Publié le 25 Mars 2017

Suite à l'atelier "Nouvelle littéraire", une mini-nouvelle à partir du titre :

 

MONDE SOUS-MARIN

 

La voiture arrive au terme du chemin caillouteux. S’arrête dans un nuage de poussière. Les pins ondulent lentement sous la brise. Bertrand et Virginie entament une descente chahutée vers la crique. Le sentier se perd parmi les lentisques et les genêts. Virginie est soucieuse :

-Tu penses qu’il sera là ?

-Mais évidement ! Comment voudrais-tu qu’il ne soit pas là ?

Les mouettes glissent sans bruit, inclinant bizarrement leurs têtes vers ces intrus et continuent leurs vols majestueux. La mer s’aperçoit en contrebas.

-Tu sais, plus j’y pense et plus je me dis qu’on aurait dû lui envoyer un signe. Je ne sais pas, on aurait peut-être pu laisser quelque chose hier ?

-Tu en as de bonnes toi ! Le prévenir, laisser quelque chose hier et pourquoi pas un SMS aussi ! Tu n’as pas oublié qu’il aime surtout sa liberté ! Tu es bien placée pour le savoir non ?

-Oui je sais ! Mais il est peut être blessé ?

-Ecoute, c’est toi qui lui as proposé cette vie ! Il avait l’air d’être d’accord. Pourquoi toujours imaginer le pire ?

La descente s’achève. La plage est atteinte. Un coup d’œil circulaire sur le sable et sur la mer : rien ! Personne ! Les pieds brûlent. Ils se déshabillent, se glissent dans l’eau. Virginie nage la tête sous la surface, les cheveux épars. Les vaguelettes la caresse, la submerge ; Après tout elle a donné le maximum.

Soudain une brûlure intense aux jambes et à l’épaule. Elle se sent envahie par une semi paralysie, prends conscience qu’elle a du mal à surnager, se sent couler. Bertrand parti dans une autre direction ne s’en rends pas compte. Elle voudrait crier, n’y arrive pas. Elle reprend son souffle et aperçoit une forme sombre qui s’approche, la pousse vers le rivage, la soutien. Elle pense :

-Ah ! Merci Bertrand, je n’ai pas vu ces méduses. Attention à toi !

Lui, se rappelle cette blessure profonde, ce mauvais coup d’hélice. Cette sensation de s’en aller loin, très loin …Puis cette main chaleureuse qui l’a recueilli, transporté au centre océanographique, soigné, choyé, remis à l’eau ici. Le dauphin chéri de Virginie est au rendez-vous …

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Rédigé par Gérald

Publié dans #Les animaux

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Publié le 25 Mars 2017

Tu es vraiment le plus fort. Le plus habile. Adulé, chéri par tout un peuple, qui apprécie ton élégance, tu déclenches l’enthousiasme admiratif à chacune de tes apparitions. Oui, je sais ! Certains sont d’un avis contraire, mais les entend-on ? Sont-ils représentatifs de l’âme de ce peuple fier ? De cette tradition qui remonte à la nuit des temps ?

Ton talent à te sortir des passes les plus difficiles, libère les passions, étouffe tes opposants qui finissent par dire : oui le talent, certes, mais pourquoi toujours une fin tragique pour le perdant ?

Demain pour cette belle étrangère qui t’a séduit, tu vas te surpasser, l’éblouir.

Attention, t’ont prévenu tes picadors, cet Islero de l’élevage Miura est vicieux. Il a une âme de prédateur. C’est un fauve à l’état brut ! Toi tu es resté de marbre. Des fauves, tu en as combattu combien ? Cent ? deux-cent ? Trois-cent ? Tu as toujours l’œil aiguisé qui anticipe la trajectoire, qui ôte ton corps offert à un fauve sûr de lui et berné à la dernière seconde. Tes esquives déclenchent l’émeute dans les gradins. Il peut s’enrouler autour de toi, te renifler, te chercher, tes Tercios, Véronique, Faenas ont toujours autorité sur sa force brutale. La bête s’arrête alors langue pendante, tête baissée, souffle court. Mais comment ? Il est toujours là celui-là ?

