. Les platanes perdaient leurs feuilles. Les balayeurs, avec des branches de palmiers en guise de balais, les rassemblaient en tas pour qu'un autre les entasse dans de grands paniers d'osier. Souvent, un coup de vent les éparpillait à nouveau, et tout était à refaire. L'automne n'était qu'un court intermède. Sans transition, le froid, la pluie influaient sur la longueur des journées, nous obligeant à allumer la lumière de plus en plus tôt. Les mauvaises galoches prenaient l'eau.

 

En décembre, quand la température avoisinait les zéro degrés, toujours en culotte courte, nous avions le bas des cuisses irrité à la limite du short. Les vacances de Noël étaient un intermède agréable. Sous le sapin, comme cadeau, pour moi, une voiture à pédales toute rouge. La bleue que j'avais eu le Noël de l'année d'avant avait été repeinte quelques jours avant les fêtes. Certaines années, malgré le froid, les pluies se faisaient rares jusqu'au 15 février, début des festivités de Carnaval.

 

A l'époque, les chars, les cavalcades, les groupes, les indépendants étaient plus que rustiques. La foule se mêlait à cette ambiance, aucune barrière ne séparait les acteurs et les curieux. Bien sûr des bousculades se formaient, déclenchées par des voleurs à la tire ou autres tire-laines. Le dernier corso était réservé à l'après-midi des plâtres. Des tombereaux étaient plein de petites billes de plâtre, que des hommes, avec de grands rires, envoyaient sur la foule à pleines pelletées.

Février, mars étaient des mois de grande rigueur ; la pluie, la pluie sans arrêt. J'ai vu deux fois le Paillon passer au-dessus du pont Barla. Des températures bloquées à zéro degré pendant plusieurs jours. En plus, le vent ! Le vent tourbillonnant qui rabat les volets ! L'isolation était inexistante, l'humidité persistait plusieurs semaines. Les pieds gelés, des engelures aux doigts des mains, pas toujours de charbon pour alimenter le poêle. Sur le calendrier, 21 mars : le printemps ! Dans la réalité de tous les jours, c'est autre chose. Cette période d'une dizaine de jours jusqu'au 1er avril peut être très inégale d'une année à l'autre. Soit un adoucissement de la température, soit l'hiver qui s'accroche comme une arapède malveillante.

 

Avril est un mois de transition ; le froid va-t-il perdurer ? le soleil laissera-t-il percer quelques rayons ? Les saints de glace ne sont qu'en mi-mai ! Dans les années 1950, les sévices de la guerre passablement oubliées, quel que soit le temps , à partir de Pâques, un frémissement nous ragaillardissait. Les fleurs ne se trompaient pas. Dans les espaces verts, les primevères étalaient leurs différentes couleurs, suivies par les jonquilles, les tulipes. Les pâquerettes sortaient de terre à l'heure dite.

 

Puis le mois de Juin, je vous en ai parlé au début de ce texte. Je ne m'étendrai pas davantage. En cette année 2020, à cause d'un virus, les populations sont bâillonnées et la planète défigurée. Je me permets de rajouter qu'en réfléchissant un peu, le processus avait commencé bien avant cette calamité.

 

Palou

Rédigé par Louis

Publié dans #Divers

Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article