voyage

Publié le 7 Décembre 2024

 
Satine va vers...
 
« Je savais où je devais être. Juste être. En fête, perpétuellement.
Ni devant, ni derrière, ni à côté.
Juste à l'endroit de la musique elle-même. 
Oui même dans les moments d'obscurité, il y a une danse en nous, une chanson, une poésie, qui relève et élève l'âme, apaise le cœur, vibre le corps»
« Souviens-toi de ne pas mourir sans avoir aimé. Marc Alexandre Oho Bambe
 
Une voix à la diction impeccable annonce : « Mesdames et Messieurs les retardataires, il ne vous reste que 10 minutes avant la fermeture des portes ». le train ne va pas tarder à s'ébranler. Une jeune passagère au prénom de soie et de fantasme, semble glisser sur l'asphalte du quai numéro 5 où il stationne.
En ce premier jour de juin, alors que Paris ne veut pas céder à l'assaut du printemps et s'accroche au ciel lourd de nuages, Satine Mahé ,- 1m70, teint mat doré, longue tresse noire descendant jusqu'au milieu du dos, yeux violets s'étirant en amande , un grain de beauté au coin de l’œil gauche, une bouche pulpeuse et d'un rouge brun laissant entrevoir des dents blanches avec cet écartement qui parle de chance et de bonheur,- s'arrête devant le tapis rouge de la voiture numéro 7. Un jeune homme élégant prend sa valise et son sac de voyage, lui tend une main qu'elle refuse pour grimper légère sur le marchepied.
Parmi la foule qui se presse pour admirer le train mythique et les soixante quinze privilégiés qui y embarquent, Satine n'est pas passée pas inaperçue. Tous se retournent sur le passage de sa silhouette fine et gracieuse. Une si jeune femme qui accède à un tel luxe, cela intrigue. Elle doit faire partie de l'aristocratie, au moins comtesse, mieux une princesse d'un pays étranger ? Mais qui est-elle ?
Satine, jusqu'à un jour récent , n'était pas danseuse, elle était danse.
Ce jour où lors de l'ultime répétition du ballet « TWO » créé à l'origine par Russel Maliphant pour Sylvie Guillem, elle n'avait pu, épuisée, ordonné à son cœur de ralentir, et s'était effondrée.
Le médecin lui avait diagnostiqué une malformation cardiaque rare jamais détectée jusqu'alors. « Vous avez eu de la chance de vous en tirer avec ce que vous faites endurer à votre corps . Vous êtes jeune Satine. La vie devant vous. Ayez confiance. »
Elle était sorti de la consultation, désemparée. Elle avait tout sacrifié à son art.Depuis l'âge de cinq ans, elle dansait. D'abord 1 heure par semaine, puis par jour puis 4,5,6 heures et jusqu'à 8h parfois.
La danse, une discipline de fer, des pieds malmenés, meurtris, un corps à modeler contre nature, une souffrance des articulations et des muscles sans cesse étirés, pour donner l'illusion de la légèreté et de la facilité.

Diego lui avait offert pour la distraire un beau voyage et 2 mois de vacances. Il avait tenu à l'accompagner à la gare. Il aurait voulu l'escorter jusqu'au quai mais Satine n'aimait pas les Au revoir qui sonnaient parfois comme des adieux. Un sourire complice, deux baisers délicats déposés sur les joues de son père et « Hasta pronto querido papà », en lui prenant la valise et le sac de voyage Vuitton achetés pour la circonstance par ses amis du corps de ballet de l'opéra de Paris.
Deux mois loin de la grisaille pour envisager une nouvelle page de sa jeune vie. Satine, 24 ans en août, savait qu'elle reprendrait pied , l'amour de la vie chevillé au corps. Curieuse, passionnée, tout lui semblait à découvrir en elle et au dehors. Sa discipline monacale lui procurait une assise solide mais l'avait tenu confinée loin des distractions et préoccupations des jeunes de son âge. Au premier rang l'amour, ses joies et ses tourments, dont elle ignorait tout. Ses aventures amoureuses tenaient plus de la camaraderie, simples, confortables, sans drame. Son tempérament passionné et sauvage s'exprimait tout entier dans la danse.
Satine entre dans sa cabine spacieuse, fait valser ses ballerines, hume l'odeur du cuir, du velours, effleure les boiseries. Son parfum masculin ajoute une note subtile au tout. Elle passe dans le cabinet de toilette, une vrai salle de bains début de siècle. Elle fait jouer les robinets-oiseaux, eau chaude, eau froide, s'asperge le visage, toujours à l'eau froide. Le miroir biseauté argent, incrusté de nacre lui renvoie une image qu'elle adopte ; un mélange de profondeur et de fantaisie. Elle retourne au salon, tire les rideaux, s'étire, se laisse aller dans la chaleur et le silence enveloppants qui règnent là.
Satine sort de son sac un carnet de moleskine, suce le bout de son crayon et écrit : Satine va vers.... Le train s'éloigne du quai, ses yeux se ferment, elle s'allonge et s'endort sur le rêve du voyage avant le voyage.

La rencontre de Satine

« Je serai l’enfant doux
qui sourit aux choses
et à lui même
sans réticence ni réserve. »
Yannis Ritsos « Symphonie du printemps »

 
Combien de temps ai-je dormi ? Satine s'éveille au son d'une musique de Mozart diffusée dans le wagon. Elle reconnaît le concerto N° 21 en C Majeur K. 467. Elle se frotte les yeux et contemple par la fenêtre les lilas en pleine floraison qui lui rappellent les brassées de lilas blancs que Pascal, un ami de la famille, apportait avec le printemps quand ce n'étaient pas des fleurs de magnolias. Satine ouvrait ses petites mains en forme de coquillage pour recevoir avec ferveur l' offrande d'une de ces fleurs.
Un rayon de soleil sur son visage, Satine pense « Je n'ai pas pris de petit déjeuner ce matin, je commence à avoir grand faim ». Pieds nus , elle va se rafraîchir les mains, le visage à l'eau froide, toujours à l'eau froide, défait sa tresse, un zeste de gloss sur les lèvres, suspend son geste, tend l'oreille. Mais oui, quelqu'un vient de pénétrer dans sa cabine. Satine sort de la salle de bain et se retrouve face à un drôle de petit bonhomme, une sorte de Mr Pickwick trop longtemps oublié dans un livre poussiéreux relégué au fin fond d'une bibliothèque.
Ce Pickwick-là porte comme un étendard une réjouissante bedaine. Le dernier bouton de son pantalon à damiers jaunes et noirs vient de sauter. Cela se produit lorsqu'il esquisse une amusante courbette qui se veut révérence. Heureusement les bretelles maintiennent le tout. Satine peut apercevoir quelques rares cheveux sur le sommet rose de son crâne, en voie de désertification, lorsque celui-ci balaie le tapis d'orient.
« Gente demoiselle, permettez mon étonnement de vous trouver dans ma cabine » dit-il d'une voix de crécelle.
Il regarde autour de lui étonné de voir des objets appartenant visiblement à la gente féminine.
« Euh, oui, voilà qui est surprenant......Vous vous trouvez dans ma cabine....Ou peut-être pas ». Et sa voix de passer de la crécelle au basson.
Sa redingote jaune bouton d'or en velours de soie a dû faire les beaux soirs de la Comédie française à la belle époque. La trame, comme les stries d'un tronc pourrait en indiquer l'âge exact. Pour donner un côté classique à l'ensemble, Pickwick a opté pour une chemise jaune pâle. Mais la sobriété de l'élément se trouve contrariée par une constellation de tâches étoilées : là du chocolat, plus à gauche un jaunissement, de la javel peut-être, plus bas une tâche rouge lie de vin. Pickwick affiche sur sa chemise son goût de la bonne chère.
Satine baisse la tête, prise par une irrésistible envie de rire. Son regard tombe sur des chaussures noires à bouts jaunes, impeccablement cirées, objet de tendres attentions.
« Je me présente Satine Mahé, mélange des îles et d'Andalousie, cabine n°7. Comme vous pouvez le constater, c'est inscrit ici sur la plaque de cuivre, cabine n°7. Et sur mes bagages mes initiales SM »
« Agent Pélican, pour vous servir. Mais où avais-je l'esprit ? Pardonnez à un vieux professeur d'université d'avoir la tête dans les étoiles »
« Agent Pélican, vous êtes tout pardonné. Savez-vous où se trouve votre cabine ? » Satine ne peut réprimer un fou rire
« Chut, oui, bien sûr que oui, mais c'est top secret. Je suis là incognito »
« Ne craignez-vous pas que votre accoutrement, je voulais dire votre costume, ne soit pas trop voyant ? »
« Bien au contraire, demoiselle Satine, c'est lorsqu'on est trop visible qu'on devient l'homme invisible. Je vous laisse méditer ces propos. Peut-être aurons-nous l'occasion de nous recroiser. Au revoir Mademoiselle Satine, je compte sur votre discrétion. N'oubliez pas, je suis là incognito, vous ne m'avez jamais vu ».
Pélican-Pickwik se fend d'une nouvelle courbette fatale... au dernier bouton de sa chemise qui vient de sauter lui aussi.

Suspense...

« Suspense is like a woman.
The more left to imagination. The more the excitement »* Alfred Hitchcock

*Les femmes sont comme le suspense. Plus elles éveillent l'imagination, plus elles suscitent d'émotions

 

Satine , espagnole par sa cantatrice de mère, avait déjeuné fort tard, un peu plus de 14 heures, d'un simple turbot au sabayon de champagne. Elle pensait retrouver son étrange visiteur, mais à cette heure le restaurant avait été déserté. Le soir, désireuse d'observer les autres passagers, elle s'était rendue au wagon restaurant à 20 heures,l' heure française du dîner. Satine, avec son look années 50, -jupons et jupe vichy noir et blanc ,ceinturon enserrant sa taille fine, corsage échancré dans le dos et ballerines noirs-, tranchait sur les tenues luxueuses et chatoyantes de ces dames. Après avoir jeté un coup d’œil au menu, elle avait opté pour une trilogie de caviar Baeri, Oscietre et d'esturgeon blanc servie avec des blinis à la crème fraîche.
Pour le premier jour de ce voyage inaugural, le champagne s'imposait : Un Dom Pérignon rosé par David Lynch. Autant pour le côté rosé que pour son auteur. La voilà embarquée dans les arcanes de « Mullholand Drive », ce film qui la fascine et dont elle n'a pas percé tous les mystères.
Un homme semble, comme elle, étudier son entourage. Mais alors qu'elle s'amuse à détailler les tenues, les attitudes, la façon de manger, lui semble sonder leurs âmes. Un psy ?, un gourou, ? un écrivain, oui un écrivain sûrement. L'homme caresse sa barbichette , lui sourit, vient vers elle.
« Je vous regarde nous dévisager depuis le début du repas. A votre avis, que vais-je prendre pour le dessert ? . Je me présente Sigmund F.
Satine rosit, fronce les sourcils., prends la carte des desserts, hésite.
« Pour moi, ce soir pas question de me priver de dessert. Pavlova de framboises à la crème d'estragon, suivi d'un café, arrosé d'un alcool de poire. Jour 1 au diable le régime ! Pour vous, j'hésite entre le frugal et le généreux, coupe de mara des bois ou Sachetorte, un armagnac pour terminer .
« Eh bien, choix judicieux je prendrai les deux, Mademoiselle.... ?
« Satine »
Avant de regagner sa table Sigmund lui glisse à l'oreille :
« Nul d'entre nous ne peut jamais démêler le nœud des fictions qui composent cette chose incertaine que nous appelons notre moi. »
Satine n'a pas l'habitude de boire. Deux coupes de champagne, un alcool de poire la rendent euphorique . Les passagers, plutôt des hommes, se rendent au fumoir . Satine s'attarde espérant apercevoir l'agent Pélican. La méditation de Thaïs la tire de sa rêverie. Elle se rend dans le salon de musique où quelques personnes en tenue de soirée, smokings et robes longues prennent des poses nonchalantes ou alanguies, l'alcool est passé par là. Un duo piano violon alterne valses de Vienne, jazz, musiques de film. Satine s'approche du pianiste lorsqu' il entame « Moon River ». Elle se met à chanter
 
«We're after the same
Rainbow's end
Waiting round the bend
My hucklleberry friend
Moon river and me »*
 
*Nous cherchons le même bout d'arc en ciel...
Elle adore cette chanson interprétée par Audrey Hepburn dans le film « Breakfast at Tiffany's ».
Un bruit de pas lourds et précipités dans le couloir, une voix de basson « Que personne ne bouge ! », interrompt son chant et le piano. Tout le monde se retourne vers la porte où apparaît, tel un Zébulon monté sur ressorts, l'agent Pélican tourrnicoti tourrnicoton.
Un serveur, frappé par cet étrange apparition en renverse son plateau. Trois verres brisés, mauvais présage. Pélican a changé de vêtements et adopté les rayures, un large éventail de rayures, horizontales bleues sur fond blanc pour la chemise, verticales blanches sur pantalon bouffant bleu pour le bas. Pour compléter la tenue, la fameuse redingote jaune bouton d'or assortie aux chaussettes et aux chaussures, fort heureusement unies pour épargner les yeux fatigués par tant de débauche vestimentaire.
« Mesdames, Messieurs, prenez place, installez-vous confortablement » intime-t-il aux voyageurs venus rejoindre « sur ordre » les mélomanes d'un soir. « Un événement fâcheux nous oblige à cette désobligeante ou agréable promiscuité., c'est selon »
des Oh ! des Ah ! , des « Mais qui êtes-vous donc ?' », des « Qu'est-ce que ce galimatias-là ? », des « Qui est donc ce grossier personnage ? », des gloussements mi amusés, mi offusqués par tant de bizarrerie font régner une atmosphère à la fois pesante et joyeuse
« Je me présente (une esquisse de courbette) Professeur Glorieux,chargé entre autres de la surveillance de Lady Blunt. Lady Blunt a disparu et celui ou celle qui l'a enlevée est parmi vous. Depuis notre départ, aucun passager n'est monté ni descendu de ce train. Lady Blunt a été prêtée à Maestro L'archet, Gérard L'Archet. ».
La stupéfaction se lit sur presque tous les visages. Ce n'est pas tant la disparition qui choque mais la désinvolture et le cynisme pour parler d'une « Lady prêtée à un maestro ».
Devinant la méprise, le professeur déplie, face public médusé un portrait noir et blanc de Lady Blunt
Un silence
« Mais Professeur, ça c'est le portrait d'Alice Ernistine Prin, plus connue sous le nom de Kiki de Montparnasse » s'exclame une petite dame brune qui se tient à l'écart , l'air revêche, dans un coin reculé de la salle.
Elle se tourne vers les autres passagers « Nous reconnaissons tous ici le célèbre violon d'Ingres de Man Ray, n'est-ce pas ? ».
« Cet aimable divertissement fait partie du voyage. Ah, Ah très drôle . Bravo Monsieur le Professeur . Votre nom, Glorieux, pourrait se trouver au générique de mon prochain film»
Le professeur vexé lance un regard noir à l'importun, Laurent Delaplace, cinéaste en perte de vitesse .
« En effet Monsieur j'ai voulu détendre l'atmosphère avant de procéder à un interrogatoire serré de chacun d'entre vous. ».
Une voix calme et profonde , un homme debout près de la porte demande :
« Pardonnez ma curiosité , mais à quel titre Professeur allez-vous enquêter ? »
Satine reconnaît la voix de Sigmund F.
« Je me présente Agent Pélican ZKTT, ancien professeur des universités à la retraite.Je suis secondé dans ma mission par mon adjointe Mlle S.M. Ici présente.  »
Satine fort heureuse de ce nouveau rôle, exécute un glissade et un jeté
« Je me présente Satine Mahé, mélange des îles et d'Andalousie, cabine n°7.
 
