Publié le 13 Décembre 2024
voyage
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Le lendemain de ce bal mémorable, Laurent se réveille l'esprit léger. Pendant la soirée, il a fait connaissance avec Sofia, une ravissante brunette, comédienne de son état. Il lui a parlé de son projet de film à bord de l'Orient Express, lui a proposé un rôle. La jeune femme est très intéressée. De leur discussion passionnée est née l'ébauche d'un scénario : mettre en scène leur voyage et le faux vol du Stradivarius.
Excité par l'idée, Laurent commence à échafauder intrigue, séquences, plans de coupe dans sa tête, tout en se dirigeant vers le wagon restaurant pour un petit déjeuner avec Sofia, avec qui il passera la journée pour peaufiner le projet "Orient Express". Au fil de leurs discussions, la décision de faire jouer tous les passagers, y compris Pirrhus, l'adorable matou de Sofia, se précise. Quant à Herbert, il fera la musique du film, uniquement au violon, bien sûr !
En fin d'après-midi, un haut-parleur annonce l'arrivée à Istanbul dans deux heures et propose aux passagers de se réunir au wagon-bar. Un cocktail d'adieu les attend.
Dans le wagon-bar, les conversations se croisent ; quelques rires, des chuchotements, des regards en coin occupent l'espace. Le professeur Glorieux, alias agent Pélican ZKTT entonne "Ce n'est qu'un au-revoir", sans grand succès. Devant ce flop, l'agent Kathéter 4 Ter lui fait signe de la boucler. Satine Mahé s'entretient avec ce drôle de type, Xavier, que Laurent n'apprécie pas du tout. Un plante-merde capable de lui foirer le film, hors de question de le recruter, celui-là.
Pierre est aux petits soins pour Osman et sa maman. Sigmund F, confortablement installé, un whisky en main, observe en silence. Sofia et Laurent le rejoignent. Satine ne tarde pas à en faire autant, ainsi que le professeur Glorieux et Pierre.
Xavier s'éclipse, suivi par l'agent Kathéter 4Ter, pendant que Laurent expose le projet conçu avec Sofia, projet qui a eu l'heur de plaire à un producteur présent dans le train. L'idée séduit, les questions volent, les cartes de visite s'échangent... le train siffle.
Terminus, tout le monde descend.
Epilogue
Un an plu tard, du fond de sa prison où les agents Pélican ZKTT et Kathéter 4Ter l'ont envoyé, Xavier, qui se morfond devant la télé, sursaute. Sur le tapis rouge du Festival de Cannes, Laurent Delaplace, ses comédiennes et comédiens, Sofia avec son chat Pirrhus en laisse, Satine, Glorieux, Sigmund, Pierre et le petit Osman montent les marches, vers la Palme d'Or.
Publié le 13 Décembre 2024
La fin du voyage approche. Joséphine commence à ressentir impatience et appréhension. L’ambiance très animée de la veille a fait place à un certain soulagement. Les enquêteurs ont fait correctement leur travail. Marco Morassi a pu récupérer son précieux violon intact. La jeune femme a bien compris qu’il se trame autre chose dans l’Orient Express dont elle ne saura sans doute jamais rien. Cécile lui a fait comprendre que cela relevait d’une affaire d’espionnage international.
Joséphine a décidé de ne pas s’immiscer dans cette énigme-là. Elle est maintenant toute aux préparatifs de son arrivée à Istanbul, ville terminus du train. Installée au salon pour partager avec les autres voyageurs la dernière coupe de champagne, elle songe à ce rendez-vous fixé dans le centre-ville cet après-midi, tout en fouillant dans son petit sac à main. Elle sent sous ses doigts le papier plié en deux. Discrètement elle relit les quelques mots griffonnés à la hâte avant son départ de Paris : « RDV le 23 mai à 14H avec Armelle ». Seuls Maxime et maintenant Cécile sont au courant. Armelle est la fille d’une amie de Madame Castala. Après ses études d’avocate, imposées par ses parents, la jeune femme a choisi de changer de voie et de suivre son compagnon à Istanbul. Elle y a ouvert une chapellerie de luxe qui a aujourd’hui une belle notoriété. Le rêve de Joséphine ! La rencontre avec Marco Morassi lui a fait comprendre combien il est important de vivre pleinement sa passion et de réaliser ses rêves. Et celui de Joséphine est d’être modiste. Comme sa grand-mère maternelle, qu’elle a peu connue mais dont elle a beaucoup entendu parler et qui réalisait des chapeaux de toutes sortes, des bobs, des chapeaux cloche, des capelines, des bérets, qui avaient un succès fou. Maxime connait le gout de Joséphine qui sort le plus souvent coiffée de jolis chapeaux qu’elle assortit à ses toilettes. Il l’a souvent incitée à écouter sa petite voix intérieure plutôt que les injonctions de ses parents. « Dans la famille Castala on est médecin ou rien ». Armelle, elle, a franchi le pas. « Elle pourra me conseiller, me donner peut-être des contacts à Paris et, surtout, la force qui me manque encore. »
Dans le salon les conversations sont joyeuses, on échange des adresses, oui on se reverra, on se le promet du moins. Joséphine écoute et répond plus par politesse que par amitié. Cécile sent l’émotion de son amie qui s’est confiée à elle. Elle sait combien ce rendez-vous avec Armelle signifie pour Joséphine le premier pas vers une nouvelle vie. « Les chapeaux et les coiffures, ça va un peu ensemble ! » avaient-elles remarqué en riant.
Les bagages sont bouclés, l’Orient-Express ralentit, Istanbul n’est plus très loin. Le cœur de Joséphine bat plus vite.
Epilogue
« De Paris à Istanbul »
Paris, 20 mai 1980. Joséphine fête ses trente ans. Sa chapellerie, ouverte il y a juste quelques mois dans un quartier chic de la capitale, a déjà une belle renommée. Elle l’a baptisée « De Paris à Istanbul » en souvenir de ce voyage dans l’Orient Express qui a marqué un tournant dans sa vie. Elle a décoré l’intérieur de la boutique dans le même style que l’emblématique train. Elle confectionne elle-même les magnifiques chapeaux personnalisés que recherche sa clientèle aisée.
Il y a un an elle a épousé Maxime. Il l’a soutenue tout le temps de sa reconversion. Cécile qui a été son témoin de mariage, lui a réalisé pour l’occasion une superbe coiffure, un joli chignon piqué de roses vert émeraude et fuchsia. Elle est parvenue à faire tenir dessus un petit bibi agrémenté de voilette confectionné par Joséphine.
Publié le 12 Décembre 2024
Mon voyage inoubliable
Je me présente Marie-Judith DUPIN
Jeune femme d'une trentaine d'années, blonde, élancée, des yeux verts pétillants.
Divorcée depuis peu et grand mère attentive
Aide soignante à l'écoute, faisant preuve d'empathie
Voyageuse le sac à dos, mais aujourd'hui je vais prendre le train, par n'importe lequel ce mythique "Orient Express", tranquillement assise ou me baladant parmi ces divers étrangers, costumés comme à l'époque du XIXe, bonjour l'aventure...
Peintre moi-même, je suis admirative de la peinture impressionniste et de la douce musique du XVIIIe.
Un ami de longue date, un peu fatigué de la vie et de ses péripéties lointaines, m'a proposé, il y a une semaine de l'accompagner où, quand, tu verras, je t'offre ce voyage pour ton anniversaire, fais les friperies et trouve des vêtements les plus improbables des années 1900.
Le 4 août, rendez-vous à Paris, je suis à l'entrée de la Gare de l'Est, mon vieil ami Eric m'attendait costume 'prince de Galles', foulard noué autour du cou, pochette et chapeau mou.
