Publié le 9 Janvier 2024

Texte de Mireille, en rouge celui de Christyiane
 
C’est une fin de journée d’hiver et, comme chaque fin de semaine, je me rends sur le bord de mer pour admirer les pointus. L’air est frais, une légère brise souffle sur la mer.  Elle ondule au large et vient frapper les rochers en contrebas. Dans le port, le ferry jaune juste arrivé de Corse vient de débarquer les voitures qui occupaient sa cale. Le bruit des moteurs ronronne et, pour éviter un bouchon, les employés du Corsica gesticulent dans tous les sens, le sifflet en action. La cheminée fume encore. Le soleil de décembre qui a réchauffé la ville aujourd’hui descend sur l’horizon et commence à faire rougir le ciel.  Sur le quai quelques consommateurs profitent de la soirée, attablés au restaurant du coin.  Juste au-dessus de lui, de gros nuages noirs laissent présager de futurs orages. J’avoue que je n’ai pas été maline sur le coup, comme d’habitude je n’ai pas pris de parapluie. Pour le moment c’est sur les montagnes à l’arrière-plan que le ciel se fait menaçant. Sur la mer un faisceau lumineux rouge suit le coucher du soleil. Le soir qui s’installe rend le paysage mystérieux. Sur la promenade les réverbères s’allument petit à petit. Tout à coup le soleil a totalement disparu. Dans le port les lumières rouges et vertes indiquent aux bateaux l’entrée et la sortie du port. Les pointus sont presque tous rentré. Le phare, lui, reste encore éteint, sans doute la lanterne rentrera en action quand la nuit aura pris la place du crépuscule. Une petite barque se dépêche de regagner son attache. Les bruits changent, le son des vagues s’amplifient, les mouettes se taisent. A la semaine prochaine
 

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Rédigé par Mireille et Christyane

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Publié le 9 Janvier 2024

 

In medias res (du latin signifiant littéralement « au milieu des choses ») est un procédé littéraire qui consiste à placer le lecteur, ou le spectateur, sans beaucoup de préalables au milieu de l'action, les évènements qui précèdent n'étant relatés qu'après coup.

ATELIER :

L'analepse

LECTURE :

La fenêtre de Gérald IOTTI

SUJET :
Écrivez une courte nouvelle en commençant vers la fin de l’histoire. Faites une analepse pour raconter ce qu’il s’est passé avant et terminer rapidement ensuite.
Choisissez une des phrases proposées ci-dessous pour incipit ou inventez-en une si vous préférez.
 
- Grace Bennett avait toujours rêvé de vivre à Londres. Mais elle n’aurait jamais imaginé qu’un jour, ce serait sa seule solution.
Madeline MARTIN, La librairie des rêves ensevelis
 
- Ce fut un instant d’euphorie soudaine, comme il nous en arrive à tous, où l’on dit :  « Laissez, c’est moi qui paie... » ou : « Tu veux qu’on se marie ? », des phrases dont on ne mesure pas les conséquences.
Pierre LEMAÎTRE, Une initiative
 
- On croit qu'on ne sert à rien sur terre, jusqu'au jour où quelqu'un vous demande l'impossible.
Didier VAN CAUWELAERT, La personne de confiance
 
- Si les obsèques de Marcel Péricourt furent perturbées et s'achevèrent de façon chaotique, du moins commencèrent-elles à l'heure.
Pierre LEMAÎTRE, Couleurs de l'incendie
 
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LES TEXTES

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 9 Janvier 2024

 
Si les obsèques de Marcel Péricourt furent perturbées et s’achevèrent de façon chaotique, du moins commencèrent-elles à l’heure…Après de nombreuses discussions entre les copains de Marcel, le Maire qui connaissait l’aversion du défunt pour les gens d’église et le jeune prêtre qui ignorait la vérité et aurait bien voulu apporter une bénédiction à « ce pauvre jeune homme », le rendez-vous fut fixé le lendemain dans la salle commune de la Mairie, sans passer par le lieu de culte du village. Les jeunes étaient nombreux autour du cercueil, émus que l’un des leurs connaisse une telle fin, après une courte vie sans joie.
Tous savaient que Marcel, dans son enfance, avait souffert des non-dits et des sous-entendus, et certains se sentaient vaguement coupables … Beaucoup se souvenaient que l’arrivée du petit Marcel dans un groupe suscitait des murmures chez les adultes, des sourires entendus chez les ados, et l’enfant ne comprenait pas pourquoi. Sa maman l’avait mis, dès la maternelle, dans une école tenue par des religieuses. Même les « bonnes sœurs »se montraient désagréables avec lui, alors qu’il recherchait simplement un peu de gentillesse. Il se sentait souvent mis à l’index, sans explication. Sa maman lui avait rarement parlé de son papa, elle lui avait dit qu’il était parti très loin à cause de son métier, et qu’il ne pouvait pas venir le voir. Marcel en avait pris son parti. Lorsqu’il entra en pension au collège à onze ans, il devint le souffre-douleur d’une bande d’adolescents. On lui disait qu’il aurait dû se mettre des robes longues comme son père, et pas des pantalons. Et qu’on l’avait assez vu dans le village, qu’il n’avait qu’à rejoindre son père chez Africains. Lorsque sa mère venait le chercher le dimanche, elle voyait qu’il était toujours triste, elle n’arrivait pas à lui rendre le sourire. Il ne lui racontait pas tout ce qu’il subissait à la pension, il ne voulait pas inquiéter sa maman si douce avec lui. Après deux ans de souffrance, il apprit que sa maman était malade, elle dut se faire hospitaliser. Il allait la voir le dimanche, il rencontrait alors des dames qui lui rendaient visite, des dames avec des vêtements excentriques, des robes trop courtes ou trop décolletées, des lèvres trop rouges ou des yeux qui semblaient passés au charbon. Elles étaient si différentes des religieuses qu’il voyait tous les jours…La maman, très fatiguée, n’avait pas la force de donner des explications à Marcel. Une des visiteuses, très gentille, se fit un devoir de se substituer à la malade pour tout révéler au garçon. Elle le prit à part, et lui raconta alors des choses étonnantes sur sa vie. Il comprit alors que sa maman, Jeanne Péricourt, fréquentait journellement de riches messieurs, qui l’aidaient à payer sa pension à l’école religieuse. A ces mots, Marcel ressentit encore plus d’amour pour sa maman, qui se sacrifiait pour le bien de son fils. C’est alors que la dame lui parla de son père. Il apprit que sa maman avait travaillé pour lui, lorsqu’il était le prêtre de la chapelle du Sacré-Cœur. Elle évoqua une histoire d’amour entre les deux jeunes gens, ce qui eut pour conséquence l’arrivée au monde d’un petit Marcel. Même si le garçon était plutôt ignorant des choses de la vie, il comprit que sa naissance n’était pas la bienvenue aux yeux des gens du village. Choqué, il retourna à la pension, il pouvait maintenant réfléchir à sa vie. Quelques jours plus tard, il apprit le décès de sa maman…Il était vraiment seul, maintenant, perdu…Peu de temps après, il dut quitter la pension que plus personne ne payait…Il trouva du travail sur les marchés, pour aider les revendeurs. Le maire du village, ému par sa situation, lui trouva un petit logement. Marcel était sérieux dans son travail, les gens qui le connaissaient faisaient volontiers appel à lui. Il arrivait à vivoter, mais parfois il allait se consoler au bar du village, d’où il sortait en titubant. Jusqu’au jour où, en traversant le pont pour se rendre chez lui, il perdit l’équilibre et tomba dans l’eau glacée. Personne ne l’avait vu chuter. Il ne survécut pas. Ce n’est que le lendemain que son corps fut repêché, il n’avait que dix-huit ans. Le Maire et ses quelques copains décidèrent de l’enterrer au plus vite, avec les indigents. Le jeune prêtre, lorsqu’il fut au courant de l’accident, essaya de convaincre le Maire et les gens présents de faire une courte cérémonie religieuse, mais il fut confronté à une forte opposition : Marcel n’avait aucune sympathie pour la religion ou l’église, cette église qui avait envoyé le jeune prêtre du village comme missionnaire en Afrique, pour éviter un scandale, et qui ne s’était jamais soucié, dix-huit ans plus tôt, d’un enfant sans père !
 
Annie Tiberio
 

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Rédigé par Annie

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Publié le 8 Janvier 2024

Personnage

Melinda de Gallière

Melinda de Gallière est une jeune femme de vingt quatre ans, de longs cheveux noirs bouclés qui lui tombent en bataille aux épaules comme des herbes folles. Une peau diaphane, presque laiteuse, poudrée de rose sur les joues.

Des yeux vert émeraude. Des lèvres fines de couleurs pourpre. De taille moyenne, une stature fine, élancée, des courbes féminines très généreuses, et une poitrine imposante.

Elle est la fille unique de Pierre-Jérôme de Gallière président d’un grand groupe pharmaceutique et Giovanna Montecasillo avocate d’affaires. De ses parents elle a acquis une éducation stricte basée sur le respect, l’importance des études afin d’accéder à une bonne notoriété professionnelle. Au travers ce constant souci d’excellence elle a récolté un caractère inquiet, en perpétuelle remise en question permanente. Et pour parachever tout cela, ces crises existentielles lui procurent de manière incontrôlable et imprévisible, de désagréables flatulences.

