Publié le 19 Janvier 2019

L’immeuble AnimaNice s’anime !

 

Lundi sept janvier – Sept heures quarante-cinq

 

Chaque matin sur le pas de la porte, cigarette au bec, diésel sur le parking,

balai à la main, je salue, je bavarde, c’est moi le beau Lucien.

Je me régale d’entendre d’une oreille faussement distraite, toujours discrète, des

bribes de conversations, fines tranches de vie de chacun de mes locataires. Mais

attention, pas de confidences, concierge ce n’est pas dépotoir, chacun ses soucis et

les vaches seront bien gardées.

  • Comme tu veux !

  • Est-ce que je peux…

  • Comme tu veux !

Tiens, ça c’est Madame Mado qui répète les dialogues de son atelier d’écriture.

  • Bonjour Madame Mado, bien bavarde ce matin.

  • Bonjour Lucien, il faut bien que je le prépare cet Atelier !

  • Dites Madame Mado, ce Monsieur Delacroix Eugène il fait partie de votre Atelier ? Parce qu’il s’est trompé de boite. Il a mis son texte dans la mienne, tenez je vous le rends.

  • Comment ça ? J’ai reçu le même, je croyais que c’était vous qui l’aviez mise là cette citation. Il faut qu’on en reparle, tachez de vous renseigner, tout de suite je suis pressée.

Citation, citation ? Il faudra que je regarde dans le Petit Larousse de grand-mère.

  • Bonjour Monsieur Joseph, pas belle cette journée ?

  • Bonjour Madame Joseph, vous avez une bien jolie robe !

Un vieil adage que me répétait grand-mère qui fut concierge pendant quarante

ans au quatorze de la rue Rastrelli : « Au temps des étrennes, un concierge se doit

d’être très aimable, un compliment à chacun et l’argent rentre bien !»

  • Bonjour Lucien, nous avons un nouveau voisin, un Monsieur Delacroix ?

  • Pas à ma connaissance.

  • Alors qui est le farceur qui a mis cette absconnerie dans ma boite aux lettres. Vous êtes peintre, vous, Lucien ?

  • Pardi, c’est même moi qui aie repeint le couloir du second, l‘appartement de la Mère Michelle, je peux repeindre le vôtre si vous voulez.

  • Non merci, je voulais dire artiste peintre.

  • Artiste… Comme un artiste, moi ? Non pas du tout du tout. Mais si vous voulez parler du petit papier je l’ai reçu aussi, il cause bien, je n’ai rien compris.

  • Il ne demande pas d’argent, ce n’est pas une publicité.

  • Delacroix, Delacroix Eugène, cela ne me dit rien. En tous cas ce n’est pas un niçois, peut-être un homme politique pour les prochaines municipales. Beaucoup de nouveaux maintenant qui parlent le parisien, qui marchent avant, marchent arrière, un jour ils vont nous marcher dessus, allez savoir ! Mais je vais me renseigner, en attendant j’ai la cage d’escalier à nettoyer.

Je tire sur mon clope dubitatif, il fait beau, j’ai tout le temps. C’est quoi cette

embrouille ?

  • Bonjour Mademoiselle Eve, vous n’êtes guère en avance ce matin !

  • Bonjour Lucien, figurez-vous que j’ai trouvé un papier dans ma boite aux lettres qui me laisse baba perplexe.

  • Il semblerait que chacun a eu le sien. Mais, je pense, la nouvelle coiffeuse avenue Antonia Augusta, elle ne s’appelle pas Delacroix ?

  • Ella Bannière !

  • Je ne plaisante pas.

  • Son nom est Bannière et son prénom Ella. Déjà qu’elle coupe les cheveux comme une tondeuse à gazon, alors écrire un texte en français emberlificoté. Non Lucien ce ne peut pas être elle et ce n’est pas moi non plus même si j’ai réussi mon CAP esthétique.

  • Bien sûr, bien sûr. Belle journée Mademoiselle Eve.

Quelle gourde, quand je pense qu’elle est en pamoison devant ce gisclet du

troisième et que moi elle ne m’imagine même pas. C’est sûr, je ne peinturlure pas,

moi, je travaille. Tant pis, Eugène… Il faut que je réfléchisse. Réfléchir calmement,

en même temps je ne suis pas payé pour ça moi. Quand je pense qu’un malandrin a

violé mon intimité, enfin l’intimité de mon entrée. Il est passé par devant ou par

derrière ? Par devant ? Impossible, il faut avoir le code ou la clef et je ne passe pas

ma vie dans l’escalier quoiqu’ils en pensent tous. Par derrière ? Cadenassé depuis

toujours. Et pourquoi il me parle de reflets dans sa citation, elles ne sont pas propres mes marches ? Et mes vitres, elles ne sont pas transparentes ? Si je le trouve je lui mets deux gifles moi à Eugène.

Calme toi Lucien, en rentrant je lirai Larousse, citation, Delacroix, mais d’abord l’escalier.

Après la sieste. Le Petit Larousse. Voyons cela, « à : prep. Abracadabra », Eugène

ce doit être dans les E « Echantillon, Egrène» y a pas de Eugène. Les noms propres

évidemment, Eugène évêque de Carthage, sûr pas lui il ne parlait pas français.

Suis-je bête Eugène c’est son prénom, voilà, Eugène Delacroix : « Peintre français –

Saint-Maurice, Val-de-Marne, 1798 -Paris 1863. Le dernier des Renaissants, le

premier des Modernes »

Maintenant, il me faut trouver lequel de mes locataires a une tête de dernier des

Renaissants et de premier des modernes, facile !

 

Lundi quatorze janvier – Dix-huit heures

 

Il va être temps de sortir les poubelles, où est mon écriteau « Le concierge est dans l’escalier » je vais en profiter pour aller faire mon loto chez Faustin et si Mathilde est

revenue, je risque d’y passer la soirée dans l’escalier. De toutes manières tous

ces locataires, ils râlent tout le temps, alors autant que ce soit justifié.

C’est quoi ce martèlement, encore monsieur Marc, l’OGC Nice a dû marquer un but, c’est si rare que ça le tourneboule, il en trépigne.

Les poubelles d‘abord, après ce tableau. Qui a bien pu accrocher cette croute dans le hall, cette fois j’en suis sûr, personne n’est entrée, un locataire forcément. Renaissant et moderne ?

  • Monsieur Pierre, vous êtes là, vous nous avez fait une blague ? Il est joli votre tableau, il me fait penser au test de Rorschach que j’ai passé à l’armée.

  • Lucien je ne peints que des nues que je vends très bien. Tu vois une femme, à poil sur cette toile ?

  • Suggérée peut-être ?

  • Mes femmes, Lucien, elles ne sont jamais suggérées, elles suggèrent, toujours.

  • Alors ce n’est pas vous ?

  • Moi quoi ?

  • Qui a fixé ce tableau.

  • Et qui a écrit à la main treize fois la même citation, un maniaque qui manque d’imagination. Treize fois, la même, un calu !

  • Probable, après les poubelles je le décroche. Mathilde va repartir, foutu tableau !

  • Laisse-le, Lucien, laisse-le, l’auteur va venir le signer.

  • Vous croyez ?

  • L’ego Lucien, l’ego !

 

 

Lundi vingt et un janvier – Après midi

 

Putain de poubelles, t’imagines pas tout ce qu’ils jettent, et le tri, tout le monde s’en

moque. Jérôme et Lucie ont encore mangé des sardines, pas très fraîches, ça pue. Il doit avoir des origines portugaises le carreleur. Après quoi, je traverse l’avenue pour me rendre à la brasserie des Poètes

  • Salut Faustin, mon loto, alors Mathilde est revenue ?

  • Bonsoir Lucien. Pouh tu sens le poisson. Non Mathilde n’est pas là ! Et votre affaire mystérieuse tu t’es renseigné, tu sais qui c’est ? Qui sait ?

  • Mets-moi un jaunet. Non je ne sais pas qui c’est, mais j’ai un plan pour savoir qui sait quoi.

  • Toi, un plan ?

  • Attends, j’ai l’air bête, mais je ne suis pas con et j’ai échafaudé mon plan moi ! Et toi Faustin, tu as une idée pour savoir qui c’est qui ou qui sait quoi ?

  • J’y réfléchis, les gens causent, mais tu pourrais m’en dire un peu plus.

  • L’ego, Faustin, l’ego. Nous sommes tous inégaux face à l’ego. Or pour faire des conneries pareilles en étant sûr de ne pas se faire attraper, le gari doit posséder un ego énorme, le melon quoi !

  • Et alors ?

  • Alors un crime parfait, sans le moindre témoin, sans le moindre confident, sans aucun admirateur, cela vous met l’ego en berne. Donc l’assassin a dû partager son secret et si c’est avec une femme, le pôvre, elle va bavasser.

  • Oh, oh, assassin comme tu y vas, il n’y a pas encore eu mort d’homme. Mais soit, avec qui il l’a partagé ce secret, tu le sais qui c’est ?