Etait-ce lui, mon Dieu, quelle surprise, il se tenait à côté de ce train bleu et or qui n'allait pas tarder à s'ébranler doucement, toute fumée impatiente et légère...
- Félicitations ! Ton ensemble est parfait, me dit-il, me faisant tournoyer, robe longue a jabot, un adorable chapeau à plumes, et une ombrelle, très bien, tu es très belle.
Nous nous frayons un chemin vers nos cabines respectives, croisant une population diverse et variée dans l'étroit couloir, des vêtements anciens, colorés mais sobres.
Déguisée, je ne sais pas, mais d'apparence charmante, un retour dans les 'Années Folles' ou fin 'Belle Epoque'.
"Avec une série de secousses, le convoi s'ébranla. Les deux hommes se mirent à la fenêtre pur regarder le quai interminable dont les lumières paraissaient glisser lentement devant eux.
L'Orient Express venait d'entamer son long voyage de trois jours à travers l'Europe."
Enfin les numéros 44 et 45 sont là devant nous, une ambiance feutrée, chauffage draps de soie, un rêve.
Un dernier regard par la fenêtre, nous sommes encore en France.
Je m'aventure dans le couloir et suis interpellée par une personne haute en couleur à l'accent slave, avec un léger salut se présente :
- Ivanovna Pétersbourg, je suis accompagnée de ma secrétaire Miléna, je serais heureuse d'être votre 'complice' de voyage, vous ressemblez tellement à mon amie d'enfance qui n'a pu faire cette traversée.
Un peu surprise, flattée, mais un soupçon méfiante, j'accepte.
- Spsiba ma chère, je suis à la suite 99, mais je vais au bar et vous ?
- Je vous rejoins tout à l'heure, lui répondis-je.
Eric me rejoint, je lui raconte ma rencontre.
Une odeur de cigare, un rire bruyant et toussoteux, un homme d'apparence bon enfant, mais le regard inquisiteur nous croise, nous saluant, je suis Hercule Poirot pour vous servir.
Arrivés au bar, un colonel se glorifiant de son état, buvait son whisky à grandes gorgées.
L'inconnu..
Un retour dans ma cabine afin de profiter d'un peu de silence, après les péripéties ubuesques de mes amis de voyage.
Eric frappe à la porte trois petits coups, puis passe la tête, se voulant joyeux, bien que je dénote un soupçon de fatigue.
- Dans une demi-heure au wagon-restaurant, me dit-il !
J'acquiesce.
Mon regard se pose sur le paysage, nuit est tombée.
Je me refais une beauté, puis m'apprête à partir ; à ce moment la porte de la cabine s'ouvre violemment. Surprise, un cri sort de ma bouche..
- Qui êtes vous..? que faites vous là ?
Sûr de lui, l'homme entre un pied dans l'embrasure de la porte, l'air mécontent, puis confus, son visage tel un arc-en-ciel de mal-être, bégaie, rougit et finit par s'enfuir sans refermer la porte.
Allant d'un pas léger me restaurer, je reconnais en chemin l'étrange individu, levant les bras et divaguant seul vers son destin culinaire.
Je croise Ivanovna et Milena en pleine discussion, je leur souris, elles continuent sans me voir, pourtant le couloir est étroit, bon, bon...
Le salon-restaurant est plein il y règne une ambiance feutrée mais festive, un serveur en livrée me guide vers ma table, en fait nous serons quatre.
Un regard circulaire dans la salle, Eric n'est pas là.
Sur une nappe blanche, il y a une belle vaisselle ancienne, verres en cristal, une petite lampe de chevet rose près de la fenêtre.
Les présentations faites, le pittoresque jeune homme est assis devant moi, n'osant pas me regarder, son voisin, un personnage d'une cinquantaine d'années, médecin à la retraite sourit poliment, déploie sa serviette, la pose sur ses genoux en admirant avec envie les hors-d’œuvres présents, nous souhaitant bon appétit, le repas s'annonce excellent, Benjamin son fils sourit.
Mes yeux se posent sur une affiche nous conviant à un bal après dîner pur l'inauguration de ce train.
A la fin du repas, j'ai l'intention d'aller voir Eric, mais Benjamin me précède, je pense l'éviter mais ses yeux de chien battu, m'interpellent.
- Croyez chère madame, je suis confus de mon comportement de tout à l'heure. Je suis tellement heureux de participer à ce fabuleux voyage, je suis venu avec mon père, je me présente, Benjamin Constant, neurochirurgien à Paris.
Je n'écoute que d'une oreille ses excuses, quand le médecin du train m'interpelle, l'air consterné, m'apprenant que mon ami Eric a fait un malaise.
Posant une main amicale sur mon épaule, Benjamin me suis à l'infirmerie.
- Votre ami fait une détresse respiratoire, peut être un pneumothorax..
Un vol...
Le bal, cette soirée mémorable dans un tourbillon de couleurs et de robes d'un autre temps.
Mon nouvel ami, ne me quitte plus....
La première nuit dans ma cabine, cocooning de satin et de couvertures douillettes.
Je m'endors rapidement avec la cadence doucereuse du train.
De petits coups à ma porte, me réveillent, dans un demi-sommeil j'ouvre un œil, attends quelques minutes, referme les yeux, puis d'autres petites frappes se font plus intenses et urgentes.
Demandant qui est là, j'entends une voix assurée me commandant d'ouvrir.
Hercule POIROT se tient devant moi, en costume, l'air inquiet pour ma personne.
- Chère madame excusez mon insistance, mais on vient de m'informer qu'un vol vient d'être commis dans le train, l'agent de sécurité a été attiré par deux individus vêtus de noir, tels des rats d'hôtel, se faufilant discrètement...
- Mais qu'a-t-ton dérobé, lui demandais-je, intriguée?
- Apparemment Monsieur MORASSI, violoniste de renom, cherchant le sommeil comme à son habitude, entreprend d'ouvrir l'étui de son Stradivarius, caresser son trésor, cela lui suffit à retomber dans les bras de Morphée, et oh malédiction, le violon a disparu, d’où cette effervescence, tout le personnel est en ébullition.
L'agent de sécurité, faisant appel à moi, ordonne une fouille complète des cabines, un questionnaire sur d'éventuels comportements, cela ne sera pas une délation, mais l'enjeu du délit est important.
Hier, je vous ai vue converser avec deux charmantes personnes qui, après recherches, n'ont pas de cabines, qu'en dites vous !
Ma réponse à cette remarque conforte la réaction de ces individus lors de notre croisement dans le couloir !
A cet instant Benjamin, les yeux à moitié ouverts, les cheveux hirsutes, passe la tête, inquiet, me regardant avec un doux sourire amical.
Intervenant auprès d'Hercule POIROT, Benjamin relate son entrevue avec le violoniste au bar la veille au soir, échangeant le souvenir de mon voyage dans la ville romantique de Venise, mon italien n'étant pas si lointain.
Après quelques verres, Monsieur MORASSI m'a avoué être ruiné, ce voyage mythique se réalisant sur ses derniers écus...
Révélation...
Les propos de Benjamin ont fait sourcilier Hercule POIROT, un regard discret vers l'agent de sécurité, qui prend note sur son petit carnet.
Soudain Ivanovna fait une apparition retentissante, c'est un affront s'exclame-t-elle, cette intrusion dans ma cabine à cinq heures du matin pour un violon!
Exaspéré, POIROT intervient, sortant la liste des passagers, demande à cette personne le numéro de sa cabine.
-Pardon, lui répondit cette dernière, prenant un air outragé, vous savez qui je suis, Monsieur!