Et mêlant sa voix à celle de Pélican, ils annoncent en chœur  « Lady Blunt est un Stradivarius datant de 1721, propriété de la Fondation japonaise de musique.
Agent Pélican enchaîne : « il a été prêté au Maestro G. L'Archet pour sa dernière tournée en tant que violoniste. Après quoi, il se consacrera uniquement à la direction à la tête de l'orchestre philharmonique de Paris. » Tous se tournent vers un homme dégingandé, pâle,mine défaite qui incline légèrement une tête aux boucles poivre et sel. Applaudissements aussi incongrus que nourris. Ils doivent se croire tous sous les lambris de l'Opéra Garnier.
A la baguette sans baguette , mais avec maestria,Agent Pélican ramène le silence.
« Que personne ne sorte d'ici. Mademoiselle Satine et moi-même allons procéder à la fouille des cabines. Le capitaine du train veillera à la rigueur de notre travail et à la remise en état des lieux.
Mademoiselle Satine, suivez-moi ».
Murmures indignés qui se transforment en brouhaha, agitation
« C'est un scandale. ! » lance Delaplace. Phrase reprise à la cantonade par la majorité sauf trois personnes qui gardent le silence et leur sang froid. Satine sort en exécutant un entrechat et une profonde révérence, se précipite à la suite d'un Pélican replet étonnamment vif et souple.
Un cri déchire la nuit. Un appel au secours. Rien d'humain dans ce cri. Pélican et Satine se trouvent devant la cabine numéro 13. Ils viennent d'identifier le cri, le miaulement désespéré d'un chat. « Je passe devant » dit Pélican « Et moi derrière » répond Satine qui semble follement s'amuser.
Seule la pleine lune éclaire l'endroit. 2 yeux luisants, un désordre indescriptible, le velours rouge du rideau déchiqueté, une porcelaine brisée , un fois gras étalé sur le tapis.
« Le chat, c'est un indice » s'écrie Satine.
«  Non demoiselle Satine, le chat ici c'est strictement interdit »
«  Le Chat , le surnom du voleur Cary Grant dans « La Main au collet » d'Alfred Hitchcock. Vous serez mon Cary Grant, je serai votre Grace Kelly »
« Mais je ne mesure qu'1m69, Demoiselle Satine »
« Et moi, je ne suis pas blonde !

Au cœur des ténèbres

        « La nuit est enceinte, qui sait de quoi elle accouchera à l'aube »  
          La mort des bois »  Brigitte Aubert
 
Tentant de faire rempart de son petit mais large corps, Pélican opine
-Ce chat qui est un signe à vos yeux semble inamical, hostile, voire malveillant. Comment savoir s'il est vacciné ? De quelles maladies il est porteur ? Ne lui trouvez-vous pas un air de dégénéré ? Sa face abâtardie me fait soupçonner une longue suite de croisements consanguins . Tout cela est douteux, trouble, louche, inquiétant et pour tout dire suspect.
Récapitulons : cabine numéro 13, chat noir dégénéré nourri au pâté, au pâté de foie, j'ajouterai au pâté de foie gras conduisant tout droit ce qui fut un félin à la stéatose hépatique métabolique. Signes, présages, révélateurs, que d'indices demoiselle Satine. La parfaite scène de crime ! S'exclame triomphant petit Pélican en se frottant l'une contre l'autre deux mains roses et dodues.
-Je m'incline devant votre sagacité, votre discernement, votre flair Agent Pélican, mais permettez à une jeune femme inexpérimentée de ne pas voir le rapport entre cette scène certes intrigante avec notre Stradivarius ?
- Comment quel rapport ? Hum, hum, voyons voir...Quel rapport ?.....A priori aucun. Mais qui recèle un chat peut soustraire un violon ! Le voilà le rapport !
 
Monsieur le chef de bord, nous allons, mon adjointe débutante mais néanmoins sagace et moi-même, procéder à une fouille dans les règles de l'art. Veuillez, je vous prie, mentionner, citer, consigner, relater dans ce calepin nos observations. Et ceci, j'insiste, strictement,soigneusement, minutieusement, méticuleusement, scrupuleusement,...
Le chef de bord, agacé, coupe Pélican dans son élan lyrique
-Monsieur, sauf votre respect, je crois que nous avons compris.
-Oui, oui, je m'égare un peu. Trop de surmenage. Je retourne dans ma cabine prendre quelque repos. C'est ainsi que je procède. Une tisane de nénuphar, un dodo et un rêve. Hercule Poirot se présente dans ma phase de sommeil paradoxal et il a l'extrême amabilité de délivrer sous formes de devinettes, charades ou rébus, des pistes qui permettent la résolution de l'énigme. Seul moi Glorieux-Pélican est capable de déchiffrer ces messages sibyllins, obscurs et pour tout dire abscons.
Sur ce, Mademoiselle, Monsieur, je rentre en hibernation temporaire cabine 17. Monsieur le chef de bord ,ayez l'amabilité de me faire porter mon breuvage au nénuphar de Saïgon parsemé de graines de pavots ainsi qu'un petit verre de grappa, aide indispensable au processus de l'entrée au royaume de Morphée, le dieu des rêves.
 
Le chef de bord claque des talons, trop heureux de quitter la compagnie de cet étrange équipage.
Satine plus interloquée que désemparée mais toujours amusée quoique déçue du report sine die du grand frisson, retient l'agent Pélican par le col élimé de sa redingote de Roi Soleil
-Et les passagers consignés dans le salon de musique, y avez-vous songé ?
-Allez leur dire de faire un petit somme sur place. Faites porter des plaids, couvertures, coussins et polochons pour leur confort. Signifiez-leur que la vérité est en marche. Elle marche, elle trotte, elle file, elle court, elle galope !
Et sur ces entrefaites, Agent Pélican, pressé de regagner sa douillette cabine numéro 17, accroche et laisse un pan de sa redingote à la poignée de l'habitacle.
-Encore un mot, jeune apprentie. Méditez la devise de mon maître Hercule Poirot : « L'impossible ne peut se produire, donc l'impossible doit devenir possible, malgré les apparences. »
A l'instant où il sort, par la fenêtre, un éclair zèbre le ciel suivi d'un tonnerre assourdissant.
Nous sommes plongés au cœur de l'incompréhensible, l'hermétique, l'inexplicable, l'insondable. Bref nous nageons en plein suspense.
Satine reste seule pensive et songeuse :
« Ne cède pas à l'imagination, c'est toujours le pire, elle ne sert que la littérature »*
*Le cycle de la vérité, la théorie Gaïa-Maxime Chattam
Satine mène l'enquête
 
« Ne cède pas à l'imagination, c'est toujours le pire, elle ne sert que la littérature »*
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l'imagination, Satine n'en manque pas. Une sensibilité artistique exacerbée contrebalancée par une assise solide donnée par une famille aimante et la discipline de la danse.
-Réfléchissons, réfléchissons, se dit-elle en regardant le chat qui la fixe à son tour.
-Sur qui m'appuyer pour résoudre notre affaire à ton avis ? Dois-je me fier au guère Glorieux Pélican et à ses méthodes peu orthodoxes ? Et si je m'adressais à l'homme qui sonde les âmes, ce Mr Sigmund F. ?
-Miaou, miaou. Le chat noir vient se frotter contre Satine , la queue dressée en signe de confiance et d'approbation
« Voyons, voyons , comme dirait mon chef, posons-nous les bonnes questions :
*Vol d'un stradivarius d'une valeur inestimable prêté à un grand chef d'orchestre, Gérard L'Archet
*Affliction du sus cité privé de son instrument, instrument qu'il doit restituer à la fin de sa tournée
*Instrument assurément assuré. S'en assurer
*Autre chef d'orchestre dans ce train, Herbert. Pas très connu le Herbert. Suspect convenable. Un peu convenu, non ?
-Miaou. Le chat approuve les hypothèses émises à voix haute par notre détective en herbe.
Un ballet de serveurs élégants chargés de couvertures en mohair, plaids, pashminas, polochons et coussins en velours Camango , interrompt les réflexions de Satine qui décide de les suivre dans le salon de musique où les conversations vont bon train... Alors que ce dernier , lui, reste immobilisé.
Satine cherche des yeux mais en vain Sigmund. La petite brune de la cabine numéro 13 se précipite affolée sur elle
-Avez-vous trouvé mon Pyrrhus ? Comment se porte-t-il ? A-t-il mangé ?A-t-il dit quelque chose ?
-Toujours consigné cabine numéro 13 Madame. Il a dit Miaou, miaou à plusieurs reprises. De ce côté pas d'inquiétude. Question nourriture, le voilà gavé d'un excellent foie gras. Vous devriez surveiller son alimentation. Je ne vois pas M. Sigmund ?
Une voix masculine, celle de Laurent Delaplace répond :
 
-Ce cher M. F. a décidé d’aérer ses neurones et ses poumons. Il est descendu avec son mini vélo sur la voie. Un besoin urgent de faire de l'exercice. Il m'a confié une missive à votre attention. La voici
Sauf votre respect, et en dépit de la consigne de rester consigné jusqu'à nouvel ordre, je suis parti longer les rails avant que mon esprit dans cette atmosphère délétère ne déraille.
Je fais confiance à votre sens de l'observation. Fiez-vous à votre intuition et à ce chat noir, Pyrrhus. Il en sait long. Réfléchissez Mademoiselle, réfléchissez, déduisez, solutionnez.
Pas d'erreur d'aiguillage. Très peu de mystère dans cette affaire . Bien à vous. Sigmund F.
Satine sort du salon.
Une intuition, une prémonition, un pressentiment, le flair, l'instinct....Oh la la, voilà que Pélican déteint sur moi.
Cabine numéro 13, elle passe chercher Pyrrhus en chantonnant. Aussi féline que le félin elle se dirige vers la cabine 17. Satine tend l'oreille, toque à la porte, trois petits coups suivis de trois autres plus vigoureux et entre sans attendre une invitation qui ne vient pas dans le compartiment où ronfle paisiblement l'agent Pélican. Satine le secoue un peu, puis un peu plus, puis devant l'absence de réaction y va fortissimo. Glorieux sursaute, tressaute et saute hors de sa couchette. Face rubiconde, il a dû avoir trop chaud dans son pyjama laineux à damiers roses et verts, il ôte sa capuche et ses bouchons d'oreille, tentant de reprendre ses esprits.
Pyrrhus, oreilles et queue en plumeau dressées, manifeste sa colère , marquant un réel antagonisme à l'encontre du petit homme ou de son accoutrement ou de l'ensemble.
-Asseyons-nous et devisons cher Monsieur Pélican. Avez-vous été visité par votre ami Hercule Poirot ? Et ce petit somme de près de deux heures a-t-il eu vertu tant divinatoire que réparatrice ?
-Eh bien demoiselle Satine, la situation dans mon rêve semblait tarabiscotée, confuse, amphigourique, embrouillée et aussi nébuleuse que mon état présent. Il faudrait sûrement que je m'y remette car ces derniers mots prononcés comme un mantra : «  Tu détiens la clé du mystère, tu détiens la clé du mystère, tu détiens la clé du mystère » me laissent dubitatif, voire perplexe.
-Pas question Pélican.
Miaou agressif de Pyrrhus . Traduire par Pas question. Et le voilà qui bondit dans un recoin du compartiment et s'arrête devant le coffre fort dont est équipé e chaque cabine.
-Rien n'a été volé agent Pélican. Le voleur c'est vous. Vous avez tout simplement oublié que dans votre désir de protéger le précieux instrument, vous l'avez, sans en avertir M. L'Archet, placé dans le lieu qui vous paraissait le plus sûr, le mieux protégé, à savoir sous votre garde attentive et vigilante.
- Un léger instant de distraction somme toute, Mademoiselle Satine, n'est-il point ?

All that jazz

« Je me balade. Il y a bal dans ballade. C'est donc là aussi qu'on peut danser, et tant qu'il est encore temps et aussi longtemps que je pourrai, je veux danser » Sarah Moon

  •  

    Après cette nuit agitée , riche en émotions, le jour suivant doux et ensoleillé, permit à chacun de se remettre de l'inconfort et des péripéties nocturnes. La consultation du « Menu sous les étoiles», ultime dîner à bord, servi à vingt heures précises, acheva de les mettre de bonne humeur, enfin pas tous. Certains gardaient une animosité à l'égard de cet espion de pacotille. Mais ce menu concocté par trois chefs étoilés, ah ce menu !

  • Apéritif et amuses bouches

  • Nems de homard et avocat chantilly au soja

  • Noix de coquilles Saint- Jacques façon «Rossini »

  • Baron d'agneau laiton rôti, quelques épices douces

  • Sphère à la noisetine du médoc, cristallines et sorbet poire

  • Café et mignardises

    l'annonce solennelle du chef de bord faite sur le coup des 16 heures :

    « Vous êtes invités à vous rendre dans le wagon bal à 23h30 en tenue de soirée. Pas de panique. R.A.S. » suscita de nombreux commentaires drôles, intrigués ou affolés. Comment interpréter ce message ? Y-avait-il un code, un sens caché à ces mots trop simples pour être honnêtes. Les privautés de langage de ce chef, non mais quel culot !