  • Pas encore, mais… mon plan, Faustin, mon plan.

 

  • Mathilde puisque te vlà, viens avec moi.

L’idée est de l’entrainer à « La maison de la copie » avenue Valombrose pour quelle tape mes missives sous Word.

  • Nous n’allons pas au cinéma ?

  • Plus tard, d’abord ma lettre pour les quatre femmes.

« Nice le vingt et un janvier deux mille dix-neuf

Chère – un des quatre prénoms –

Perçois-tu ces immenses ondes que mon cœur émet pour que ton cœur vers le mien se tourne. Lentement mes neurones se balance au rythme de la samba qu’entame

ton corps quand je te prends dans mes bras. Mes yeux pleurent à revoir en boucle la

beauté de ton corps alangui sur les draps froissés. Mes lèvres ourlent tes lèvres d’un

interminable baisé brulant, mon nez coule, mais ça c’est le rhume.

Et tu m’as trahi, pétasse, catin, tu n’as pas su garder le secret confié sur l’oreiller, le

récit de mes exploits, mon grand œuvre, ma fierté.

Par amour sauve-moi, explique à Lucien, avant qu’il n’en parle alentour, que ce ne

peut être moi car nous étions ensemble à l’hôtel de Lampedusa.

Et fait fissa ! »

 

  • Et maintenant celle pour les huit hommes.

« Nice le vingt et un janvier deux mille dix-neuf

Mon cher – un des huit prénoms –

Ton amitié m’honore et nos conversations me passionnent. Il faudra que nous

reprenions, car si Dieu est athée rien n’empêche plus les athées de croire en Dieu.

J’ai récupéré chez Marcel, il t’envoie son bonjour, le moulinet Caperlan, j’irai, cet après-midi acheter le fil et les hameçons.

Et toi, enfoiré, pauvre con, tu n’as pas su garder le secret confié au bout de la nuit alcoolisée, le récit de mes exploits, mon grand œuvre, ma fierté.

Tu vas voir ta gueule si tu ne coures pas immédiatement chez Lucien, lui expliquer, avant qu’il n’en parle alentour, que ce ne peut être moi car nous étions à la pêche à Lampedusa.

Et fait fissa ! »

 

Tape, Mathilde, tape, ne te trompe pas, la liste des femmes, la liste des hommes, même prénom sur la lettre que sur l’enveloppe. Ce soir elles seront dans les boites, demain je tire le pigeon !

 

Lundi vingt-huit janvier – Fin d’après-midi

 

A la brasserie des Poètes.

  • Aio ! Faustin, quelle semaine.

  • Tu sais qui c’est qui sait qui c’est ?

  • Sers-moi un jaunet, j’ai un peu de temps, je suis « dans l’escalier ».

  • Tu y passe ta vie dans l’escalier. Ils ne trouvent pas cela un peu louche tes locataires ?

  • Tu as raison, il faut que j’achète d’autres panneaux : Le concierge sort vos poubelles, arrose vos plantes, est sorti acheter vos produits d’entretien, change votre ampoule, débouche votre conduit de vide-ordures et pourquoi pas le concierge est aux toilettes.

  • La dernière est peut-être excessive, non ?

  • On a beau être concierge, on n’en est pas moins homme !

  • Pas faux.

  • A propos, Mathilde est revenue ?

  • Et repartie !

  • Repartie, déjà ?

  • La rouée, vers l’Ouest.

  • Rouée ?

  • Figure-toi qu’en partant elle me dit qu’elle va faire les soldes à Cap 3000, me demande si j’ai besoin de quelque chose et à l’instant me téléphone de Marseille.

  • Eh bé demande lui de te ramener un mistral, gagnant !

Le mistral c’est du vent et Mathilde ? Tristounet, je finis mon pastis.

  • Alors tu me racontes.

  • Un, tu rhabilles le petit, deux quelle histoire… Le mardi sept heures sonnées, comme d’habitude, je me tiens sur le pas de la porte, cigarette aux lèvres, balai à la main, pour saluer, bavarder mais ce matin écouter, observer, découvrir le coupable. Le premier que je vois débouler est Monsieur Louis.

  • Le condé ?

  • A la retraite.

  • Flic un jour, flic toujours !

  • Tu me laisse raconter oui ?

Et je lui raconte.

Très colère, Monsieur Louis m’entreprend :

  • Lucien j’ai reçu une lettre incroyable, un homme, un homme je vous dis, m’appelle Eve, m’écrit des cochonneries, que je dois vous confirmer avoir été avec lui à Lampedusa, à l’hôtel. Mais oh, je ne suis pas de la jaquette moi !

Je lui souris gentiment quand j’ai envie de rire aux éclats. Mathilde, Mathilde qu’elle erreur as-tu fais là !

  • Parce que vous êtes célibataire Monsieur Louis, bel homme, revenus réguliers, vous faites peut-être rêver un locataire. Ne vous tracassez pas.

  • Comment ne pas me tracasser ? Cette citation, je me suis renseigné auprès d’un collègue encore en activité, Delacroix Eugène il n’est pas inscrit au sommier.

  • Normal, il est mort en 1863.

Monsieur Louis se gratte la tête.

  • Vous le connaissiez ?

  • Moi, non, la grand-mère de grand-mère peut-être

  • Le tableau, vous l’avez passé au compteur Geiger ?

  • Pourquoi le faire ?

  • Tant, si il faut, il est irradié, nous allons tous mourir, c’est un attentat !

  • N’hystérisez pas, Monsieur Louis, ce n’est probablement qu’une plaisanterie. Et vous, qu’en pensez-vous de ce tableau ?

  • Il n’est pas laid, il ne ressemble à rien.

  • Voilà pourquoi il plait à tout le monde. A propos tous les locataires vont se réunir dans le hall lundi quatre février à dix-sept heures pour décider de son sort.

  • Oui ? En tous les cas je ne suis pas de la jaquette moi, faites-le savoir, Lucien, faites-le.

Monsieur Louis traverse en courant le Pont René Coty vers l’arrêt du tram, je rallume ma clope quand je vois apparaître Mademoiselle Maëlis, maquillée comme une voiture volée, tirée à quatre épingles, coiffée d’un chapeau de paille à larges bords piqué de fleurs en fin de vie, les invendues de la veille certainement. Et parfumée d’une odeur pourpre collante, je me recule de peur que l’incandescence de ma cigarette ne fasse exploser le tout.

  • Lucien, il faut que je vous parle.

Sait-elle ? je me pense.

  • Vous savez que je suis votre humble serviteur.

  • Lucien, j’ai reçu une lettre anonyme, un début très chaud, j’ai cru qu’elle m’était adressée par Joseph, une fin insensée, des insultes, un discours auquel je ne comprends rien. Lampedusa, je n’ai jamais mis les pieds en Espagne.

Ce n’est pas elle !

  • Une erreur surement. Pour autant soyez prudente avec Monsieur Joseph, si sa femme vous surprend…

  • Tranquillisez-vous Lucien, quand j’étais avec Monsieur Marc personne n’en a rien su.

  • Monsieur Marc ?

  • Seul Jérôme s’en est douté, j’utilise toujours les mêmes ruses, fofolle que je suis.

  • Monsieur Jérôme ?

  • Un grand Monsieur, il s’est tu, vous imaginez le scandale si Olivier l’avait appris, jaloux comme il est !

  • Monsieur Olivier ?

  • Sans compter Pierre pour qui je pose nue dans le secret de son alcôve.

  • Et moi, et moi, et moi ?

  • Vous Lucien vous êtes le concierge, peut-être, je ne sais pas, apprenez un vrai métier, je ne suis pas une Marie couche toi là... Quand même !

Suffoqué, je restais là, coi.

Faustin fredonna :

  • Pauvre Lucien, pauvre misère. Lave les sols, lave les bien. Tiens, reprends un pastis.

 

Plus tard, les jours suivants, ils ont tous défilé, les messieurs, les dames, les demoiselles prout prout, chacun relatant sa version de ses relations avec ses voisins, voisines. Aucun coupable, mais in fine je n’étais plus le concierge d’un respectable immeuble mais gardien d’un lupanar. Systématiquement j’annonçais la réunion dans le hall, un grand débat, un cahier de doléances qui serait remis au syndic. J’ai tout entendu, supercherie, inutile, voleur. J’expliquais, le syndic lira… ou pas, décidera, augmentera probablement les charges mais toujours avec équité, dans l’intérêt général, pour aider les plus pauvres d’entre nous, moi en l’occurrence, pour toujours améliorer votre santé, votre sécurité, sauver la planète et accessoirement décider du sort à réserver au tableau. Tous acquiescèrent.

 

Lundi quatre février – Dix-sept heures trente.