Elle appréhende le regard des gens en général et celui des hommes en particulier, dont elle ne peut réprimer qu’une grande timidité et méfiance à leurs égards, vis-à-vis de sa position sociale, familiale et surtout par rapport à ses formes. Elle demeure de nature solitaire et mélancolique. On ne lui connait qu’une seule amie, Natacha dont elle est très proche, sa confidente vers laquelle elle n’hésite pas à se tourner sans crainte.

Elle profite de cette croisière sur le Rhône afin d’obtenir les bonnes réponses à son grand choix de vie déterminant qu’elle s’apprête à entreprendre : consacrer sa vie à Dieu, rentrer dans les Ordres et prononcer ses vœux, d’obéissance, chasteté et pauvreté.

 

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INSTALLATION
 
« Coucou Natacha, c’est encore moi, je t’ai appelé déjà 2 fois sans laisser de message, ce coup-ci je le fais.
Je suis bien arrivée à Arles, je me suis fait une petite pause près des Arènes, et là je suis devant le Commedia dell'arte. J’attends pour l’embarquement et…  je te rappelle »
 
« Désolé d’avoir coupé, je devais donner mon billet et je le trouvais plus dans mon sac. Fin de l’alerte. En plus le type qui faisait le contrôle il n’arrêtait pas de me dévisager… Saoulant ! Bon, sinon le bateau il est top, une jolie péniche, sur les photos elle semblait plus petite.
Merci pour m’avoir écoutée toute la soirée hier, j’espère que je ne finis pas par te fatiguer avec mes raisonnements lourdingues. Bon je te laisse, je te rappelle plus tard. Bisous »
 
« C’est encore moi, bon, je vais faire la causette à ton répondeur encore une fois. Je suis dans ma cabine, petite mais je peux bouger. Remarque, si je dois me retrouver dans un monastère ça va m’aider.
Juste avant de rentrer, je n’arrivais pas ouvrir la porte ; un type, il m’a donné un coup de main pour y parvenir, après il a commencé à me faire la causette, bon du genre sympa, j’avoue, il est pizzaiolo, si je me souviens bien, mais au bout de cinq minutes, je voyais son regard faire de discrets allers-retours de haut en bas de mon visage, ça plongeait plus que ça remontait… enfin tu vois ce que je veux dire. Du coup je me sentais de plus en plus mal à l’aise, je l’ai laissé en plan en filant direct dans ma cabine. Il a dû me prendre pour une folle ou je ne sais quoi. Qu’est ce que tu veux, tu me connais, tu le sais, moi quand je stresse, je pète. Bon je te laisse bisous »
 
« Je viens de voir tes deux appels en absence, désolée. J’étais sur le pont je profitais du coucher du soleil sur le fleuve, et mon téléphone est resté sur ma couchette. Je sens que ça recommence à fourmiller dans ma tête, je ne vais pas beaucoup dormir cette nuit. La Mère supérieure qui s’occupe de mon dossier vient de m’appeler, elle m’invite à prendre mon temps avec sagesse pour cette grande décision.
Il va falloir aussi que j’en parle enfin à mes parents, ça m’angoisse déjà. Tu n’as pas idée combien ça gargouille dans mon estomac. Je me retiens, les parois sont fines ici, on risque de m’entendre. En plus mon voisin c’est le pizzaiolo. Double honte sur moi. Bon je te laisse bonne nuit à toi .
Ah oui j’oubliais, je ne sais pas si c’est un signe mais ma cabine c’est la SEPT.
A demain »
 
.....................
Quelque part sur le Rhône….   Le 8/11
 
Ma chère Natacha,
Je m’apprête à me coucher mais je ne pouvais l’accomplir sans te donner de mes nouvelles. Comme la connexion du téléphone est quasi inexistante ce soir, je l’accomplis au travers de cette lettre que je te posterais demain, à notre escale. Promis.
Cette première journée vient de s’achever avec délice et légèreté. Je ne pouvais espérer meilleur moyen pour m’aider à trouver mes fameuses questions. Dommage que je ne puisse te les envoyer avec ce message mais ma cabine embaume le parfum de la flore des berges que la péniche longe. Les arômes des herbes sauvages se faufilent au travers mon hublot entrouvert, ils se diffusent avec la douceur et justesse d’une écharpe de soyeuse sous mes narines.
Les senteurs de la terre humide, les effluves iodées de la mer à l’opposé du canal s’invitant dans le sillage, avec en écho la musique feutrée du fleuve qui s’écoule de part et d’autre de la coque du navire, m’offre comme une sensation de volupté presque virginal. La sensation primaire qui marque la mémoire quand on découvre un monde neuf et inexploré.
 
Tout à l’heure j’ai dîné à son invitation, avec le Capitaine Paul, je te parlais de sensation primaire, figure-toi que c’est son premier voyage dont il assume la responsabilité, seul maître à bord, juste après Dieu, comme on dit. Mon autre partageur de table, avec sa barbe naissante, ses yeux noisette et un petit embonpoint c’est mon fameux sauveur de porte ; Lucas. Finalement il s’avère agréable compagnon de balade. Il se passionne pour les fleuves, les écluses et il ne sépare pas d’un petit carnet dans lequel il ne cesse décrire je ne sais quoi. Peut être des poèmes qui me seraient destinés ? Je ne les lirais sans doute pas, je ne suis vraiment pas pour ça !
C’était réellement agréable ce repas sur le pont, le soleil couchant peignait le ciel de couleurs tantôt orange, pourpre et feu. Une brise venait poser par effleurements discrets son souffle tiède et feutré sur mes épaules, avec la grâce d’un plume pour imprégner de son sceau son passage fugace. Quand Lucie, la personne dévouée à nous concocter nos repas, nous a porté l’entrée, celle-ci, s’accordait parfaitement aux paysages qui défilait tout autour et au-dessus de nous, un œuf poché, une sorte de mousse, aérienne, un peu sucré et suave, réhaussée par la pointe juste ce qu’il fallait de la sauce au vin.
A mesure que le soir tombait les fresques célestes arboraient des nuances plus foncées, le sol se parait d’ocre, et sur les flots Rhodanien se parsemaient des écailles bleues presque métalliques sur lesquelles venaient de refléter les ombres fugaces d’un vol de flamants roses qui nous survolèrent en cancanant. Absorbée par tout ce manège visuel, auditif et olfactif, j’en ai omis la suite du repas, même presque refroidi, le saumon même un peu trop cuit pour moi et son accompagnement de lentilles, l’agréable arrière-goût suave de noisette torréfié, faisait le boulot pour revitaliser mes papilles gustatives. Et quand la pleine lune finalement s’est proposée de nous surmonter comme un illustre lampadaire interstellaire, la saveur rassurante de la coco du dessert et l’acidité frivole du fruit de la passion, tous ces ingrédients mixés ensemble, chacun porteur de leur propre, ma faim en fut comblée.
Je m’aperçois t’avoir peu faire part de mes compagnons, mais même si nous avons pu échanger de simples politesse, je reste sur ma réserve à leur égard. Tu me connais …
Comme la fraîcheur nocturne s’annonçait, j’ai regagné ma cabine.
 
Je sens que le sommeil tape à ma porte.
Je vais te laisser et rejoindre mon oreiller qui me réclame avec fracas.
 
Hâte de te reparler au plus vite.
 
Je t’ embrasse
 
Mélinda
 
Ps : Finalement je ne suis pas mécontente d’avoir choisir cette mini croisière. A l’agence il m’en avait proposé sur un gros bateau, le Comté de Provence mais c’est surtout de vieux et vieilles grincheuses qui se destinent à ce genre là.
Pas pour moi…
Je te re embrasse
Melinda
 
Aux marches d'un palais
 
Mon portable affiche la date du 9 Novembre.
 
