La fin de la croisière.
Publié le 19 Décembre 2023
Cette nuit du dernier jour, Oolala voulut une ultime fois profiter de ce moment de demi-lune, pendant que dans le salon, les passagers se déhanchaient sur des airs de disco.
Chacun semblait avoir trouvé sa chacune pour profiter de cette dernière soirée mais Oolala, lui, avait rapidement quitté la piste. Il aurait préféré danser comme en Papouasie, entre hommes, les femmes n’étaient pas conviées, elles devaient faire le lit en attendant le retour des pachas.
Il était allongé sur un transat quand il aperçut Jean Vague tourner au coin du pont. Il s’avançait vers lui d’un pas désabusé, lui aussi peu intéressé par cette dernière et équivoque soirée. Oolala lui proposa de rester en sa compagnie.
Notre ami n’avait jamais eu de discussion avec Jean. Rapidement il comprit qu’il avait du mal à parler, qu’il bégayait. Tard dans la nuit, il lui raconta toute la difficulté qu’il avait de vivre en toute quiétude dans ce monde où pour réussir, on doit être bien propre sur soi, sans une seule tâche qui persiste et signe, sans les lessives jusqu’à faire bouillir.
Notre gourou cherchait un aide de camp depuis longtemps. Il s’était inscrit dans cette croisière pour trouver un ou une partenaire et l’emmener en Papouasie. Là-bas il manquait de sorciers comme il manque de docteurs à Nice. Jean avait vite accepté. Il voulait changer de cap, voir ailleurs, loin très loin d’ici, une porte s’ouvrait, là où sa propre langue n’aurait plus d’importance, là où une autre la remplacerait. Et puis surtout, Oolala avait un sœur célibataire…
Tard ou tôt, et tôt ou tard, des rires et bruits de talons envahirent l’espace tranquille et coupèrent court à la discussion. C’était Valentine avec Gino, bras dessus bras dessous tandis que Julie et Alistair se mélangeaient les caresses du bout des doigts. Sophie arriva à son tour, une potiche bedonnante dans les bras en guise d’un doux matou, tellement hésitante sur ses charmes, plus du tout certaine du croquant de son profil, ni du gonflé de ses lèvres, le sex-appeal complètement en berne, quoi.
Elle fit le tour du pont en virevoltant entre les transats sur un air de tango qui persistait au loin. Dans un hic du bateau et l’alcool aidant, elle perdit l’équilibre et se trouva nez-à-nez avec Jean et Oolala. Ils mâchouillaient un boulette de CBD. En restait une, d’un achat précipité de Jean à sa dernière escale qu’il offrit à cette pauvre Sophie.
Le jour se levait déjà. Chacun regagna sa cabine pour boucler les valises. Oolala finissait de fermer sa mallette à goupillons et de mettre sa chouette en cage quand il entendit frapper à sa porte. Julie et Jean, quelle surprise. Ils avaient fini la nuit à échanger et pris une grande décision. Jean avait convaincu Julie de partir avec lui, avec eux.
C’est alors qu’Oolala ne put que se plier à une nouvelle transe, une énorme crise de sentiments, la deuxième de la croisière.
Une confiance électrique, alliée à une profonde amitié, ruisselait sur le torse tatoué de notre sorcier. Des sillons de bienveillance creusaient son havre de complicité où petit-à-petit s’engouffra le feu de l’envie. Dans une nuée de frivolités et de transparence, les vêtements virevoltèrent. Des décolletés volcaniques s’emmêlèrent sur fond de caleçon pur coton.
Ils se donnaient le cœur sur la main, des émoustillés plein les sentiments. Les états d’âme se mélangèrent aux chaudes ondes, à corps perdu. Ils finirent par décrocher la timbale.
Epilogue :
Très amoureuse de son sorcier, Julie s’installa définitivement auprès d’Oolala. Pendant que notre ami continuait ses cours de médecine par visio, Sophie acheta une cahutte pour se mettre à son compte et ouvrir un atelier de tatouage tandis que Jean, qui maintenant parlait couramment le tok pisin, parcourait la savane avec les goupillons, maintenant tous wifi, en compagnie de sa femme Huu, pour sauver le monde.