 

Des nuages gris sale dévalent le Paillon en rangs serrés. Pas un locataire ne manque à l’appel, et ça blablate et ça s’observe, lequel est coupable ? Le tableau disparu, des nouvelles citations apparues, les revendications monopolisent les discussions. Un cahier de doléances circule. Monsieur Pierre y croque une jolie silhouette. J’écoute le brouhaha, observe le ballet des regards concupiscents qui s’entrecroisent. Aïe, aïe, aïe, je prie secrètement pour que les vicissitudes de ce raout ne mettent pas à jour les turpitudes de cette conviviale assemblée qui deviendrait vite une sacrée foire d’empoigne.

 

Ce n’est pas tout ça, écoresponsable j’ai les poubelles à sortir, je les quitte pour me rendre à la cave. J’appuis sur le bouton de la minuterie, lumière, plus de lumière. Noir sombre, opaque, je tâtonne, entends un froufroutement.

  • Il y a quelqu’un ?

Non, non je n’ai pas peur mais bien éclairé même un local poubelles peut être coquet.

  • Lucien surtout ne rallumez pas !

Une voix de femme, jeune, me voilà rassuré, ne suis-je pas un male bien testostéroné.

  • Pourquoi ?

  • Je dois vous confesser un lourd secret.

  • Dans l’obscurité ?

  • Plus facile d’avouer ses fautes.

  • Attendez, ne dites rien, vous vous trompez. Ici vous êtes dans la cave, pas dans un confessionnal et je suis le gardien, pas le curé. L’église vous la trouverez plus haut à droite sur le trottoir d’en face D’accord ? Au revoir Madame. Lumière !

  • Non… Avant que vous ne le fassiez, deux mots : citation, tableau.

  • Vous m’intéressez. Je suis tout ouïe.

  • C’est moi, Eugène, qui a écrit et réécrit treize fois cette citation, elle me tenait tant à cœur que je voulais la faire partager par tous ces artistes.

Oui, oui, une jeune fille qui s’appelle Eugène, et moi Lucien qui converse avec le fantôme de Delacroix. Pourquoi pas ! « On sait bien que les contes de fées c’est la seule vérité de la vie » disait Antoine de Saint-Exupéry.

J’appuie sur la minuterie, infime froissement, léger voile blanc aperçut, le revenant est reparti. Il flotte dans l’air une fine senteur pimenté peut compatible avec le lieu. Je souris, j’ai compris, je sais qui sait qui c’est.

 

Dans ma loge je choisi un nouvel écriteau, « Le gardien partage » Partage c’est généreux, comprenne qui pourra, et je fonce à la brasserie des Poètes.

  • Aio ! Faustin, comment tu te portes ?

  • Vé Lucien, tu as l’air bien guilleret ! Un pastis ?

  • Bien tassé.

  • Tu me le lâche ce nom ?

  • Je sais qui c’est qui sait qui c’est.

  • Hé je le sais que tu sais qui c’est qui sait qui c’est. Je n’ai jamais douté.

 

Mathilde est revenue, Faustin l’attrape par l’épaule et lui parle dans le creux de l’oreille.

  • Ecoute ton frère Mathilde, il y a vingt-neuf ans que tu chantes, danses, tournes, vires, tapes de claquettes, caquettes, peut-être, il temps que tu le regardes.

  • Regardez quoi ?

  • Le temps qui passe, mais je me pensais plutôt à qui.

  • Quoi qui ?

  • Le Lucien, c’est vrai qu’il a l’air un peu jobard mais c’est un mariol.

  • Lucien, Lucien, pourquoi pas.

  • Tu sais petite sœur, « je donne mon avis non comme bon, mais comme mien. » disait Michel Montaigne.

 

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Rédigé par Hervé

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 17 Janvier 2019

Ce matin rien ne va ..

Un concert de tambours au niveau des tempes, l'estomac qui frémit et les jambes en coton. Ça commence bien. Vite un café. ​ Ouvrir ​ ​ la fenêtre.

Les petits cubes s'agitent dans la rue. Le manège agité d'une routine trépidante.

Cligner des yeux jusqu'à voir net. Et ranger la vodka.

La radio distille le chaos sur une musique insipide. Trois jours enfermé sans sortir, ça fait un bail ​ ..

L'orteil en quête des Rangers, bute sur la table basse, atteint enfin son but. Il est prêt.

 

Un étage plus bas, son bras se lève machinalement vers la boîte à lettres.

Des prospectus, une facture, une carte de vœux qui s'est trompée de destinataire, et un papier libre avec une citation à l'encre verte.

Qui parle ​ reflet et transparence ​ .. Étrange..

Pierre vient de lire la biographie de ​ Egon Schiele ​ , dont le graphisme acéré le fascine. Les corps anguleux, décharnés, cassés. Des yeux qui vous fixent comme un appel à l'aide.

La vie mise à nu, comme un reflet de l'âme. Transparence du regard qui dérange tant elle questionne.

Citation en main, Pierre rêvasse.

Quel hasard perfide est donc venu rencontrer le méandre de mes pensées ?... et la panne d'inspiration du moment. Ses longs doigts fins agrippent le papier en tremblant légèrement, comme un nageur s'accrochant à une bouée.

Tout est signe. Il veut y croire.

 

Il a gardé de ses racines belges une propension au clair-obscur.. et à la peinture au couteau.

Pour l'heure, un bol d'air fera l'affaire.

Dans le hall, ses yeux se fixent sur une affiche qui lui semble étrange et familière à la fois. Des traits sombres qui s'élancent vers le ciel, dans une brume bleutée aux reflets incendiaires.

L'incendie.. la forêt. ​ Une brume nauséeuse.

Mais .. un lien avec la citation ? Qui veut s'amuser à triturer les nerfs des locataires du Pont ?

C'est ainsi qu'il a baptisé l'édifice austère, qui semble une nef échouée près du grand hôpital..

 

Plutôt taiseux, Pierre aime à laisser jouer son imaginaire. La veille il a croisé un nouveau voisin, Stéphane, devisant cordialement avec le gardien des lieux, Lucien, sur ses nouveaux sujets d'études à l'école desBeaux-Arts, les Fauves, les Pointillistes, Pollock.. et le Street Art contemporain. Quant à Lucien, ses yeux fixes ne permettaient pas de savoir s'il était sous le charme, ou complètement ailleurs..

 

Après un temps d'arrêt dédié à la confection d'une cigarette, les oreilles négligemment ouvertes, Pierre se décide à pousser la porte pour affronter le vacarme ambiant. Un bruit incessant, des flashs rouges et jaunes filant dans la nuit naissante. Un sapin clignotant comme pour mieux affirmer une anachronique solitude.

Les mots toujours en tête, Pierre se fige. La cigarette se consume négligemment entre ses mains, et sa pensée s'égare au fil de la brume et des récents événements.

Ces arbres nus, austères, ces tons pastels, transparents, bleus et ocres..

Il pense à Zao Wou-Ki, dont le style épuré l' enchante. L'incendie qui couve.. Vague à l'âme d'un tourment incessant qui l'emmène vers l'abstraction lyrique, Hartung.. Valse du trait et des formes. Il s'en inspire pour son travail actuel, un roman graphique aux couleurs aquarellées, au texte dense, à l'écriture baroque. Une œuvre engagée, écolo, un message inquiet aux générations futures.

 

Sa pensée retrouve Delacroix.. la liberté et le peuple, la révolution, la peinture d'instinct et.. la carence technique, qui nourrira le travail des futurs restaurateurs.

Le tableau dans le hall ne lui semble pas l'œuvre d'un professionnel.

Dans le bâtiment où il végète actuellement, beaucoup se prennent peu ou prou pour des artistes.. y compris la jeune donzelle au doux prénom d'Eve, vivante incarnation de la prime pécheresse, femme-enfant rêveuse et passionnée.. A force de la croiser, virevoltant dans l'escalier, il a fini par l'aborder, lui parler un peu..

Ses lèvres se fendent d'un sourire à cette évocation. Il la soupçonnerait volontiers d'offrir, ou plutôt de jeter son Ego sur les murs du Pont, comme il nomme la bâtisse.

 

Ève au pinceau. L'image se précise et l’amuse. S'il la questionnait à ce sujet, pour en avoir le cœur net ? Une opportunité de mieux la cerner..

 

Chère Ève,

 

Je me permets de te faire part d'un doute au sujet du tableau apparu dans le hall.

Tu m'as parlé récemment de la peinture Nail Art que tu accumules chez toi pour des tests professionnels.. Et ta découverte de la peinture chinoise, Zao Wou-Ki en particulier, qui t'a émue par sa pureté harmonieuse.. et son parcours de migrant, toi qui viens de Pologne..

Je sais que comme lui, tu adores la musique électro, spatiale..

Car j'ai souvent l'occasion d'entendre la danse frénétique de tes stiletto sur le plancher.. moi qui habite juste en dessous !

Je te soupçonne donc d'être à l'origine de cette nouvelle déco affichée dans le hall.. Un recyclage original et personnel de ton acrylique Nail Art, au son des Daft Punk.. ton groupe fétiche actuel, je crois ?