Je viens de regagner le pont de la péniche qui entame son accostage sur le quai de débarquement et la matinée affiche déjà de belles promesses. A côté de moi, Lucas surveille la manœuvre avec la curiosité d’un môme planté au beau milieu d’un magasin de jouets tous les plus extraordinaires les uns des autres. On se parle peu, plus par discrétion que par timidité, mais quand il aborde sa passion pour les bateaux, les écluses, son enthousiasme le gagne et son verbe s’enflamme, de même que son regard. Et son petit carnet vert se met au boulot.
Notre vaisseau amiral conclut sa manœuvre et le ronronnement du moteur s’étiole avant de laisser place au murmure de la brise douce du Mistral, le maître vent qui fripe la surface du Rhône pour ensuite tapoter nos joues d’un revers de souffle. Avant de partir je n’avais pas trop étudié l’itinéraire de notre périple et c’est avec surprise que je découvre notre halte : Avignon. J’aperçois le fameux pont, du moins ce qu’il en reste, et la comptine se met à résonner dans ma mémoire, je me surprends à la fredonner du bout des lèvres.
Mais je ne peux surtout pas m’empêcher de me rappeler avec encore plus de conviction de son histoire papale.
Comme si inconsciemment tous les petits cailloux semés par mes interrogations m’amenaient à trouver en temps et en heures mes propres réponses.
Avec le Capitaine Paul et Lucas, nous débarquons, laissant la surveillance de la Commedia Del Art à Lucie notre cuisinière. Cap au sud vers le centre-ville, le soleil commence à rejoindre son zénith et les pierres blanches de la vieille ville se parent d’ocre et or. Quelques minutes de marche plus tard, au détour des ruelles et commerces en tous genres, je stoppe net. Mon regard entame une lente ascension, à mesure que ma respiration se met en suspension, limite apnée. La Palais des Papes s’étale devant moi, majesté silencieuse, témoin séculaire d’un passé ecclésiastique qui me touche, m’interpelle, depuis fort longtemps. Le premier mot qui me vient : Oh !
Cette insolence instinctive soudain me gêne rapport à mes compagnons de randonnée. Je les avais presque oubliés, et je reste consciente que ma fascination spirituelle, qui forge ma foi intérieure, ne les anime aucunement.
Sans hésitation je me dirige vers l’entrée pour la visite, seul Paul me suit dans cette perspective, Lucas préférant continuer la déambulation dans la ville et ses écluses. On se donne rendez-vous pour le déjeuner.
On entre et le monument nous conte enfin son passé gothique, nous révèle sa légende, les étapes, les techniques de sa construction presque millénaire. Chacune des vingt-cinq salles qu’il abrite, possède son récit fossile, de même que les appartements privés des Papes de jadis. Durant ces quelques heures à la parcourir, en dedans des voix me parlaient, j’en oubliais mes peurs, mes suppositions maladroites, tout n’était que vérité et clarté ? Comme si ces Murs anciens chargés de Passé immortel déchargeaient leurs pouvoirs énergétiques sur moi, le poids du Temps, le poids de l’âme.
Ivre de cette virée, une fois dehors, avec le capitaine Paul, l’allégresse sur mes semelles, on a rejoint Lucas.
Attablés juste en face du Pont, on a commandé des pizzas, qui de l’avis de Lucas, expert aussi en la matière, ne s’avéraient pas top, que lui-même savait mieux les faire, ce que je crois aisément. Un verre de rosé, l’émotion toujours vivace sans trop réfléchir, le bien être de l’instant, sans retenue, à mes deux compères du jour, je me suis mis à leur raconter mes histoires. Ma volonté de rentrer dans les Ordres, de ma dévotion, ma foi, mon amour de Dieu. J’ai parlé, parlé, et une fois mon silence revenu à la normal, j’ ai découvert sur leurs visages une réelle surprise bienveillante, et on a trinqué tous les trois. Les effluves du breuvage aidant, le soleil, le vent du sud, l’audace aussi, une main s’est emparé de la mienne, celle de Lucas et le panorama jouant le rôle, il m’ a embarquée dans une sorte de valse, pas sur le Pont, juste en face. Pour ne pas faire de jaloux, j’ai dansé avec Paul. Comme le ciel se teintait peu à peu d’orangé, on a repris le chemin de notre tanière fluviale.
Ce soir le Rhône est un hôte merveilleux.
Je regagne ma cabine , et avant de m’ endormir je n’ai qu’une hâte, te raconter tout cela Natacha.

 

La lettre

A mon bien mystérieux messager ;
Je lis et relis pour la deuxième fois le contenu de votre lettre échouée de manière assez rocambolesque sur le sol de ma cabine.
Il m’a fallu un certain temps pour en élucider l’origine, et surtout l’énigmatique expéditeur. La page manuscrite sur petits carreaux m’a fortement aiguillée vers un carnet vert que je croise souvent.
Mon voyage ne réside pas dans le but de chercher ou trouver de nouveaux paysages, nouvelles visions, mais percevoir des réponses à mes projets de vie actuels. Le sens qu’il m’enseigne depuis quelques jours est autre, meilleur.
On ne change pas on évolue. Pour chaque chemin qu’on quitte, c’est une nouvelle route qui se révèle.
Pouvoir sereinement se poser les bonnes questions et découvrir les réponses justes.
Vos mots, phrases, me touchent et m’émeuvent je me dois de ne pas vous mentir. Cette danse au bord du fleuve aussi impromptue et innocente qu’elle soit demeure un vraiment beau souvenir. Il s’est même invité de façon espiègle invité dans mon sommeil. Emoi et confusion à mon réveil. L’idée de te faire part du contenu, te l’écrire pourrait provoquer en moi des tourments aux conséquences assez désagréables.
Je ne te parle pas de sentiments, tes attentes à mon égard ne me laissent pas indifférentes, mais pas au point de bouleverser mes aspirations les plus profondes.
Et d’un coup d’autres questions, d’autres lignes de plus sur ma liste épinglée dans ma tête bouillonnante.
L’amour et la foi c’est croire en une force invisible qui nous entoure.
Tu espérais qu’en retour je te réponde de manière réciproque à tes avances, mais je ne peux t’offrir à cet instant que ma plus belle et sincère honnêteté.
Je ne sais au moment où je partage par écrit avec mes mots à moi, je ne sais pas si une fois finie, ma lettre à moi fera le chemin en sens inverse.
Peut être demeurera-t-elle poste restante sur le bord de ma table.
Pardonne d’avance mon silence, dans ce cas.
Sinon puisque tu me lis je souhaite de tout cœur que tu puisses partager avec moi ma décision.
 
Bien à toi,
 
Melinda

 

Quid de la citation ?

Le 11 Décembre.
Bonjour ma Natacha ;
Faute d’une connexion téléphonique correcte, je t’écris.
Au moment même où tu me lis, mon séjour en escapade fluviale aura connu son terme et j’aurais repris ma déambulation.
Pour ma dernière après-midi à bord, Lucas a tenté de m’enseigner les rudiments du fonctionnement d’une écluse.
Je me suis noyée dans toute cette terminologie profane à coup de vantelles, amont, aval bâbord et tribords. Comme si je devais apprendre sur le tas une nouvelle langue étrangère.
Sa motivation était palpable et j’ai tout fait pour ne pas le décourager dans ses explications bien trop complexes pour moi. Son excitation presque enfantine m’a fait sourire. Durant tout ce temps, néanmoins, je suis resté perplexe par rapport à son détachement en rapport à la lettre qu’il m’a adressée, dont je t’ai fait part. Comme si de rien n’était, ou arrivé.
Plus tard, une fois regagnée la salle commune, une nouvelle contradiction est survenue. Au moment de dîner Paul, notre Capitaine, nous a tous réunis, ainsi que Lucie la cuisinière, pour nous informer qu’il avait eu vent que chacun d’entre nous aurait reçu un message mystérieux. Surprise totale de découvrir à mon tour que Lucas, lui-même en a perçu une aussi. Comme finalement j’ai décidé de ne donner aucune suite à la sienne, je me demande bien de la part de qui. Et du coup je perdais l’identité de mon auteur fantôme ? Qui alors ?
Et quand nos regards interrogatifs se sont croisés, le sien, candide, semblait me poser une question : « Toi aussi ? »
Je me suis sentie gênée et monter du rouge sur mes joues. Tandis que de désagréables gargouillis s’installaient dans mon ventre. Au prix d’une âpre lutte pour ne pas les laisser s’imposer et me causer le moins de désagréments possible, j’ai tout fait pour les minimiser, mais pas assez à mon goût. Aux vues de la réaction de certaines personnes. Lucas le premier, j’ai fait comme lui, j’ai joué la surprise étonnée. Mais quand j’ai vu son petit sourire en coin, complice, j’en ai déduit que mon secret venait d’être découvert.
Plutôt que laisser le silence prendre place, il a surenchéri en soumettant diverses hypothèses et théories. Il s’en est suivi avec Paul une suite de suppositions diverses et variées. Jusqu’à ce que Lucie avoue avoir surpris une personne à bord la veille, un homme à l’allure de moine (quelle coïncidence tu ne trouves pas) ! Ou bien à un autre signe du destin.
Pendant quelques secondes je me suis demandé si finalement je ne souffrais pas d’une sorte de dédoublement de personnalité, ou bien schizophrénie passagère et que cette lettre je ne me le serais pas écrite et envoyée a moi-même.
En conclusion de cet épisode rocambolesque, Paul a mis fi- à l’enquête et classé le dossier pour qu’on puisse profiter au mieux de la fin de notre voyage, tous ensemble.
On a bu, dégusté un délicieux repas. On a ri, chanté. A un moment les doigts de Lucas ont effleuré les miens. J’ai distingué une certaine petite lueur dans son regard, assez insolente, pour que je ressente la folle envie de lui rendre la pareille. Peut-être même poursuivre jusqu’à l’embrasser. Si on était juste nous deux, c’est ce que j’aurais fait.
J’en arrive presque à regretter que mon mystérieux messager ce ne soit pas lui.
Je sens que demain, après nos au revoir, tous ils vont me manquer, et moi je ne saurais toujours pas quoi faire.
Bon je t’embrasse.
A très bientôt

 