-Justement répond POIROT, je ne sais pas, nous ne savons pas d'où vous sortez, pour le moment vous êtes une passagère clandestine.
Faisant irruption de sa cabine Monsieur MORASSI, ayant vaguement entendu une altercation, malgré des sentiments partagés entre colère,et chagrin, l’œil faiblement rougi , son pyjama à moitié ajusté, relève le doute et avoue humblement être en couple avec Ivanovna et Milena, de vieilles connaissances artistiques, rencontrées à Saint Pétersbourg, il y a quelques années.
-Très bien !
D'une seule voix, Hercule et l'agent de sécurité convient ces individus à se rendre au bureau du responsable.
Tout en vociférant des paroles désobligeantes, la petite troupe se met en marche.
Très digne dans son rôle d'accusateur, POIROT échafaude des suspicions les plus folles sur la perte de l'objet de valeur, volé, subtilisé, caché !!
-A présent, tous les trois il faut parler, dire la vérité sur la disparition du stradivarius, afin de rétablir une ambiance convenable dans le train.
Un silence, une concertation, des regards, des bouches ouvertes, prêt à parler, des soupirs, des larmes coulant doucement.
-En fait, monsieur MORASSI prend la parole, c'est une idée saugrenue, digne d'un mauvais film, je suis ruiné, pauvre de moi ! imaginez la suite..
Et vous mesdames, comment, pourquoi s'aventurer dans un tel voyage, de cette manière, puis s'adressant à son acolyte, POIROT demande confirmation d'un appel à la police des frontières.
Stéphane Pierre-Brune apparaît, souriant brandissant un paquet, je l'ai trouvé !!!!
La fin d'un rêve
-J'ai des soubresauts, des réminiscences, des dialogues avec qui, pourquoi !!
J'allume la lumière, il est trois heures du matin, en posant le pied sur ma descente de lit, je glisse, j'ai des éclairs dans les yeux, que m'arrive-t-il, un verre de lait sucré, je me rendors.
Benjamin, remis des émotions inattendues, s'est refait une apparence convenable.
-Bonjour Marie-Judith, voulez-vous prendre un chocolat et des viennoiseries avec votre serviteur, après ces rebondissements aussi soudains que désolants !
-Avec plaisir, répondis-je, acceptant sa main tendue et son baiser sur ma joue.
Toujours l'air bon enfant, mais un tantinet présomptueux de ses responsabilités passées, son cigare matinal le faisant toussoter, POIROT se joignit au groupe de passagers dégustant leur petit déjeuner.
Une ambiance bienveillante, joyeuse se fait entendre pour la fin du voyage.
Regardant par les fenêtres, certains s'exclament en chœur, l'église Sainte-Sophie dominant au loin, quelle beauté, nous arrivons à ISTANBUL en Turquie.
-Mais oui, soupire Stéphane le conducteur de cette locomotive, qui nous aura fait des surprises de dernières minutes. Joyeux, ce dernier se joint à nous, se rapprochant insidieusement de sa conquête.
Arrivés à destination du dernier pays parcouru, tout le monde se salue, s'invitant à se revoir avec plaisir.
Benjamin, toujours plein d'égards, ne me quitte plus, par la chance du bonheur, nous habitons à PARIS, je serais ravi de vous revoir bientôt, qu'en pensez-vous Marie-Judith !
Me sentant émue, je ne voulais pas lâcher sa main chaude et douce, son regard de braise me transperça d'un délicieux courant et j'acquiesçais volontiers.
A cet instant MORPHEE apparut et me réveilla doucement.......
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Publié le 12 Décembre 2024
Jeanne, la femme de chambre
J'ai rendez-vous avec Madame Roger Martin du Gard devant le train bleu gare de Lyon avant d'aller avec le chauffeur de Madame gare de l'Est. J'ose à peine y jeter un œil, effrayée, étonnée, jamais rien vu d'aussi beau dans ma Sarthe natale du haut de mes vingt cinq ans d'existence.
Je suis ouvrière à l'usine Moulinex de Mamers, suis allée faire des ménages pour arrondir mon minuscule salaire chez Madame Marie-Sophie Roger Martin du Gard. Cette grande bourgeoise possède une énième maison de campagne dans le coin.
Elle m'a proposé de lui servir de femme de chambre, je dirai plutôt de bonniche, tant cette femme hautaine est capricieuse mais, c'est la chance de ma vie et moi Jeanne, je tiens à en profiter...
Peut-être vais je rencontrer un riche voyageur célibataire en quête de mariage, pourquoi pas avec une gentille, courageuse sarthoise cuisinant comme personne de délicieuses tartes aux pommes .
Je suis pas trop mal, taille de guêpe, jambes fines et fuselées, yeux marron, longs cheveux ondulés brun.
Je parle correctement sans accent du cru grâce à mon institutrice de CM2 Mademoiselle Simone qui m'a enseigné le beau et bien parlé sans faute.
Dans ma petite et ridicule valise, j'ai deux robes noires, deux tabliers blancs, une espèce d'horrible coiffe à poser sur ma tête. Je suis dans ce train pour servir jour et nuit Madame. Je croise les doigts pour qu'elle reste dans sa cabine avec de solides migraines, me laissant explorer ce mythique et féérique train.
Me suis renseignée avant de partir auprès de Mademoiselle Simone, ai vu des photos ébahie par tant de luxe, je suis consciente, ce sera nul doute l'unique grande aventure de ma vie...
J'aperçois ma patronne, toujours aussi aimable, nous nous dirigeons vers notre cabine. J'ai droit à une petite couchette dans un cagibi près de Madame, prenant soin à vérifier la petite sonnette en cas de besoin. Je me sens néanmoins belle, riche, aventurière, je souris de mes jolies et blanches dents, prête à dévorer ces longs et combien excitants prochains jours;
Madame s'installe nonchalamment, je dois illico presto aller lui chercher un thé accompagné de petits fours avant que le service en cabine ne commence.
Je me dirige vers le wagon restaurant longeant les luxueux couloirs à la moquette grenat et crème, croise un bel homme distingué qui me jette un regard condescendant.
Bon, j'avoue qu'avec cette horrible coiffe blanche exigée par Madame, je ne ressemble en rien aux belles et élégantes femmes habillées de beaux vêtements, regardant par la fenêtre s'éloigner les toits Parisiens.
L'habit ne fait pas le moine, pure bêtise, je suis aux yeux de tous une bonne à tout faire, on me le fait bien sentir, qu'importe je rêve, je vole, heureuse et souriante.
Je demande mon chemin - bien qu'écrit - à un gentil contrôleur habillé avec soin et ma foi, il est pas si mal, parfois faut pas viser trop haut !!!
Wagon restaurant, du bois rare, de la porcelaine, de l'argenterie, j'en ai le tournis qui me donne un coup de chaud. Le contrôleur, un habitué me demande "ça va Mademoiselle ? " "oui oui" , bon en rajoute un peu prête à m'évanouir dans ses robustes bras. Bon ma fille, ne va pas trop vite en besogne tu as encore un peu de temps !!!!
Je commande, vais porter le plateau à Madame déjà folle de rage d'avoir trop attendu son breuvage.
Jeanne passe à l'action
Madame Roger Martin du Gard, la bouche en cul de poule, rouge à lèvres qui déborde, se repoudre le nez, se parfume avant d'aller se dandiner, telle une oie grasse, vers le salon le plus proche de sa luxueuse cabine.
Il est vrai que Madame n'est pas une grande marcheuse, ce qu'elle compense largement en étant une grosse mangeuse !!