Dis-moi si mon intuition est bonne, ou si je me trompe.

Et si tu le veux bien, je peux te proposer d'autres compositeurs intéressants, comme Boulez ou Messiaen, qui composait en écoutant des chants d'oiseaux.

Il me reste aussi des encres de couleur et des pastels secs.. si tu veux te lancer !

 

Bien à toi..

 

Pierre

 

Attendons la suite...

Au final, plutôt sympas ces voisins.. et l'histoire du tableau permet de mieux les cerner.

Judith semble me convier à un jeu de piste pour trouver l'auteur des canulars.. ou bien c'est un prétexte pour me parler, voire plus si affinités..

Louis s'est monté la tête à inventer un trio de farceurs, sûrement une occasion pour boire un bon coup chez lui. Tout est bon pour picoler. Stéphane n'a pas voulu se mouiller, je le vois bien, il se contente de questionner mollement l'ensemble des locataires.. ça prouve qu'il a du temps à perdre, sûr, et qu'il ne connait personne ici. Une prose insipide sous couvert d'enquête, il baisse dans mon estime..

Le seul original est celui ou celle qui n'a pas signé. Sûrement un copain de bistrot, mais j'hésite à mettre un nom. Un pêcheur devant l'éternel, ça manquait au tableau, si on peut dire..

Bon, revenons à Ève, ma suspecte préférée.. bien sûr elle se dégage de toute responsabilité dans sa dernière lettre :

 

Mon cher Pierre,

De mon côté je suis bien dubitative..

(​ tiens, elle connaît ce mot ?)

J'ai donc écrit à tous, même si je soupçonne surtout Stéphane, qui se permet de draguer Nathalie dans les escaliers. C'est le signe d'un esprit dérangé, non ?

 

C'est plutôt elle qui est bien allumée.. surtout qu'elle se contredit au cœur de la lettre, critiquant Stéphane d'un manque de cran, il serait bien trop ”coulé dans le moule” pour oser quoi que ce soit.. Elle aurait même surpris un “dialogue curieux” entre Joseph et Judith.. quel imbroglio pathétique !

À croire qu'elle est surtout frustrée de ne pas crouler sous les compliments au sujet de ses tenues affriolantes, ou de ses ongles girly..

Quelle ravissante idiote !

Un passage croustillant : ” Joseph pourrait avoir voulu écouler son stock pour épater la galerie..”

Un peintre en bâtiment qui se pique de faire l'artiste ? Pourquoi pas, dans le fond..

Elle a quand même le culot de m'inviter dans le hall lundi prochain..

A voir.. Et si j'en invitais d'autres ?

 

Nous voilà dans le hall. On dirait qu'ils sont tous là, les voisins.

Et le tableau.. envolé !

Encore deux citations, sur le mur cette fois.. La première vient du Petit Prince de l'Aéropostale, encore une blague de farceur.. et l'autre de Montaigne.

À croire que c'est un jeu de piste pour ouvrir l'esprit. Finalement, je doute que ça vienne de l'esthéticienne. Trop subtil pour elle..

Stéphane a l'air déçu.. pas lui non plus ?

Une voix dans le hall :

Alors..tu as repris ton œuvre?”

Je ne vois pas d'où ça vient..mais je ne suis pas le seul à l'avoir entendue.

Le petit peuple du Pont s'est figé, chacun scrute son voisin, en quête d'une révélation.

L'envers des contes de fées.. ça te dit quelque chose ?”

Cette fois les têtes s'agitent, remuent l'espace, se tournent vers le ciel..

Un joyeux micmac.

Ça commence à me plaire.

Eve lui touche l'épaule, portable en main.

On pourrait peut-être trouver un endroit plus calme pour parler, non ?”

Pierre cligne des yeux. L'air lui semble soudain irrespirable. La pièce distille une légère fumée bleutée, une odeur de jasmin..

Mais.. je suis le seul à sentir ça ? Qu'est-ce que c'est que cette affaire ?

Ah, si, je vois Marc, le crétin supporter, qui lève un regard ahuri vers le plafond..

Judith tord son nez, intriguée.. et tend un livre à Jérôme, le carreleur.

Tiens.. il saurait lire, lui ? Bon, mais qui s'amuse à nous gazer ? Louis le retraité est un original, mais je ne le crois pas si rusé..

Nathalie s'approche, lui tend un papier en susurrant “tu as vu ma dernière pub pour Orange ? Tu t'y connais en logiciel 3D ?”

Quelle frimeuse celle-là.. je vais aller m'en rouler une, respirer un peu, lâcher ces idiots.. moi mon kiff, c'est les jeux vidéos, ceux où on pilote des 4×4 à fond au milieu du désert. Le désert, mon paradis, mon conte de fées.. même si ça manque un peu de princesses. Au moins, personne pour me contredire.

Olivier là-bas a l'air de planer. Normal pour un steward peut-être.. ou alors c'est un gaz hilarant !

 

Meilleur que la chicha, non?”

Cette fois.. il me semble que ça vient du haut-parleur..

Le Brouhaha s'amplifie, les sourires se baladent, la parole se libère.. le gaz fait son effet !

J'ai comme un doute..

Pierre se faufile dans la salle du fond. Lucien est là, hilare, la tête près d'un micro.

Il s'est bien joué de nous.. quel filou celui-là ! Au moins un qui sait mettre l'ambiance.

Lucien aperçoit Pierre, glisse un doigt devant sa bouche.

Chut..allez viens.. qu'est-ce que tu veux leur dire ? Un micro comme la voix du Seigneur, qui décide de tout.. lâche-toi,ça fait du bien. Et pour l'odeur, tu veux quoi ? Patchouli ? Herbes de Provence ? Poulet grillé ? Tu veux un verre de whisky ? J'ai déjà bien entamé la fiole.. plus on est de fous plus on rit.. allez viens ! Il faut s'amuser dans la vie.. se creuser la tête, et balayer devant les portes.. Vivre quoi !

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Rédigé par Nadine

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 15 Janvier 2019

Je suis dans cet immeuble apparemment cossu, depuis 4 mois et je m'y plaît déjà, le quartier est commerçant et jeune. J'ai défini ma personne par mon nom sur ma porte et ma boite aux lettres.

Je m'appelle JUDITH, suis écrivaine débutante, mais déjà mes étagères se remplissent de bouquins qui reflètent ma passion naissante ( J.P. SARTRE disait, rien ne me parut plus important qu'un livre ! ). Je peins également, la situation sud ouest de mon logis m'est agréable et inspirante. J'aime le lever du soleil avec les bruits sourds de la rue et le calme de la nuit agrémentée d'une douce musique.

Ce lundi matin 7 janvier, en ouvrant ma boite aux lettres, j'ai trouvé un mot, bon voyons :

Une citation du peintre DELACROIX ! Qui a bien pu m y mettre ce billet !

Pour ma part, j'en fais référence à la peinture évidement, mais dans ce texte il y a double sens, contradiction, comme une affirmation et son doute. En fait la chair n'est qu'une insipide couleur que l'on peut par de subtiles reflets, rendre vivante. Dans un autre contexte la volonté de dire les choses sans trop dévoiler un secret, tout en étant sincère et non cruelle. L'atmosphère de cet immeuble commence à me plaire, mes voisins seraient-ils artistes ou philosophes !!

 

Lundi, je pars de bonne heure, ma grand mère m'attend pour lui servir son petit déjeuner. D'habitude, je ne fais attention à rien, mais je fais tomber mes clefs ; en relevant la tête, je me retrouve face à un tableau au mur, à côté de la porte d'entrée, pas de signature !!!   Bon je verrai ce soir.

Angèle me trouve pensive, puis une fois rassasiée, me prend les mains, me demande d'ouvrir un tiroir :

- Je peignais des "Camées" dans ma jeunesse, j'aimerais que tu prennes les trois qui me restent.

Je pensais au locataire du 3eme qui avait laissé tomber sa sacoche en laissant sortir quelques esquisses.

Eve, ma voisine, en prenant l'ascenseur l'autre jour, m'a confié être esthéticienne, c'est bon à savoir !!!

En rentrant le soir, je trouve mon voisin du fond du couloir, le beau steward Olivier en grande discussion avec Nathalie et Stéphane au sujet du mot déposé dans nos boites aux lettres ; moi aussi dis-je !!!

Devant ce tableau, nos idées divergent, on dirait une œuvre inachevée, ce n'est certainement pas un DELACROIX mais un locataire s'amuse avec nous !!!!!

Peut-être assistons-nous à un avant-goût d'une expo abstraite, ou surréaliste, d'un de nos voisins. Essayons de nous mettre à la place de ce peintre :  On est en hiver, des arbres morts qui s'enfoncent dans la neige, un pâle soleil de fin de journée, un corbeau s'envolant, peut être un animal cherchant un peu d'herbe ou de lichen.