Toi, tu lui tournes le dos. Ta démarche ondulante, ta cape sous le bras soulève les foules. Les Aficionados se déchaînent. Les humbles te jettent leurs casquettes, les belles une fleur. Le spectacle peut continuer, ainsi en a décidé le maître des lieux. Tu dois aller jusqu'à l’affrontement décisif. Tu sais cela, tu attends cela ! La foule retient son souffle. Le risque pour toi est si mince. On connaît ta bravoure. Tu possède tellement bien ton métier. Le fauve attend, tête toujours basse. Tu te retournes brusquement. Tu lui fais face. Tu dégage ton épée cachée dans un pli de ta cape. Tu fonces. Les mouchoirs blancs sont sortis des poches pour te saluer plus tard, comme une forêt de jasmins. Les applaudissements sont retenus, suspendus à ton action. La bête immobile soulève brusquement sa tête. Sa corne te transperce la jambe, la fémorale est touchée. Tu t’effondres. Islero s’éloigne titubant sous une envolée de capes multicolores. L’épée tremble dans son flanc. Contre la barrière en bois du Callejon, le taureau tombe à genoux. Une immense clameur de tout un peuple triste s’élève des arènes, franchit les gradins et s’envole au loin vers les quartiers populaires. La belle étrangère est déçue. Elle serre la tige de sa rose rouge jusqu’au sang. Nous sommes en Andalousie, à Linarès pour la corrida de l’été. Le torero est mort …

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Rédigé par Gérald

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Publié le 25 Mars 2017

Accoudé au parapet du belvédère, mon regard est attiré par je ne sais quelle intuition vers un vol tournoyant de cigognes. Elles finissent par se poser sur un plateau aménagé ici au sommet des pylônes électriques. Ces grandes voyageuses ne se laissent pas approcher. Malgré leur bonhomie et leur facilité à se construire un abri, on ne les sent pas apprivoisées. Elles veillent jalousement sur leur liberté. Sauf peut-être sur ces champs de l’Algarve, qu’elles reconnaissent Dieu sait comment, où, après un vol de plusieurs heures depuis la lointaine Afrique, fatigue aidant, elles se posent, se laissant approcher par quelques paysannes qui leur apportent eau et nourriture. Ici fières et hautaines, elles ne fréquentent que les hauteurs et les champs déserts. Pourquoi ? Je ne le sais pas !

Au pied d’un de ce pylône, un petit enclos cultivé avec quelques poules qui sentent réveiller en elles, je ne sais quel appel sauvage. Elles, préoccupées habituellement par la capture d’un ver, dont l’assaut le plus vertigineux est la bordure de jardin ou le nichoir du poulailler, les voilà qui lèvent la tête vers ces seigneurs des airs et se mettent à battre des ailes, à rêver d’horizons inconnus. La proximité de ces consœurs si agiles leur fait chavirer la raison. Ces cigognes qui côtoient l’homme mais s’en tiennent toujours à distance m’ont toujours fait rêver. Je n’ai pas souvenir de cigognes domestiquées. Elles qui connaissent les courants ascendants, les vents d’altitude qui portent sans forcer, elles qui, par je ne sais quelle intuition, ont la mémoire des territoires traversés, des mares où il faut descendre pour boire et se reposer, ne jettent pas un regard vers ces volatiles nourris au pied du pylône.

 

Un jour dans le silence de l’automne finissant, les seigneurs des airs s’élèveront à l’heure qu’elles auront choisie, comme un voilier prend le large avec la marée descendante. Elles formeront en altitude, par je ne sais quelle magie, ces équipes en triangles si reconnaissables et leur géographie mémorisée les guidera vers les côtes d’Afrique pour passer l’hiver. La poule lèvera le bec, attirée par ce froissement d’ailes, inclinera la tête sur un côté puis sur l’autre. Essayera de comprendre ce qui se passe là-haut, mais, dépassée par l’évènement, plongera sur ce grain de maïs et oubliera ses ailes inutiles. Je ne sais pas pourquoi, mais j’aime les cigognes et leur liberté.