Cahin-caha elle arrive, dédaigneuse à souhait, vers un large et confortable fauteuil, porte son dévolu sur une Sarah nullement intéressée par la conversation, plutôt le babillage de Madame. Sarah ne sait pas trop comment sortir de ce guet-apens quand des triplés bruyants et sympathiques débarquent.
Incroyables ! Ils sont vêtus d'un authentique kilt écossais, d'une chemise blanche à jabot, petit gilet noir, chaussettes en pure laine, coiffés d'un béret à pompon. Il ne manque plus que la cornemuse mais rassurez-vous, ils ne savent pas en jouer...
De son côté Jeanne se balade affublée de son ridicule uniforme en louchant discrètement sur Jean-Baptiste, le nouveau riche dont elle a entendu l'histoire avant de grimper dans le train.
Elle, la petite ouvrière d'usine, ne s'y trompe pas, en voulant bien faire, il en fait trop. Il est limite ridicule habillé comme un péquenot endimanché, mais un peu jalouse de sa situation quand même.
Il faudrait le séduire vite avant que ce petit ou grand poucet ne dilapide sa fortune et se retrouve sans le sou.
Il est entré gauchement dans le wagon des joueurs de poker, lui qui ne sait jouer qu'à la belote, qu'importe, il se commande un double malt avec glaçons, faisant mine de savourer le breuvage, ne buvant en temps normal que de la bière au goulot.
Jeanne semble chercher Madame, sourit à ce grand benêt qui la reluque de la tête aux pieds, des pieds à la tête, savourant en rêve les belles courbes de la petite bonne.
Jeanne ne se laisse pas démonter en lui demandant droit dans les yeux s'il n'aurait pas par hasard vu Madame.
Il est captivé, en perd son Latin en bafouillant une réponse idiote.
Jeanne sent qu'il mord à l'hameçon, lui demande de l'aide ce qu'il s'empresse de faire.
Ma petite Jeanne tu n'as que six jours et va falloir y aller à fond !!
Le contrôleur et le conducteur, entre aperçus au départ, sont des hommes charmants mais pas bien riches, je veux du luxe, pas envie de finir à l'usine comme mes copines .
Le Stradi...
Retour avec Madame dans sa luxueuse cabine pour l'aider à s'habiller, se déguiser dans une robe qui va la faire ressembler à une meringue version XXL.
" Jeaaaaannne qu'avez-vous fait avec ma gaine Playtex, elle a rétréci, vous l'avez fait bouillir petite idiote !!!!
- Mais non Madame, comment aurais-je pu faire une chose pareille, elle a été lavée à froid, peut-être avez-vous abusé ces dernières semaines de petits fours lors de vos après-midi au salon de thé ?
- Diriez-vous Jeaaanne que j'ai pris de l'embonpoint ?
- Mais non Madame je n'oserai pas."
Si Madame savait que j'ai volontairement lavé sa maudite gaine à l'eau brûlante, je l'ai même repassé à la vapeur, cela lui apprendra à être désagréable, bien fait pour elle !!
J'entends des cris dans le couloir, des voix qui hurlent "au voleur, au voleur", des coups de sifflets retentissent, on demande à tous de rejoindre leurs cabines respectives.
Je jette un œil dans le couloir, le charmant contrôleur me fait chut en venant vers moi, me dit que le violon Stradi je ne sais plus exactement a été dérobé chez le célèbre chef d'orchestre Marco, beau mec mais un brin trop prétentieux à mes yeux.
Madame, la mine pincée, vient aux nouvelles, se désespère, la pauvre c'est tout juste si elle ne se met pas à sangloter, renifle avec des " Mon Dieu c'est une catastrophe, le pauvre Marco que va t'il devenir ? ".
Je la soupçonne de vouloir le consoler dans ses bras dodus !!!
Bon, c'est pas tout ça, qui a fait le coup ? Je ne savais pas qu'un violon pouvait valoir autant de sous.
Pourquoi pas Sarah qui travaille dans la revente d'antiquités, peut-être les triplés qui sont bizarres ou Marie-Judith qui a pris goût au luxe et aimerait s'offrir d'autres petits voyages. Mine de rien elle s'y connait en art et pourrait cacher ce violon dans son sac à dos de routarde, jetant ses fringues par la vitre d'un wagon.
Cécile, quant à elle, veut jouer au petit détective, elle n'est plus dans un roman en se retrouvant au cœur d'une vraie action !!
" Qui ose me déranger se met à crier Madame quand on vient toquer à la porte ?
- Calmez-vous ma très chère Madame, on va retrouver le voleur mais nous devons obligatoirement fouiller toutes les cabines."
Madame avise sa gaine Playtex sur une chaise, s'empresse de la dissimuler aux yeux du jeune homme qui s'en fiche royalement, ne regardant que les courbes alléchantes de la petite bonne.
Les cabines sont fouillées et évidemment on ne retrouve pas trace du violon, la police devra donc intervenir à la prochaine escale.
Les passagers s'éparpillent dans le salon, se regardent en chien de faïence, les femmes serrent leurs sacs à main, les messieurs vérifient que leurs portefeuilles sont toujours dans la poche.
Jeanne, après avoir déguisé Madame, s'éclipse librement. Discrètement elle décide de faire une seconde fouille et remporter, qui sait, le jackpot en retrouvant le Stradi je sais plus quoi !!
Qui a volé le Stradi ?
Jeanne se faufile dans le couloir à pas feutrés vers la cabine de Sarah, frappe doucement à sa porte.
Elle est un peu surprise, regarde illico derrière son épaule. Jeanne la petite ouvrière est une habituée des larcins dans les casiers de l'usine, elle sent de suite que quelque chose n'est pas normal.
Elle s'excuse, demande du fil et une aiguille pour un raccommodage urgent de la gaine de Madame. Il ne lui faut que quelques secondes pour découvrir que cette chère Sarah a piqué des objets glanés de-ci de-là dans le train.
Il est vrai qu'en tant que négociatrice d'art, elle n'aura aucun mal à tout refourguer sous le manteau.....
Jeanne est déçue, ce n'est pas ici qu'il faut chercher, elle récupère fil et aiguille, remercie, s'éclipse pour continuer sa petite enquête.
Elle va chez les trois Q, qui ont peut être eu la folle envie de s'amuser en piquant le violon de cet homme un tantinet trop sûr de lui.
Choux blanc, les trois frangins sont déjà bourrés, la chambre est sens dessus-dessous, impossible que ce soit eux.
Mince alors, vais aller voir le conducteur qui doit avoir quelques planques que lui seul connait. Il a l'air brave, honnête, mais en a peut-être ras la casquette de tous ces snobinards qui le regardent de haut. Il en connait du beau monde, le Stéphane, pour la revente...
Jeanne, culottée comme pas deux, donne de grands coups sur la porte pour se faire entendre, il y a un tel vacarme au poste de pilotage. Stéphane est ravi d'avoir de la visite et quelle visite... lui qui en a rêvé la nuit dernière. Au bout de quelques minutes de babillage, elle se dit : impossible que ce soit lui, à moins qu'il ne cache bien son jeu.
C'est encore choux blanc.
Jeanne réfléchit, oui oui cela lui arrive, elle va à la cabine de Marco où c'est le branle-bas de combat !!
Allez savoir pourquoi elle y va, un sixième sens peut-être, sait-on jamais, Marco serait-il le fautif, un homme qui se vole pour récupérer l'argent de l'assurance, enfin profiter de la vie sans être constamment par monts et par vaux...
Le voyage se termine
Madame râle comme un putois "restons polis", en menaçant la compagnie de déposer plainte pour lui avoir gâché son voyage avec cette histoire de vol à dormir debout.
