L'APPEL DU VENTRE

Publié le 26 Septembre 2018

C’est bien vrai que le monde change. Même si ma colline en friche me réserve toujours des fourrés épais et des litières moelleuses (on peut être sanglier rustique et aimer son confort), la question de la pitance devient cruciale aujourd’hui : la nourriture se fait rare. Pas assez de pluie. Une affaire de climat, disent-ils. J’ai beau fouiller, creuser, déterrer les racines, déplacer les cailloux toute la nuit, quand vient l’aurore, la faim est toujours là. Il me faut donc aller plus loin, encore plus loin.

Mais plus loin, maintenant, c’est bien vite le pays des hommes. Les fourrés s’amenuisent avec leur expansion. A croire qu’ils se reproduisent comme des lapins ! Et ces animaux-là ne se contentent pas d’uriner pour marquer leur territoire, non, ils érigent des clôtures. « Grillage à moutons », qu’ils disent. Tu parles ! Trois coups de croc et le voilà à terre leur grillage. Et en avant. Plus loin, ils croient pouvoir m’arrêter avec une clôture rudimentaire composée de rubans tendus sur de frêles piquets. C’est une blague ? Allez, hop : un coup de croc et… Aïe ! Ça pique méchamment cette cochonnerie ! OK ; je contourne.

Me voilà en terrain découvert maintenant. Plus de fourrés, plus de sentiers, plus de terre, rien que du sol dur comme la pierre. Il fait donc si sec au pays des hommes pour durcir ainsi le sol ? Pas moyen de fourrer ni creuser ici. Et j’ai toujours faim, moi !

Une odeur puissante m’invite à poursuivre mon avancée dans ce milieu hostile. Une odeur ? Un mélange, assurément. Une délicieuse émanation de pourriture végétale mêlée aux effluves d’excréments humains et à d’autres relents non identifiés. J’avance à vue de nez. Les voilà leurs boites à parfums : de grandes caisses brunes montées sur roulettes débordantes de nourriture aux arômes irrésistibles. Je fonce. Un coup de croc, un coup de dos et le voici renversé, le garde-manger.

Mais c’est là qu’ils me guettaient, les fourbes. Avec leurs bâtons de tonnerre. Et maintenant me voilà à terre, la panse pleine mais farci de plomb. J’ai bien mangé. Je perds mon sang. Et la vie avec. Adieu.

Rédigé par Benoît

Publié dans #Écologie et environnement

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