    Une horde de passagers allèrent trouver Horace Ride qui ne se départit pas de son flegme britannique et les rassura. Juste une dernière belle soirée avant l'arrivée prévue à sept heures du matin en gare de Sirkeci , située au pied de Topkapi.

    Tous sont là à 23h30 précises. Tous, non.

    A 23h32, un couple fait son entrée au son de la voix envoûtante de Léonard Cohen « Take this waltz ». Satine smoking blanc, chaussée de Repettos gainsbouriens pose une main gantée sur l'épaule de l'agent Pélican sobre et élégant dans son smoking noir, chemise blanche, chaussures vernies noires épousant harmonieusement ses tout petits petons. D'une main conquérante, il encercle la taille de guêpe de sa cavalière. I Ah, cet homme-là ! Il ne sait peut-être pas résoudre les affaires, mais danser, là il est à son affaire. Après un tour de piste Satine invite Sigmund F. à valser avec elle, Pélican se dirige de même vers Mme Alcantara trop heureuse de tournoyer au bras d'un bon danseur. Et chacun chacune se laisse entraîner, le champagne aidant, dans le tourbillon de la vie de bobohème.

    Laissons le dernier mot à notre Glorieux Pélican citant Proust :

  • « L'existence n'a guère d'intérêt que dans les journées où la poussière des réalités est mêlée de sable magique. »

    ___________________________________

 

 

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Rédigé par Odile

Publié dans #Voyage

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Publié le 7 Décembre 2024

Sofia ALCANTARA, 42 ans , Veuve, Comédienne.
Petite, brune, mince, regard ténébreux, éprouvée par la vie, donc méfiante et solitaire.

Nostalgique de la belle époque, elle veut se faire plaisir en évoluant loin du quotidien, un rêve devenu réalité.

EMBARQUEMENT POUR UN MYTHE
L' annonce du départ imminent dans les haut-parleurs marqua l' agitation parmi les voyageurs.
Quelques grincements et secousses, et le convoi s'ébranla.
Bien loin des glissades étouffées du métro parisien, surprise, elle vint s'effondrer dans la couchette de velours.
Pas encore installée, ce démarrage la fit sortir de sa béatitude admirative quant à la décoration et eut peine à réaliser sa chance de se trouver à bord de ce fameux palace roulant.
Sofia compris de suite que l'authenticité de cette machine mythique à remonter le temps aurait raison de son investissement : le premier contact promettait des sensations vertigineuses !...
Non pour la beauté des paysages qui défilent - d'ailleurs ce ne sont pas eux qui défilent mais nous ; pas eux les vedettes mais nous !  alors à nous  tapis rouges, moleskine, velours, soieries car comme disait son grand-père accro à l'auto : " Le train c'est de la déportation entre deux talus".
Alors qu'au moins cette déportation soit des plus agréables et confortables en laissant le corps se mouvoir sans être ceinturé à son siège...Et quel cocon raffiné !
Fouler les tapis que les plus prestigieux ont foulé avant soi, se lover dans les fauteuils ayant accueilli leur respectable séant, c'est comme appliquer ses mains dans les empreintes des stars sur le fameux  Hollywood boulevard, trouver celle qui épousera parfaitement notre paume afin de réaliser notre rêve...et prendre son temps!
Pour notre époque du moins, car lors de sa conception, Georges Nagelmakers visait plutôt le businessman pressé en lui vantant le temps gagné sur le parcours en comparaison d' autres moyens de transport tout en jouissant de son confort habituel, à en croire les revues spécialisées...
Au fait, il était peut-être temps de libérer Pyrrhus.
Le pauvre félin s'impatientait dans son sac de transport mais il fallait rester prudent car nos amis à quatre pattes ne sont pas autorisés dans ce train de légende.
Bien qu'elle doutat  qu' aucune de ces dames de la haute société n' eut jusqu'à présent osé défier le règlement en introduisant en catimini leurs petites créatures poilues...
Comme Pyrrhus ne miaule jamais, personne ne s' apercevrait de sa présence ; il fallait tout de même jouer la carte de la discrétion.
Sofia devait à présent s'enquérir de quelque nourriture substantielle pour son compagnon adoré : dans la frénésie du départ elle avait oublié pâtées et croquettes. Impardonnable étourderie ! Elle s'en voulait mais il était trop tard...
Après l'avoir installé confortablement sur la banquette et  l'avoir rassuré, elle sortit du compartiment en prenant soin de le refermer à clé et se dirigea dans le couloir à la recherche du wagon restaurant.