Soirée d'adieu

Sur le « Commedia dell Arte » la soirée d’adieux venait de revêtir son habit de fête. Les interrogations terminées, jetées par-dessus bords par la joie et allégresse de l’instant, envoyées par le fond dans le Rhône.
Un dernier stop effectué à Valence a permis d’accueillir à bord, avec l’accord de Paul, capitaine et seul maître à bord, un ultime passager, le neveu de Lucie la cuisinière : Francesco.
Trente ans, l’allure élancée, le teint mat, des yeux presque noirs, lui octroyant un regard secret et ténébreux, des cheveux bruns déjà grisonnants sur les tempes. Pour s’affranchir du passage, il s’est proposé d’animer la soirée avec sa guitare couleur acajou.
Passées les présentations, un verre de vin rosé, il s’empare de son instrument et ses doigts plaquent les premiers accords d’une mélodie aux accents jazzy. Les notes s’envolent et se mettent à voltiger autours des corps alentours.
L’alcool, aidant, les cœurs, et les humeurs se libèrent, se désinhibent, et commencent à chalouper au rythme du tempo mezzo forte.
Emportée par l’ambiance légère qui venait de prendre ses quartiers dans la pièce, Melinda se mit à fredonner par bribes les paroles de du morceau qu’interprétait Francesco. Ça supposait de vouloir s’envoler vers la Lune - qu’on nous laissait jouer par-delà les étoiles - pour nous laisser voir à quoi ressemble le printemps.
Les verres insolents se remplissaient et déversaient leurs ivresses.
Les discussions s ‘enchaînent, se mélangent aux balancements en cadence des danses qui se succèdent.
Pendant tout ce temps Melinda et Francesco, sans échanger le moindre mot, avec juste des perspectives visuelles, se cherchent, se trouvent, se découvrent en silence à travers le son et le bourdonnement des cordes en nylon.
A l’aube le festival se finit, la péniche retrouva son calme et sa paix ambiante.
Au moment de se séparer les adieux se virent à coup de serrements de mains, de tapes dans le dos et chaleureuses étreintes. On s’échangea les adresses en même temps de sérieuses promesses de tous se retrouver très très vite.
Et chacun reprit sa route, son chemin, ses ambitions ses projets.
Et le Rhône, en bon géant de nature paisible, reprit le fil de son cours ancestral.
 
Une année passa, à la vitesse d’une page qu’on tourne.
Un après-midi de juin, tout au-dessus de sa tête des cloches retentirent. Sur le seuil de l’entrée de l’église, Melinda distinguait depuis le cœur de la nef, les visages des personnes qui patientaient de son avancée prochaine.
Un voile de tulles, aux contours brodés d’or, qu’une brise légère faisait voltiger doucement, venait tapoter de manières vaporeuses le duvet de ses joues.
Un homme en costumes bleu roi debout l’attendait tout là-bas, pour que tous deux s’unissent enfin.
Elle ne cessait de l’aimer et ce depuis qu’ elle avait quitté les rives d’un certain Rhône.
Parfois la vie est juste un écrivain mystérieux presque aventureux.
 
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Rédigé par Jean-Michel

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 8 Janvier 2024

 
La croisière
 
Atelier 6 : épilogue
 
Sujet :

Tout le monde se retrouve pour la soirée d’adieu animée par un musicien de jazz, un homme d’une trentaine d’années, grand, mince, brun, cheveux courts, pantalon noir, chemise rouge, qui joue à la guitare électrique, une guitare rouge comme sa chemise, des standards connus.

Votre personnage raconte la soirée, s’il danse, s’il flirte, s’il bavarde, avec qui, et il fait ses adieux aux autres avec promesses de se revoir… ou pas…

Terminer votre récit par un épilogue.

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LES TEXTES

LES ADIEUX SUR LE COMTÉ DE PROVENCE

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LES ADIEUX SUR LE COMMEDIA DELL'ARTE

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Rédigé par Atelier Ecriture

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 8 Janvier 2024

 
Sur le « Commedia dell Arte » la soirée d’adieux venait de revêtir son habit de fête. Les interrogations terminées, jetées par-dessus bords par la joie et allégresse de l’instant, envoyées par le fond dans le Rhône.
Un dernier stop effectué à Valence a permis d’accueillir à bord, avec l’accord de Paul, capitaine et seul maître à bord, un ultime passager, le neveu de Lucie la cuisinière : Francesco.
Trente ans, l’allure élancée, le teint mat, des yeux presque noirs, lui octroyant un regard secret et ténébreux, des cheveux bruns déjà grisonnants sur les tempes. Pour s’affranchir du passage, il s’est proposé d’animer la soirée avec sa guitare couleur acajou.
Passées les présentations, un verre de vin rosé, il s’empare de son instrument et ses doigts plaquent les premiers accords d’une mélodie aux accents jazzy. Les notes s’envolent et se mettent à voltiger autours des corps alentours.
L’alcool, aidant, les cœurs, et les humeurs se libèrent, se désinhibent, et commencent à chalouper au rythme du tempo mezzo forte.
Emportée par l’ambiance légère qui venait de prendre ses quartiers dans la pièce, Melinda se mit à fredonner par bribes les paroles de du morceau qu’interprétait Francesco. Ça supposait de vouloir s’envoler vers la Lune - qu’on nous laissait jouer par-delà les étoiles - pour nous laisser voir à quoi ressemble le printemps.
Les verres insolents se remplissaient et déversaient leurs ivresses.
Les discussions s ‘enchaînent, se mélangent aux balancements en cadence des danses qui se succèdent.
Pendant tout ce temps Melinda et Francesco, sans échanger le moindre mot, avec juste des perspectives visuelles, se cherchent, se trouvent, se découvrent en silence à travers le son et le bourdonnement des cordes en nylon.
A l’aube le festival se finit, la péniche retrouva son calme et sa paix ambiante.
Au moment de se séparer les adieux se virent à coup de serrements de mains, de tapes dans le dos et chaleureuses étreintes. On s’échangea les adresses en même temps de sérieuses promesses de tous se retrouver très très vite.
Et chacun reprit sa route, son chemin, ses ambitions ses projets.
Et le Rhône, en bon géant de nature paisible, reprit le fil de son cours ancestral.
 
Une année passa, à la vitesse d’une page qu’on tourne.
Un après-midi de juin, tout au-dessus de sa tête des cloches retentirent. Sur le seuil de l’entrée de l’église, Melinda distinguait depuis le cœur de la nef, les visages des personnes qui patientaient de son avancée prochaine.
Un voile de tulles, aux contours brodés d’or, qu’une brise légère faisait voltiger doucement, venait tapoter de manières vaporeuses le duvet de ses joues.
Un homme en costumes bleu roi debout l’attendait tout là-bas, pour que tous deux s’unissent enfin.
Elle ne cessait de l’aimer et ce depuis qu’ elle avait quitté les rives d’un certain Rhône.
Parfois la vie est juste un écrivain mystérieux presque aventureux.
 

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Rédigé par Jean-Michel

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 6 Janvier 2024

BONNE ANNÉE !
Bonne année 2024 !
 
Amour, santé, gaîté et tout ce qui vous plaît !
Que votre plume vous emporte vers des mondes enchantés,
Des histoires à rêver, poésie et beauté,
Luxe, calme et volupté...
 

 

 

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 4 Janvier 2024

Personnage :
Hector Berman
Directeur d'école privée, part en croisière aujourd'hui.
D'une soixantaine d'années, il mesure 1m70, teint mat, émacié et bel homme, genre "tombeur de ces dames"
.Il aime faire rire et adore être le centre du monde.
On le dit mythomane. Très maniaque et à la limite de la phobie.
Cette courte période de vacances va lui permettre de se reposer et de faire un point sur sa vie car il est en instance de divorce.
_____________________________
 
LE DÉPART

Lundi 6 novembre 2023

Aujourd'hui, lundi 6 novembre 2023, moi, Hector Berman, je pars pour la première fois tout seul et en croisière suite à une séparation houleuse.

Je finis rapidement ma valise. J'ai une tenue par jour, tout y est, pour le sport, pour les excursions, pour les bains et le spa, pour la drague et costume pour diners avec le capitaine.

Ma sœur est déjà arrivée. Elle me conduit au port. Grand départ pour huit jours sur le "Comté de Provence". On y arrive en dix minutes. L'embarquement a déjà commencé. "Gros bisous sœurette, oui je vais faire attention, oui je vais me refaire une santé et non je ne téléphonerai pas à ma pétasse de femme !".

Je monte sur la passerelle avec ma valise à roulettes. A mi-hauteur, une odeur soudaine de bouc m'envahit et, au même moment, je sens une pointe dure sur mon dos. Je me retourne et gros moment de frayeur devant cet homme bizarre, paré de plumes, vêtu de peaux de bêtes qui me dévisage et baisse sa lance en rotant comme mot d'excuse. Je continue à monter et songe à me plaindre en haut lieu. Ça commence bien. Il faut à tout prix que je me désinfecte dans ma cabine. Juste moi !

Mais soudain devant moi, je rêve. Quelle belle paire de fesses ! Oh la belle blonde déjà de dos. Arrivé sur le pont, les membres de l'équipage nous dirigent à droite, à gauche, vers nos cabines. Moi, j'en ai pris une de luxe. Ostensiblement, je parle fort derrière la blonde pour qu'elle se retourne et entende bien où je suis logé. Mais elle continue sa route imperturbable et je vois que, finalement, elle n'est pas très loin de moi. Bon plan !

Je rentre dans ma chambre et je suis ravi. Elle est d'une propreté méticuleuse, très confortable. Grand lit, belle salle de bain, petit bureau, musique, frigo plein d'alcool et autres.

Oui, je sens que ça va aller. Non seulement, je vais me reposer mais, en plus, je vais pouvoir me remettre de quelques mauvaises périodes. J'attends beaucoup de ces huit jours de goguette.

