SOIRÉE D'ADIEU
Publié le 8 Janvier 2024
Sur le « Commedia dell Arte » la soirée d’adieux venait de revêtir son habit de fête. Les interrogations terminées, jetées par-dessus bords par la joie et allégresse de l’instant, envoyées par le fond dans le Rhône.
Un dernier stop effectué à Valence a permis d’accueillir à bord, avec l’accord de Paul, capitaine et seul maître à bord, un ultime passager, le neveu de Lucie la cuisinière : Francesco.
Trente ans, l’allure élancée, le teint mat, des yeux presque noirs, lui octroyant un regard secret et ténébreux, des cheveux bruns déjà grisonnants sur les tempes. Pour s’affranchir du passage, il s’est proposé d’animer la soirée avec sa guitare couleur acajou.
Passées les présentations, un verre de vin rosé, il s’empare de son instrument et ses doigts plaquent les premiers accords d’une mélodie aux accents jazzy. Les notes s’envolent et se mettent à voltiger autours des corps alentours.
L’alcool, aidant, les cœurs, et les humeurs se libèrent, se désinhibent, et commencent à chalouper au rythme du tempo mezzo forte.
Emportée par l’ambiance légère qui venait de prendre ses quartiers dans la pièce, Melinda se mit à fredonner par bribes les paroles de du morceau qu’interprétait Francesco. Ça supposait de vouloir s’envoler vers la Lune - qu’on nous laissait jouer par-delà les étoiles - pour nous laisser voir à quoi ressemble le printemps.
Les verres insolents se remplissaient et déversaient leurs ivresses.
Les discussions s ‘enchaînent, se mélangent aux balancements en cadence des danses qui se succèdent.
Pendant tout ce temps Melinda et Francesco, sans échanger le moindre mot, avec juste des perspectives visuelles, se cherchent, se trouvent, se découvrent en silence à travers le son et le bourdonnement des cordes en nylon.
A l’aube le festival se finit, la péniche retrouva son calme et sa paix ambiante.
Au moment de se séparer les adieux se virent à coup de serrements de mains, de tapes dans le dos et chaleureuses étreintes. On s’échangea les adresses en même temps de sérieuses promesses de tous se retrouver très très vite.
Et chacun reprit sa route, son chemin, ses ambitions ses projets.
Et le Rhône, en bon géant de nature paisible, reprit le fil de son cours ancestral.
Une année passa, à la vitesse d’une page qu’on tourne.
Un après-midi de juin, tout au-dessus de sa tête des cloches retentirent. Sur le seuil de l’entrée de l’église, Melinda distinguait depuis le cœur de la nef, les visages des personnes qui patientaient de son avancée prochaine.
Un voile de tulles, aux contours brodés d’or, qu’une brise légère faisait voltiger doucement, venait tapoter de manières vaporeuses le duvet de ses joues.
Un homme en costumes bleu roi debout l’attendait tout là-bas, pour que tous deux s’unissent enfin.
Elle ne cessait de l’aimer et ce depuis qu’ elle avait quitté les rives d’un certain Rhône.
Parfois la vie est juste un écrivain mystérieux presque aventureux.