La citation de la semaine dernière n'était pas plus explicite que ce tableau.

Un esprit torturé... faut-il trouver dans ce paysage de subtiles reflets le rendant vivant ?

Le gardien de l'immeuble, Lucien, doit savoir, mais un petit écriteau sur sa porte nous informe une indisponibilité jusqu'à mercredi matin !!

Attendons !!!! 

Bonjour, je me permets de glisser ce petit mot à mes voisins.

La semaine dernière en sortant, j'ai été agréablement surprise de voir un tableau accroché dans le hall.

Ce dernier n'est pas signé ni sur la face, ni au dos comme certains.

Je le trouve intéressant, plein de sensibilité et de charme.

Je pense ne pas être la seule curieuse, moi même peintre, cela me ferait plaisir de faire la connaissance d'amateur d'art ou simplement de personnalités aimant la beauté, toute profession confondue.

Il y a deux semaines, je pense que tout le monde a reçu dans sa boîte aux lettres un mot pour le moins dépourvu de simplicité, tiré d'une nouvelle du peintre Delacroix.

Est ce la même personne l'auteure de ces deux énigmes.

J'espère qu'à nous tous nous arriverons à élucider ces mystères à moins que nous ayons une autre surprise......

Je suis Judith au 2eme étage, porte 4.

J'attends des nouvelles avec plaisir et impatience.

Bien à vous.

Judith

 

Je ne m'attendais pas à recevoir aussitôt une réponse de mes voisins!

Apparemment, l'artiste peintre du 3eme, Stéphane, n'est pas l'auteur de ce tableau, il aurait pu !!

Je n'avais pas d'idée préconçue, mais cela me faisait plaisir de monter discuter avec cette personne qui a comme moi envoyé un message agréable et interrogatif à tous nos voisins. Cette énigme me trotte dans la tête, je pense que c'est le but recherché par l'auteur de ce chef-d'œuvre !!!

Patience, la vie ne tourne pas autour du tableau, de l'immeuble et des voisins.

Mon atelier d'écriture et la préparation de mon exposition me prennent du temps.

Soudain, on frappe à la porte, mes lunettes sur le nez, un stylo à la main, j'ouvre et vois Eve en tenue légère et Olivier, les voisins de mon étage, énervés par le courrier qu'ils ont reçu.

-  Un de Stéphane et un de vous, crient-ils en chœur !

-  Effectivement, je n'osais pas vous déranger les uns et les autres, alors j'ai glissé un mot évasif à tout le monde.

-  On pourrait se tutoyer, me propose Eve avec un  grand sourire !

-  On pourrait, renchérit Olivier, venez prendre un café chez moi, ou bien une bonne Guiness que je rapporte de Dublin.

Dommage que Lucien, le concierge soit absent, j'avais pensé mettre un mot sur le mur de l'entrée pour inviter tous les locataires lundi prochain à 17 h pour discuter de Notre problème. Que cette histoire se termine !!!

-  On va faire passer le mot, dit Eve sautillant de plaisir. Mais en parlant de Lucien, as-tu reçu ce mot vulgaire et insultant ? Qui, si ce n'est lui même ,aurait rédigé ce torchon!

-  C'est un beau garçon, l'autre jour en attendant l'ascenseur, je l'ai vu glisser un mot à l'oreille de Maïlys, du 1er étage, elle a rougi puis a dévalé l'escalier en riant . 

 

On frappe à la porte !

-  C'est Eve dit une petite voix !

-  Comment vas tu que se passe t il, lui demandais je ?

Toute habillée de rose bonbon, ma petite voisine me raconte :

-  J'ai comme nouvelle cliente, Nathalie tu sais la pimbêche du 3eme, tout gentille bizarre, enfin, je lui ai fait la totale, soin de peau, épilation... Je pense que c'est un genre qu'elle se donne. Et puis Maïlys qui sent bon les fleurs, les affaires reprennent, toi je t'attends !!

-  Je viendrai.

-  Ah, j'oubliais, devine, Pierre le peintre du 1er, il est venu pour un soin du visage, il est beau, un peu vieux, non !!!

Comme promis, j'ai glané quelques rendez-vous par-ci par-là ; Stéphane, Marc évidemment Olivier.

Je pense qu'il y aura du monde dans le hall à 17h.

 

Lundi 17h, on entend des exclamations, des rires.

 

-  Je te l'avais dit, c'est une personne qui a du temps à perdre, peste Jérôme accompagné de sa femme Lucie.

-  Pourquoi tant de haine, s'exclame Lucien en riant jaune, je n'aime pas que l'on prenne mon hall d'immeuble pour des effets de styles farfelus, qui ne mènent à rien puisque comme on peut le constater, ce magnifique tableau a disparu. Mais, mais je suis d'accord avec cette réflexion, collée au mur, Saint-Exupéry, c'est pas celui qui a écrit " Le Petit Prince" !!!?

-  Tout ça c'était du vent, ajoute Louis, d'un air renfrogné, je viens d'arriver dans cet immeuble et déjà les conflits commencent.

-  Quels conflits ? Au contraire, c'est un excellent stratagème pour que nous fassions connaissance.

-  On pourrait avoir un apéritif et des cacahuètes, dit Pierre se retournant vers Lucien, ce serait sympa non, allez un effort !

Puis, en l'espace de 30mn, nous, les voisins suspicieux,conspirateurs, rouspéteurs, vieux, jeunes mais pleins d'allant nous retrouvons à discuter autour d'un buffet improvisé.Des clans se forment, conversant de peinture, de voyages, peut être des attirances physiques ou intellectuelles.

Joseph et Jérôme donnent de conseils à des oreilles attentives.

Marc convertit Joseph de l'accompagner au match de demain soir, Nice contre .....

En fait, ce petit malin ou cette curieuse effrontée a réussi à transcender des énigmes illusoires en un groupe de personnes cohérentes et bien réelles...

 

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Rédigé par Dominique

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 14 Janvier 2019

7 Janvier 2019

Olivier rentrait chez lui après avoir passé ce que l’on appelle « les Fêtes » loin d’ici. Plus de famille, des amis dans le monde entier et une sainte horreur de la fin de l’année ; trois bonnes raisons pour être parti ces trois dernières semaines. Passé le hall de l’immeuble, il ouvrit sa boîte aux lettres. Quelle pile ! Il ramassa le tout sans y jeter un œil et monta les deux étages à pied. Après six longues heures d’avion, un peu d’exercice lui ferait du bien, pensait-il. Il rêvait d’une longue douche chaude, suivie d’un grand moment dans sa pièce insonorisée où il pouvait s’adonner à sa passion : la musique.

 

Il jeta son énorme sac dans un coin de l’entrée, posa ses clefs et le courrier sur le comptoir de la cuisine et ouvrit les volets et les fenêtres. Après avoir arrosé les plantes, qui, la tête basse, pleuraient de soif, il se dirigea vers la salle de bains. L’au chaude délassait son cou et ses épaules malmenés dans l’avion. Il gérerait le problème du décalage horaire plus tard…

En enfilant un jogging, il se demandait s’il allait commencer par un morceau de piano, lent et romantique, ou bien s’il allait se défouler à la batterie.

 

Il repassa à la cuisine pour se servir un verre. Le courant d’air venant de la fenêtre ouverte avait fait voler par terre deux papiers qui faisaient partie de la pile de courrier dispersée sur le comptoir. Il les ramassa. De la pub ? Oui. Il y avait là encore un papillon -ce n’était pas le premier- de « Mamadou qui guérit tout », des brûlures d’estomac aux blessures du cœur… Il peut même faire revenir ta femme ! Si ! Si ! C’était marqué ! Olivier esquissa un sourire. Assez moqueur et plein d’humour, il se disait qu’un jour il faudrait qu’il l’appelle…

 

L’autre papillon était moins explicite. Il était signé « Delacroix »… et beaucoup moins drôle que celui de Mamadou. Il parlait de reflet, de modelage et de transparence. Ouh là là ! C’est un message codé ?

Il reposa les papillons sur la table, ferma la fenêtre et après s’être servi une bière, il partit dans sa salle de musique. A peine la porte refermée, il n’y pensait déjà plus.

14 Janvier 2019

Olivier se préparait tranquillement ce matin. Il partait « en rotation » pour une semaine. Toujours méthodique pour finaliser sa mini-valise, il avalait entre deux allers-retours chambre-salle de bains-cuisine quelques bonnes gorgées d’un excellent café rapporté du Costa Rica. Il pensait en même temps à ce morceau qu’il avait commencé à composer hier soir au piano. Des idées lui venaient, mais elles seraient posées plus tard… Il claqua la porte d’entrée de son appartement, et descendit les deux étages à pied. En traversant le hall de l’immeuble il aperçut un tableau –aquarelle ?- qui trônait sur un pan de mur. Ah ! Un peu de déco sur ces murs gris horribles, c’est sympa, se dit-il.