 

LE DÎNER

Mercredi 8 novembre 2023
 
Voilà sœurette, comme promis, je commence mon journal de bord que tu pourras lire à mon retour.
Aujourd'hui, nous sommes invités à diner à la table du capitaine. Nous sommes une quinzaine. Je suis de suite aller voir un membre de l'équipage. Je lui ai inventé une histoire de grosse fragilité de santé afin qu'il ne me place pas à côté de gens sales ou encore pire de l'hurluberlu à plumes. Il a bien compris mon problème et m'a en effet placé entre le capitaine et la belle blonde. J'ai discrètement essuyé les couverts, le verre et mon assiette à mon arrivée.
Il faut reconnaître qu'au point de vue odeurs j'ai été gâté. Un fumet appétissant sortait de la cuisine.
Dès le premier plat, je me suis senti transporté par les senteurs d'un œuf cuit avec une purée de topinambours, accompagné de champignons cuits dans une sauce au vin. Mais quelle finesse !!! Un régal.
Du début donc à la fin, les plats se sont succédés, tous aussi suaves. Quel bonheur! En plus, de la jolie blonde à côté de moi émanait également une légère fragrance, il me semble bien que c'était du Dior. J'adore!
J'ai raconté des histoires drôles, elle et le capitaine ont bien ri. Le capitaine m'a même surnommé le boute en train. Tu vois, j'ai été déjà repéré. Comme ça fait du bien. J'ai pris une trentaine de photos de moi avec le capitaine, ma voisine, une certaine Valentine, belle brune et un Gino rigolo aussi. La belle brune m'a beaucoup regardé. Elle a semblé intéressée lorsque je lui ai raconté toutes les connaissances que j'avais dans le monde du spectacle : mes soirées avec Francis Cabrel, mes repas avec Stromae et Arditi…
Ce soir, sœurette, le bal. Je vais les épater avec mon rock and roll, mon chachacha et mon tango langoureux. Femmes, je vous aime. Vous allez enfin connaître, la vie, l'amour, la passion…
PS. Pour te faire rire, j'ai pris une photo avec l'emplumé qui est en train faire un rituel de sorcellerie à la fin du repas. Bien ridicule !

ESCALE A ATHENES

Lundi 20 Novembre 2023

Coucou sœurette,

Tue ne devineras jamais ! On a fait escale à Athènes. Tu te rappelles nos fous-rire ? Et ma rage de dents qu'on a soigné à l'ouzo car le seul médecin disponible avait voulu me l'arracher. Quand j'ai vu l'état de son cabinet et son mégot aux lèvres, j'ai eu trop peur.

L'escale un jour, une nuit. Le rêve. J'ai embarqué avec moi Gino, le rigolo et la belle Dominique. Départ en taxi du bateau pour l'Acropole, le matin. Je leur ai brièvement confié mes déboires avec mon ex et ce besoin de me changer les idées. Tu sais, je ne me suis pas attardé sur les détails. Chacun a ses problèmes.

L'Acropole, quelle merveille. Même si je ne suis pas cailloux et encore moins vieux cailloux, vraiment c'était à revoir pour moi. Dominique avait l'air passionnée et Gino plaisantait avec la guide grecque.

Puis direction l'Agora, la Tour des Vents et pour finir le temple de Zeus.

Déjà l'heure du déjeuner. On est allé à Plaka. Je leur ai proposé de manger au Platanos. Toujours aussi bon, un régal leur mezzés. Tout ça bien arrosé. On commençait à être très gais tous les trois. On s'est un peu raconté notre vie. Mais, moi je ne voulais que rire et amuser la galerie.

On a fait ensuite tout le quartier et on a acheté des souvenirs.

Comme il était tôt, je leur ai proposé de prendre le train et de faire une virée de quelques heures à Selianitikas. Petit village de pêcheurs et de quelques pècheresses (lol). Ils sont vraiment formidables tous les deux. Ils me suivent et m'admirent. Arrivés vers 17h, je leur ai fait la surprise de les emmener vers notre bouzougui. En rentrant, pas mal de mes connaissances étaient déjà installées. Nous nous sommes mis à leur table. La serveuse habituelle nous a passé la carte des alcools. L'ambiance était extraordinaire. Chanteurs, Fous rires, blagues à moitié en anglais, moitié grec, moitié français. A la grande surprise de Dominique et Gino, la serveuse nous a amené avec nos boissons une grande pile d'assiettes blanches. Ils n'ont pas compris pourquoi. Je n'ai rien dit. Puis vers 18h, la musique sacrée a démarré. Nos compagnons se sont levés et ont démarré leur danse. Rien de plus prenant qu'un sirtaki dansé par des grecs. Nous nous sommes bien sûr levés pour les accompagner. L'alcool, la chaleur, en sueur, nous étions déchainés sur la piste. Et d'un coup, les piles d'assiettes ont commencé à être jetés par terre. La tête de mes acolytes! Je leur ai expliqué que c'étaitt une manière de se défouler et de chasser la colère. Juste ce qu'il nous fallait.

Déjà 19h. Il fallait bien rentrer et prendre le dernier train pour Athènes afin de récupérer avant la nuit nos cabines. Nous sommes montés sur la passerelle complètement ivres, nous avons ameutés tous les vacanciers qui nous regardaient avec une lueur d'envie. Tu t'imagines, je n'ai pas pensé une seule fois à me désinfecter les mains, à mettre mon masque. Mes compagnons ravis m'ont souhaité une bonne nuit. Dominique m'a embrassé en effleurant mes lèvres ! Une promesse ?

MESSAGE

Lundi 27 novembre 2023
Chère sœurette,
J'ai reçu un message très troublant qui a été glissé sous la porte de ma cabine.
"Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux".
Tu sais que je me suis passionné à une certaine époque pour la cryptographie. J'ai donc cherché le code et j'ai mis en rouge certaines lettres. Tu lis comme moi : VALENTINE, tu te rappelles celle qui m'avait beaucoup remarqué pendant le diner avec le capitaine.
J'ai trouvé ce mot magnifique et je lui ai donc répondu.
"Bonjour toi, Est-ce bien toi Valentine l'auteur de cette belle phrase glissée sous ma porte?
Tu as parlé de nouveaux yeux, j'ai pensé de suite à ton appareil photo. Je t'ai vu me prendre à plusieurs reprises. C'est normal. Tu aimes le beau ! Comme je te comprends. Tu as dû me voir plusieurs fois avec Dominique. Nous avions fait escale ensemble. Ne t'inquiète pas, c'est juste une bonne copine. Et mes nouveaux yeux t'ont déjà remarqué, toi.
On peut faire plus ample connaissance. Un diner en tête à tête ? Réponds-moi vite. Je meurs d'impatience.
Ton Hector adoré."
Voilà sœurette. Décidément cette croisière s'annonce très prometteuse. J'espère que je ne me suis pas trompé de destinataire. J'ai mis le mot sur la porte de sa cabine. Je te raconterai la suite.
Ton frère chéri.

LE DISCOURS DU CAPITAINE

Lundi 11 décembre 2023
Ma sœur,
Tu te rappelles de ma dernière lettre. J'avais reçu une belle citation à laquelle je m'étais empressé de répondre, persuadé qu'elle venait d'une charmante Valentine.
Mais hier, réunion organisée par le capitaine. Quelle déception, voici son discours :
"Mesdames et Messieurs, chacun de vous a reçu une missive cette semaine. Certains d'entre vous se sont empressés d'y répondre, d'autres non.
Ce message vous a été adressé à chacun par mes soins. Pourquoi ?
A la façon d'un jeu de rôle, je suis fier de constater que dans l'ensemble, vous y avez bien participé. L'atmosphère de départ étant trop froide à mon goût, je suis content de voir que cela vous a rapproché. Je vous demande donc maintenant de continuer ce jeu de rôle qui vous aidera à mieux vous connaitre, à vous dévoiler afin de vous changer les idées, ceci tel que vous le souhaitiez en montant sur ce bateau. Bonne continuation, les croisiéristes!"
Son discours achevé, des "Oh!" désappointés se firent entendre mais aussi pas mal de fous rires et "Oui, bien joué capitaine, tu nous as finalement bien rapprochés", de certaines personnes.
Un coup d'œil vers Dominique qui s'approche discrètement et me jette à voix basse : "Excusez-moi, je vous ai mal jugé et ma lettre a dû vous choquer." Je lui ai répondu en prenant un air chagrin ; "Oui, Dominique, vous m'avez vraiment peiné au plus profond de mon cœur ! Heureusement que vous venez vous excuser car j'étais très abattu." Tu ne sais pas, sœurette, elle a failli pleurer. Et hop ! Une de plus dans la poche.
Quand à Valentine, je la matte d'un air langoureux et, en m'approchant d'elle, lui dit à voix basse "Alors, suite à ma lettre, on se le fait ce repas ?". Elle me regarde ironiquement de ses grands yeux verts et me mitraille avec son appareil photo en prenant un grand fou-rire.
Oui, non ? l'avenir nous le dira.
POUR HECTOR, TOUT A CHANGÉ
Dernière soirée à bord. On débarque demain matin.
Je me fais beau. Smoking, chemise blanche, parfum pour l'animation prévue avec un guitariste jazz tzigane. J'adore!
Arrivé dans la salle, je cherche immédiatement des yeux Valentine. Mais Dominique est tellement mignonne ce soir que je vais directement vers elle. Le musicien attaque un morceau andalou très rythmé. Et on se lâche, elle et moi. Danse effrénée, fous rires, rappel de notre dernière escale en Grèce. Nous avons déjà des souvenirs ensemble.
Puis le rythme se ralentit, un morceau de basse me fait tourner la tête. Le musicien me fixe. Il a des yeux de braise. Il est si attirant. J'ai comme un frisson. Qu'est-ce qui m'arrive ? Je me force à mater les filles sur la piste de danse mais mon regard se tourne sans arrêt vers le beau ténébreux qui ne me quitte pas des yeux.
Pour me donner une contenance, je bois une coupe avec Dominique qui continue à papoter. Puis, le repas est annoncé. Excellent comme toujours. On rit, on parle mais le guitariste sur scène m'hypnotise de plus en plus.
Epilogue :
Des années après, je me souviens. J'ai gardé contact avec Dominique, Gino. Nous avons même assisté au mariage de la charmante Julie et à une conférence organisée par Oolala sur le thème: "Le goupillon et son devenir".
Le guitariste m'a rejoint dans ma cabine ce fameux dernier soir. Je l'ai aimé comme un fou, il m'a plumé jusqu'au dernier sou. Mais, grâce à lui, j'ai fait mon coming out. Et, mon nouveau compagnon de route me rend heureux. On envisage une nouvelle croisière. Je n'ai plus de toc. Je me sens tellement bien…
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Rédigé par Ghislaine