L'inspecteur de police présent fait marcher sa matière grise, il semble avoir résolu l'affaire, se voyant déjà décoré de la légion d'honneur par Valéry Giscard d'Estaing en personne.
Marco Morassi, blanc comme un linge, a déjà signé en triple exemplaire sa déposition. Il a vendu son violon à un riche collectionneur Américain, mis quelques bouquins dans l'étui, ni vu ni connu, sauf qu'Hercule Poirot n'est pas né de la dernière pluie.
Au bout de trois heures d'interrogatoire même pas musclé, il a réussi à faire cracher le morceau au Marco.
Tout ce beau monde peut désormais aller boire un dernier verre au wagon restaurant, sauf Jeanne reléguée dans sa cabine en tant que domestique;
Elle s'en moque, son cerveau bouillonne, à bien y réfléchir, Stéphane est certainement l'homme qu'il lui faut. Avec son travail, il sera rarement présent, elle sera libre, mariée si possible, n'ayant que les bons côtés de la chose.
Elle va pouvoir voyager gratis, au moins à travers la France : la belle vie !!
Pomponnée, elle retourne voir Stéphane, amoureux déjà de la jeune femme. Il n'arrête pas de parler, se projette dans l'avenir avec femme, elle de préférence, enfants, maison, jardin. Il est tout sourire le Stéphane. Jeanne jubile, elle sait désormais qu'elle ne retournera pas à l'usine faire les trois huit. Ses copines vont être folles de jalousie, qu'importe, elles viendront lui rendre visite dans son futur pavillon avec jardin.
Les trois Q ont dessoûlé, boivent de la limonade "on the rock", Marie-Judith se fait toute petite, Eugénie boit coupe sur coupe de champagne. Marc de Verneuil, quant à lui, observe, c'est son rôle de regarder et d'analyser ;
Joséphine chapeautée comme toujours, se languit de Maxime, Cécile après avoir coiffé Madame et trois autres passagères, s'octroie un verre de rouge en lançant des œillades enamourées à son héros, Hercule Poirot.
On arrive à Istanbul, la gare grouille de monde. Des taxis attendent déjà ses illustres clients.
Une voiture de police attend le voleur pour son transfert en France si procès il y a..
On arrive à la fin d'un beau et luxueux voyage si bien commencé, si mal fini.
Cela fait huit ans que le dernier voyage Paris Istanbul à eu lieu.
Jeanne, installée en bonne épouse dans son pavillon avec jardin, s'active pour récupérer ses deux enfants à l'école avant l'arrivée pour quelques jours de son mari Stéphane.
Marco, quant à lui ruiné, végète dans une chambre de bonne, il a tout perdu...
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Publié le 12 Décembre 2024
Nom : MARTIN
Prénom : Cécile
Âge : 25 ans
État civil : célibataire
Métier : coiffeuse
Apparence physique : taille moyenne, mince, jolie, des yeux bleus rieurs, une fossette sur la joue gauche, des cheveux châtains clairs, longs, souvent coiffés en queue de cheval.
Motivation profonde : passionnée de romans policiers, elle est à l'affût de choses susceptibles de renverser la monotonie de sa vie de coiffeuse.
Motivation pour ce voyage : marcher dans les pas de son héros préféré : Hercule Poirot.
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Le départ
Avec une série de secousses, le convoi s'ébranla. Les deux hommes se mirent à la fenêtre pour regarder le quai interminable dont les lumières paraissaient glisser lentement devant eux. L'Orient-Express venait d'entamer son long voyage de trois jours à travers l'Europe.
Cécile se glisse près d'eux. Elle les avait remarqués sur le quai. Un drôle de manège, des conciliabules, regards furtifs, comme s'ils craignaient d'être suivis. Et cette main crispée sur la poignée d'une élégante mallette. Que contient-elle ? Quelque chose de précieux, assurément ! L'imagination sans limite de la jeune femme échafaude toutes les hypothèses, des plus rationnelles aux plus farfelues. Les deux hommes restent silencieux. Quelques secondes plus tard, ils retournent dans leur compartiment.
Tant pis, ce sera pour plus tard... Cécile compte bien en savoir plus les deux messieurs, mais pour l'heure, elle décide de savourer les premiers instants de ce voyage tant convoité.
Une échappée à travers l’Europe à bord de l'Orient Express, un voyage économisé sous par sous, et dans sa poche, Le crime de l'Orient Express.... Hercule, j'ai commencé à mener l'enquête... La jeune femme se voit déjà confondre ces deux hommes suspects... deux voleurs de diamants, ou deux espions russes, ou deux... Ou, peut-être a-t-elle repéré les personnes que son père doit rencontrer... ? Il ne lui a guère donné de détails sur l'affaire en cours, juste intimé de ne pas dévoiler leur lien de parenté.
Ses divagations se dissolvent dans la beauté du paysage. Le train a quitté la ville, une campagne doucement vallonnée se teinte de rose dans les couleurs mordorées du couchant. Cécile rejoint sa cabine. Une cabine somptueuse qui l'attend, avec des rideaux en velours, une couchette, lit spacieux, confortable, douillet, aux oreillers gonflés de plumes douces et aux draps les plus soyeux qui soient. Des dorures pour souligner la chaleur de l'acajou. Grand luxe. Un message paternel lui parvient auquel elle répond aussitôt. Il va boire un verre au wagon bar. Bien ! Elle va donc rejoindre le wagon-restaurant.
Le wagon-restaurant
La lumière douce, chaude, des lampes Gallé répand une quiétude rose-orangé dans le wagon-restaurant, quiétude soulignée par l'alignement impeccable des tables et chaises le long des parois du train.
Là tout n'est qu'ordre et beauté, calme, luxe et volupté, murmure Cécile, immobile à l'entrée du wagon.
Quelques passagers sont déjà attablés. Les familles occupent les emplacements pour quatre personnes, ceux de deux étant réservés aux couples ou aux personnes seules, comme elle. Le wagon bruisse de murmures, conversations discrètes ; quelques rires viennent parfois éclater l'atmosphère feutrée.
Un serveur à la veste immaculée s'approche de Cécile, l'invite à s’assoir à une table pour deux. Cécile s'installe. La nappe blanche s'irise d'or sous la lampe. Un petit bouquet de fleurs fraiches l'égaie de couleurs mauve, rouge, verte. Son parfum subtil se perd au passage du fumet puissant d’œufs brouillés aux truffes terminant leur périple devant une élégante jeune femme aux longs cheveux roux, retenus par un ruban fuchsia. Deux superbes yeux verts croisent le regard de Cécile, un sourire courtois, un hochement de tête poli la saluent en silence.
Cécile n'ose pas aborder l'inconnue, pas encore... De plus elle n'est pas seule. A sa table, une femme raffiné et deux hommes chics, tous de grande classe, des gens de la haute, sans doute, mangent, boivent avec cette aisance propre aux aristos, milieu dans lequel notre coiffeuse ne sent sent pas du tout à l'aise.
En revanche, la jeune femme rousse lui paraît beaucoup plus accessible et sympathique. Faire connaissance et peut-être l’entrainer à enquêter avec elle sur les deux énigmatiques messieurs lui plairait bien.
D'ailleurs, les voilà les deux messieurs... qui sont trois, en fait ! Trois quidams se ressemblant tellement qu'ils deviennent interchangeables. Drôles de types ! Pas discrets ce soir avec leurs kilts et leurs longues chaussettes ! Cécile a un doute... qui se transforme vite en certitude : ces trois-là ne sont pas les deux inquiétants bonhommes du départ. Elle en est obnubilée au point de les voir partout ! Calme-toi, ma vieille... Mais quand même... ces trois-là... drôles de types...
