GRAVILO PRINCIP

Publié le 11 Octobre 2018

Gavrilo Princip, arrivé depuis peu à Sarajevo, avait pour mission d'assassiner l'empereur François Joseph et son épouse Sophie. Mêlé à la foule, il était prêt, sûr de ses convictions. Mais voilà, devant la beauté de la duchesse Sophie, son bras fléchit et il cacha vite son arme.

Le cortège passa, Gavrilo Princip ne savait pas qu'à cet instant précis, il venait de sauver la vie de millions d'hommes jeunes de toute l'Europe: " La guerre de 14 n'aura pas lieu" et la face du monde gardera ses traditions.

La France rurale continue de vivre forte de sa jeunesse. L'industrie, bien sûr, progresse lentement, attirant dans les villes quelques aventuriers qui délaissent leur village. Certains parlent d'exode ; ils exagèrent, je vois bien dans notre village, on est tous là.

Moi, je suis fils de paysan et paysan moi même ; j'ai eu 20 ans en 1914, je suis parti, comme tous mes amis, faire mon service militaire pendant trois ans. J'étais fier d'être de la classe 1914 et en même temps j'étais angoissé, je partais pour la première fois loin de ma famille de mes amis. Je garde un très bon souvenir de cette époque, je ne connaissais pas Verdun – oui c'est là que j'ai passé mes trois ans sous les drapeaux. Aujourd'hui c'est le 11 novembre nous fêtons la Saint-Martin, patron du village, lui qui a partagé son manteau, signe fort de l'amitié entre les hommes. Sur la place du village est érigé un monument à sa gloire, la vie s'écoule au rythme des saisons. Parfois des orateurs viennent nous faire des discours sur la nouvelle politique d'un certain Jean Jaurès, du socialisme, qu'ils appellent. Je ne sais vraiment pas si ça prendra, n'empêche qu'il a un franc succès ; l'Humanité, journal communiste, titre en première page : " Ils ont écouté Jaurès" ; lui qui proclame : "il ne faut avoir aucun regret pour le passé, aucun remords pour le présent, et une confiance inébranlable pour l'avenir".

"Tout homme qui se tient debout est le plus beau des monuments."

Quoi ? Qu'est ce qui se passe ?

Je suis dans un trou d'obus, mon ventre me fait mal. Je saigne ! Mon village est loin, non je ne peux pas mourir, je n'ai que 20 ans. Ils avaient dit : à Berlin ! et moi je suis là dans ce trou et je me vide de mon sang. Pourquoi, Gravilo, tu n'as pas succombé à la beauté de la duchesse Sophie ? Moi, je ne t'avais rien fait. Doucement je sens ma vie partir... Que restera-t-il de moi ? Un nom sur le monument aux morts de la place du village, qui remplacera celui de Saint-Martin.

Ma capote couleur de terre m'enveloppe comme un linceul, j'étais fils de paysan comme des millions de frères. Adieu !

Mon monde s'enfonce dans la terre comme moi je disparais, je laisse la place à un nouveau monde celui de l'industrie, celui de la bureaucratie. Et toi, ma femme, je te laisse sans avoir connu le bonheur de vivre à tes cotés. Demain, habillée de noir, tu seras ma veuve, celle dont le mari est inscrit sur le monument ; personne ne trouvera à te redire, tu portes l'enfant d'un héros.

Mon enfant, c'est à toi que je pense tout au fond de ce trou où mon sang se mélange à cette terre d'Argonne. J'aurais voulu que Gavrilo Princip te connaisse avant son geste. Pourquoi ? Pour qui a-t-il tiré sur le couple impérial ?

Pan pan ! Deux sons brefs dans le ciel de Sarajevo, deux secondes qui vont s'éterniser pendant quatre ans faisant disparaître dix-huit millions de jeunes. Moi, j'étais fils de paysan et paysan moi même, je venais d'avoir 20 ans. Sur la place de mon village est érigé le monument aux morts où est inscrit le nom de mes amis, le mien " morts pour la France". Fini la fête de Saint-Martin. Le 11 novembre sera désormais le souvenir, le deuil de la France. Avec moi et mes amis se meurent nos village ; plus personne pour travailler la terre... La ville, comme un miroir aux alouettes, attire les derniers bras valides, le monde d'hier vient de s'écrouler.

Rédigé par Bernard

Publié dans #Écologie et environnement

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