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 4 Janvier 2024

 
Dernière soirée à bord. On débarque demain matin.
Je me fais beau. Smoking, chemise blanche, parfum pour l'animation prévue avec un guitariste jazz tsigane. J'adore!
Arrivé dans la salle, je cherche immédiatement des yeux Valentine. Mais Dominique est tellement mignonne ce soir que je vais directement vers elle. Le musicien attaque un morceau andalou très rythmé. Et on se lâche, elle et moi. Danse effrénée, fous rires, rappel de notre dernière escale en Grèce. Nous avons déjà des souvenirs ensemble.
Puis le rythme se ralentit, un morceau de basse me fait tourner la tête. Le musicien me fixe. Il a des yeux de braise. Il est si attirant. J'ai comme un frisson. Qu'est-ce qui m'arrive ? Je me force à mater les filles sur la piste de danse mais mon regard se tourne sans arrêt vers le beau ténébreux qui ne me quitte pas des yeux.
Pour me donner une contenance, je bois une coupe avec Dominique qui continue à papoter. Puis, le repas est annoncé. Excellent comme toujours. On rit, on parle mais le guitariste sur scène m'hypnotise de plus en plus.
Epilogue :
Des années après, je me souviens. J'ai gardé contact avec Dominique, Gino. Nous avons même assisté au mariage de la charmante Julie et à une conférence organisée par Oolala sur le thème: "Le goupillon et son devenir".
Le guitariste m'a rejoint dans ma cabine ce fameux dernier soir. Je l'ai aimé comme un fou, il m'a plumé jusqu'au dernier sou. Mais, grâce à lui, j'ai fait mon coming out. Et, mon nouveau compagnon de route me rend heureux. On envisage une nouvelle croisière. Je n'ai plus de toc. Je me sens tellement bien…
 

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Rédigé par Ghislaine

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 31 Décembre 2023

Personnage

Marjolaine LEANDRI, avait eue la chance de gagner le premier prix d’un concours organisé par son magazine préféré : NOUS TROIS, avec en sous titre, Moi, mon mari et l’autre. Ce prix consistait en une magnifique croisière en Méditerranée pour une personne. A noter que cette croisière était, normalement réservée à des célibataires, dans le but évident de favoriser les rencontres.

Marjolaine, la cinquantaine épanouie, dotée d’un physique que l’on pourrait dire confortable, aurait pu être belle si les circonstances de sa vie l’avaient guidée sur d’autres chemins. Mariée à un homme qui se considérait au dessus de tout et mère de deux garçons dont l’option principale de vie était l’ingratitude, elle passerait son temps à pleurer si son imagination ne lui permettait pas de fantasmer sur des situations de vengeances plus sournoises les unes que les autres.

Son emploi de caissière d’un grand supermarché ne lui procurait pas une motivation capable de lui faire oublier les tracasseries d’un foyer où elle continuait une journée de contraintes encore plus pénible que celle qu’elle venait de quitter.

Elle avait demandé à ses collègues de travail de l’appeler Cendrillon. Pourquoi ? lui demandait-on, parce que ! répondait-elle.

Dans sa famille Marjolaine était considérée comme une gourde. Son caractère un peu simpliste lui permettait de s’isoler et de ne pas avoir à supporter les matchs de foot qui encombraient la télé. Mais, en contre partie , ça lui laissait la liberté de s’évader vers d’autres mondes. Et là, grâce à ce concours elle allait pouvoir fuir, pendant huit jours, et toucher du doigt ce à quoi elle passait son temps à rêver. Elle attendait la date du départ avec une impatience qui n’avait d’égale que la pensée de ne pas revenir.

La gazette lui avait fait parvenir le programme du voyage. Les escales, les excursions, les animations et les soirées à bord, tout semblait fantastique et trop beau pour être vrai. Marjolaine se posait des questions auxquelles elle se gardait bien de répondre... Aurait elle pu d’ailleurs ?

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L’EMBARQUEMENT

Mon Dieu !!! Le bateau était déjà impressionnant en photo, mais là... Le ‘ Comté de Provence ‘ me semblait plus gros que tous les immeubles de mon quartier entassés dans une même rue. Le trac me tordait les boyaux à l’idée d’affronter ce monstre. Mes bagages ayant été réceptionnés à l’avance, je n’avais plus qu’à aller, avec l’allure la plus distinguée possible, vers le comité d’accueil composé d’une multitude de jeunes gens qui attendait les passagers pour les guider dans les entrailles de ce anthropophage.

Je m’encourageai... Marjo, ma vieille, fonce dans le tas ! Personne ne va te manger et tu es attendue avec tous les honneurs qui sont dus à la lauréate du grand concours que tu as gagné. Je m’approchai lentement de la passerelle au milieu de dizaines d’autres passagers, qui eux, par contre, donnaient l’impression de savoir où ils allaient. Mes hésitations me bourlinguaient à droite, à gauche et j’étais tellement bousculée que je ne pensais plus qu’à m’enfuir. Alors que je tournai lamentablement casaque, une main secourable se saisit de la mienne. Venez ! me dit le propriétaire des doigts qui enserraient les miens, j’ai remarqué que vous étiez un peu perdue. C’était un monsieur, d’un âge mur, bien habillé, visage énergique et belle chevelure grise ornementée de mèches blanches, stature ferme... Rassurant quoi !

- J’ai vu la couleur de votre billet et je crois bien que nous allons nous retrouver à la même table au restaurant. J’accompagne une famille Canadienne pour qui je suis, comme qui dirait, un élément de décoration. Je m’appelle Polalydés, mais mes amis ont opté pour Pol, c’est plus simple.

- Mais monsieur je ne vous vois pas, moi, comme un bibelot. Je crois plutôt que vous vous moquez de moi. Je suis novice pour ce genre de voyage et c’est ma première croisière. Je me doute bien que ça ce voit comme le nez au milieu de la figure mais ça ne va pas m’empêcher de profiter de ces quelques jours de vacances bien mérités. Mais dites moi, si je peux me permettre, d’où vient votre nom ?

- Ho ! Il vient de si haut qu’il n’est pas encore descendu sur terre... Je vais vous confier à ce garçon de cabine, je le connais, il est très bien. Nous aurons l’occasion de nous revoir et je serai ravi de passer quelques instants en votre compagnie. A bientôt, Marjolaine.

Un beau jeune homme vint à moi. Je lui montrai mon billet, il le consulta d’un rapide coup d’œil et d’un geste élégant me montra la direction de mon logement.

- Veuillez me suivre Madame, je vais vous conduire à votre cabine. Vous y serez très bien, vous disposez d’une petite terrasse. C’est bien agréable, au lever, d’ouvrir les yeux sur l’immensité de la mer. Je me nomme Gontrand, n’hésitez pas à faire appel à moi en cas de besoin. Je suis à votre service. Voila nous y sommes. Cabine 103 Coursive B. C’est votre adresse à bord. Je vous laisse vous installer.

Enfin, je suis chez moi. Je viens d’encaisser tant de choses en si peu de temps, qu’il faut que je me ressaisisse. Ce monsieur qui m’a si obligeamment aidé est vraiment bien de sa personne. Mais comment a-t-il eu connaissance de mon prénom ? Mystère ! Voyons l’équipement de ma cabine. Le lit est grand, le matelas confortable. Des placards de rangement bien pratiques. Et la salle de bain est beaucoup plus belle que la mienne. Tout est parfait dans le meilleurs des mondes. Je ne suis pas médium, mais je sens qu’il va se passer quelque chose.

... Mais quoi ?