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Rédigé par Gérald

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Publié le 21 Mars 2017

Suite à l'atelier "Nouvelle littéraire", une mini-nouvelle à partir du titre :

LE PORTRAIT FATAL

Je contemplai les formes rondes rondes de la "Femme à sa toilette" de Botero, enfin... une copie... un petit tableau chiné dans une brocante qui avait trouvé sa place dans la salle de bain d'une amie chez qui je passais le week-end. La belle aux hanches pleines, de dos, nue devant son lavabo, accomplissait les mêmes gestes que moi, nue, devant mon lavabo.

Je m'approchais du tableau pour en saisir les détails quand tout a basculé. Aspirée par un drôle de courant d'air, j'ai été happée. Et me voici, debout à côté d'elle, devant son miroir. Elle a tellement été surprise qu'elle en a oublié de crier... Moi aussi... tétanisée... Puis elle a froncé le sourcil, a attrapé mon bras et débité un chapelet de phrases agressives en espagnol je crois... Je n'ai rien compris mais j'ai bien senti que je n'étais pas la bienvenue ! J'ai tenté de me sauver, en vain, me heurtant de partout sur le cadre.

Le plus étrange était de voir la salle de bain d'où je venais, ma brosse à dents abandonnée, mes affaires éparpillées. La "Femme à sa toilette" s'est retournée, a compris qu'on pouvait la voir, nue, devant son lavabo. Cela l'a paniquée et moi aussi du coup, surtout quand j'ai croisé le regard éberlué de mon amie qui venait d'entrer et qui nous a trouvées, toutes les deux, agrippées au cadre du tableau. Elle s’est approchée, a essayé d’attraper ma main, en vain. Pourvu qu’elle ne bascule pas à son tour !

Le tableau n’a pas voulu d’elle. Elle s’est enfuie – chercher du secours, a-t-elle hoqueté – et depuis, j’attends. La "Femme à sa toilette" est retournée à ses ablutions éternelles et moi, clouée comme un papillon sur une toile, je fixe sans ciller la salle de bain vide. Les saisons se succèdent à travers la fenêtre, la poussière s’amoncelle sur le lavabo, la maison s’endort dans l’oubli, me laissant figée dans mon tout petit cadre.

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Publié le 18 Mars 2017

Issus de l'atelier "LES CLICHÉS", les textes de Monique :

Clichés

 

  1. Camus ampoulé

 

Un bolide pétaradant à deux roues, conduit par un homme de taille réduite et de faible corpulence, arborant un lorgnon et un pantalon qui semblait tout droit sorti d’une aventure de Tintin, avait eu l’impudence de me doubler et de s’installer devant moi au feu tricolore. Marquant un arrêt, ce gringalet avait calé le moteur de son bruyant engin et se donnait une peine infinie pour lui donner un second souffle, mais ses efforts restaient lettre morte. Quand le feu tricolore changea de couleur pour nous laisser le passage, je le priai instamment, usant de la déférence qui m’était coutumière, de bien vouloir me céder le passage en mettant de côté son véhicule motorisé. L’individu de modeste taille était encore en proie à un vif courroux contre son moteur qui refusait obstinément de reprendre du service. Il me rétorqua in petto, montant sur ses grands chevaux et faisant fi des lois de la civilité, que je pouvais aller me faire voir chez les Grecs. Prenant mon courage à deux mains, je me mis en tête d’enjoindre ce conducteur exaspérant de respecter les règles de la plus élémentaire courtoisie et de prendre en considération l’entrave qu’il occasionnait aux véhicules qui s’efforçaient de le dépasser. Le fanfaron atrabilaire, poussé à bout par l’insondable obstination de son moteur à refuser catégoriquement de démarrer, me fit savoir que si j’émettais le souhait de le voir mettre son poing sur ma figure, c’est avec une joie sans mélange qu’il s’acquitterait de cette délicate mission. Une impudence aussi ahurissante me mit dans une colère noire et je résolus de m’extraire de ma voiture, animé d’une détermination sans faille, fermement décidé à rendre à ce matamore la monnaie de sa pièce. Mais en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, de la foule qui, comme par enchantement, commençait à former une amas compact, surgit un olibrius qui se jeta sur moi comme la vérole sur le bas clergé et usa de sa persuasion pour m’intimer l’ordre de m’abstenir de lever la main sur ce douteux personnage, au fallacieux prétexte que, chevauchant son engin à roulettes, il ne faisait pas le poids et que je serais un fieffé gredin si je m’avisais de tirer parti de la situation. J’attendis de pied ferme ce fier à bras, et pour ne rien vous cacher, il n’apparut même pas dans mon champ de vision. A la vitesse de l’éclair, le diabolique engin fit entendre son vrombissement et c’est alors que, tel un coup de massue, me fut asséné un direct du droit sur le pavillon. A peine avais-je eu le temps de reprendre mes esprits et de tourner les talons que le bolide infernal prit la poudre d’escampette.