A ce moment-même, Lucien, toujours un peu renfrogné, redescendait des étages avec son seau et sa serpillière.

- Je ne sais pas qui a eu cette idée, mais c’est assez sympa ce tableau, dit Olivier à Lucien.

- Ah, ne m’en parlez pas, depuis ce matin j’ai des réflexions et sachez bien que ce n’est pas moi qui l’ai installé, j’ai bien assez à faire !

- Et bien c’est une bonne idée quand même.

- Oui, mais avec ce papillon que tout le monde a trouvé dans sa boîte aux lettres lundi dernier, ça fait quand même deux énigmes coup sur coup et ça fait parler. Et c’est quoi la prochaine étape ?

- Oh, c’est peut-être tout simplement ce jeune du dernier qui se trimballe toujours avec ses cartons à dessin, ses toiles et plein de drôles d’objets, du bois flotté, des morceaux de ferraille… Vous savez, ces « artistes » en herbe, ils sont tous un peu dérangés. Allez donc à la Villa Arson, vous verrez leurs œuvres… Moi je trouve que ce tableau est assez chouette. Un peu mystérieux, mais pas laid du tout. Ça va faire parler je crois !

- Je confirme, grommela Lucien.

- Et moi je confirme que c’est une bonne idée, qui que ce soit qui l’ait mis ce tableau. Je préfère voir ça quand je traverse le hall plutôt qu’un poster de l’équipe de France de foot avec les scores des matches du dernier Mondial, comme nous l’avait imposé le footeux du premier l’année dernière. Pas vous ?

- Bof ! Mais de toutes façons, je ne peux pas laisser faire ça, il faut que je l’enlève ce tableau, comme j’avais enlevé le poster l’an passé. Si je laisse faire tout le monde, on risque d’avoir de « belles » surprises. Et puis je vais devoir appeler le syndic avant que M. Duchemin le fasse. Celui-là c’est un râleur professionnel.

- Eh ! Mais c’est peut être bien lui qui l’a posé ce tableau, obsédé qu’il est par la déforestation et les incendies de forêt. Vous y avez pensé ? Regardez, on dirait une forêt, enfin, ce qu’il en reste… Pensez-y Lucien, pensez-y ! Bon, sur ce, je dois vous laisser, j’ai la ville à traverser pour me rendre à l’aéroport et je ne suis pas en avance. Allez, vous me raconterez tout ça la semaine prochaine quand je serai de retour.

 

Dans le tram qui le menait à l’aéroport, Olivier passait en revue les occupants des 11 appartements, intrigué par cette initiative. Néanmoins, il appréciait la sensibilité du tableau. Et si c’était Maïlis, la jeune fleuriste ? Et pourquoi pas le retraité qui venait de s’installer au dernier et dont il n’avait pas retenu le nom ?

 

21 janvier 2019

Arrivé à l’aéroport, Olivier s’enregistra pour son vol Nice-Paris, où il devrait ensuite commencer sa petite semaine de rotations : Nice-Hanoï, escale à Dubaï, repos, retour sur Bali, repos, puis Bali-Paris avec escale à Hong Kong. Beaucoup de boulot sur des longs courriers comme ça, mais il aimait cette vie.

Pour le moment, il était dans le Nice-Paris et repensait à sa « copro ». Mentalement, il se disait qu’il allait écrire un mot aux deux personnes qui lui semblaient le plus à même d’avoir mis un peu d’effervescence dans cet immeuble somme toute assez triste.

Il pensait notamment à Maïlys, la jeune fleuriste, et puis, oui, il allait lui écrire, au moins cela ferait une occasion de rentrer en contact avec elle… Bref, autre chose qu’un « bonjour » dans l’escalier lorsqu’il la croisait (trop peu souvent pensait-il). Il sortit sa tablette et commença le brouillon de ce qu’il allait recopier pour lui mettre dans sa boîte aux lettres en rentrant.

 

« Bonjour ! (ça au moins ça ne mange pas de pain et c’est toujours bien de dire simplement « bonjour »).

Je suis Olivier, votre voisin du deuxième étage, souvent absent mais néanmoins sensible à ce qui se passe dans l’immeuble depuis maintenant deux semaines.

Si je vous écris aujourd’hui c’est simplement parce que je vous sens à même d’avoir pu déposer ces messages dans nos boîtes aux lettres, et par là même d’avoir également orné le hall tristounet de notre « home » avec ce tableau mystérieux mais que je trouve empreint d’une grande sensibilité. Une fleuriste se doit d’aimer la nature et je vous imagine mettre dans vos compositions florales une part de fantaisie, de mystère et d’ingéniosité (cf. texte de Delacroix). Je n’arrive pas pourtant à deviner ce qui peut vous avoir poussée (s’il s’agit de vous) à ces actes surprenants au sein de notre copropriété. Un besoin d’éveiller la curiosité de chacun d’entre nous ? De réveiller notre attention en bousculant notre train-train au cours de la traversée du hall ? En tous cas je pense que cela va sûrement réunir quelques-uns d’entre nous avec les mêmes interrogations et suppositions. Doit-on s’attendre à une troisième « manifestation » ? Pour ma part je trouve ces évènements bien plaisants, même s’ils restent quelque peu mystérieux à mes yeux.

Il y a certes des « artistes » dans notre petite communauté, mais je ne penche pas pour que l’auteur de ces faits se trouve parmi eux. Je vais plutôt dans le sens d’un acte discret, portant sûrement un message que j’avoue ne pas encore capter.

Je compte sur votre réponse pour éclairer mes pensées. »

 

Olivier

 

Lettre de Maïlys à Olivier le lundi 28 janvier

 

Bonjour Olivier,

 

J’ai été moi aussi surprise de recevoir il y a maintenant trois semaines ce petit message mystérieux signé Delacroix. Et plus encore de voir il y a 15 jours ce tableau accroché dans le hall.

Je suis sensible au fait que vous ayez pensé à moi et à ma sensibilité pour pouvoir imaginer que je sois impliquée dans cette distribution et surtout que je puisse être l’artiste ayant peint ce tableau qui semble intriguer l’ensemble de nos voisins.

Ce n’est pourtant pas moi, je vous le confirme. J’aime bien trop les plantes, fleurs et autres végétaux en général pour être à même de peindre des arbres morts, calcinés me semble-t-il par un incendie de forêt.

J’ai moi-même reçu ce matin quelques missives, dont deux adressées à l’ensemble des résidants. Etant signées de Stéphane et de Judith, on pourrait sans doute en déduire qu’il ne s’agit pas d’eux, quoique le dicton « prêcher le faux pour savoir le vrai » pourrait s’appliquer aussi.

J’avoue que je suis un peu perdue dans mes suppositions. J’aurais même tendance à soupçonner le nouvel arrivant, ce bon vieux Louis, fraîchement retraité. Au cours de son déménagement, j’ai remarqué qu’il avait bien du mal à faire passer par la porte de son appartement ce qui pourrait être aisément identifié comme une toile, emballée de papier bulle, mais je n’ai malheureusement pas pu voir quoi que ce soit de plus.

Ceci dit, il y a d’autres artistes parmi nos chers voisins, comme vous l’avez dit aussi. Je pense bien sûr à Stéphane qui ne saurait être innocenté par la missive qu’il a envoyée à tout le monde.

Mais je pense aussi à Pierre, plus discret, mais néanmoins capable d’un coup d’éclat pareil au terme d’une de ses nombreuses et répétées beuveries…

Quant à savoir si on aura le fin mot de ce qui est en train de devenir une « histoire », je ne sais pas trop quoi en penser.

Je pense par contre que l’on peut éliminer notre gardien Lucien des auteurs possibles, tant sa fainéantise le lave de tout soupçon ; premièrement d’avoir pris le temps de distribuer dans chaque boîte le message « Delacroix » et deuxièmement d’avoir pu faire de ses propres mains un tel tableau.

Je sais Olivier que votre travail vous amène à vous absenter très souvent, mais je vous donne rendez-vous dans le hall lundi prochain à 17 heures. C’est un endroit « neutre » et pour une fois ça ne donnera pas l’occasion à Lucien de rapporter quelques ragots dont il est friand. J’espère vous y voir et dans la négative, j’espère avoir l’occasion de passer un moment à discuter de manière informelle et sympathique « entre voisins’ ».

 

Bien à vous,

 

Maïlys

Lettre d’Olivier à Maïlys, le 3 février

 

Bonjour Maïlys,

 

Merci pour votre réponse. Je rentre à peine de quelques jours de « travail » au Moyen-Orient et j’ai découvert, en même temps que votre lettre, non seulement les deux « circulaires » dont vous m’avez parlé, signées de Stéphane et de Judith, mais également une lettre anonyme que je soupçonne fort avoir été écrite par Pierre.