 

LA SOIREE

J’étais loin de m’attendre à cette invitation. Lorsque Polalydés est venu me l’annoncer, j’ai cru défaillir. Invitée par le Commandant du bateau ? Mais qu’avais-je fait pour mériter un tel traitement ? Déjà mon estomac se tordait dans tous les sens. Rassurez-vous, me dit-il, nous ne serons pas seul et cette invitation est une tradition à bord d’un bateau de croisière. Je ne vous demanderai qu’une chose : Au cours de ce dîner appelez-moi ‘ sir Edward ‘.
- Mais pourquoi ?
Je vous expliquerai ça plus tard. J’ai eu une vie assez remplie et le commandant connaît bien mon existence passée. Nous avons eu l’occasion de nous rencontrer au cours d’événements lointains où nos priorités n’étaient pas les mêmes.
- Comment vais-je m’habiller ? Je n’avais absolument pas prévu de me trouver dans une situation pareille.
- Votre robe rouge, des escarpins noirs et le collier de fausses perles, que vous cachez dans le tiroir de votre salle de bain conviendront très bien pour cette soirée.
- Je suis déjà une fausse blonde, vous ne pensez pas que pour les tromperies ça fasse un peu beaucoup ?
- Pas du tout ! Vous verrez, l’ambiance sera très décontractée. Et puis, qui sait ce qui est faux et ce qui est vrai ?
- Justement ! Parlons-en. Comment se fait-il que vous sachiez tout de moi alors qu’il y a deux jours nous ne nous étions jamais rencontrés ?
- Nous dirons que cela fait partie de mes talents cachés. Je viendrai vous chercher à vingt heures.
 
Nous nous rendîmes au carré des officiers où le dîner devait être donné. J’avoue avoir été éblouie. Ce salon resplendissait de bois précieux et d’ornements en cuivre dorés. Un grand lustre de cristal inondait de rayons violets et rouges, une table de rêve, habillée du blanc le plus pur et chargée d’une vaisselle de porcelaine fine qui conjuguait le bleu de la mer avec celui de l’horizon. L’argenterie se plaisait à compléter ce tableau des mille et une nuit. Par contre le nombre de couverts pour chaque convive m’inquiétait. Saurais-je m’en servir à bon escient, sans me faire remarquer ?
Le nom de chaque invité était précisé sur un bristol blanc à chaque place et le menu du soir était déposé devant chacun d’entre nous. A sa lecture, je croyais tenir entre mes mains une poésie où le seul mot que je connaissais était topinambours. Il faut dire que mes parents en ont gardé un souvenir assez mitigé.
Les discussions allaient bon train, quand le commandant fit son entrée. Il commença par nous demander de bien vouloir excuser son retard dû à un problème de service. Ceci dit il se montra charmant et salua avec gentillesse et simplicité chacune et chacun d’entre nous. Il était assez bel homme. L’uniforme le valorisait et son teint buriné par les embruns lui donnait ce petit côté aventurier qui n’avait pas l’air de déplaire aux dames. Les messieurs présents à la table et pour la plupart célibataires se mettaient en quatre pour se faire remarquer. D’ailleurs, en face de moi un certain Eliott qui était très discret avait choisi de se présenter chapeauté d’un casque colonial. On ne pouvait pas le manquer. A côté de moi mon Cicéron s’ingéniait à m’éviter de faire des bourdes dans ce milieu, qui somme toute, était plutôt bourgeois. A côté d’Eliott, une femme, brune aux cheveux longs prénommée Julie, semblait s’intéresser à son voisin. Assez volubile, celui ci se targuait d’une nationalité suédoise en s’appelant Gino Baldino et d’un statut de retraité EDF tout en étant âgé d’une petite quarantaine d’années. Il parlait si fort que l’on allait finir par le croire. Je me demandais si Julie ne l’avait pas croisé dans la salle des pas perdus au tribunal de Nice. Son allure et son comportement auraient pu le placer dans une catégorie de souteneur et non de soutenu. En bout de table j’avais remarqué un certain Oscar, bien mis de sa personne, assez classe qui jetait des coups d’œil furtifs et calculateurs sur la gent féminine. Sa patience et son air de prédateur à l’affût me faisait douter de la motivation qu’il invoquait pour expliquer son voyage. Il prétendait se rendre à Madagascar pour acheter de la vanille. Si c’est ça, moi je suis Bernadette Soubirou.
Le repas fût un enchantement. Les senteurs aromatiques des plats présentés donnaient du relief à cette soirée. Il va de soi que les topinambours du menu n’avaient rien de commun à ceux qui faisaient l’ordinaire de mes parents quelques années auparavant. Les vins et alcools faussement légers mais vraiment traîtres ont largement contribué à une réussite sans fausse note.
 
Sir Edward m’a raccompagné, en me soutenant, à ma cabine. Parfait gentlemen, il m’a aidée à retirer mes escarpins, à la suite de quoi je me suis écroulée sur mon lit.
Demain sera un autre jour.

 

L'ESCALE

Après une nuit bercée par les émanations alcooliques de la veille, j’ai ouvert difficilement les yeux. Lentement, un par un, en prenant le temps de me rappeler où j’étais et permettre aux brumes qui obscurcissaient mon cerveau de se dissiper.
Un copieux déjeuner accompagné d’un café, noir pour la couleur et serré pour l’intensité, me remit d’aplomb. Il était temps que je me prépare car le ‘Comté de Provence‘ avait profité de notre sommeil pour faire escale à Barcelone et Polalydés ou Sir Edward s’était proposé, la veille, pour me faire découvrir tout ce qui devait être vu dans cette belle ville. A quai, les machines du bateau le faisaient ronronner comme un chat en train de faire sa sieste. C’était rassurant et ce calme m’aidait à surmonter ma culpabilité de femme honnête qui me taraudait à l’approche de ce rendez-vous.
Mon chevalier servant vint me chercher aux alentours de dix heures. Il était d’un chic éblouissant. Costume en lin, chemise blanche en soie, col ouvert sur un départ de pilosité des plus virile, barbe de trois jours comme il convient et mocassins beiges de la plus belle facture. Visage aussi buriné que celui du commandant de notre navire, il était franchement... attirant.
- Venez, me dit-il, Barcelone est à nous pour la journée. La plupart des passagers, ce soir à table, vous parleront de la Sagrada Familia, du quartier gothique ou des ramblas. Moi je vais vous faire sentir l’odeur sucrée ou salée des tapas, ou celle d’une vraie paella servie dans un de ces endroits où il faut être né pour y être admis. Nous irons ensuite faire connaissance avec le Flamenco dans une école de danse perdue au fond d’une ruelle. Dans la vieille ville je vous présenterai à des toreros qui ont défié la mort des dizaines de fois devant des centaines d’aficionados, parfois même, devant Pablo PICASSO et qui n’en ont tiré aucune gloire si ce n’est celle d’être sortis vivants de l’arène sous les vivats d’une foule déçue par le sang qu’elle n’a pas vu couler. Mais rassurez-vous, nous visiterons aussi les sites indispensables à connaître pour que vous puissiez les raconter à votre retour. Gaudi n’aura plus de secrets pour vous.
Le programme qu’il me proposait m’avait déjà épuisée avant d’avoir mis un pied à terre.
- Comment se fait-il, Edward, que vous connaissiez si bien cette ville ? Vous en parlez comme si vous l’aviez vécue de nombreuses années.
- Marjolaine, vous êtes très gentille, ne le prenez pas mal, mais si je vous ai pris sous mon aile c’est pour une bonne raison... Il est encore trop tôt pour en parler. Allons ! Ne tardons pas, une longue journée nous attend. Hier est passé. Vivons le présent. Demain sera un autre jour.
 
Que penser de lui ? Est-il, n’est-il pas ? Après tout il a raison, vivons le moment présent.
Carpe diem, quam minimum credula postero.

 

LE MESSAGE

Ce matin en ouvrant mes yeux, je découvris une feuille de papier glissée sous ma porte. Surprise et malgré tout un peu inquiète, je quittai mon lit et m’en saisit.
Une seule phrase :
Le véritable voyage de découverte ne consiste pas à découvrir de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux.
 
Pas de signature, ni de destinataire. Un texte ambigu à souhait qui peut vouloir dire ce que l’on souhaite y lire et pour lequel une réponse peut entraîner une foule de confusions où je risque de me noyer. Pourtant le fait que quelqu’un me témoigne de l’attention n’est pas pour me déplaire. Je vais écrire une réponse en essayant d’être réservée, comme il se doit à une femme dans ma condition.
 
-Cher Vous ! Je ne sais pas qui a eu la gentillesse de me faire parvenir et connaître cette belle citation. Des nouveaux yeux...Oui mais pour voir qui ? Si je devais répondre à cette question je dirai que mes yeux ont servi de relais à d’autres sentiments qui se sont ouverts à mon âme. Certains me culpabilisent, d’autres me transportent dans une forme de bonheur inconnu de moi jusqu’à ce jour. Mes yeux nouveaux ont donné vie à un entourage qui n’était pas le leur jusqu’à présent. Ils ont accepté toute une palette de couleurs ensoleillées qui contrastent bellement avec la grisaille de mon quotidien habituel. Cette nuit ils ont refusé de se fermer. Le souvenir de la visite de cette belle ville en compagnie d’un cicérone, attaché à satisfaire mes moindres désirs, revivait sans arrêt dans ma tête. Par le hublot de la cabine la Lune semblait se moquer affectueusement de moi.
 
-Qui que vous soyez, sachez que mes yeux nouveaux vous voient. D’autres yeux leur ont aussi appris des belles citations dont: Carpe diem quam minimun credula postero. Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain.
 
-Je vais plier ma lettre et la glisser ce soir sous ma porte. J’espère que le facteur du jour sera celui du lendemain... Advienne que pourra.