ATTENTION : DON JUAN A BORD !
Le couloir est étroit ceint de part et d'autre par les fenêtres et les compartiments. L'instabilité des boogies fait vaciller Sofia de gauche à droite.
Soudain une personne arrive face à elle ; elle va alors pour se plaquer contre un compartiment mais le voyageur élancé - et ma foi très séduisant - devance son geste et l'invite à passer en s 'adossant à la première fenêtre venue : " En voilà un galant homme !, pense-t-elle,  il y a belle lurette que la gente masculine ne s'efface plus pour laisser passer la gente féminine...l'environnement de ce train de légende aurait-il une certaine emprise sur le comportement macho?..." se dit-elle, en s'efforçant tout de même de se faire petite (ceci dit, elle n'a pas grand mal du haut de son un mètre cinquante).
Au moment où ils vont pour se croiser, l'homme et elle forment déjà un couple comme dans une danse de salon : moment furtif, vite évanoui, car chacun va pour reprendre son chemin.
Sophia se retourne alors et interpelle ce co-voyageur :
" Excusez-moi monsieur ! Savez-vous où se trouve le wagon- restaurant ? "
- Chère madame, vous allez dans la mauvaise direction, il est par là ! " dit-il en montrant le sens qui menait au compartiment de Sofia. J'y vais moi-même si vous voulez me suivre ?..."
Sophia fait un signe d'acquiescement et les voilà partis,  l'homme devant, elle derrière.
Elle a alors tout le loisir de l'observer : grand, chic, d'un âge confirmé par sa chevelure poivre et sel - enfin plus sel que poivre - le pas assuré malgré l'instabilité de la marche du train ; il tient un cigare à la main, détail peu négligeable qui en dit long sur sa situation sociale... C'est un bel homme mais l'anneau à sa main gauche fait retomber le soufflé, son sillage laissant pourtant planer une eau de toilette envoûtante : " Oublions le présage de la cartomancienne, dommage ...l'heure, le moment et le personnage n'ont apparemment pas été convoqués par les astres !"
Bientôt le bruit émanant du wagon restaurant la détourne de ses pensées, ils étaient arrivés.
-  "Je vous en prie " et l'ex- prince charmant de ses pensées s'efface pour la laisser entrer.
- Voulez-vous dîner avec moi ? enfin si vous êtes seule ...
Sophia baisse les yeux
- C'est en toute amitié pour tromper une solitude peu enviable...
Sophia hésite : si elle accepte, Pyrrhus le ventre creux va s'impatienter. 
- Merci mais...
- Ne vous méprenez pas sur cette invitation, c'est en tout bien tout honneur!
Cette formule, elle la connaît bien, c'est souvent le toboggan plongeant sans préavis dans la couche des amourettes.
- Sans façon, merci.
Je vais commander mon dîner et me retirer dans mon compartiment ; je suis un peu lasse. A bientôt peut-être."
Elle se dirige vers le serveur afin de passer commande d'une Croquantine de saumon et sa crème d'asperges en entrée, d'un filet de Lieu façon Chambord (comprenez contour pommes duchesse) et d'une île flottante à la Norvégienne en dessert.
Voilà le doggy bag de Pyrrhus, bien garni mais à partager, qui sera apporté d'ici peu par le serveur.
Elle quitte le wagon restaurant non sans avoir salué son Don Juan grisonnant. 
LA DISPARITION OU "La musique adoucit les mœurs ou excite les esprits."
Toute à la joie de retrouver petit Pyrrhus, le chemin de retour vers son compartiment lui parut tout à coup plus rapide.
Pyrrhus l'accueillit avec des ronds de pattes à n' en plus finir.
Une vingtaine de minutes plus tard on frappe à la porte : c'était le serveur apportant sur la desserte roulante le repas commandé par Sophia.
Sitôt la porte refermée derrière le serveur,  Pyrrhus devint tout agité aux fumets de ces plats délicieux.
Le binôme complice partagea le repas puis le chat se mettant à sa toilette, Sophia dégusta l'île flottante avec délectation.
Soudain des rumeurs étouffées, des pas dans le couloir, une agitation rompant la quiétude du bercement de la machine sortit Sofia de son abandon dégustatif.
Trois coups à la porte et le chef de train s'annonçait :
-  Madame Alcantara, bonsoir. C'est le chef de train. Puis-je vous parler?
 - Oui bien sûr. Un instant je vous prie, répondit-elle et, interrompant la toilette de son petit compagnon, elle le fit disparaître dans sa caisse de voyage tel un prestidigitateur habile pour avoir réalisé le tour plus d'une fois ! Puis elle ouvrit la porte.
- Bonsoir madame, je suis désolé de vous importuner mais un incident vient de se produire. Tous les passagers doivent se rendre dans le salon où nous les informerons sur ce fait.
- Ah bon ?... eh bien j'arrive.
- Merci Madame.
Sofia, méfiante de nature, s'inquiète un peu pensant que ce responsable du train n'a donné aucun indice sur le sujet.
"Pourvu que personne ne se soit aperçu de la présence de Pyrrhus !" C'est non sans inquiétude et brassages de pensées se bousculant dans sa tête qu'elle referme le compartiment pour se diriger vers le salon.
Chemin faisant, elle ne rêve plus, ne fait plus hésiter son pas et d'une allure franche, comme son Don Juan tout à l'heure, elle affronte à grands pas le couloir.
Lorsqu'elle arrive au  salon déjà presque tous les passagers ont pris place. Toute la surprise se manifeste sur leur visage, dans leurs propos et l'attente frénétique se fait sentir dans tout le wagon ; elle  remarque un passager très excité faisant les cent pas en se lissant nerveusement les moustaches .
Etant une des dernières à se joindre à l'Assemblée, bientôt arrive le chef de train.
" Bonsoir Mesdames, bonsoir Messieurs, merci de votre présence. Cette petite réunion semble vous surprendre ce que je conçois parfaitement. Voilà : vous connaissez le sérieux de notre compagnie, aussi je me dois d'appliquer toutes les consignes dictées dans ce cas précis, cas qui ne s'est, croyez-moi,  jamais produit à bord !
L' assemblée, littéralement suspendue à ses lèvres, attend le coup de semonce.
- Monsieur Herbert, que voici (désignant l'homme excité qui avait attiré le regard de Sofia à son entrée) est de par sa profession Chef d'orchestre, mais aussi violoniste.
Un murmure d'admiration et de soulagement passe parmi les voyageurs et les dégèle instantanément : ce chef de train est épatant ! il nous  aurait réservé une surprise ? Un récital impromptu donné par un grand maître de la musique ?...
- Malheureusement, continue-t-il, au moment de s'entraîner, comme chaque jour, il s'est aperçu que son instrument  - et pas n'importe lequel, un Stradivarius, - n'était plus dans son étui. Selon Monsieur Herbert, viscéralement attaché à celui-ci et très précautionneux, il est impensable qu'il l'ait oublié chez lui. Ainsi il m'a contacté en me demandant de faire le nécessaire pour que dans un premier temps une fouille soit organisée à bord.
Des chuchotements d'indignation secouent alors l'assemblée.
-  Nous avons bien sûr déjà procédé aux vérifications parmi le personnel et les locaux de notre logistique. Aussi je me dois à présent  de mener la même investigation scrupuleuse au niveau  des compartiments.
Je comprends votre réticence, mais une simple fouille éliminera toute suspicion et vous pourrez ainsi continuer votre voyage en toute tranquillité. Je vous demande donc à tous de vous soumettre  à ce contrôle.
Pour ce faire, Monsieur Glorieux, ici présent, m'accompagnera car en sa qualité d'enquêteur, il est bien évidemment assermenté ! Nous éviterons ainsi une immobilisation imposée par des autorités extérieures.
Ça ne prendra que deux petites heures. Je vous remercie de votre compréhension."
Tous se scrutent les uns les autres, envoyant un regard suspicieux à l'égard du voisin et innocent quant à celui qu'ils renvoient d'eux mêmes. Le rouge monte aux joues de Sofia, son palpitant bat la chamade : une fouille? mais ils vont forcément découvrir Pyrrhus !... Que faire ? Empêcher la fouille mais alors tous les soupçons retomberont sur elle ! Accepter la fouille ? Mais  où cacher Pyrrhus ? sans compter que cette fois il risque de miauler et de s'agiter...
Elle a l'impression que tous les regards se focalisent sur elle.
"Le rêve tourne au  cauchemar ! " rumine-t-elle en quittant le salon pour retourner dans son compartiment.
HERCULE POIROT
Tout à coup une lumière aveuglante envahit l'espace. Sophia se sentant happée par celle-ci, vacilla. Ses mains cherchant un appui où se raccrocher s'enfoncèrent dans quelque chose de moelleux, de doux, un bruit familier parvint à ses oreilles  : Pyrrhus miaulant sur ses genoux la ramena à la réalité.
"Mon trésor, il ne t'ont pas trouvé ! Mais le soleil brillant dans le regard félin elle comprit que c'était déjà le matin, elle s'était endormie vaincue  par la fatigue de la veille. "Ce n'était qu'un cauchemar, ouf ! réalisa- t-elle soulagée. Avoir transgressé le règlement me perturbe tellement que mon sommeil s'en trouve altéré... oublions tout ça. Maman va te rapporter un grand bol de lait et nous déjeunerons en tête-à-tête. Qu'en dis-tu? Sur ces paroles elle se dirigea vers le wagon restaurant où, dès l'entrée, elle essaya de se frayer un chemin jusqu'au bar : les voyages forment la jeunesse, déforment les valises et... creusent les estomacs apparemment, car il y avait foule, mais ils délient aussi les langues Ainsi des mots inquiétants claquent alors à ses oreilles : volé, Stradivarius, fouille, escroc, inspecteur... rêve, ou plutôt cauchemar prémonitoire que la nuit précédente ? Commandons notre petit déjeuner et esquivons- nous.
Son regard se porte sur cette grande blonde. "J'ai trouvé : je vais cacher Pyrrhus le temps de la fouille dans un compartiment qui aura déjà été visité par les inquisiteurs, par exemple celui d'une certaine Satine s'absentant régulièrement et ne fermant pas à clé derrière elle...
Forte de cette idée géniale, ils déjeunèrent à la Pantagruel.
Pyrrhus, rassasié par le milk cattybag rapporté par Sofia, exécuta un nettoyage soigneux du récipient laissant celui-ci comme neuf.
Mais les moustaches du matou, couvertes de lait, firent soudain éclater de rire Sofia et, comme vexé du rire de sa maîtresse, Pyrrhus entreprit alors une toilette méticuleuse.
Et le voilà qui passe sa langue râpeuse sur ses pattes, sur ses babines, derrière ses oreilles et recommence et recommence... quelle idée d'avoir de telles vibrisses... et elle se met à l'imaginer avec des favoris, des rouflaquettes des pattes de lapin, des côtelettes, - eh oui ça existe, ce n'est pas une blague - et bientôt la frimousse du chat devient humaine :  il porte des binocles aux yeux, un col cravate autour du cou, un chapeau melon sur la tête, un costume trois pièces, des souliers vernis et même un mouchoir à la boutonnière aux initiales HP.
- Oh là là qu'ont-ils mis dans le café ? Sofia n' en croit pas ses yeux, bientôt plus ses oreilles : un nouveau personnage se tient devant elle comme surgi de nulle part.
- Pyrrhus ! Pyrrhus ! où es-tu ? Elle se détourne pour le chercher.
- L' impossible ne peut se produire, pensez-vous ? Elle se retourne.
- Je me présente :  Hercule Poirot.
Sofia avale sa salive et s'effondre dans le fauteuil.
- Mais... mais que...
- L'impossible doit devenir possible malgré les apparences.
Elle recule.
- Comment êtes-vous entré ? Bien sûr que je vous connais, tout le monde vous connaît mais enfin vous n'êtes pas passe-muraille !
- Oh vous savez, ma longue expérience pourrait avoir eu raison des obstacles... on ne m'attend jamais là où je suis. Je fais comme les présumés coupables que je file : je passe, me retourne, m'esquive, me cache, me transforme aussi quelquefois.
- D'accord mais votre présence ici !... Elle se met à genoux.
- Je n'ai rien fait de grave, je vous jure. Il m'est tout simplement impossible de me séparer de mon petit Pyrrhus alors j'ai juste enfreint un peu le règlement. Je vous jure, je ne recommencerai plus.
- Enfin Madame, sourit-il en l'aidant à se relever. Il ne s'agit pas de votre petite "entorse" au règlement ; je suis là pour vous demander une faveur.
- Une faveur ! quelle faveur ?
- Aidez-moi à me cacher ici afin de poursuivre mon enquête d'une importance internationale.
- Moi ? mais comment voulez-vous...
- Oh je vous fais confiance, vous trouverez bien une astuce, un prétexte, une excuse en somme, dit-il en tournant autour d'elle pour la convaincre, l'intimider, la piéger... vous ne pouvez pas faire à moins, ajoute-t-il en jouant avec le collier de Pyrrhus.
Comment est-il entre ses mains, s'inquiète Sofia. 
- Où est mon Pyrrhus ? Qu'avez-vous fait de mon Pyrrhus ? le menace-t-elle en le prenant par le col de son veston.
Miaou aou...
Elle lâche prise : c'était petit Pyrrhus qu'elle tenait par le cou et le pauvre ne comprenait pas ce qui  arrivait à sa maîtresse adorée.
- Pyrrhus, mon trésor Maman ne te veut aucun mal, rassure-t-elle le chat en le serrant dans ses bras. Mon dieu que s'est-il passé ? Je deviens folle...
L'ENQUÊTE AVANCE
Dans la hâte de la fouille imminente, Sofia décide d'interpeller le chef de train afin de savoir si elle allait se faire de compartiment en compartiment, par numéro... Comment comptait-il procéder ? Il lui fut répondu que l'on laisserait déjeuner en paix les passagers ce qui lui laissa un peu de marge. Cette fameuse Satine occupe le numéro 7 ; allons vérifier si elle est toujours au wagon restaurant et son compartiment vide. En effet elle y était, dégustant comme à son habitude son éternelle tisane et en grande discussion avec un homme. Tenteraient-ils à eux deux de résoudre l'énigme ? Un jour j'ai joué dans une série policière et il était question, avant d'en arriver aux conclusions, de mobiles, d'alibis, d'indices, finalement de preuves ; quand l'enquête est bien ficelée, les conclusions émergent d'elles-mêmes. Elle s'assoit près d'une fenêtre, scrutant la scène qui s'offrait à ses yeux.
Mobile...
Pourquoi pas l'opportunisme ? écarter le chef d'orchestre trop connu et se faire une place sur le marché, autrement dit forcer le destin. Il y aurait donc deux chefs d'orchestre à bord. Oui mais qui serait l'usurpateur ? le vol ayant eu lieu durant la nuit, chacun était censé être dans son compartiment éveillé ou pas, alors pour l'alibi nous sommes tous logés à la même enseigne !
Il faut aussi des signes concrets, des indices. J'ai entendu parler d'une corde de violon égarée, l’étui vide n'étant pas un indice car violon ou pas violon, telle est la question ! Selon les infos que j'ai pu recueillir il a été supputé que l'étui n'avait peut-être jamais vu l'ombre d'un violon ; ça c'est une version que j'adopterais volontiers. Les indices vérifiés, il reste les preuves. Pour cela ils vont certainement passer le wagon au peigne fin (mauvais pour moi, Pyrrhus ne miaule pas mais perd ses poils). Il y a de quoi se faire des cheveux en ce qui me concerne...
Voler un Stradivarius, à part l'hypothèse du concurrent, il faudrait s'orienter vers un besoin d'argent : qui à bord serait dans cette nécessité quand on sait que le prix du voyage déjà engagé s'élève dans les 7000 € par jour (ceci dit je ne connais pas le prix d'un Stradivarius). Vu que le train traverse des pays où la vie est encore rude et la pauvreté étendue, il s'agit peut-être d'un trafic à visée internationale, peut-être est-ce monnaie courante de s'enrichir par le vol et le recel d'instruments de musique (escroc, mafia). Il peut aussi s'agir d'une vengeance... féminine... une femme chef d'orchestre ! Du jamais vu. Et pour cause, elles se sont toujours retrouvées au ban de la fosse de par l'autosuffisance des hommes, mais aussi les préjugés du public.
Tiens, Miss Satine commande à nouveau une tisane : ça rend la peau satinée parait-il. Ce serait donc un surnom SATINE... anagramme TISANE, anagramme ENATIS... Gloria ENATIS ! Mais c'est bien sûr... la grande violoniste qui ambitionnait la direction du philharmonique de... je ne sais plus quelle ville.
Mais alors oh là là trop compliqué pour moi, ma migraine s'installe, je devrais en avertir POIROT.
Justement si Hercule  n'avait pas investi mon Pyrrhus dans mon esprit, s'il avait été bel et bien à bord en chair et en os, il aurait peut-être déjà résolu l'affaire et sans fouille, trouvé les indices, faussé les pistes, faire croire à la culpabilité de tous et enfin faire surgir de son chapeau melon le vrai coupable.
Mais qui vois-je là-bas canne en main, moustaches, mouchoir brodé HP, chapeau melon, c'est lui ! Monsieur Poirot ! Monsieur Poirot !
L'homme se retourne.
- Oui madame?
- Vous n'êtes pas Monsieur Poirot pourtant qu'elle ressemblance !
- Je me présente Inspecteur PÉLICAN. Auriez-vous quelque témoignage à apporter ?
- Ah non, malheureusement non.
Puis elle se reprend et  joue le tout pour le tout.
- Enfin si. Il y a à bord une certaine Madame Satine, à vrai dire, je ne la trouve pas très honnête...
- Pouvez vous justifier vos dires ?
- Cette nuit je l'ai aperçue dans le couloir ; elle avait un énorme châle sur elle et paraissait beaucoup moins mince et élancée... enfin je dis ça je ne dis rien, peut-être n'est-ce pas le cas...
- Aide très précieuse Madame, Madame ?
- Alcantara, Sofia Alcantara.
- Madame Alcantara, pour tout vous avouer j'ai moi-même des soupçons et presque des preuves...
- Oh mais alors, si jamais il s'avérait que... enfin qu'elle ne soit pas aussi innocente qu'elle le parait...
- Il me reste une toute petite preuve à apporter et l'enquête serait résolue. 
- Vraiment ? et alors dans ce cas toute fouille serait inutile n'est-ce pas ?
- Exactement. Laissez-moi faire j'ai quelques témoignages à recueillir et... d'un geste il croisa les deux mains en signe d'arrestation.
- Oh pauvre femme ! En arriver là ...!
- Eh oui l'habit ne fait pas le moine, ajouta-il en tournant le dos et s'éloignant.
Alors ça ! Je ne m'y attendais pas...Comme quoi le bluff ça peut marcher...
PROCHAIN ARRÊT : VIENNE
Bientôt l'annonce de la première étape du train résonne dans les haut-parleurs, avertissant les passagers à destination de Vienne à se préparer à descendre. Toutefois, il restait suffisamment de temps pour résoudre l'enquête et se remettre de ses émotions, mais un second communiqué invite à nouveau les voyageurs à se rendre au salon car, stipulait-il, Monsieur Pélican avait démasqué le coupable et apporté ses conclusions.
Sophia, sur des charbons ardents, referma alors son livre, fit descendre Pyrrhus de ses genoux et s'engouffra dans le couloir pour ne rien rater de l'affaire.
Lorsque tout le monde eut pris place, le chef de train introduisit un homme BCBG style Eddy Barclay. "Tiens donc un nouveau personnage dans ce club !, songea Sofia ; on ne l'a pas croisé jusqu'à présent... Il était bien caché, comme le violon ! "
"Bonsoir Mesdames, bonsoir Messieurs, nous voici réunis pour la seconde fois mais en vue de vous exposer les conclusions de Monsieur Pélican ; point de Poirot dans notre vénérable train à notre grand regret. Mais en fait il n'aurait été d'aucune utilité. Monsieur Johan Von Zug, ici présent, va lui-même se présenter et vous faire part de ce dont il retourne. Monsieur Von Zug je vous en prie..."
- Bonsoir Mesdames et Messieurs. Mon nom est Johan Von Zug, annonça-t-il avec un rude accent germanique, ce qui ne vous dira pas grand-chose ; en fait je représente la W.B dont je suis producteur...
- La Warner Bros.? s'exclama Sofia ne pouvant se contenir (elle avait souvent rêvé de jouer pour cette compagnie).
- Non Madame, la WIEN BUDA, une compagnie de production allemande en coopération avec la Hongrie.
Ayant eu vent de la liste des passagers en partance sur ce train légendaire, j'ai voulu en savoir plus sur les motivations de chacun.
Je n'ai pas le pouvoir suprême mais si la destinée vous a permis d'être réunis lors de ce voyage, j'ai décidé d'être votre faiseur de rêve.
Des chuchotements empreints de stupéfaction et d'interrogation courent sur les bouches.
- En réalité vous avez tous participé, à votre insu, à un casting nourri de toutes les composantes d'une production, à savoir tous les "acteurs" au sens large d'un long métrage :  comédiens, musiciens, réalisateur, espions, escrocs (vrais ou faux) - balayant des yeux l'assemblée - pour une collaboration qui devrait relancer la carrière de chacun ! Alors désolé si vous avez eu l'angoisse de votre vie, mais je voulais tester vos compétences et votre cran jusqu'au-boutiste; alors, avec l'aide du chef de train, nous avons concocté ce trajet explosif et stressant, mais oh combien enrichissant pour nous tous.
Je connais la situation de chacun de vous pour m'en être enquis, personnelle ou professionnelle, et je suis persuadé que vous n' hésiterez pas à rejoindre notre compagnie. D'ailleurs les contrats sont prêts et n' attendent que votre signature.
Je suis très heureux aujourd'hui d'avoir réalisé mon rêve et de façonner la réalité du vôtre.
Au nom de cette collaboration nous allons porter un toast et sachez que je suis à votre disposition pour répondre à vos questions ; et surtout faire connaissance avec vous, mes partenaires.
A notre collaboration ! Prosit ! ", lança-t-il en coup d'envoi du toast, chacun ayant été servi durant ce discours.
Sofia pensa aussitôt à Pyrrhus : en l'imposant dans ce voyage, non seulement elle le saurait près d'elle mais il la protégerait comme toujours. Il était son gri-gri, son amulette, son fétiche, sa mascotte, son talisman, son  porte-bonheur, son ange gardien...
Dans un automatisme connecté, l'auditoire se retrouva à lever son verre et se congratula mutuellement  : tous étaient dans une période critique et cet homme allait leur permettre un nouveau départ dans la vie; peut-être aussi que le solitaire se sentirait soutenu, le désespéré encouragé, le repentant pardonné, le jaloux altruiste...
Le soulagement, la détente et l'alcool faisant le reste, des rapprochements et affinités se dessinèrent...
Ce Von Zug est producteur mais aussi sauveur d'âmes.
Quelle destinée aussi que la sienne !
Dans la nuit profonde, quelques lueurs dans un wagon, un cliquetis de verres entrechoqués, un train continue son chemin...

FIN sur l'écran.
Les lumières se rallument. 
 
ÉPILOGUE 
 
Ce monument ferroviaire, emblème des histoires les plus farfelues ou dramatiques, aura marqué des destins de son créateur à son repreneur. Écrin prometteur, alliant bijou industriel et machine à rêves, il aura su traverser plaines et forêts, mais aussi luxe, crise, abandon. La consécration de ces deux mots, Orient Express, transportera toujours au propre comme au figuré. 
C'est le rendez-vous de la technique, de l'histoire, de la destinée...
 
_______________________________
 
 

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Rédigé par Letizia

Publié dans #Voyage

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Publié le 7 Décembre 2024

Xavier L., 39 ans,
Escroc notoire, mondialement connu pour avoir conduit à la ruine (et certaines au suicide) un nombre conséquent de célébrités du cinéma et des médias - d'abord en France puis aux États-Unis d'Amérique. En fuite, sous le coup de plusieurs mandats d'arrêt internationaux, a pour objectif, afin d'échapper définitivement aux poursuites judiciaires dont il fait l'objet, de quitter le monde dit libre en passant à l'Est, au-delà du "rideau de fer". En raison de son agréable cadre de vie, la Yougoslavie aurait sa préférence, mais sinon un autre pays du Sud tel que la Roumanie ou la Bulgarie devrait convenir. Fort de l'impressionante fortune accumulée suite à ses inombrables escroqueries, il y refera sa vie, désormais à l'abri de tout souci comme de tout besoin.