Ils prennent place à une table de quatre, éclipsent de leurs gesticulations bruyantes la douce lumière, laissant s’infiltrer, encadrée par ses lourds rideaux de velours rouge sombre, une fenêtre noire de nuit.
Cécile frissonne. Papa démêlera tout ça...
Espionnes en devenir
Le lendemain, au petit déjeuner, c'est l'effervescence. Cécile traverse la wagon, assaillie de mots jetés en vrac, qu'elle intercepte au passage : précieux... introuvable... cette nuit...
Elle s'installe. La jeune femme aux yeux verts est déjà là, à la table d'en face. Elle lui sourit, se présente :
- Bonjour, Joséphine Castala. Avez-vous bien dormi ? Connaissez-vous la nouvelle ? On a volé le Stradivarius de Marc Morassi. Il paraît qu'il y a eu de bruit cette nuit. Avez-vous entendu quelque chose ?
Cécile, abasourdie sous ce feu de questions et informations, bredouille :
- Bonjour, Cécile Martin, oui, j'ai bien dormi. Non, je n'ai rien entendu cette nuit, enfin je crois...
Les yeux froncés vers ses souvenirs nocturnes, elle ajoute :
Qui est Marco Morassi ?
- C'est ce monsieur, là.
Joséphine désigne le grand type élégant qui dînait avec elle la veille. Cécile hoche la tête. Il lui semble bien que le sieur Morassi a invité la belle Joséphine à boire un verre hier soir...
- Il paraît que c'était un bruit étrange, comme un bruit mat, précise la jeune femme.
Un bruit mat... Cécile frissonne. Un bruit mat l'a visitée cette nuit, un bruit étouffé, un bruit inquiet, du genre qui s'immisce dans la conscience et vous réveille tourmentée... pour n'entendre que le silence, rythmé par le roulement métallique sur les rails. Répétitif, lancinant comme une mise en garde.
Mais pas que... un truc cherche le chemin de sa mémoire, un truc furtif, vu en passant... hier soir ? tout à l'heure ? un truc chopé du coin de l’œil, un truc qui s'est logé quelque part et qui se planque. Un truc qui, soudain, surgit en pleine lumière : l'étui !
C'est ça, c'est un étui de violon ouvert, vide, tapissé de velours rouge, aperçu... zut, elle ne sait plus.
Refaire le chemin dans ma tête... non, je ne sais plus.
La perplexité traverse son visage. Joséphine l'observe, intriguée.
- On va fouiller toutes les cabines, on va sûrement nous interroger, lui dit-elle.
- Oui, je m'en doute, soupire Cécile. Une enquête va être ouverte. Avez-vous vu ou entendu quelque chose ?
Le regard de Joséphine voltige à la recherche d'une réponse.
Sans doute hésite-t-elle à me faire confiance, pense Cécile. Normal, elle ne me connaît pas. Moi non plus d'ailleurs, je ne la connais pas. Qui me dit que ce n'est pas elle, la voleuse ?
Cette idée lui paraît tellement improbable qu'elle laisse échapper un petit rire.
- Que diriez-vous, chère Joséphine, si nous menions discrètement notre enquête ensemble. Pour tout vous dire, je surveille déjà deux types un peu bizarres. Voulez-vous participer à l'élucidation de ce mystère ? Nous serons les espionnes de l'Orient Express. Qu'en dites-vous ?
Cécile et Joséphine enquêtent
Après la fouille infructueuse de leurs cabines, Joséphine et Cécile décident de mener l'enquête. Cécile, grande admiratrice de Poirot, prend les choses en main :
- Faisons marcher nos petites cellules grises. Pour résoudre cette affaire, il faut répondre à quelques questions essentielles. Première question : où le vol a-t-il été commis ?
- Dans la cabine de Marco, répond Joséphine.
Cécile consigne sur un cahier ce premier élément et ajoute :
- Quand a-t-il été commis ?
- Hier soir, en début de nuit.
Cécile sourit.
- Voilà des réponses fermes et concises comme je les aime. Un peu plus compliqué, maintenant : comment le vol a-t-il été commis ?
Hésitation des deux jeunes femmes...
- Il paraît qu'Eugénie Charpentier a vu une silhouette s'éloigner dans le couloir, la nuit dernière, précise Joséphine.
- Elle a aussi entendu du bruit, moi aussi d'ailleurs, renchérit Cécile. C'est peut-être le bruit d'une serrure crochetée. Ça y ressemble.
- Donc, pour répondre à la dernière question, on pourrait dire : par effraction ? demande Joséphine.
Cécile approuve, note le fait sur son cahier.
- Arrive la question : pourquoi ?
- Facile, répond Joséphine. Ce violon est hors de prix. Si le voleur réussit à le vendre, il sera riche.
- A moins que ce ne soit par jalousie, malveillance, s'interroge Cécile. Quelqu'un qui veut nuire à notre beau musicien.
Joséphine reste pensive.
- Deux mobiles éventuels, ça double les suspects, murmure-t-elle.
- Et si on allait voir du côté des deux types bizarres, suggère Cécile.
Les deux jeunes femmes longent le couloir, furtives, comme les espionnes en herbe qu'elles sont.
De toute façon, papa n'est pas loin, se dit Cécile, il veille, je le sais.
La cabine des deux bonshommes est grande ouverte. Sur un fauteuil, béant et vide, comme pour les narguer, l'étui du violon. Mais les deux suspects, introuvables.
- Anita Hermann m'a dit qu'elle avait vu un homme sauter sur le quai pour en rejoindre un autre. Ils seraient partis tous les deux par la porte de la gare, dit Joséphine.
- Oh, la la ! Ça se complique, se lamente Cécile. Je suis un perdue devant tous ces indices. Et toi, qu'en penses-tu ? Un vol ou une arnaque à l'assurance ? Et qui a fait le coup ?
La fin du voyage
Suite à une entrevue avec son père, Cécile en sait un peu plus : il semblerait que ce vol ne soit qu'un stratagème pour détourner l'attention du personnel et des voyageurs, car Hercule Poirot himself serait dans ce train et sur une importante affaire.
Cécile en est toute bouleversée ! Son héros, en chair et en os, ici ! C'est sûr qu'avant la fin du voyage, il ressemblera tout le monde pour donner la solution du mystère.
En attendant, elle rejoint Joséphine chez Marco Morassi pour leur faire part des derniers éléments. Mais l'affaire se complique encore avec la découverte d'un pendentif en forme de clé d'argent dans la cabine du beau Marco. Cécile est perdue devant tant de choses disparates. Tout lien logique ente les divers éléments est impossible. Cependant, le Marco lui paraît bien trop détendu pour que ce vol en soit réellement un. Il doit être dans la confidence du fameux stratagème... son violon doit être en lieu sûr. D'ailleurs, l'étui retrouvé chez les deux affreux est absolument vide d'empreinte. Aucun violon n'a séjourné la-dedans ! Encore un indice qui n'en est pas un !
Joséphine approuve d'un hochement de tête pensif quand le sifflement strident du tarin les fait sursauter. Un haut-parleur annonce l'arrivée au terminus dans deux heures et propose aux passagers de se réunir au wagon-bar. Un cocktail d'adieu les attend.
Dans la wagon-bar, les conversations se croisent, quelques rires, des chuchotements, des regards en coin, occupent l'espace. M. Hermann Farina et sa fille Anita conversent avec Archibad Fox, Sarah de Albran s'entretient avec Marie-Judith Dupin, de peinture sans doute.
Les trois Q ont troqué leurs kilts pour des pantalons trop courts et tiennent le bar. Ils n'en sont manifestement pas à leur premier verre !