 

  1. Raviver les clichés

 

  • Je caresse l’idée de partir au bout du monde.

  • Ah bon ! Et vous la caressez dans le sens du poil ?

  • Oui, autant que possible, sinon l’idée ne peut pas germer.

  • Comment ça, elle reste en terre, alors ?

  • Euh, disons qu’elle ne fait que de brèves apparitions.

  • Ah ! En quelque sorte, elle tente de se frayer un chemin dans le labyrinthe de vos pensées ?

  • C’est cela et quand je m’y abandonne corps et âme, elle suffit à me plonger dans une joie indicible.

  • Je vois et quand comptez-vous la passer au crible de la dure réalité ?

  • Je ne sais trop. Peut-être restera-t-elle à l’état d’ébauche et irradiera-t-elle ainsi de sa lumière mon paysage intérieur

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Rédigé par Monique

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Publié le 11 Mars 2017

Suite à l'atelier sur le personnage littéraire ...

***

Sébastien le Vigoureux est inspecteur principal au commissariat central de Villeréal, petite ville au centre profond du pays. Il a toujours eu le sentiment de mal porter son nom. Du moins physiquement. La quarantaine passée, il avait fini par assumer le fait de ne pas être une armoire à glace. Longiligne, l’élégance sobre, il avait cette nonchalance des gens du sud, un tantinet choquante, qui cachait un esprit vif. Son supérieur, le commissaire Benoît, à deux doigts de la retraite comptait beaucoup sur son inspecteur principal pour lui succéder. Les rapports avaient été diffusés en haut lieu.

Sébastien appréhendait toujours la première entrevue. Les commentaires du type

-Ah ! C’est vous ?... Sous entendu –Ah ! C’est vous qui allez résoudre cette énigme ? Il y était habitué. Comme si le fait de s’adresser à un officier de police de cent kilos de muscles rassurait forcément ?

Son visage impassible ne laissait apparaître aucune émotion, mais rien n’échappait à son regard aiguisé. Certaines fois un temps de décalage lui était nécessaire, mais très vite la mémoire des choses vues et enregistrées, doublée d’une fine psychologie, le guidait vers « ce qui aurait dû se passer ».

Évidemment, il s’en méfiait lui-même. Les pistes les plus improbables étaient explorées pour étayer son premier ressenti. En fait, c’était un grand intuitif.

-Avoir du nez dans notre métier, ça ne peut être qu’une qualité, lui rabâchait son supérieur. Encore fallait-il compléter tout cela par des preuves, n’est-ce-pas ?

Sébastien aimait la musique. La grande musique. Il était subjugué par ces enchaînements logiques de notes qui entraînent le spectateur vers une issue qu’il pressent.

Est-ce que la vie ce n’est pas un peu cela ?

Enfin, celle vécue par les victimes qui avaient souvent vécu un enchaînement, peut être malgré elles, les conduisant vers une issue que l’on pouvait déduire.

 

Sébastien, plongé dans ses réflexions, roulait dans sa voiture de fonction vers la propriété du Comte de la Courtade. Son supérieur, alerté par Mr le maire, lui-même alerté par Mr le comte pour une affaire de braconnage dans sa propriété, qualifiée « d’assassinat » par l’intéressé, avait déclenché la procédure. Sébastien comprenait mal l’empressement de sa hiérarchie. Répondre à un fait divers : « cette biche qui avait bramé toute la nuit et cette découverte au petit matin … Pas de quoi affoler les populations ! ». Mr le Comte devait être un gros contribuable, il fallait lui démontrer que la sécurité de la province s’intéressait à tout. Certainement ! Quelle autre raison sinon ?