Psycholyse...
Xavier l'avait croisé en revenant du bar en fin d'après-midi. Il ne savait pas pourquoi, mais le vieux l'avait littéralement alpagué. Sans doute l'avait-il à la bonne comme on dit. Le vieux s'était présenté par son prénom, Sigmund, mais bizarrement, il n'avait pas voulu dire son nom. Que lui, Xavier, ne donne pas son vrai nom, c'était de l'élémentaire prudence, mais que ce vieux qui avait l'air de tout sauf d'un aigrefin soit si discret, ça avait surpris Xavier. Mais dans le fond, ça n'avait aucune importance. Alors il n'insista pas. Xavier avait consenti par pure pitié à donner un peu de temps à ce vieillard qui lui apparaissait aussi joyeux qu'une porte de prison. Ce n'était certes pas un sentiment qui lui était familier, la pitié, mais Xavier pouvait quand même l'éprouver brièvement, de loin en loin, pour quelques personnes et dans des circonstances particulières. Là, ça lui était tombé dessus en voyant la gueule d'enterrement du vieux qui paraissait prêt à tout pour engager la conversation avec lui. Mal lui en prit. Le vieux faisait un truc qui avait à voir avec la psychologie, mais il appelait pas ça comme ça. Xavier ne s'en souvenait plus très bien mais le vieux parlait de psycholyse, ou d'un machin dans ce genre. Pendant plus d'une demi-heure il l'avait saoulé avec ses théories bizarroïdes comme quoi la psychologie c'était comme les icebergs, avec une partie visible, la partie émergée, et une partie invisible, de loin la plus importante, la partie immergée.
 
Les yeux pleins de fièvre, le vieux s'emballait en agitant ses mains dans tous les sens , lui expliquant que la conscience correspondait à la partie émergée de l'iceberg et l'inconscient à la partie immergée. Sur le coup, et même après en y repensant, ça avait paru particulièrement fumeux à Xavier : de deux choses l'une qu'il se disait, ou c'est de la psychologie et par définition ça concerne la conscience, ou alors, ça concerne plus la conscience et là ça peut pas être de la psychologie. Fallait choisir. C'était quand même simple, bon Dieu ! Qu'est-ce que ça venait foutre le bordel là-dedans cette histoire aberrante d'inconscient ? Mais comme au fond il n'en avait qu'à peu près rien à cirer de tout ce galimatias, Xavier avait hoché la tête en disant oui oui, pour faire plaisir au vieux, mais surtout en espérant que de la sorte ça se terminerait plus vite, parce que là, ça avait vraiment trop duré, ces capacités d'empathie avaient été largement dépassées. Mais, sacrebleu, plus Xavier acquiesçait, plus le vieux s'emballait !! Il devait s'imaginer commencer à conquérir le monde par sa persuasion et son éloquence. Il devenait intarissable ! C'est alors que la femme ibérique est venue se joindre au monologue. Il était clair qu'elle était tout à fait captivée par ce que racontait le vieux qui, en s'échauffant, s'était mis à parler assez fort pour qu'on l'entende de partout dans le compartiment.
 
Pour Xavier, ce fut une aubaine aussi inespérée que bienvenue. Sûr qu'il n'allait pas la laisser passer, lui qui était devenu depuis longtemps un expert dans l'art d'identifier puis d'exploiter la moindre opportunité que se présentait. Ça lui permettait de prendre de suite et poliment congé du vieux. C'est quand-même mieux que de l'envoyer valdinguer sans ménagement en lui faisant vertement comprendre qu'avec ses théories à la noix il le gonflait depuis déjà bien trop longtemps. Avec cordialité, il prit donc rapidement congé du vieux et de la femme, et rejoignit sans tarder sa cabine afin de se détendre un peu la tête, comme il lui arrivait parfois de dire.
Première scène dans l'Orient Express
Ça sentait pas bon. Pas bon du tout. Des deux côtés de l’Atlantique, les polices et les justices commençaient à collaborer. Et ce qu’elles découvraient, c’était pas de la bibine, c’était du lourd, du très lourd.
« Un nombre incalculable d’escroqueries - Xavier avait retenu cette phrase d’un des articles le concernant qui avait fait la une d’un journal en France - dont beaucoup ont entraîné la ruine de leurs victimes et, pour certaines d’entre elles, leur suicide. »
Et en Amérique, c’était du même tonneau. Y’avait plus le choix. Fallait partir. Et vite. Ça serait vraiment trop con, désormais si près du but, si près de la vie dont il avait toujours rêvé, de se faire coffrer pour passer ensuite le restant de son existence au trou.
Alors, dès qu’il fut informé du départ de l’Orient Express, il embarqua. Non qu’il eut quelque goût pour ce train de bourges, comme il disait. Non, le luxe et tout ces trucs, il n’en avait plus rien à foutre. Dans son ancienne vie, il avait baigné là-dedans, pas jusqu’au cou, non, mais jusque par dessus la tête. C’était simplement que les riches, on les suspecte beaucoup moins que les autres et donc, c’était plus sûr de passer par là. Et puis, ce putain de train partait vers l’Est, là où justement, il voulait aller. Ses amis n’avaient pourtant cessé de l’avertir : fais gaffe, tu sais, les cocos, ils aiment pas l’argent et ils aiment encore moins les riches, et puis là-bas, on t’estourbit comme toi tu écrases un cafard, fais vraiment gaffe, Xavier !
Ils arrêtaient pas de lui bourrer le mou avec ça. Et c’est vrai que c’était juste, tout ce qu’ils disaient.
C’était aussi beaucoup pour ça qu’il avait jeté son dévolu sur la Yougoslavie. Tito c’était un coco, mais pas un coco aligné, pas un pour et dur, un du genre qui te fait fusiller illico parce que t’as un début de commencement de désaccord avec lui. Et si la Yougoslavie c’était pas possible, y’avait toujours la Roumanie. Bon, Ceausescu avait l’air passablement chtarbé, c’est vrai, mais il avait pris ses distances avec les Soviets, puis avec les Chinois, ce qui atteste une certaine souplesse d’esprit. Et avec les gens comme ça, c’est toujours plus facile de négocier. Et puis, si rien ne marchait, il serait toujours temps de foutre le camp dans une république bananière, en Afrique ou ailleurs.
 
Xavier se promit de bientôt reprendre ses réflexions, mais ce dont il avait envie maintenant, c’était de se dégourdir les jambes et de prendre un peu l’air. Il avait entendu qu’une partie d’échec devait avoir lieu ce jour dans un compartiment attenant au sien. De plus, il était prévu qu’elle débute à seize heures, soit un quart d’heure de plus que l’heure qu’indiquait sa montre. Il décida donc à aller y voir de plus près.
La colère de Laurent
Xavier ne s'était pas fait que des amis durant le voyage. A la vérité, il s'y était plutôt fait des ennemis. Lui, le fis de manœuvre et de dame-pipi, il ne possédait pas les codes de la bourgeoisie. Avec ses victimes, c'était différent. Il n'était avec elles que pour le business. Ça, il connaissait sur le bout des doigts et, comme il n'y avait rien d'autre entre eux, tout se passait bien.
La première fois qu'il avait croisé le cinéaste, ça n'avait pas tard" à être plutôt rock'n'roll. Celui qu'en lui-même Xavier appelait le bellâtre du fait de sa mise impeccable et de son apparence avantageuse, s'était présenté chaleureusement à lui. Il lui avait parlé de ses films passés qui le laissaient encore sur sa faim et de son espoir d'en réaliser enfin un qui marquerait les esprits et le satisferait pleinement. Xavier avait répondu avec une de ses histoires habituelles : il était Jack Rozier, un Français émigré en Californie qui avait réussi dans l'industrie culturelle et il allait vers l'est, là où le soleil se lève (une de ses expressions rituelles dans ce genre de situations) à la conquête de nouveaux marchés. Mais il y avait un truc qui chiffonnait Xavier. Le gars disait être cinéaste. Or, à Paris, puis à Los Angeles, en passant par Montréal (où Xavier avait sévi un peu plus d'une année entre les deux), des gens du cinéma, il en connaissait une sacrée chiée. Mais ce nom, Laurent Delaplace, non, vraiment, ça ,ne lui disait rien. Pas plus qu'aucun des films qu'il disait avoir faits. Jamais entendu parler. C'était surprenant quand-même. Deux hypothèses avaient alors traversé l'esprit de Xavier : soit ce gars faisait des films de cul, soit c'était un réalisateur de films intellos.
Spontanément, sans penser à mal, Xavier testa la première.
"Vous ne feriez pas des films de cul par hasard ?"
Xavier ne tarda pas à se rendre compte que son interlocuteur venait de prendre un bazooka en pleine gueule à un moment où il ne s'y attendait pas du tout. Il tressaillit d'abord, puis s'immobilisa, yeux écarquillés, bouche grande ouverte, le souffle aussi court que saccadé. Après un bref moment d'hébétude, il contre-attaqua.
"Non mais ça va pas ? Vous êtes complètement fou ! Est-ce que je vous traite d'escroc, moi ?"
En lui-même Xavier sourit. Il pensa : "tu pourrais, coco, tu pourrais, que ça me serait difficile de te démentir."
L'autre reprit :
"Pour qui me prenez-vous ? Et pour qui vous vous prenez, vous ? Et d'abord, d'où vous venez ?"
"Moi, de la planète Terre, et vous ?"
Le visage du gars, déjà passablement empourpré, devint aussi rouge que le drapeau de feu l'Union Soviétique. C'en était trop pour lui. Il tourna brusquement les talons et partit précipitamment, à grands pas désordonnés, dans la direction opposée.Il vociférait presque des sortes d'onomatopées incompréhensibles. Tout juste Xavier crut-il pouvoir déchiffrer à un moment : "Quel con ! Mais quel con !".
Xavier haussa les épaules. Il n'y avait là rien de grave. Sans doute avait-il été trop spontané dans un milieu où il n'est pas forcément bon de l'être. De toute façon, la colère une fois passée, ils auraient l'occasion de se revoir, avec de bonnes chances que ça finisse par s'arranger d'une manière où d'une autre.
Deux choix possibles pour terminer les aventures de Xavier

"Qui sème le vent récolte la tempête" ou l'implacable loi du karma
 
Quelques mois après son élection triomphale, le président Zemmour avait, avec l'appui massif de l'opinion publique, rétabli la peine capitale en France. Au terme d'un procès retentissant, dont les rebondissements avaient tenu le pays en haleine, Xavier fut le premier accusé à y être condamné. Au fur et à mesure de leurs révélations, ses méfaits passés avaient stupéfait ses concitoyens, autant que leurs conséquences humaines, souvent dramatiques, parfois fatales, les avaient bouleversés. Dans le langage direct et percutant, non toujours empreint de nuances, qui lui est coutumier, le nouveau chef de l’État avait livré publiquement son sentiment à propos du verdict : "Ce type est un monstre, un  nuisible, il ne mérite pas de vivre".
Une autre fois, en réaction à l'effarement d'une journaliste se demandant comment un être humain pouvait s'être comporté comme Xavier l'avait fait, le président avait parlé "d'erreur de la nature".
 
Seule, une actualité culturelle exceptionnelle distrayait encore l'attention des Français de cette affaire. Après avoir été unanimement salué par la critique comme un authentique chef-d’œuvre, le file Revanche avait suscité l'enthousiasme du public et venait franchir la barre des cinq millions d'entrées au box-office. A son sujet, le nouveau président avait évoqué dans la presse régionale "son immense bonheur de voir un film de cette qualité, fait par un Français de souche, un vrai Français, et célébrant l'esprit propre de la nation, rencontrer un tel succès dans la France enfin retrouvée".
 
La veille au soir de passer par les soins d'une exécutrice des hautes œuvres (le nouveau garde des Sceaux, Eric Ciotti, avait en effet veillé à ce qu'elle soit de sexe féminin - "par souci d'humanité" avait-il précisé), Xavier qui, tout absorbé qu'il avait été par la préparation, puis le déroulement de son procès, n'était plus au courant de rien d'autre depuis des mois, se décida à allumer une ultime fois la télévision. Il tomba sur le journal télévisé qui ouvrait sur l'actualité du jour. Après les éloges dithyrambiques des critiques, puis son triomphe populaire, Revanche venait de décrocher la Palme d'Or du Festival de Cannes. Le reportage montrait toute l'équipe du film foulant le tapis rouge sous le crépitement des flashes. Lorsque l(image zooma sur le réalisateur, Xavier le reconnut aussitôt. Son nom était Laurent Delaplace.
 
 
Champagne !
 
Un peu plus de quinze ans après leur lancement, les trois mandats d'arrêt internationaux à l'encontre de Xavier R. avaient été abandonnés. Il était en effet désormais évident, au-delà de tout doute raisonnable, que le célèbre escroc était décédé quelques années plus tôt d'une longue et cruelle maladie. Cancer primitif du foie, métastasé ensuite aux poumons puis au cerveau, avant de se généraliser complètement : la progression de l'affection avait été aussi impitoyable que fut pénible l'agonie. En apprenant la nouvelle et le déroulement de la fin de l'histoire, certaines des anciennes victimes de l'escroc ou de leurs proches sablèrent le champagne."