Eugénie Charpentier arrive à son tour, élégante. Jean-Baptiste Noël, dandy magnifique et galant homme, se précipite vers elle, lui offre une coupe de champagne. Marc de Verneuil observe la scène, confortablement installé dans un fauteuil, un whisky à la main.
Luis, le discret, accoudé au comptoir, se marre en voyant entrer la grosse dondon, toujours accompagnée de sa ravissante bonne, Jeanne. Valentin Poésy, le romancier, prend des notes... sans doute pour son prochain roman... faut dire qu'il a sous les yeux une galerie de personnages remarquables !
Joséphine, Cécile et Marco trouvent une table libre.
- Tiens, papa n'est pas arrivé? s'inquiète Cécile.
Jean Martin entre à ce moment-là, accompagné d'Hercule Poirot. Yeux exorbités de Cécile qui agrippe le bras de Joséphine. Son regard croise celui de Poirot qui lui fait un clin d’œil, avant de prendre la parole :
- Mesdames, messieurs, tout d'abord, je tiens à vous rassurer sur le sort du violon. Il est en lieu sûr et ce vol, comme certains l'ont déjà compris, n'était qu'une mise en scène pour détourner l'attention d'une affaire sur laquelle M. Martin et moi-même enquêtions. Il y avait, dans ce train, deux individus soupçonnés d'espionnage international. Grâce au flair de M. Martin et de mes petites cellules grises, nous avons pu réunir suffisamment de preuves pour les arrêter. Ils sont sous bonne garde et seront livrés à la police dès notre arrivée. Mais pour l'heure, profitez des derniers instants de votre voyage.
Poirot soulève son chapeau en guise d'au revoir et quitte le wagon. Cécile avale son verre cul sec et en demande un second. Les conversations reprennent, des mots volent, le train siffle.
Terminus ! Tout le monde descend et s'éparpille vers son destin. Sur le quai, suivant des yeux la jolie silhouette de Jeanne, le conducteur de la locomotive, Stéphane, reste seul. Cécile le salue avant de quitter à son tour la gare, avec son père. La mission est terminée, les vacances à Istanbul peuvent commencer. Et comble de bonheur, sa motivation secrète, marcher dans les pas de son héros préféré, s'est réalisée au centuple. Il est venu à elle !
Durant le voyage, la complicité entre Joséphine et Cécile s'est muée en amitié. Quelques années plus tard, Cécile a démissionné de son salon de coiffure pour monter un projet avec Joséphine, devenue modiste. Cécile invente des coiffures adaptées aux merveilleux chapeaux créés par Joséphine. Leur salon/boutique ne désemplit pas. C'est ainsi qu'elles ont vu défiler les grandes dames dames rencontrées dans l'Orient Express qui, en plus de leur confier leurs têtes, leur confient aussi leurs petits secrets, mais ça, ni la coiffeuse, ni la modiste n'iront vous les dévoiler.
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Publié le 12 Décembre 2024
Un dernier verre au wagon-salon avant de descendre à Prague où je rejoins Justine et Balthazar. Nous avons l'intention de pousser jusqu'au sud du pays pour tenter de visiter un ou deux châteaux parmi la trentaine de monuments médiévaux...
Je repense à ces trois jours d'enchanteresse agitation pour ma part... et bien sûr, il faut résumer les derniers moments accordés au vol d'un violon qui a mis le convoi en effervescence ! L'affaire a été résolue, le violon retrouvé dans la soute à charbon, un jugement a été prononcé sur un passager coupable et son acolyte le conducteur de train... Enfin tout ça recouvre une affaire beaucoup plus grosse mais ça m'ennuie de fouiller là-dedans.
Tout de même, je reste perplexe sur cette affaire, se dit Jean-Baptiste ; il reste 696 Stradivarius de par le monde; qui possède ce genre de bijou ?
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Un professionnel mondialement reconnu ?
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Un amoureux fou ?
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Un antiquaire ou un entiché de vieilleries célèbres ?
Quoi, le propriétaire d'un tel objet-bijou doit bien cacher une empreinte secrète que seule l'IRM ou le DOPPLER seraient aptes à mettre au jour.... bref je n'y connais rien de rien, dit Baptiste.
Vrai ou faux, authentique ou factice, cette qualité d'instrument doit coûter une blinde.
... Bien des émotions en somme : le sel de la vie.
Publié le 12 Décembre 2024
Dans moins de trois heures, après ce voyage rempli d’imprévus, vers vingt-trois heures, l’Orient–Express arriverait à destination : Paris-Gare de l’Est. Son Directeur Général et Herbert Von Poulen, Chef d’Orchestre de renommée internationale, tous deux soulagés de la fin heureuse des deux « problèmes » rencontrés à bord du train, s’étaient concertés par téléphone pour inviter tous les voyageurs dans la soirée au wagon – restaurant. Le cuisinier et les commis étaient parvenus, avec les ingrédients de la réserve, à concocter un buffet digne d’un restaurant étoilé. Pour accompagner ces mets raffinés, pour ceux qui l’appréciaient, le champagne avait coulé à flots ! Tous avaient fêté dans l’enthousiasme l’arrivée imminente à Paris, surtout ceux qui allaient découvrir pour la première fois de leur vie la ville-lumière, ses monuments, et en particulier la Tour Eiffel, symbole de la Capitale Française…
Et si je vous disais que, durant ces réjouissances, Pierre avait adroitement manœuvré pour se rapprocher d’une certaine jeune femme qu’il avait déjà remarquée ? Elle voyageait en compagnie d’une élégante septuagénaire, vraisemblablement sa mère. Pierre était parvenu à engager la conversation avec celle qui lui plaisait déjà. Mathilda, le surveillant du coin de l’œil, souriait en voyant la jolie brune rosir sous les compliments ou les traits d’humour de son parrain. Il savait s’y prendre, le bougre ! Cette Méryem faisait partie de son cercle de connaissances à Istanbul. C’était une jeune veuve moderne, mère d’une petite fille. Mathilda se promit de tout faire pour aider, si nécessaire, Méryem et Pierre à tisser des liens plus sérieux. Ce serait pour elle une victoire de voir, avant de partir, ces deux personnes qu’elle appréciait heureuses ensemble...
Epilogue :
Deux ans plus tard, hélas, Mathilda ne serait plus là pour le voir, mais la rencontre de l’Orient-Express mena Méryem et Pierre jusqu’au mariage ! Ils organisèrent même leur repas de noce à bord de ce train magique, privatisé pour l’évènement. Les nombreux invités profitèrent grâce à eux d’un voyage de trois jours, ils purent danser au son du Stradivarius d’ Herbert Von Poulen, accompagné de trois des musiciens de son Orchestre. Bien sûr, le jeune Osman et Jalila, la petite fille de la mariée, remplirent parfaitement leur rôle d’ « enfants d’honneur », accompagnant le jeune couple pendant la cérémonie à Istanbul. Ils étaient si beaux, ces deux petits, si émouvants dans leurs vêtements de fête. Et ils semblaient si contents de voir les mariés heureux ! La cérémonie fut réussie, et le voyage à bord de l’Orient-Express inoubliable !
Annie TIBERIO
Publié le 11 Décembre 2024
Madame râle comme un putois "restons polis", en menaçant la compagnie de déposer plainte pour lui avoir gâché son voyage avec cette histoire de vol à dormir debout.
L'inspecteur de police présent fait marcher sa matière grise, il semble avoir résolu l'affaire, se voyant déjà décoré de la légion d'honneur par Valéry Giscard d'Estaing en personne.
