LES RÊVES

Publié le 4 Novembre 2016

 

RÊVE DE PAIX, RÊVE D'AMOUR


 

Cette nuit, j’ai rêvé que la guerre était finie. J’étais de retour chez moi. Ma mère pleurait. Elle n’arrêtait pas de m’embrasser. Mon père était content, même fier de moi. Pour lui, je suis un héros, alors que je n’ai fait que ce qu’il fallait faire. J’avais deux possibilités. Soit passer devant la cour martiale pour désertion ou désobéissance militaire, soit mourir de la main de l’ennemi. Et là, j’avais une petite chance qu’il me loupe. Je n’ai pas exposé ce raisonnement à mon père. Je ne voulais pas lui ôter ses illusions.

La plus contente, dans mon rêve, c’était toi, ma chérie. Tu ne disais rien, mais tu me faisais des petits sourires qui me donnaient chaud au cœur. J’avais hâte de me retrouver seul avec toi et je voyais bien que toi, tu avais la même envie. Mais mon père a appelé les voisins, il a ouvert une bouteille de champagne, une deuxième même. Il a dit qu’il les a gardées précieusement, justement pour cette occasion. Pas moyen de s’éclipser. Enfin, les voisins sont partis. Mes parents se sont couchés. Je t’ai pris dans mes bras et je me suis réveillé.

Voilà mon rêve. Les moments de trêve, les nuits où l'on est assez détendu pour pouvoir dormir tranquillement et faire des beaux rêves sont rares. La plupart du temps, soit il y a trop de bruit, soit on fait des cauchemars. Quoi qu’il en soit, je pense beaucoup à toi, surtout avant de m’endormir. Cette maudite guerre n’a pas encore réussi à m’enlever l’envie d’être près de toi, de te caresser, de sentir l’odeur de ta peau, de te tenir dans mes bras, de rire avec toi, bref, de passer de bons moments en ta compagnie.

Ma pause est terminée. Je dois te quitter, mon amour.

Je t’embrasse très très fort où tu sais.

Iliola K.

 

.....

 

LE RETOUR DU FRONT

 

 

Mon très cher époux, mon Jeannot bien-aimé,

 

Cette nuit j’ai rêvé que la guerre était finie et que tu revenais chez nous. Tu apparaissais à l’entrée de la maison, ta grande silhouette dressée dans l’encadrement de la porte. Tu avais une jambe de bois et la moitié de ton visage était couverte de cicatrices. Et tes yeux, tes yeux ! Ton regard était immense, à la fois absent et épouvanté. Je ne te reconnaissais pas, tu n’étais plus mon Jean, mon homme si fort, si vaillant. Notre petit Gustave, terrorisé, se cachait derrière moi en s’agrippant à ma jupe et criait : « Pas papa, pas papa ! ».

Soudain, je remarquais que derrière toi, il y avait d’autres hommes, massés en rangs serrés. Ils avaient tous le même regard que toi, les yeux grands ouverts sur le vide, sur l’horreur de cette guerre. Et tous étaient blessés : aux uns manquait un bras, aux autres une partie du visage était arrachée, certains s’appuyaient sur des béquilles, d’autres avaient un bandage autour de la tête. Je criais : « Partez, allez-vous en ! ». Mais ils ne bougeaient pas, masse compacte et butée, campée face à moi. C’est mon cri qui m’a réveillée. J’avais le visage inondé de larmes. Je me suis mise à prier. J’ai imploré le Seigneur qu’Il te ramène à la maison, que tu nous reviennes sain et sauf et que notre vie reprenne comme avant.

C’est que le travail ne manque pas à la ferme. Et pour moi seule, c’est bien dur. Firmin et Marinette sont venus pour la récolte. Ils étaient là aussi quand la Louison a vêlé. Mais sans toi, ici, ce n’est pas une vie. Beaucoup de femmes alentour sont seules et nous nous aidons entre voisins comme nous pouvons. Germaine a appris que son aîné était mort et n’a plus de nouvelles du cadet. Elle est l’ombre d’elle-même, murée dans son silence, petite silhouette frêle au pas hésitant au milieu des champs. J’ai parfois peur qu’elle perde la raison.

Voici les premières lueurs de l’aube. Une nouvelle journée commence avec son lot de travaux quotidiens et cette attente sans fin. Que vienne le jour de ton retour et se dissipent à jamais les cauchemars de ces sombres nuits !

 

Ton épouse qui t’attend, t’aime et t’embrasse tendrement.

 

Rose

 

Monique E.

 

Rédigé par atelier

Publié dans #Guerre 14-18

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