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Rédigé par Francis

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Publié le 7 Décembre 2024

 
Une rencontre innattendue
Pierre avait quitté Istanbul depuis trois jours déjà. L’Orient-Express avait pris la suite du bateau qui lui avait permis de traverser la Mer Noire pour arriver en train de luxe en Bulgarie, puis en Roumanie. Dans cet environnement si confortable, Pierre se sentait parfaitement bien, et il appréciait la beauté et la variété des paysages qui s’offraient à sa vue. Il s’était préparé pendant plusieurs mois à ce voyage. Il avait quitté la France à l’âge de vingt-huit ans, après une grave dispute avec son père, qui l’avait renié. Sans le dire à sa famille, il avait gagné alors la Turquie, où il avait rejoint deux copains de Lycée qui avaient fait leur vie à Istanbul. Ayant fait là-bas de bonnes rencontres, il avait pu monter une affaire qui marchait très bien. Il avait embauché une trentaine d’employés, il était devenu quelqu’un qui comptait dans le monde du commerce local, il était à l’aise financièrement. Son seul regret était d’être encore célibataire à quarante-cinq ans et de ne pas avoir d’enfants. Il voulait, avant qu’il ne soit trop tard, revoir ses parents, essayer de se réconcilier avec son père, et s’excuser auprès de sa maman, qui avait dû beaucoup souffrir de ne pas avoir de ses nouvelles. Avec la maturité, il pensait sincèrement qu’il aurait dû faire lui-même le premier pas depuis longtemps pour reprendre contact avec eux. Il voulait pourtant leur montrer que, même sans leur aide, il s’était fait malgré tout une bonne situation, et que leur fils n’était pas un incapable. Il se sentait bien dans ce train, dans ce décor chaud et luxueux qui lui rappelait son enfance, avec une famille aimante malgré la sévérité de son père.
Ce matin, lassé de prendre son café seul dans sa chambre, il s’était préparé pour aller prendre un bon petit-déjeuner au wagon-restaurant. Il avait entrouvert la porte de sa chambre lorsqu’il se rendit compte qu’il avait oublié ses lunettes, indispensables pour lire la carte du restaurant. Il retourna les chercher, laissant la porte ouverte. Lorsqu’il voulu rejoindre le couloir, il aperçut devant lui un petit garçon de cinq ou six ans qui l’observait avec curiosité. Il entendit alors une voix de femme qui criait en Français : « Osman, où es-tu ? Reviens, tu vas te perdre tout seul ! » Intrigué, Pierre tendit la main à l’enfant et lui dit : « Viens, je te ramène à ta Maman, elle s’inquiète ! » Main dans la main, ils longèrent une partie du couloir, et se heurtèrent presque à une jeune femme vêtue à l’occidentale, au visage affolé.
-  Le voilà, votre petit Osman, Madame.
- Je vous connais, Monsieur ! Vous êtes…Pierre ?
Il la regarda, les yeux ronds :
- Excusez-moi, je ne…
- Je suis Mathilda…
Ce prénom, qu’il n’avait plus entendu depuis si longtemps, évoqua pour lui le souvenir d’une fillette d’une dizaine d’années, au visage constellé de taches de rousseur et aux longues nattes blondes… Sa filleule ! Il ne l’avait plus vue depuis presque vingt ans… Son regard se posa sur le petit Osman, et il reconnu en l’enfant les mêmes taches de rousseur et les mêmes grands yeux innocents de la Mathilda d’autrefois.
Pierre et Mathilda tombèrent dans les bras l’un de l’autre. Le petit garçon s’accrocha aux jupes de sa mère, effrayé par l’attitude incompréhensible des deux adultes, qui partirent bientôt bras dessus-bras dessous pour le wagon-restaurant. Devant un solide petit-déjeuner, la jeune femme raconta à son parrain sa rencontre suivie d’un mariage dès sa majorité avec un riche Turc dont elle avait fait la connaissance à Paris, sa rupture avec ses parents lorsqu’elle l’avait suivi à Istanbul contre leur avis. Elle était maintenant gravement malade sans espoir de s’en sortir, et, avec l’autorisation de son époux, qui était un homme de bonne moralité et très ouvert à la culture occidentale, elle voulait faire connaître son fils à ses parents tant qu’elle pouvait encore le faire. Très émue, elle dit à Pierre que, puisque le destin avait favorisé leur retrouvailles, elle comptait désormais sur lui pour veiller à sa place sur Osman, pour que, en plus de la l’éducation Turque, il puisse bénéficier aussi de l’éducation Française grâce au Parrain de sa Maman.
Le petit déjeuner fut plein d’émotion. L’enfant ne comprenait pas vraiment ce qui se passait sous ses yeux. Il posait des questions, en Français ou en Turc, mais il obtenait peu de réponses. Agacé, voyant que ni sa Maman ni le Monsieur ne s’occupaient de lui, après avoir bu son bol de chocolat, il se glissa subrepticement hors du wagon-restaurant, sans que les deux adultes s’en rendent compte, occupés par l’évocation de leurs vies respectives, étonnés et émus d’avoir vécu près de dix ans dans la même ville, à si peu de distance l’un de l’autre, sans le savoir et sans jamais se rencontrer.
Baglama ou violon ?
Un employé de la Compagnie des Trains, très élégant dans son uniforme, fit irruption dans le wagon-restaurant, au milieu des convives interloqués, et les informa aussitôt - en Français, en Turc et en Anglais – qu’un fait regrettable venait de se produire dans l’Orient-Express; pendant son discours on sentait une sourde angoisse flotter parmi ses auditeurs, chacun se demandant quel évènement avait bien pu troubler la quiétude de ce lieu. Que s’était-il donc passé ? La mine grave, le Chef de Train leur apprit qu’un vol important venait d’être commis. Un Chef d’Orchestre, qui voyageait avec ses musiciens à bord de ce train, venait de constater la disparition de son Stradivarius, d’une valeur inestimable. A la prochaine station – la gare de Bucarest – la police Roumaine monterait à bord et fouillerait systématiquement les lieux.
Les voyageurs, encore attablés autour de leur café ou leur thé du matin, semblaient plutôt choqués de savoir que, dans l’immédiat, ils n’auraient pas le droit ni de quitter le train, ni de bénéficier du temps libre prévu dans la capitale Roumaine. Les uns après les autres, ils quittèrent leur table pour retourner dans leur cabine, l’air résigné.
C’est le moment où Mathilda et Pierre s’aperçurent de l’absence d’Osman auprès d’eux. Une fois de plus, la jeune mère parcourut le couloir, en frappant à chaque porte et appelant le garçonnet d’une voix angoissée. Pierre essayait de l’assister de son mieux, sans résultats pendant une bonne heure. Les policiers, dès leur montée dans l’Orient – Express, furent informés de la disparition de l’enfant. Aussi, ils abandonnèrent momentanément la recherche du voleur de Stadivarius et l’interrogatoire des voyageurs pour se concentrer sur la disparition d’Osman et sur d’éventuels témoignages de personnes ayant pu le croiser…
Le Chef d’Orchestre, de son côté, essayait de donner le change, de faire contre mauvaise fortune bon cœur. Comme tout le monde, il semblait s’intéresser davantage à la disparition du petit garçon qu’à celle de son violon !
Après la fouille approfondie de la plupart des chambres et des suites du train par les policiers Roumains, l’espoir de retrouver l’enfant s’amenuisait, on commençait à penser à un enlèvement par une bande organisée, le père de l’enfant étant assez riche…
Soudain, un cri de femme : « Osman, tu étais ici ? »
L’enfant franchit une porte basse sur laquelle était affichée une petite pancarte en Français : « entrée interdite. Réserve de jeux et jouets ». C’était apparemment plus un placard qu’une pièce. Il était situé à l’extrémité du wagon de queue. Osman, qui commençait à savoir lire un peu le Français, avait remarqué un seul mot : « jouets » ; ça l’avait intéressé, puisque les deux adultes qui auraient dû s’occuper de lui l’avaient délaissé. Entendant l’appel de sa mère, il était sorti dans le couloir en dissimulant quelque chose dans son dos, la mine fautive.
Sa mère le saisit par le bras, plutôt énervée. « Que caches-tu ? Montre-moi ». Elle voyait une sorte de baguette en bois dépassant au-dessus de la tête d’Osman, malgré sa volonté de cacher son butin. L’air dépité, il tendit l’objet à sa mère : un archet de violon !
- J’ai trouvé une canne à pêche, Maman ! Tu m’avais dit qu’en France tu m’emmènerais en Normandie pour pêcher en mer comme faisait ton Papa, et je sais que tu avais oublié de prendre ma canne à pêche à la maison, chez nous à Istanbul…
- Et qu’as-tu fait de l’instrument de musique ?
- Oui, à côté de la canne à pêche, il y avait une baglama, comme celle de mon Papy de Turquie. Je l’ai cachée dans le coffre avec les grosses peluches pour que personne ne me la prenne, je veux l’apporter à mon Papy de Turquie. Il avait cassé la sienne, il sera content…
Mathilda, émue aux larmes, prit son fils dans ses bras et le serra très fort contre son cœur !
L'enquête d'Hercule
Pierre avait ressenti beaucoup d’empathie pour Mathilda lorsqu’il l’avait vue bouleversée par la disparition de son enfant. Il avait essayé de la réconforter, ce qui lui avait coûté beaucoup d’énergie. Il se sentait maintenant extrêmement fatigué par toutes les émotions qui l’avaient submergé. Il avait absolument besoin d’aller se reposer un moment, afin de réfléchir tranquillement et de faire le tri dans toutes les pensées qui lui venaient en vrac. Il se savait de santé fragile, et son médecin lui recommandait d’éviter, dans la mesure du possible, les grosses émotions… Plus facile à dire qu’à faire ! Arrivé dans sa cabine, il s’allongea tout habillé sur son lit, les yeux au plafond. Quelle matinée ! D’abord, une rencontre inattendue avec le petit garçon, puis avec sa mère, qu’il avait portée autrefois sur les fonds baptismaux, alors qu’il avait dix-huit ans.
Le souvenir de la petite fille qu’il avait vue grandir lui revint. Il la revoyait faire ses premiers pas, plus tard prendre son parrain par la main pour l’emmener voir son chat, parfois se coller contre lui pour se faire câliner… Au fil des ans, il l’avait vue changer. Le bébé s’était transformé en une jolie petite fille. Il se rappelait ses grands yeux verts, ses longs cheveux blonds tressés avec amour par sa maman, ses taches de rousseur, son visage rond au sourire ravageur, sa silhouette un peu dodue, tout en elle évoquait déjà la douceur et la féminité. Il ne l’avait plus vue depuis l’âge de dix ans, et aujourd’hui il avait eu face à lui une magnifique jeune femme, qui verrait bientôt la grave maladie dont elle souffrait interrompre le cours de sa vie. Les yeux de Pierre se remplirent de larmes : la vie n’était pas juste. A peine retrouvée, il perdrait sa filleule probablement dans quelques mois… Et son petit garçon au si grand cœur, qui voulait ramener en cadeau l’instrument de musique trouvé par hasard à son grand-père Turc ! Quelle générosité dans cette famille !
Soudain, deux coups secs frappés à la porte de la cabine firent sursauter Pierre et interrompirent sa rêverie. Revenu à la réalité du moment, il alla ouvrir la porte et se trouva devant un homme entre deux âges qui lui était totalement inconnu. Le visiteur se présenta, comme étant Hercule Poirot, détective, fortement intéressé par les deux évènements intervenus ce matin dans l’Orient- Express. D’un coup d’œil rapide, Pierre enregistra les caractéristiques propres au nouveau-venu : un homme de taille moyenne, au visage ouvert, aux yeux pétillants, à l’imperméable couleur mastic propre aux détectives privés, à une vieille serviette au cuir usé, une pipe éteinte à la bouche.
En quelques mots, Hercule Poirot lui résuma les deux affaires qui l’avaient attiré là, après qu’il soit monté dans le train pour Paris en même temps que les policiers Roumains : le vol du Stradivarius au célèbre Chef d’Orchestre Herbert Von Poulen, et le probable enlèvement d’un enfant Turc. Le commissaire de police connaissait le célèbre détective et avait immédiatement partagé ce qu’il savait avec lui, en espérant qu’il l’aiderait dans l’enquête. Afin que les choses soient claires entre eux, Pierre révéla à son interlocuteur les liens personnels qui le rapprochaient de la maman de l’enfant disparu. Et, par la même occasion, il lui révéla que l’enfant venait d’être retrouvé ainsi que le violon ! M. Poirot fut interloqué, personne n’avait pris le temps de l’informer de l’heureux dénouement simultané des deux affaires… Il prononça alors une phrase pleine de sagesse que Pierre garda longtemps en mémoire :  « L’impossible ne peut se produire, donc l’impossible doit devenir possible malgré les apparences… »
Sur ces paroles, les deux hommes se serrèrent la main en se quittant, presque amis désormais.
Effervescence dans les couloirs
Pierre sortit de sa cabine après s’être reposé, avec l’intention d’aller retrouver Mathilda et son fils. A peine venait-il de refermer sa porte qu’il constata une effervescence inhabituelle dans le couloir du train. Des passagers, par groupes de deux ou trois, discutaient des évènements de la matinée. Des bribes de phrases ou de conversations, des exclamations lui parvenaient aux oreilles au fur et à mesure qu’il tentait de se glisser en s’excusant entre les voyageurs qui l’empêchaient presque de poursuivre son chemin. Chacun avait l’air de savoir mieux que les autres ce qu’il s’était exactement passé. Et pourtant, à surprendre leurs paroles, il semblait bien à Pierre que peu de gens connaissaient la vérité.
Apparemment presque tous avaient été interrogés soit par la police Roumaine, soit par Hercule Poirot, ou même par les deux. Pierre entendait voltiger des mots ou des morceaux de phrases qui démontraient bien que diverses opinions avaient vu le jour dans l’Orient – Express.
Déjà, certains, conscients de leur statut social au-dessus de la moyenne, avaient été vexés des soupçons pesant sur chaque passager.
Pierre dépassa deux messieurs à l’air imbu de leur personne :
- Vous imaginez, moi, le meilleur avocat d’Istanbul, avoir été soupçonné du vol d’un violon, même si c’est un Stradivarius ! Comme s’il fallait que je le vole pour m’offrir un vulgaire instrument de musique. Je possède une fortune assez conséquente pour m’offrir tout ce que je désire…
- Je suis bien de votre avis, mon cher Maître ! J’ai moi-même à ma disposition l’Orchestre de l’Opéra de Budapest – le Chef d’Orchestre étant un ami proche – c’est un honneur pour lui de me faire plaisir lorsque je l’invite avec ses musiciens à venir interpréter de grandes œuvres dans mon château Hongrois. Alors, être interrogé par de vulgaires policiers Roumains, Je n’ai pas vraiment apprécié, c’est un manque de délicatesse !
Un peu plus loin, un groupe de dames :
- Oui, je vous le confirme, ma chère, on m’a dit que cette histoire de vol a été inventée de toutes pièces : de source sûre, l’étui du Stradivarius était vide lorsque M. Herbert Von Poulen l’a mis dans sa cabine…
- Ce doit être pour toucher l’assurance, c’est une escroquerie, il n’y aucun doute…
Deux hommes Turcs, reconnaissables à leur caftan traditionnel :
- Moi, je vais en informer mon ambassade. L’attitude de la police Roumaine est innommable, elle n’a pas le droit de traiter de cette manière d’honnête citoyens Turcs…
- Chez nous, les policiers qui se conduiraient de cette façon seraient aussitôt incarcérés, croyez-moi !
Plus Pierre avançait dans le couloir, plus le mécontentement était palpable. Apercevant le Chef de train avec sa belle tenue marine et or un peu plus loin, il eut une idée : il fallait absolument qu’une annonce faite aux passagers rétablisse la vérité : le Stradivarius avait été retrouvé, et l’enfant n’avait jamais été kidnappé ! Le Chef de train, s’étant rendu compte de la grogne ambiante, venait justement de contacter par téléphone le Directeur Général de l’Orient-Express pour lui demander des instructions. Après avoir rassuré Pierre, il prit son porte-voix pour faire l’annonce concernée.
Un observateur aurait pu voir sur le visage des voyageurs, apparaître d’abord de l’incompréhension, puis du soulagement, et même un sourire rassuré.
Aussitôt après la déclaration de l’homme en uniforme, Pierre fut amusé de constater la vitesse à laquelle l’atmosphère se détendit parmi les personnes rencontrées.
Il arriva enfin devant la porte de la cabine occupée par Mathilda et Osman. La mine satisfaite, il frappa deux coups secs, bien décidé à relater à la jeune femme tout ce qu’il avait entendu dans le couloir de l’Orient- Express.
La fin du voyage
Dans moins de trois heures, après ce voyage rempli d’imprévus, vers vingt-trois heures, l’Orient–Express arriverait à destination : Paris-Gare de l’Est. Son Directeur Général et Herbert Von Poulen, Chef d’Orchestre de renommée internationale, tous deux soulagés de la fin heureuse des deux « problèmes » rencontrés à bord du train, s’étaient concertés par téléphone pour inviter tous les voyageurs dans la soirée au wagon – restaurant. Le cuisinier et les commis étaient parvenus, avec les ingrédients de la réserve, à concocter un buffet digne d’un restaurant étoilé. Pour accompagner ces mets raffinés, pour ceux qui l’appréciaient, le champagne avait coulé à flots ! Tous avaient fêté dans l’enthousiasme l’arrivée imminente à Paris, surtout ceux qui allaient découvrir pour la première fois de leur vie la ville-lumière, ses monuments, et en particulier la Tour Eiffel, symbole de la Capitale Française…
Et si je vous disais que, durant ces réjouissances, Pierre avait adroitement manœuvré pour se rapprocher d’une certaine jeune femme qu’il avait déjà remarquée ? Elle voyageait en compagnie d’une élégante septuagénaire, vraisemblablement sa mère. Pierre était parvenu à engager la conversation avec celle qui lui plaisait déjà. Mathilda, le surveillant du coin de l’œil, souriait en voyant la jolie brune rosir sous les compliments ou les traits d’humour de son parrain. Il savait s’y prendre, le bougre ! Cette Méryem faisait partie de son cercle de connaissances à Istanbul. C’était une jeune veuve moderne, mère d’une petite fille. Mathilda se promit de tout faire pour aider, si nécessaire, Méryem et Pierre à tisser des liens plus sérieux. Ce serait pour elle une victoire de voir, avant de partir, ces deux personnes qu’elle appréciait heureuses ensemble...
 