 

LA REUNION

Le commandant de bord ayant appris, je ne sais comment, que certains d'entre nous avaient reçu un message anonyme au texte identique, avait décidé de nous réunir dans un salon du navire pour essayer de dénouer cette intrigue. Cafés et liqueurs nous ont soulagé du sentiment de gêne que nous ressentions tous. Après quelques propos de politesse et de mise en train, le commandant en vint au fait... Mesdames et messieurs, les questions que nous devons nous poser sont : qui, pourquoi et comment ? Je vous avoue que quelques suggestions de votre part serraient les bienvenues et pourraient contribuer à résoudre ce mystère. Je vous écoute.
Un silence étourdissant répondit à sa question. Il était évident que ceux, qui comme moi, ont répondu à ce billet l'on fait en pensant à un expéditeur qui correspondait à leur souhait, sans pour autant être certains de quoi que ce soit. Les regards de chacun et de chacune allait furtivement de l'un à l'autre en se posant mutuellement des questions muettes. Les yeux demandaient mais les bouches se taisaient. Il est vrai que le poids de certaines réponses commençait à peser lourd sur les épaules. Le bel Italo/Suédois, qui comme tout bon scandinave qui se respecte se prénommait Gino, avait perdu de sa superbe. L'homme au casque colonial, baissait son regard sur ses chaussures de marche. L'autre prédateur, amateur de vanille, qui passait le plus clair de son temps à évaluer le cheptel féminin du bateau avait décidé de ne pas être là et son esprit s'était envolé ailleurs.
Je m'étais, moi même, dévoilée comme jamais je ne l'avais fait. Mes sentiments s'étaient délivrés de leur chaînes et je les avais laissés s'échapper au hasard d'une rencontre, plus ou moins aléatoire. Les dames, autour de moi, semblaient dépitées et déçues par le comportement de ces messieurs à qui certaines avaient répondu, sur un coup de dé, avec un engouement clair comme de l'eau de roche. Les contacts et les promesses à venir avaient pris du plomb dans l'aile.
Assis à côté de moi, Edward se taisait, mais ses yeux rieurs semblaient s'amuser de la situation. Je lui posais, malgré tout la question.
- Quel est votre sentiment sur cette affaire ? Qui, parmi nous aurait pu jouer à ce petit jeu ?
En se penchant vers moi, il chuchota à mon oreille :
- Ne demandez pas au facteur le secret de sa tournée. Je sais qui est qui et j'ai fait la récolte des réponses. Ne dites rien et laissez les s'embourber dans ce marécage incompréhension. Le commandant est mon complice. N'y voyez pas malice, car grâce à nous ils vont avoir des tas de choses à raconter à leur retour. La nature humaine étant ce qu'elle est, chacun d'eux y trouvera son compte et l'enjolivera de fantasmes qui embelliront leurs souvenirs qui, racontés par eux à leurs amis, deviendront inoubliables.
- Des souvenirs dites vous ? Des simples souvenirs ?
- Ne soyez pas déçue Marjolaine. Vous aurez toutes les réponses que vous attendez. Je répondrai même aux questions que vous ne me posez pas. Pour l'instant, profitez du spectacle et apprenez des autres. Et comme vous le dites si bien " Carpe diem " et...
Et oui, je sais, demain sera un autre jour.

 

RETOUR DE CROISIÈRE

La veille de notre retour le Commandant a organisé, comme il est de coutume, une soirée d’adieu animée par un jeune guitariste. Ce jeune homme, grand, brun, aux yeux de feu nous a gratifié d’une ambiance top niveau. Habillé d’un pantalon noir et d’une chemise rouge assortie à sa guitare, il ressemblait à un hidalgo fier et fougueux. Ces dames, esseulées pour la plupart, ne le quittaient pas du regard. Même Valentine, pourtant très proche de Gino, semblait subjuguée. Julie avait oublié sa chasse aux mâles et ne songeait plus au mystérieux inconnu qu’elle avait convié à boire un verre pour mieux faire connaissance. Sans aucun doute avait-elle une idée derrière la tête, mais bon … Elle est majeure et vaccinée et ça ne regarde qu’elle. Anne-Sophie, qui avait fantasmé sur le Commandant, ne s’avouait pourtant pas vaincue et continuait à distribuer des œillades sans équivoque à qui voudrait bien les attraper. Elle ressemblait à un pécheur lançant sa ligne au hasard de l’eau en surveillant le bouchon pour voir si une prise s’était accrochée à l’hameçon.
Je nageai pour ma part avec difficulté dans cet océan de désinvolture où tout semblait facile à cette communauté d’initiés. Une flaque d’eau aurait suffit pour que je me noie dans les détails d’un environnement qui n’était pas le mien. Heureusement Edward m’avait accompagnée. Sa présence à mes côtés m’avait permis de profiter de cette merveilleuse croisière sans coup férir. Je lui dois beaucoup. Sa distinction et son calme naturel en toute circonstance étaient comme un paratonnerre qui me protégeaient des orages les plus violents. Il faut dire aussi que je n’avais jamais été la cavalière d’un homme aussi élégant. Il m’a appris à danser certaines danses de salon avec la facilité du professeur auquel aucun élève ne résiste. J’étais aux anges mais en moi-même, je savais que demain la féerie prendrait fin et la médiocrité de ce que j’allais retrouver me nouait l’estomac.
Vers la fin de la soirée il m’invita à prendre l’air sur le pont. Allait-il enfin répondre à mes questions ? La nuit était calme … Comme la douce mer d’huile sur laquelle nous naviguions. La lune, complice des éléments, semblait vouloir répondre à mes angoisses mais ses paroles consolatrices n’arrivaient pas jusqu’à moi. Accoudé au bastingage, Edward me prit la main et, les yeux dans les yeux, il me dit :
- Marjolaine, il faut que vous sachiez que l’instant du moment et les circonstances de certaines situations que nous vivons ne sont pas toujours évidentes. Je me suis rapproché de vous parce que je vous connais de longue date. Ne soyez pas surprise. En ce temps là, nous avons été très près l’un de l’autre. Ne me posez pas la question qui vous vient à l’esprit, je n’y répondrais pas. Mon souhait est que, au cours de cette croisière, vous ayez pris conscience de toutes les qualités qui sont les vôtres et que vous vous plaisez à rejeter. Ne subissez plus, soyez conquérante dans tous les domaines et votre proche avenir me donnera raison. Je dois vous quitter maintenant. Demain je repartirai avec cette famille canadienne que j’accompagne depuis longtemps. Je serai près de vous autant que vous le désirerez.
Il me laissa seule sur le pont et s’évanouit dans la pénombre. Je regagnai ma cabine. Mille réponses affluaient dans ma tête répondant à des questions que je n’osais pas me poser.
Le lendemain, arrivant à bon port, je le cherchais des yeux alors que je commençais à descendre la passerelle du bateau. Ne l’apercevant pas, je portais mon regard sur le quai et je vis mon mari et mes deux fils me faire de grands signes, semblables à des ailes de moulin à vent. Et là j’entendis mon mari :
- Dépêche-toi Marjo, on va rater le début du match !
La réalité du jour venait de me sauter à la figure. J’étais redevenue Cendrillon et mon carrosse une citrouille. Mais moi j’étais devenue quelqu’un d’autre. Marjo la fausse blonde était maintenant Marjolaine la vraie brune. Ils vont voir de quel bois je me chauffe. Il est temps de mettre fin à certaines choses et il est urgent d’en commencer d’autres.
 
ÉPILOGUE
 
Une nouvelle page s’était tournée mais c’est moi qui l’écrivais. Ma famille se contentait maintenant de se rallier sans rouspéter à mes bonnes idées. Tout allait pour le mieux, mais je ne pouvais m’empêcher de repenser à un détail qui me turlupinait ...
 
En regagnant la terre ferme, lors de notre retour de croisière, j’aperçus le Canadien qui était sensé être avec Edward. Je m’étais approchée de lui en demandant des nouvelles de mon mentor que j’aurais aimé saluer une dernière fois. Se tournant vers moi, il m’avait regardé bizarrement.
- Excusez-moi, mais êtes-vous déjà venue chez nous ?
- Non ! avais-je répondu. Et je ne connais pas le Canada. Pourquoi cette question ?
- Figurez-vous, Madame, que dans notre chalet de montagne nous avons un mannequin en bois représentant un officier au long court de sa gracieuse Majesté. Nous l’avons installé dans un fauteuil près de la cheminée et notre chat adore faire sa sieste sur ses genoux. Il amuse beaucoup nos invités. La légende du coin veut qu’il s’agisse d’un marin célèbre à son époque pour avoir fait des misères à une escadre de Napoléon. Il a été anobli pour ce haut fait d’armes. Son nom est : Sir Edward James Nottinghales. C’est pour cela que nous l’avons baptisé « Sir Edward ». Curieux n’est-ce pas ? Je dois vous laisser car ma famille s’éloigne. Vous aurez une belle histoire à raconter. Bon retour !
Je n’ai rien raconté. Cette histoire appartient à Marjo, la fausse blonde, Marjolaine n’aura que des questions qui se transformeront en souvenirs difficiles à raconter. Laissons le temps au temps. Carpe diem.
 
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Rédigé par Fernand

Publié dans #Ecriture collective

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