Arrivé au château, la presse était déjà là. Ludivine le reconnut et se précipita aussitôt vers lui.

-Sébastien, je compte sur toi. L’article fera la « une » demain. Je ne nommerai pas mes sources, tu le sais !

Lui sourit et se dirige, impassible, vers un groupe de personnes constitué du Comte, du garde-champêtre et du personnel d’écurie. Il se présente.

-Ah c’est vous ! Oui, la rengaine il connaît ! Il demande à être confronté au « drame ! ».

-Vous comprenez, lui dit Mr le Comte, ces braconniers doivent être arrêtés au plus tôt. Vous vous rendez compte ? Cette biche venait de mettre au monde ce faon ! C’est inhumain pour cette pauvre bête !

Sébastien, bien qu’agacé, ne laisse rien paraître.

-Mr le Comte, peut-on se rendre à l’endroit ou cela s’est passé ?

Le garde champêtre prit l’initiative et les conduisit à la limite d’une clairière.

Sur place, il vit la chaînette sectionnée d’un piège. En écartant les fourrés, il distingua une douille neuve de 9 m/m. Bigre, une arme de guerre. Il enfila aussitôt ses gants de latex, la ramassa et la glissa dans une petite pochette.

-Est-ce que quelqu’un a entendu un coup de feu ?

-Personne, répondit le comte. Avec cette biche qui bramait à fendre l’âme, que voulez-vous entendre ?

-Voyez-vous Mr le Comte, il importe plus de retrouver cette arme et l’homme qui s’en est servi que le coupable de ce braconnage.

-Qui est certainement la même personne, enchaîne le Comte.

-Peut-être, peut-être !...

Sébastien regrette aussitôt de ne pas avoir son équipe technique avec lui. Les herbes avaient été piétinées. A cet endroit, les traces éventuelles du tireur largement souillées. En élargissant son champ visuel, il remarque des herbes couchées et des marques brunes qui conduisent vers un chemin…

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Rédigé par Gérald

Publié dans #Les animaux

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Publié le 11 Mars 2017

Description sensorielle...

***

Le feu ronfle dans la cuisinière à bois. Le chaudron fume. Les oignons, comme toujours, remplissent la pièce de leurs délicates effluves. Les tomates plus fragiles ne seront rajoutées qu’en fin de cuisson.

Les poivrons, courgettes, aubergines coupés en petits dés attendent dans un plat, recouvert d’un torchon impeccable.

La poignée de la lourde porte bascule et François entre en coup de vent. Les volutes qui s’élèvent au dessus du chaudron, s’enroulent autour de la chaînette de suspente de la cheminée ; il referme la porte. Un souffle d’air froid se glisse dans le refuge.

Michel attentif à la cuisson, fait la grimace. Toujours pressé celui-là! François enchaîne déjà :

-Bon ! Dis-moi, tu es prêt ? On doit partir après le repas. J’ai préparé les skis et le temps à l’air de tourner, tu t’en es rendu compte non ?

-Oh là ! Oh là ! Du calme François ! Chaque chose en son temps. Maintenant, je prépare le repas, c’est une chose sacrée, tu as l’air de l’oublier ! Alors on se concentre sur le repas, la descente on en parlera après ! Il termine par :

-Ah, ces intellos !

-Quoi, ces intellos ! Tout ça parce que je suis toujours avec un livre ? Oui, d’accord, je …

François arrête sa phrase, il vient de se rendre compte subitement du parfum des oignons qui rissolent ! Son œil glisse vers l’assiette de légumes prêts à être cuits. Quelles belles couleurs, en effet …

Il veut renchérir sur la descente, mais le regard de Michel l’arrête net. Il plonge sa main dans le plat en attente et croque une carotte coupée, ferme, savoureuse. Il décide de s’asseoir près du foyer et surveiller les gestes de Michel tout à sa préparation.

-Tu ferais mieux de dresser la table, ça t’occuperas !

François ne se fait pas prier. Il ouvre le grand buffet, en sort une nappe à carreaux et d’un geste brusque et adroit envoie le tissu qui se dépose en douceur, comme par enchantement, sur la grande table. Il en caresse le chêne, ajuste le tissu, dépose assiettes et couverts.