Epilogue :
Deux ans plus tard, hélas, Mathilda ne serait plus là pour le voir, mais la rencontre de l’Orient-Express mena Méryem et Pierre jusqu’au mariage ! Ils organisèrent même leur repas de noce à bord de ce train magique, privatisé pour l’évènement. Les nombreux invités profitèrent grâce à eux d’un voyage de trois jours, ils purent danser au son du Stradivarius d’ Herbert Von Poulen, accompagné de trois des musiciens de son Orchestre. Bien sûr, le jeune Osman et Jalila, la petite fille de la mariée, remplirent parfaitement leur rôle d’ « enfants d’honneur », accompagnant le jeune couple pendant la cérémonie à Istanbul. Ils étaient si beaux, ces deux petits, si émouvants dans leurs vêtements de fête. Et ils semblaient si contents de voir les mariés heureux ! La cérémonie fut réussie, et le voyage à bord de l’Orient-Express inoubliable !
 
Annie TIBERIO
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Rédigé par Annie

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Publié le 7 Décembre 2024

 

 

Chemise beige rehaussée d'un gilet vert de vessie, un foulard de soie noire caresse la pointe parfaite de son petit bouc. Il ouvre sa porte aux autorités locales.

  • Monsieur Baptiste-Jean Noël, dit le chef d'équipage.
  • Jean-Noël le Baptiste c'est cela-même.
  • Voilà l'éminent détective Monsieur Hercule Poirot qui vient nous aider dans la résolution de l'affaire du Stradivarius. Excusez notre intrusion mais elle est générale, vous comprendrez !
  • Monsieuuuur... dit l'éminence, j'apprends que vous jouez... Aux cartes ??? hummm...qui quand comment où et pourquoi...Quelles sortes de jeux ?
  • Non non, vous êtes mal renseigné, je suis un joueur de mots !
  • Comment ce-fait-ce?
  • Cela se peut pourtant !
  • Quelles sortes de mots ?
  • Des mots passants et mots de passes démodés du solitaire monte à l'envers du mot à l'endroit ; à compte de mots, celui du jour : je lui dirais des mots bleus, des mots qu'on dit avec les yeux, tous les mots bleus... tous les mots bleus..........
Ceci dit, on fouille des yeux coins et recoins, mine de rien, puis le petit bonhomme à moustache de cire absorbée, dans l'impassibilité d'une énigme en cours, pontifie :
  • Et tous ces mots, mon bon, où les entassez-vous ?
Sur la table, tout seul, l'étui à lunettes rayonne et regarde Baptiste.
  • Là-dedans, ils sont là-dedans.
  • Ou-Vrez, dit Son Excellence.
Baptiste obtempère et l'étui, bouche bée, lui délivre son velours rouge fuchsia en un éclat révélateur.
  • Les mots, où sont les Mots- les- MOTS ??? hurle Hercule au bord de l'apoplexie.
  • Ils se seraient échappés dans un murmure...
  • Cette rencontre est singulière, merci mon cher !
...Une rencontre... une rencontre ...Ici tous les mots bleus entrent en gare et les autorités courent après le violon !
 

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Rédigé par Marie-Thérèse

Publié dans #Voyage

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Publié le 7 Décembre 2024

 
Dans la hâte de la fouille imminente, Sofia décide d'interpeller le chef de train afin de savoir si elle allait se faire de compartiment en compartiment, par numéro... Comment comptait-il procéder ? Il lui fut répondu que l'on laisserait déjeuner en paix les passagers ce qui lui laissa un peu de marge. Cette fameuse Satine occupe le numéro 7 ; allons vérifier si elle est toujours au wagon restaurant et son compartiment vide. En effet elle y était, dégustant comme à son habitude son éternelle tisane et en grande discussion avec un homme. Tenteraient-ils à eux deux de résoudre l'énigme ? Un jour j'ai joué dans une série policière et il était question, avant d'en arriver aux conclusions, de mobiles, d'alibis, d'indices, finalement de preuves ; quand l'enquête est bien ficelée, les conclusions émergent d'elles-mêmes. Elle s'assoit près d'une fenêtre, scrutant la scène qui s'offrait à ses yeux.
Mobile...
Pourquoi pas l'opportunisme ? écarter le chef d'orchestre trop connu et se faire une place sur le marché, autrement dit forcer le destin. Il y aurait donc deux chefs d'orchestre à bord. Oui mais qui serait l'usurpateur ? le vol ayant eu lieu durant la nuit, chacun était censé être dans son compartiment éveillé ou pas, alors pour l'alibi nous sommes tous logés à la même enseigne !
Il faut aussi des signes concrets, des indices. J'ai entendu parler d'une corde de violon égarée, l’étui vide n'étant pas un indice car violon ou pas violon, telle est la question ! Selon les infos que j'ai pu recueillir il a été supputé que l'étui n'avait peut-être jamais vu l'ombre d'un violon ; ça c'est une version que j'adopterais volontiers. Les indices vérifiés, il reste les preuves. Pour cela ils vont certainement passer le wagon au peigne fin (mauvais pour moi, Pyrrhus ne miaule pas mais perd ses poils). Il y a de quoi se faire des cheveux en ce qui me concerne...
Voler un Stradivarius, à part l'hypothèse du concurrent, il faudrait s'orienter vers un besoin d'argent : qui à bord serait dans cette nécessité quand on sait que le prix du voyage déjà engagé s'élève dans les 7000 € par jour (ceci dit je ne connais pas le prix d'un Stradivarius). Vu que le train traverse des pays où la vie est encore rude et la pauvreté étendue, il s'agit peut-être d'un trafic à visée internationale, peut-être est-ce monnaie courante de s'enrichir par le vol et le recel d'instruments de musique (escroc, mafia). Il peut aussi s'agir d'une vengeance... féminine... une femme chef d'orchestre ! Du jamais vu. Et pour cause, elles se sont toujours retrouvées au ban de la fosse de par l'autosuffisance des hommes, mais aussi les préjugés du public.
Tiens, Miss Satine commande à nouveau une tisane : ça rend la peau satinée parait-il. Ce serait donc un surnom SATINE... anagramme TISANE, anagramme ENATIS... Gloria ENATIS ! Mais c'est bien sûr... la grande violoniste qui ambitionnait la direction du philharmonique de... je ne sais plus quelle ville.
Mais alors oh là là trop compliqué pour moi, ma migraine s'installe, je devrais en avertir POIROT.
Justement si Hercule  n'avait pas investi mon Pyrrhus dans mon esprit, s'il avait été bel et bien à bord en chair et en os, il aurait peut-être déjà résolu l'affaire et sans fouille, trouvé les indices, faussé les pistes, faire croire à la culpabilité de tous et enfin faire surgir de son chapeau melon le vrai coupable.
Mais qui vois-je là-bas canne en main, moustaches, mouchoir brodé HP, chapeau melon, c'est lui ! Monsieur Poirot ! Monsieur Poirot !
L'homme se retourne.
- Oui madame?
- Vous n'êtes pas Monsieur Poirot pourtant qu'elle ressemblance !
- Je me présente Inspecteur PÉLICAN. Auriez-vous quelque témoignage à apporter ?
- Ah non, malheureusement non.
Puis elle se reprend et  joue le tout pour le tout.
- Enfin si. Il y a à bord une certaine Madame Satine, à vrai dire, je ne la trouve pas très honnête...
- Pouvez vous justifier vos dires ?
- Cette nuit je l'ai aperçue dans le couloir ; elle avait un énorme châle sur elle et paraissait beaucoup moins mince et élancée... enfin je dis ça je ne dis rien, peut-être n'est-ce pas le cas...
- Aide très précieuse Madame, Madame ?
- Alcantara, Sofia Alcantara.
- Madame Alcantara, pour tout vous avouer j'ai moi-même des soupçons et presque des preuves...
- Oh mais alors, si jamais il s'avérait que... enfin qu'elle ne soit pas aussi innocente qu'elle le parait...
- Il me reste une toute petite preuve à apporter et l'enquête serait résolue. 
- Vraiment ? et alors dans ce cas toute fouille serait inutile n'est-ce pas ?
- Exactement. Laissez-moi faire j'ai quelques témoignages à recueillir et... d'un geste il croisa les deux mains en signe d'arrestation.
- Oh pauvre femme ! En arriver là ...!
- Eh oui l'habit ne fait pas le moine, ajouta-il en tournant le dos et s'éloignant.
Alors ça ! Je ne m'y attendais pas...Comme quoi le bluff ça peut marcher...
 
 

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Rédigé par Letizia

Publié dans #Voyage

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Publié le 7 Décembre 2024

 
Atelier :
Énumérations, accumulations, gradations
 
Sujet :
Cette histoire de vol de Stradivarius vous hante au point qu’Hercule Poirot vient vous rendre visite, soit dans un rêve si vous voulez rester dans une réalité logique et rationnelle, soit en ‘‘vrai’’ si le fantastique, les voyages spatio-temporels ne vous effraient pas. Dans tous les cas, il est là, avec vous et vous êtes tellement époustouflé que vos sens en alerte enregistrent les choses à toute vitesse.
- Racontez vos impressions en utilisant quelques énumérations, accumulations ou gradations.
- Rapportez-nous la conversation que vous avez eue et glissez-y cette phrase prononcée par Poirot dans le roman « Le Crime de l’Orient-Express » :
L’impossible ne peut se produire, donc l’impossible doit devenir possible, malgré les apparences.
Vous pouvez intégrer un autre voyageur dans la conversation.
 