Ce petit message est assez désagréable, mais il confirme en tout cas une chose que vous avez mentionnée, c’est-à-dire son amour pour la boisson… Par contre, s’il est vrai que j’ai partagé une ou deux fois quelques parties de pêche ave lui, je pense qu’il a pété un plomb car si son ton est menaçant, je ne pense pas être le vrai destinataire de cette lettre. Il aurait confié à je ne sais pas qui, je cite « au bout d’une nuit alcoolisée, le récit de mes exploits, mon grand œuvre, ma fierté… »

Pauvre mec, s’il va bien à la pêche avec moi, ce n’est pas avec moi qu’il passe ses nuits à boire. C’est comique et triste à la fois et je ne sais pas trop quoi en penser…

Néanmoins je serai demain soir à 17 heures dans le hall de l’immeuble et je vous attendrai impatiemment.

 

Bonne soirée,

 

Olivier

 

Olivier plaqua les deux derniers accords sur son piano, puis il se leva, passa à la cuisine se préparer un café. Tout en le buvant, il enfila ses chaussures pour descendre dans le hall. Depuis hier, il pensait à toute cette histoire et surtout à Maïlys… Ma foi, qui que ce soit, finalement ces petits mots, ce tableau, ces courriers, auront mis un peu d’animation dans l’immeuble. Au moins une occasion de faire peut-être un peu mieux connaissance avec les uns et les autres. Il claqua la porte de son appartement au même moment que sa voisine de palier, la jeune esthéticienne. Après un bref salut, Olivier souriait intérieurement. De la pub ambulante pour son cabinet d’esthétique, voilà ce qu’elle représentait pour lui. Maquillée à outrance, parfumée un peu trop que la normale, elle avançait à petits pas rapides… enfin, aussi rapidement que le lui permettaient ses talons… Dans sa tête, Olivier l’innocentait elle aussi, la pensant bien incapable de peindre autre chose que ses ongles et ses joues, mais pour beaucoup toutes ces petites choses sont importantes, alors il faut les respecter.

Il attaqua les marches et en quelques minutes se retrouva dans le hall. Il n’était pas tout seul ! Une autre surprise l’attendait, le tableau avait disparu et en s’avançant, il remarqua deux petites notes affichées à la place : la première : « On sait bien que les contes de fées c’est la seule vérité de la vie » Antoine de Saint Exupéry ; et une autre : « Je donne mon avis non comme bon mais comme mien » Michel Montaigne.

Perplexe, Olivier se retourna vers les autres. Une devinette de plus. Mais là il n’en était plus à essayer de deviner qui avait épinglé ces citations sur le mur mais pourquoi ? Maïlys l’avait rejoint et il voyait que, comme lui, elle s’interrogeait sur le rapport de ces phrases avec les évènements passés.

« On est loin du –dessine moi un mouton- hein ? » lança-t-il à Maïlys. « Après le conte philosophique, on parle maintenant de conte de fées mais personnellement toutes ces histoires ne me font pas vraiment rêver »…

A moins que l’auteur de cet affichage ait voulu tout simplement faire travailler l’imagination de chacun, le temps de ces quelques épisodes. Pourquoi pas après tout ? La démarche serait louable par les temps qui courent, d’avoir trouvé un moyen de rassembler quelques personnes, de les faire se poser des questions, de rencontrer ses voisins, bref, de partager tout simplement quelques moments agrémentés de questionnements. Mieux, bien mieux qu’une fête des voisins.

Il observait le résultat autour de lui. Les langues allaient bon train, dans une ambiance bon enfant où la suspicion semblait avoir disparu. Sans vraiment les écouter, il lui semblait que comme lui, toutes ces personnes appréciaient ce petit rassemblement né pour tirer les choses au clair, mais au final personne ne semblait vraiment soucieux de savoir qui était l’auteur -ou les auteurs, pourquoi pas- de ces distributions et autres affichages pirates, et c’était bien ainsi.

La deuxième citation le confortait dans son raisonnement. C’est tout simple finalement, chacun a le droit de s’exprimer, tant qu’il ne revendique pas le savoir ou la connaissance absolue.

En fin de compte, il appréciait beaucoup ce moment où la parole était ramenée à un moyen d’échanges simples et où pendant quelque temps, chacun oublierait ses rancœurs et ses revendications.

Olivier sortit son stylo de sa poche, et sous le nom de Montaigne, il ajouta « Merci ! ».

 

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Rédigé par Bernadette

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 14 Janvier 2019

Lundi 7 janvier 2019.

Tiens, qu’est-ce… ? s’interroge Marc. Debout devant sa boîte aux lettres, il semble perplexe. Dans sa main, un bande de papier avec cette citation :

Il faut les modeler dans un reflet coloré comme la chair. Il ne faut pas que ce reflet soit complètement complètement reflet (autrement dit, il faut casser un peu le ton du reflet avec un autre ton). Quand on finit, on reflète davantage où cela est nécessaire (…). Il faut toujours modeler par masses tournantes, comme seraient des objets comme sont les feuilles. Mais la transparence en est extrême. – Delacroix.

 

Et alors ? Rien d’autre ? Pas de placement de produit, comme ils disent, qui accompagne ce machin ? Non, rien. La boîte aux lettres est vide.

Marc rentre chez lui, s’installe dans son fauteuil et relit la citation. Delacroix… Un tableau… ? Un nu peut-être, avec des nuances délicates, des ombres douces, un velouté sensuel… La transparence en est extrême… Oui, le peintre parle sûrement d’un nu ; une femme magnifique, sublimée par le talent de l’artiste. Ou avec des voiles diaphanes épousant son corps… La transparence en est extrême… Finesse d’une dentelle, éclat nacré de la lumière…. Marc imagine… Une femme allongée… non, debout, les cheveux dénoués… ou plutôt savamment coiffés en chignon vertigineux et boucles en cascade… et il s’étonne du pouvoir de cette citation qui l’emporte vers l’imaginaire. Admirer ce tableau, ou un autre, et la transparence extrême… émotion inconnue…

Lui, qui ne s’est jamais intéressé à l’art, aspire à cette rencontre. Plus qu’au prochain match de l’OGC Nice, plus qu’à son rencard de samedi pécho sur un site de rencontre. Cette citation est une énigme. D’où vient-elle ? Qui l’a déposée dans sa boîte ?

Marc compte bien mener l’enquête, mais d’abord, il ira au musée.

 

Lundi 14 janvier 2019.

Marc rentre du boulot, se traite d’imbécile en repensant à son rendez-vous de samedi. Une fille superbe, qu’il a saoulée avec ses nouvelles émotions picturales ! Elle n’a pas accroché, n’a pas voulu le revoir, tant pis. Mais c’était plus fort que lui. Il avait besoin de raconter sa visite au musée des Beaux-Arts, de décrire la ténuité des détails, la lumière qui semblait s’animer sur les toiles, les nuances des couleurs… Un véritable choc esthétique ! Plus vibrant qu’un but de Balotelli ! C’est dire !

Pas grave… une de perdue… La petite écrivaine du deuxième, par exemple… plutôt mignonne, plutôt artiste aussi, si elle écrit… Faudra penser à mieux la connaître… Marc pousse la porte d’entrée de l’immeuble, tombe sur Lucien, le concierge, en arrêt devant un tableau accroché au mur.

En camaïeu de bleu, vert, rose, orange, avec des arbres sombres, aux branches nues, des arbres d’hiver, silhouettes stylisées, fondues dans une brume en teintes douces… La transparence en est extrême… la phrase de la citation martèle en lui comme un cœur qui bat.

Vous savez d’où ça vient, lui lance Lucien, soupçonneux. C’est pas signé !

Aucune idée, mais c’est rudement chouette, vous ne trouvez pas ?

Mmm…

Marc sourit au concierge, rentre chez lui, relit la citation. Des arbres… C’est donc à cela qu’elle faisait allusion ? Quelques clics sur le net le confirment. Bien loin des nus imaginés… Mais pourquoi cette mise en scène ? La citation, puis, une semaine plus tard, le tableau… ? Car Marc est persuadé que c’est la même personne qui est à l’origine des deux événements. Un peintre qui veut se faire connaître… ? Il y a bien ce jeune homme du troisième, étudiant à la Villa Arson… Peut-être un travail demandé par l’école… ou un pari avec des potes… ? Non, il aurait fait cela ailleurs, en place publique.

Le nouvel arrivant ? Un moyen original pour faire connaissance, pourquoi pas… Cette idée lui plaît assez. D’autant qu’il n’imagine pas l’un des locataires ou propriétaires faire ce genre de choses. La jeune esthéticienne est bien trop occupée à se peindre elle-même… la fleuriste… pas son genre… le peintre en bâtiment ? Non, carrément non !

Marc passe en revue tous les habitants de l’immeuble, mais c’est toujours vers Louis, le nouvel arrivant, qu’il retourne. Peut-être parce qu’il ne sait rien de lui, le trouve énigmatique, solitaire et silencieux. Son intuition se mue en certitude. C’est décidé, il va le contacter.

 

Lundi 21 janvier 2019.