Michel rajoute les légumes préparés. Avec sa cuillère en bois il tourne, goûte, rajoute un peu de thym, une demi gousse d’ail, un zeste de laurier, goûte encore, touille. Ses narines dilatées sont le baromètre de sa composition. Ses papilles le guident avec sûreté dans cette fragrance de saveurs. Une odeur trop acide, un crissement trop prononcé dans le chaudron, aussitôt, il déplace le récipient, ouvre la petite porte du foyer et remue les bûchettes. La cuisson prend forme … Enfin, le plat lui semble terminé. Il peut rajouter les feuilles de ce basilic si fragile. Le feu doux parachève la cuisson.

-Bon ! Je crois qu’on peut passer à table. La descente on pourra toujours en parler, mais si je peux me permettre : apprécie quand même ce que je vous ai préparé. Tu sais la cuisine c’est comme une belle fille qui passe prés de toi, si tu prends le temps de l’observer, de te laisser porter par ce qu’elle t’inspire, c’est une partie du bonheur que tu vis là. Cuisiner c’est un peu la même chose. Préparer, surveiller, améliorer, partager ce qu’on a créé, le mettre à disposition de ses invités c’est une autre partie du bonheur, tu comprends ça ? Et il continue, Toi tu aurais tendance a toujours anticiper, penser a autre chose, je me trompe ?

Le groupe arrive, dépose raquettes, sacs et piolets, s’installe. On parle déjà du retour. Le brouhaha s’impose.

François installé à côté de Michel ne dit plus rien. Il déguste le plat en soufflant sur sa fourchette, il apprécie vraiment, puis avec un sourire,

-Oui ! Tu as toujours une longueur d’avance sur moi ! C’est toi qui es dans le vrai, et c’est moi que tu qualifie d’intello ?

A l’extérieur, on aperçoit par la fenêtre quelques lourds flocons qui commencent à tomber.

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Rédigé par Gerald

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Publié le 7 Mars 2017

Suite à l'atelier sur le personnage littéraire ...

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Arnaud Latour range son violon dans l’étui. Il répète tous les jours, et ce, depuis l’âge de cinq ans. Il a rencontré la musique à travers un concert diffusé à la télévision. L’enfant qu’il était alors a interrompu ses jeux, subjugué par le concerto pour violon n°5 de Mozart, par le chant aigu du violon porté par les instruments de l’orchestre comme la vague porte l’écume. Mélodie légère et sons flamboyants, la musique l’a transporté dans l’indicible émotion, à la rencontre de quelque chose de trop grand pour lui. Quelque chose de beau, de flou, qu’il a décidé ce jour-là de conquérir et de comprendre.

 

Aujourd’hui, à trente ans, Arnaud Latour est devenu un virtuose à la mode, adulé des mélomanes, surtout des mélomanes féminines. Quand il entre sur scène, son sourire parfait, ni trop large, ni trop emprunté, chavire le cœur des demoiselles. Quand il joue, son corps souple accompagne la musique, ploie, se tend, au rythme de l’archer. Grand, mince, c’est un bel homme au visage régulier, aux traits mobiles et délicats, au regard sombre traversé d’éclairs de passion. Avec ses cheveux bruns, légèrement bouclés, frémissant à chaque passage de l’archer, il est l’image-même du grand romantique.

 

Une caricature de beau gosse, sifflent quelques jaloux… Il a tout pour lui, l’envient d’autres. C’est vrai, il le sait. Il a la jeunesse, la beauté, le talent. Pourtant, depuis quelques temps, la musique ne le comble plus autant, comme s’il manquait quelque chose. Quelque chose de beau, de flou, qu’il cherche depuis son enfance. Quelque chose qu’il espère trouver en s’isolant pour le week-end à la campagne.