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Rédigé par Atelier Ecriture

Publié dans #Voyage

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Publié le 7 Décembre 2024

 
Tout à coup une lumière aveuglante envahit l'espace. Sophia se sentant happée par celle-ci, vacilla. Ses mains cherchant un appui où se raccrocher s'enfoncèrent dans quelque chose de moelleux, de doux, un bruit familier parvint à ses oreilles  : Pyrrhus miaulant sur ses genoux la ramena à la réalité.
"Mon trésor, il ne t'ont pas trouvé ! Mais le soleil brillant dans le regard félin elle comprit que c'était déjà le matin, elle s'était endormie vaincue  par la fatigue de la veille. "Ce n'était qu'un cauchemar, ouf ! réalisa- t-elle soulagée. Avoir transgressé le règlement me perturbe tellement que mon sommeil s'en trouve altéré... oublions tout ça. Maman va te rapporter un grand bol de lait et nous déjeunerons en tête-à-tête. Qu'en dis-tu? Sur ces paroles elle se dirigea vers le wagon restaurant où, dès l'entrée, elle essaya de se frayer un chemin jusqu'au bar : les voyages forment la jeunesse, déforment les valises et... creusent les estomacs apparemment, car il y avait foule, mais ils délient aussi les langues Ainsi des mots inquiétants claquent alors à ses oreilles : volé, Stradivarius, fouille, escroc, inspecteur... rêve, ou plutôt cauchemar prémonitoire que la nuit précédente ? Commandons notre petit déjeuner et esquivons- nous.
Son regard se porte sur cette grande blonde. "J'ai trouvé : je vais cacher Pyrrhus le temps de la fouille dans un compartiment qui aura déjà été visité par les inquisiteurs, par exemple celui d'une certaine Satine s'absentant régulièrement et ne fermant pas à clé derrière elle...
Forte de cette idée géniale, ils déjeunèrent à la Pantagruel.
Pyrrhus, rassasié par le milk cattybag rapporté par Sofia, exécuta un nettoyage soigneux du récipient laissant celui-ci comme neuf.
Mais les moustaches du matou, couvertes de lait, firent soudain éclater de rire Sofia et, comme vexé du rire de sa maîtresse, Pyrrhus entreprit alors une toilette méticuleuse.
Et le voilà qui passe sa langue râpeuse sur ses pattes, sur ses babines, derrière ses oreilles et recommence et recommence... quelle idée d'avoir de telles vibrisses... et elle se met à l'imaginer avec des favoris, des rouflaquettes des pattes de lapin, des côtelettes, - eh oui ça existe, ce n'est pas une blague - et bientôt la frimousse du chat devient humaine :  il porte des binocles aux yeux, un col cravate autour du cou, un chapeau melon sur la tête, un costume trois pièces, des souliers vernis et même un mouchoir à la boutonnière aux initiales HP.
- Oh là là qu'ont-ils mis dans le café ? Sofia n' en croit pas ses yeux, bientôt plus ses oreilles : un nouveau personnage se tient devant elle comme surgi de nulle part.
- Pyrrhus ! Pyrrhus ! où es-tu ? Elle se détourne pour le chercher.
- L' impossible ne peut se produire, pensez-vous ? Elle se retourne.
- Je me présente :  Hercule Poirot.
Sofia avale sa salive et s'effondre dans le fauteuil.
- Mais... mais que...
- L'impossible doit devenir possible malgré les apparences.
Elle recule.
- Comment êtes-vous entré ? Bien sûr que je vous connais, tout le monde vous connaît mais enfin vous n'êtes pas passe-muraille !
- Oh vous savez, ma longue expérience pourrait avoir eu raison des obstacles... on ne m'attend jamais là où je suis. Je fais comme les présumés coupables que je file : je passe, me retourne, m'esquive, me cache, me transforme aussi quelquefois.
- D'accord mais votre présence ici !... Elle se met à genoux.
- Je n'ai rien fait de grave, je vous jure. Il m'est tout simplement impossible de me séparer de mon petit Pyrrhus alors j'ai juste enfreint un peu le règlement. Je vous jure, je ne recommencerai plus.
- Enfin Madame, sourit-il en l'aidant à se relever. Il ne s'agit pas de votre petite "entorse" au règlement ; je suis là pour vous demander une faveur.
- Une faveur ! quelle faveur ?
- Aidez-moi à me cacher ici afin de poursuivre mon enquête d'une importance internationale.
- Moi ? mais comment voulez-vous...
- Oh je vous fais confiance, vous trouverez bien une astuce, un prétexte, une excuse en somme, dit-il en tournant autour d'elle pour la convaincre, l'intimider, la piéger... vous ne pouvez pas faire à moins, ajoute-t-il en jouant avec le collier de Pyrrhus.
Comment est-il entre ses mains, s'inquiète Sofia. 
- Où est mon Pyrrhus ? Qu'avez-vous fait de mon Pyrrhus ? le menace-t-elle en le prenant par le col de son veston.
Miaou aou...
Elle lâche prise : c'était petit Pyrrhus qu'elle tenait par le cou et le pauvre ne comprenait pas ce qui  arrivait à sa maîtresse adorée.
- Pyrrhus, mon trésor Maman ne te veut aucun mal, rassure-t-elle le chat en le serrant dans ses bras. Mon dieu que s'est-il passé ? Je deviens folle... 
 

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Rédigé par Letizia

Publié dans #Voyage

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Publié le 6 Décembre 2024

Dans le silence de ma chambre, perdue dans mes pensées, un martèlement incessant à ma porte me fait sursauter. Confortablement installée, je peine à me lever. Petit, moustachu, affublé d’un costume d’époque, ce personnage atypique semble bien décidé à interrompre mon intimité. L’individu, que je crois reconnaître, se présente avant que je ne prononce un seul mot :

  • Hercule Poirot en service Madame. Je dois fouiller toutes les cabines, je vous prie de m’excuser pour le dérangement.

  • Oui je sais, le Stradivarius, mais je doute que vous puissiez le trouver ici.

  • Peut-être, mais je me dois de tout contrôler.

Aussi consciencieusement que s’il devait enfiler des perles, il inspecte le moindre petit coin. A mon grand étonnement et bien que la taille n’aurait pas permis d’y cacher un instrument aussi volumineux, ma valise fut son premier choix. Je n’avais rien à me reprocher néanmoins une certaine culpabilité m’oppressait. Incapable de me rendre complice d’un quelconque méfait, je ne m’expliquais pas ce sentiment étrangement angoissant ? La crainte d’être accusée à tort ? Probablement liée à une sombre affaire vécue dans les années 50. A cette époque nous venions d’acquérir, tout à fait légalement, une petite merveille, une toile d’Henry Jacques Delpy, peintre de l’école Barbizon. Une fois la transaction terminée, un individu malfaisant en revendiquait la légitimité prétextant en avoir été spolié par l’occupant en 1940. Bien décidé à récupérer cette œuvre de manière frauduleuse, ce malfrat nous a contraint à nous justifier ce qui n’a pas été une mince affaire.

A quatre pattes, rien ne semble échapper à ce fin limier. Il scrute avec minutie tous les espaces réduits. Lit, armoire, table basse, toute niche est visitée. Lorsque, en pleine action de recherche, la voix grave de son colistier l’interpelle, il se relève et prend congé. Cet instrument à cordes d’une valeur inestimable, volé ? Je suis perplexe ! Les questions se bousculent. Comment a-t-on pu faire disparaître un objet de cette taille en si peu de temps ? Sachant qu’un tel instrument n’est absolument pas négociable, quel pourrait en être l’enjeu ? Une demande de rançon ? Encore faut-il pouvoir le cacher en lieu sûr, pas facile ! Monsieur MORASSI aurait-il opté pour une arnaque à l’assurance suite à de grosses difficultés financières ? Pas très malin mais ça s’est déjà vu. Un gag ? C’est loin d’être drôle ! Bref un vrai mystère….

Pendant que j’extrapole différents scénarios, on frappe à nouveau à ma porte.

  • Sarah ? c’est Marie-Judith DUPIN, vite, ouvrez-moi….

Surprise, je m’exécute. Essoufflée, les joues écarlates, les cheveux en bataille, elle s’engouffre dans l’entrée en faisant claquer la porte sur le mur. Effrayée, la voilà qui me tend nerveusement un paquet assez encombrant et visiblement empaqueté à la hâte. A bout de souffle, elle a du mal à articuler des mots qui me glacent le sang :

  • Il faut le cacher, absolument le cacher.

  • Mais de quoi parlez-vous ? Marie-Judith vous me faites peur, de quoi s’agit-il ?

  • Le Stradivarius, bien sûr. Il faut le cacher et vite, je l’ai subtilisé !

Au même instant, dans le couloir, le célèbre détective belge tambourine à ma porte en vociférant :

  • Police, ouvrez comtesse ou je défonce la porte.

Le vacarme assourdissant d’un trio d’illuminés en fête me libère d’une situation rocambolesque. Quel cauchemar ! Je m ‘éveille en sueur. La pluie martèle le hublot, les éclairs zèbrent le ciel tandis que le tonnerre mène la danse. J’ai vraisemblablement dû m’endormir blottie dans les bras d’Alexis. Le train file à vive allure et ronronne à une cadence régulière. Vingt-deux heures, il est temps d’aller dîner. Devant le miroir je redresse quelques mèches rebelles, retouche le maquillage de mes lèvres et m’enveloppe d’un foulard Hermès. La faim me tenaille et, tout en me dirigeant vers le wagon restaurant, je ne peux m’empêcher d’ironiser. « Sérieusement, comment aurai-je pu rencontrer le personnage de fiction fétiche d’Agatha CHRISTIE ? Et pourquoi « comtesse » ? Mais oui bien sûr… « Un indice de trop ». Dans ce roman, posé sur ma table de chevet, Vera ROSSAKOFF est la comtesse russe dont Hercule POIROT tombe amoureux. » Enfin tout s’explique ! Amusée, souriante, je presse le pas et croise deux jeunes gens d’un retour dînatoire animé. Pour leur laisser le passage, je m’appuie contre une petite alcôve. La porte s’entrebâille sous la pression de mon corps. Instinctivement, j’ouvre et, éberluée, je repère, parmi un tas de cartons, un boite triangulaire noire qui ressemble étrangement à un étui de violon. Scellé sur la coque, un écu en étain sur lequel on peut lire « Marco MORASSI ». Le mystère s’épaissit. J’avance ma main et la retire aussitôt de crainte d’y laisser mes empreintes. Mais alors, que faire ? Impossible de faire marche arrière comme si je n’avais rien vu. Seule dans ce couloir, je cherche une solution lorsqu’une voix brise le silence et me fige sur place :

  • Voulez-vous que je vous aide ?

Telle une coupable, je trésaille. L’angoissante sensation d’être faussement accusée. Je cherche des mots explicites, crédibles pour éviter toute suspicion mais, lorsque je me retourne c’est le choc. Alexis ! Les cheveux poivre et sel, témoins des années passées, mais la même coiffure, les mêmes yeux bleus, la même douceur dans le regard, la même démarche, la même allure et surtout la même voix. J’ai tellement souhaité cette rencontre que j’en tremble. L’émotion est trop forte, je suis paralysée et complètement perdue. Et allez savoir pourquoi, je réponds :

  • Oui, je veux bien, merci.

Alors que je me demande comment revivre nos souvenirs heureux, une dame, élégante comme une gravure de mode, l’appelle :

  • Georges, attends-moi.

Telle une fumée de cigarette, mon rêve s’évanouit en quelques secondes. Je reste sans voix, déboussolée.

Après les présentations d’usage, Sarah, Georges et son épouse empoignent le coffret et ouvrent le couvercle. Bien en évidence sur la doublure de velours pourpre, une note sur laquelle est inscrit « Stéphane Pierre-Brune ». L’air soucieux, Georges, contrôleur dans la Norwich Union assurance, se précipite sur son téléphone. Quelques instants plus tard, le mystère est quasi résolu. Stéphane Pierre-Brune, était fiché comme malfaiteur notoire. Il restait à dévoiler un complice pour formaliser l’arnaque. L’enquête révéla plus tard qu’il s’agissait de Marco Morassi. Ruiné par des placements hasardeux, Marco Morassi visait la fraude à l’assurance.

 

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Rédigé par Christiane

Publié dans #Voyage

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Publié le 6 Décembre 2024

 
Décidée à résoudre le plus rapidement possible cette énigme, Joséphine s’apprête à rejoindre Cécile. « Elle doit s’y connaitre en enquêtes policières, elle me sera d’une grande aide »
En chemin elle se ravise et frappe discrètement à la porte de la cabine de Marco Morassi. Elle se doit de lui exprimer son soutien dans ce moment difficile et souhaite sonder son humeur et ses soupçons. « Marco, croyez bien que je suis vraiment désolée pour le vol de votre Stradivarius ». « Avez-vous des informations concernant l’auteur de ce forfait ? » Marco l’accueille avec un large sourire qui la rassure totalement. « Il n’est pas en colère contre moi, tant mieux. Donc il ne pense pas que je sois la voleuse ou une quelconque complice ». «Ce grand sourire est tout de même bien étonnant, il y a une heure il était effondré ! » se dit-elle intriguée. Marco l’invite, un doigt sur la bouche, à entrer dans sa cabine. Il lui révèle alors que hier soir il a oublié de ranger son précieux violon dans son étui. Il avait eu l’intention de le lui présenter puis s’était ravisé vu l’heure tardive. Et ce matin le violon avait disparu ! Joséphine est de plus en plus dubitative. Ces propos n’expliquent pas le visage jovial de Marco maintenant. Cécile arrive sur ces entrefaites et glisse quelques mots à l’oreille de son amie, dont les yeux s’arrondissent d’étonnement. Elle a pu avoir des informations par l’intermédiaire de son père Jean Martin. La disparition du violon n’est qu’un stratagème pour détourner et concentrer l’attention des voyageurs et des policiers chargés de l’enquête. Joséphine, totalement disculpée, commence à comprendre l’attitude détendue de Marco. « Si ce « vol » n’est qu’un subterfuge, M. Morassi est-il de connivence avec les enquêteurs ?» « Cela expliquerait qu’il n’y ait pas eu d’effraction et que certains voyageurs aient entendu du bruit cette nuit et vu une silhouette noire sortir de sa cabine! » Cécile lui fait signe de se taire et l’attire dans le couloir. Joséphine semble avoir compris et commence à trop réfléchir. « Je lui en ai peut-être trop dit ! » se reproche Cécile.
Perdue dans ces pensées qui se bousculent dans sa tête, Joséphine arrive au salon où les discussions et les interrogatoires vont bon train. Il lui semple avoir aperçu en longeant les cabines un personnage fort connu, Hercule Poirot. Pourtant ce n’est-ce pas lui qui mène l’enquête sur le vol du Stradivarius. Que fait-il dans ce train ? La jeune femme réalise qu’elle se retrouve au milieu d’une enquête policière, domaine qui lui était étranger jusqu’à présent. « Ce voyage devient intéressant ! » Elle se laisse prendre au jeu et fait le point sur la situation. Le violon de Marco n’était pas dans son étui cette nuit, pour faciliter sans doute sa substitution par le ou la complice ? Sa disparition est en réalité une ruse élaborée de toute pièce pour masquer une autre enquête menée, elle, par M. Poirot. Qui a manigancé un tel plan et pour quelles raisons ? Joséphine reste perplexe. Cécile semble en savoir davantage grâce à son père M. Martin. « Pourtant Jean Martin s’est présenté comme commercial dans le domaine du matériel médical… »
Voyant le visage de son amie de nouveau s’assombrir, Cécile lui murmure : « Pas d’inquiétude Joséphine, le précieux violon est en lieu sûr, M. Morassi a parfaitement joué son rôle de victime, c’est un honnête homme.  Pour le reste, que tu as deviné il me semble, je ne peux t’en dire plus. »
Y aurait-il un espion dans l’Orient Express ? Ou un nouvel Arsène Lupin ? Et les triplés cacheraient-ils quelque chose parmi leurs élastiques? « Affaire à suivre »
 

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Rédigé par Mireille

Publié dans #Voyage

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