1- Je me souviens de Cadorna, le marchand de glaces ambulant. On dévalait des collines en courant quand on l’entendait « cadorner ».
2- Je me souviens du camion de l’épicier ambulant à la sortie de l’école, des réglisses et des roudoudous qu’on y achetait.
3- Je me souviens de la souche énorme du gros chêne à l’arrêt de bus « Le Gros Chêne ».
4- Je me souviens du bar Bosio avec de sa grande terrasse et les leçons de mandoline du jeudi après-midi.
5- Je me souviens de la messe à 8h le dimanche matin dans la petite chapelle glacée.
6- Je me souviens du festin de Sainte-Marguerite, au fond du vallon, derrière le bar Bosio.
7- Je me souviens de la vieille école et de son toit percé qui laissait passer la pluie. On mettait un seau dans la classe quand il pleuvait.
8- Je me souviens des œillets dans la colline.
9- Je me souviens du sapin de Noël géant sous le préau de l’école.
10- Je me souviens de la petite procession de la chapelle au monument du seul mort de la guerre du quartier, le dimanche des Rameaux, avec nos rameaux bénis.
11- Je me souviens de la ferme à la traverse des Arboras. On allait y chercher le lait.
12- Je me souviens de la petite maison du Tournant Robert. Les grands de l’école se cachaient derrière pour s’embrasser.
13- Je me souviens de la vieille bigote qui chantait fort et faux à la messe.
14- Je me souviens de notre première communion en traction noire et robes blanches.
15- Je me souviens de l’épicerie sur l’avenue Sainte-Marguerite, en allant vers Saint-Isidore. La maison est toujours là, face au restaurant l'Inizio.
16- Je me souviens de « Chez Lulu », le point presse du nouveau quartier, près de la chapelle.
17- Je me souviens du raccourci qui grimpait dans la colline pour aller chez l'oncle de l'autre côté du vallon.
18- Je me souviens des pruniers en fleurs qui, au printemps, tapissaient de blanc les deux côtés du vallon.
19- Je me souviens du catéchisme à la chapelle.
20- Je me souviens du magasin d’objets d’occasion, Cash Converters, près du lycée.
LE GROS CHÊNE
Je me souviens de la souche énorme du gros chêne à l’arrêt de bus « Le Gros Chêne ».
C’était dans les années 70, on avait quinze ans. On s’y donnait rendez-vous l’été, pendant les vacances scolaires, avec les copines et copains du quartier entre 13h et 14h, l’heure de la sieste de nos pères.
Il y avait Marilou, Danielle, José, Robert, Gilbert, Claude, Gérard. Ma première bande de copains mixte. Avant, pendant l'enfance, c’était les filles avec les filles, les garçons entre garçons.
On investissait le banc de bois de l’arrêt de bus à la droite duquel se dressait la souche du gros chêne. D’un diamètre... je ne sais pas… mes bras d’adolescente n’en faisait pas le tour, d’un diamètre imposant, je la trouvais majestueuse. Elle m’émouvait. J’imaginais l’arbre magnifique qui avait vécu ici jadis et je le regrettais sans l’avoir connu.
Ce Gros Chêne amputé, c’était notre mascotte. Il veillait sur nous, c’est sûr ! La preuve : nous n’avons passé que de bons moments auprès de lui, à bavarder, à rire, à flirter, à faire des projets pour le dimanche à venir, à décider vers quel festin de village nous irions danser.
Quand 14h arrivait, il fallait vite rentrer avant que nos pères sévissent. Nous étions tous filles et fils de paysans et le travail à la campagne nous attendait. Mais on savait que le lendemain, à la même heure, on se retrouverait pour un moment précieux au pied du gros chêne, une petite heure volée aux parents, au travail.
La bande du Gros Chêne, c’était la bande des vacances d’été, seulement des vacances d’été. La rentrée me ramenait au lycée, à la cantine et je la perdais jusques aux vacances de l’été suivant.
Ces rendez-vous d’adolescents n’ont duré que le temps de l’adolescence, le temps de mes années de lycée, mais ils restent gravés dans ma mémoire, irradiant de chaleur, de lumière.
Et puis, un jour, je ne sais plus quand, la souche du gros chêne a disparu, les amis de cette époque aussi, dispersés par le temps, la vie, la mort.