 

Le soir descend sur le paysage. A travers la fenêtre, il observe les derniers rayons de soleil colorer le ciel en rose. L’obscurité gagne la forêt alentour. C’est à ce moment-là qu’il entend le premier cri. Un brame aux accents désespérés résonne, grave, âpre de détresse. La biche a perdu son petit et pleure dans la nuit. Elle l’appelle, éperdue. Arnaud écoute sa complainte, les sons magnifiques déchirent la nuit, l’émotion lui pique la gorge. Il tire le violon de son étui, fait vibrer les cordes en une litanie râpeuse. Une prière pour la biche, pour le faon, un brame musical en écho au brame animal. C’est le son qu’il cherchait, le sens de sa quête. Maintenant, il sait. Il va travailler ce son, en faire la base d’une mélodie triste, quelque chose de beau, de flou.

 

La biche brame au clair de lune. Derrière la fenêtre, un faon s’approche, écoute pleurer le violon.

 

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Publié le 6 Mars 2017

SUJETS D'ÉCRITURE :

 - Choisir un des personnages ci-dessous :

Le gourmet, le musicien, le journaliste, l’écrivain, le facteur, l’ouvrier, le chef d’entreprise, le chasseur, le grand chef étoilé, la garde-forestier, le vétérinaire, le militant pour la cause animale, le biologiste, le candidat à l'élection présidentielle, le policier.

 

- Faire une une présentation de ce personnage, choisissez son sexe et donner les grandes lignes de sa personnalité et de sa vie.

 

 - En s'appuyant sur le portrait en question, faire raconter par le personnage le terrible fait divers relaté par Maurice Rollinat dans son poème La Biche (voir ci-dessous), avec ses commentaires, réflexions, son avis sur cette affaire.

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 5 Mars 2017

Tentative d'écriture Fantasy...

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Dans le monde glacé du Septentrion Rugissant, le peuple des Urselfiens se compose d’elfes et d’ours. A chaque elfe son ours, à chaque ours son elfe. Indissociables, ils ne peuvent vivre l’un sans l’autre, la mort de l’un entraîne la mort de l’autre. Comme si l’un était l’étincelle de vie de l’autre et inversement. Un Urselfien est en fait une seule personne composée de deux êtres ou un seul être composé de deux personnes : un elfe et un ours physiquement inséparables, liés par un lien invisible insectionnable.

 

C’est jour de fête aujourd’hui : Balati-Tabali, la fille du gouverneur, épouse en grandes pompes Osbur-Orsub, jeune chevalier urselfien. Il a fallu négocier longtemps pour parvenir à ce mariage car, fait rarissime, leurs ours respectifs refusaient cette union. D’habitude, elfes et ours sont tellement fusionnels que ce qui convient à l’un, convient automatiquement à l’autre. Mais les parties ours des fiancés ne s’appréciaient pas. L’idée de ce mariage a réactivé une vieille haine oubliée, une haine remontant à leurs ancêtres.

 

En ce temps-là, une guerre avait opposé leurs aïeuls. Ces derniers se sont battus pour conquérir le Livre de Connaissance. L’ancêtre de Balati-Tabali a terrassé son adversaire qui fut emprisonné de longues années. Son épouse, contrainte à l’exil, a élevé ses enfants dans un esprit de vengeance. Les générations se sont succédées, les rancœurs se sont apaisées, voire effacées dans la mémoire des elfes. Mais elles sont restées en sommeil dans celle des ours. La vieille histoire a surgi du passé. La partie ours du chevalier restait bloquée sur la vengeance. Mais la partie elfe a su désamorcer la colère ourse en expliquant que, bien des siècles plus tard, leur famille allait par ce mariage, accéder aussi au Livre de Connaissance.

 

Aujourd’hui, c’est la joie dans la ville. Les mariés défilent sur leur char tiré par quatre licornes immaculées. Les ours se sont parés de fleurs sauvages, les elfes portent des vêtements de soie tissés par la Belle Tribu des Vers à soie, venue exprès pour l’événement. L’épée d’or d’Osbur-Orsub scintille sous les soleils bleus. Le père de la mariée accueille les amoureux sous le kiosque à mariage. Le Livre de Connaissance s’ouvre, les mots s’envolent, s’irisent de lumière et retombent en pluie légère sur les mariés. La Connaissance les pénètre, la Mémoire et la Sagesse des Mondes désormais les habitent.

 

Et moi, humaine clandestine dans cette histoire, je repars sur la pointe des pieds, laissant le Septentrion Rugissant s’endormir dans mon imaginaire...

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