Nice, le 21 janvier 2019
 

Bonjour Monsieur Louis,

 

On ne se connaît pas trop, on s’est à peine croisés, mais je me permets de vous contacter pour vous parler du tableau accroché dans l’entrée. Je dois avouer que cette affaire m’a bouleversé. Moi qui ne me suis jamais intéressé à l’art, j’ai découvert la beauté, la lumière, grâce à lui. Depuis, je cours les musées, c’est fou !

C’est une œuvre intéressante et énigmatique. Aussi intéressante et énigmatique que la citation qui, à mon avis, lui est associée. C’est justement son côté mystérieux qui me pousse vers vous. Il me plaît d’imaginer que cette mise en scène est une façon originale, pour un nouvel arrivant, de faire connaissance. Cela dit, ce n’est qu’une conviction intime qui voudrait être confirmée.

Et c’est pourquoi je vous écris, Monsieur Louis. Je n’ai pas osé vous aborder pour vous demander si, comme je le crois, vous êtes bien l’auteur de ce tableau et de la citation glissée dans les boîtes à lettres et j’attends avec impatience la réponse qui peut, si vous le souhaiter, advenir devant un apéro chez..
 

Marc hésite… Inviter le père Louis chez lui serait sympa, mais quelque chose le retient. L’homme l’impressionne. Il reprend sa lettre.

 

J’attends avec impatience votre réponse et serai ravi de faire plus ample connaissance avec vous.

Bien cordialement

Marc, votre voisin du 1er.

 

Marc relit le brouillon de sa lettre, corrige quelques fautes, la recopie soigneusement. Il a beaucoup réfléchi ces derniers jours, il est convaicu que c’est ce retraité solitaire qui a tout manigancé… Hésite encore un peu… se décide à plier la missive dans une enveloppe, et descend, furtif, la glisser dans la boîte à lettres de Louis.

 

Lundi 28 janvier 2019.

Marc ouvre sa boîte à lettres. Depuis qu’il a écrit à Louis, il attend une réponse, fébrile. Aujourd’hui, la boîte déborde. Cinq missives, sans timbres ni adresse… glissées directement… enfin ça bouge !

Installé confortablement sur son fauteuil préféré, un verre de scotch à portée de main, il dépouille le courrier.

Louis lui a répondu. Un court billet dans lequel il nie être l’auteur de l’œuvre, mais soupçonne Pierre, le peintre du 1er, assisté de deux complices, Joseph, le peintre en bâtiment et Lucien, le concierge.

Possible… Marc soupire ; il n’est pas convaincu.

La seconde lettre le laisse perplexe. Une lettre anonyme. Elle lui est bien adressée, son prénom y figure, mais son contenu ne lui parle pas, mais alors pas du tout ! Il est question de moulinet, de partie de pêche à Lampedusa… Il déteste la pêche, ne l’a jamais pratiquée, ne la pratiquera jamais. Et puis, qu’est-ce donc que cette histoire de secret trahi dont il faudrait parler à Lucien…

Marc hausse les épaules, froisse le billet. C’est sûrement une erreur.

La troisième lettre provient de Stéphane, l’étudiant des Beaux-Arts. Il a écrit à tous ses voisins, cherche à connaître l’auteur ce ce tableau. Marc sourit. Il avait vu juste en l’éliminant de sa liste de suspects. La lettre est sympathique… Le jeune homme aussi… et surtout, il est artiste-peintre.

Depuis la découverte de cette citation à la transparence extrême et du tableau aux volutes pastels, Marc a envie de peindre. Comme un brasier allumé au fond du ventre. Au point d’envisager de demander à Stéphane de lui donner quelques cours, quelques bases… Ça lui ferait un peu d’argent au jeune… les étudiants, ça roule pas sur l’or, paraît-il. Cette lettre lui donne l’occasion de lui en parler.

Marc avale une gorgée de whisky, comme pour trinquer à une affaire conclue.

Sur la table, encore deux lettres.

Jolie écriture… Bonne surprise, c’est la belle Judith qui a eu la même idée que Stéphane… Bien mignonne Judith… Elle lui trotte dans la tête depuis quelques temps. Cette histoire va lui permettre de l’approcher … Judith… Ce prénom résonne comme un souvenir ténu, enfoui loin, très loin… Judith… En le prononçant, un flash le traverse, l’image d’une toile, un saxophoniste, des notes dorées, un regard bleu… Bon sang ! D’où cela vient-il ?

Une bonne lampée de whisky et le mirage disparaît. Lui fait un drôle d’effet, le belle Judith !

Marc attend que les battements de son cœur retrouvent un rythme raisonnable, puis ouvre la dernière lettre.

Eve, la jeune écervelée du second, qui dénonce Stéphane et Nathalie… crache un peu de venin… un homme, deux femmes…. classique. Je ne vais pas me mêler de ça...

Marc termine son verre. Cette histoire finira bien par trouver son explication…

Louis lui a donné rendez-vous lundi prochain à 17h dans le hall, devant le tableau. Eve vient de lui envoyer un texto – comment a-t-elle eu mon numéro de téléphone ? - pour lui fixer le même rendez-vous. Elle a dû en faire autant pour tous les gens de l’immeuble. Tout le monde sera là… et surtout Judith… enfin, il l’espère.

 

Lundi 4 février 2019, 17h.

Le hall bourdonne. Tout le monde est là… sauf le tableau ! Envolé, disparu… A sa place, deux citations :

On sait bien que les contes de fées c’est la seule vérité de la vie.

Antoine de Saint-Exupéry

 

Je donne mon avis non comme bon, mais comme mien.
Michel Montaigne

 

Et le vertige… Marc titube… vous vous rendez compte… un cinglé… non, pas lui… elle, vous croyez… Bribes de conversations qui le traversent sans s’attarder. Lucien se gratte la tête… Dans un coin, Maïlys chuchote à l’oreille d’Olivier… Assis sur son pliant, Louis le regarde… non, je ne sais pas… et toi Stéphane… ? Nébuleux, nébuleux… Où est la transparence extrême dans tout ça ? La vérité se cache derrière ces mots, Marc le pressent… La Vérité… mon avis non comme bon, mais comme le mien… ma vérité…

Joseph détaille tout le monde, glisse deux mots à Jérôme. Nerveuse, Lucie, son épouse, se tord les mains… Pierre se marre… un verre de vodka, on y verra plus clair… Conte de fées, vérité… conte de fées… ‘‘cagades’’… Lucien fulmine, Charles Duchemin soupire…

La jeune Eve lève les yeux au ciel… ennui profond tout cela… sans intérêt… Nath… à l’affût… Jolie Nath, mais pas mon genre… Judith… elle est là… regard bleu, notes de musique en or… encore cette image venue de nulle part...

La transparence… s’accrocher à la transparence, se pencher jusqu’à y tomber… la traverser et apercevoir enfin la vérité… ma vérité…

La vérité… matérialisée par la bille d’un stylo au bout duquel sourit une fée… non, une animatrice d’atelier d’écriture compatissante qui lui fait une confidence : Judith existe bien dans son monde à elle, elle a peint un tableau bleu aux notes d’or… Toi Marc, tu es de l’autre côté du stylo...

Le gouffre l’aspire… Personnage de papier… il n’existe que sur ce cahier, que sur l’écran d’un ordi… Comme tous ses voisins ? Ils n’ont pas l’air de savoir… La vérité en transparence extrême… Amère ! S’enfuir… retourner parmi les siens… Transparence poreuse… perception ténue… la vérité est de l’autre côté….

Son cher immeuble ? Un centre de loisir ; et lui, un atelier d'écriture l'a créé, sans passé, sans avenir… Nausée… Fuir… exister ailleurs… Et le tableau disparu… existe-t-il ? Une drôle de toile qui a franchi la frontière en oubliant le nom de son auteur de l’autre côté… Juste un prétexte pour inventer une histoire, pour l’inventer, lui…

Marc a juste le temps d'’apercevoir le nom avant de basculer. Le tableau est signé Bernard Brunstein.

 

 

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Rédigé par Mado

Publié dans #Ecriture collective

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Publié le 8 Janvier 2019

Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 8 Janvier 2019

Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 7 Janvier 2019

Ce lundi 7 janvier, le personnage que vous allez créer, trouve dans sa boite à lettres cette citation :


Il faut les modeler dans un reflet coloré comme la chair. Il ne faut pas que ce reflet soit complètement complètement reflet (autrement dit, il faut casser un peu le ton du reflet avec un autre ton). Quand on finit, on reflète davantage où cela est nécessaire (…). Il faut toujours modeler par masses tournantes, comme seraient des objets comme sont les feuilles. Mais la transparence en est extrême

Delacroix

Racontez la découverte de la citation, la réaction du personnage, à quoi cette citation lui fait penser et quel tableau il imagine en la lisant... et travaillez votre incipit.

Atelier : L'incipit

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 2 Janvier 2019

Rédigé par Atelier Ecriture

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