Marco Morassi, blanc comme un linge, a déjà signé en triple exemplaire sa déposition. Il a vendu son violon à un riche collectionneur Américain, mis quelques bouquins dans l'étui, ni vu ni connu, sauf qu'Hercule Poirot n'est pas né de la dernière pluie.
Au bout de trois heures d'interrogatoire même pas musclé, il a réussi à faire cracher le morceau au Marco.
Tout ce beau monde peut désormais aller boire un dernier verre au wagon restaurant, sauf Jeanne reléguée dans sa cabine en tant que domestique;
Elle s'en moque, son cerveau bouillonne, à bien y réfléchir, Stéphane est certainement l'homme qu'il lui faut. Avec son travail, il sera rarement présent, elle sera libre, mariée si possible, n'ayant que les bons côtés de la chose.
Elle va pouvoir voyager gratis, au moins à travers la France : la belle vie !!
Pomponnée, elle retourne voir Stéphane, amoureux déjà de la jeune femme. Il n'arrête pas de parler, se projette dans l'avenir avec femme, elle de préférence, enfants, maison, jardin. Il est tout sourire le Stéphane. Jeanne jubile, elle sait désormais qu'elle ne retournera pas à l'usine faire les trois huit. Ses copines vont être folles de jalousie, qu'importe, elles viendront lui rendre visite dans son futur pavillon avec jardin.
Les trois Q ont dessoûlé, boivent de la limonade "on the rock", Marie-Judith se fait toute petite, Eugénie boit coupe sur coupe de champagne. Marc de Verneuil, quant à lui, observe, c'est son rôle de regarder et d'analyser ;
Joséphine chapeautée comme toujours, se languit de Maxime, Cécile après avoir coiffé Madame et trois autres passagères, s'octroie un verre de rouge en lançant des œillades enamourées à son héros, Hercule Poirot.
On arrive à Istanbul, la gare grouille de monde. Des taxis attendent déjà ses illustres clients.
Une voiture de police attend le voleur pour son transfert en France si procès il y a..
On arrive à la fin d'un beau et luxueux voyage si bien commencé, si mal fini.
Cela fait huit ans que le dernier voyage Paris Istanbul à eu lieu.
Jeanne, installée en bonne épouse dans son pavillon avec jardin, s'active pour récupérer ses deux enfants à l'école avant l'arrivée pour quelques jours de son mari Stéphane.
Marco, quant à lui ruiné, végète dans une chambre de bonne, il a tout perdu...
Publié le 11 Décembre 2024
-J'ai des soubresauts, des réminiscences, des dialogues avec qui, pourquoi !!
J'allume la lumière, il est trois heures du matin, en posant le pied sur ma descente de lit, je glisse, j'ai des éclairs dans les yeux, que m'arrive-t-il, un verre de lait sucré, je me rendors.
Benjamin, remis des émotions inattendues, s'est refait une apparence convenable.
-Bonjour Marie-Judith, voulez-vous prendre un chocolat et des viennoiseries avec votre serviteur, après ces rebondissements aussi soudains que désolants !
-Avec plaisir, répondis-je, acceptant sa main tendue et son baiser sur ma joue.
Toujours l'air bon enfant, mais un tantinet présomptueux de ses responsabilités passées, son cigare matinal le faisant toussoter, POIROT se joignit au groupe de passagers dégustant leur petit déjeuner.
Une ambiance bienveillante, joyeuse se fait entendre pour la fin du voyage.
Regardant par les fenêtres, certains s'exclament en chœur, l'église Sainte-Sophie dominant au loin, quelle beauté, nous arrivons à ISTANBUL en Turquie.
-Mais oui, soupire Stéphane le conducteur de cette locomotive, qui nous aura fait des surprises de dernières minutes. Joyeux, ce dernier se joint à nous, se rapprochant insidieusement de sa conquête.
Arrivés à destination du dernier pays parcouru, tout le monde se salue, s'invitant à se revoir avec plaisir.
Benjamin, toujours plein d'égards, ne me quitte plus, par la chance du bonheur, nous habitons à PARIS, je serais ravi de vous revoir bientôt, qu'en pensez-vous Marie-Judith !
Me sentant émue, je ne voulais pas lâcher sa main chaude et douce, son regard de braise me transperça d'un délicieux courant et j'acquiesçais volontiers.
A cet instant MORPHEE apparut et me réveilla doucement.......
Publié le 11 Décembre 2024
Xavier ne s'était pas fait que des amis durant le voyage. A la vérité, il s'y était plutôt fait des ennemis. Lui, le fis de manœuvre et de dame-pipi, il ne possédait pas les codes de la bourgeoisie. Avec ses victimes, c'était différent. Il n'était avec elles que pour le business. Ça, il connaissait sur le bout des doigts et, comme il n'y avait rien d'autre entre eux, tout se passait bien.
La première fois qu'il avait croisé le cinéaste, ça n'avait pas tard" à être plutôt rock'n'roll. Celui qu'en lui-même Xavier appelait le bellâtre du fait de sa mise impeccable et de son apparence avantageuse, s'était présenté chaleureusement à lui. Il lui avait parlé de ses films passés qui le laissaient encore sur sa faim et de son espoir d'en réaliser enfin un qui marquerait les esprits et le satisferait pleinement. Xavier avait répondu avec une de ses histoires habituelles : il était Jack Rozier, un Français émigré en Californie qui avait réussi dans l'industrie culturelle et il allait vers l'est, là où le soleil se lève (une de ses expressions rituelles dans ce genre de situations) à la conquête de nouveaux marchés. Mais il y avait un truc qui chiffonnait Xavier. Le gars disait être cinéaste. Or, à Paris, puis à Los Angeles, en passant par Montréal (où Xavier avait sévi un peu plus d'une année entre les deux), des gens du cinéma, il en connaissait une sacrée chiée. Mais ce nom, Laurent Delaplace, non, vraiment, ça ,ne lui disait rien. Pas plus qu'aucun des films qu'il disait avoir faits. Jamais entendu parler. C'était surprenant quand-même. Deux hypothèses avaient alors traversé l'esprit de Xavier : soit ce gars faisait des films de cul, soit c'était un réalisateur de films intellos.
Spontanément, sans penser à mal, Xavier testa la première.
"Vous ne feriez pas des films de cul par hasard ?"
Xavier ne tarda pas à se rendre compte que son interlocuteur venait de prendre un bazooka en pleine gueule à un moment où il ne s'y attendait pas du tout. Il tressaillit d'abord, puis s'immobilisa, yeux écarquillés, bouche grande ouverte, le souffle aussi court que saccadé. Après un bref moment d'hébétude, il contre-attaqua.
"Non mais ça va pas ? Vous êtes complètement fou ! Est-ce que je vous traite d'escroc, moi ?"
En lui-même Xavier sourit. Il pensa : "tu pourrais, coco, tu pourrais, que ça me serait difficile de te démentir."
L'autre reprit :
"Pour qui me prenez-vous ? Et pour qui vous vous prenez, vous ? Et d'abord, d'où vous venez ?"
"Moi, de la planète Terre, et vous ?"
Le visage du gars, déjà passablement empourpré, devint aussi rouge que le drapeau de feu l'Union Soviétique. C'en était trop pour lui. Il tourna brusquement les talons et partit précipitamment, à grands pas désordonnés, dans la direction opposée.Il vociférait presque des sortes d'onomatopées incompréhensibles. Tout juste Xavier crut-il pouvoir déchiffrer à un moment : "Quel con ! Mais quel con !".
Xavier haussa les épaules. Il n'y avait là rien de grave. Sans doute avait-il été trop spontané dans un milieu où il n'est pas forcément bon de l'être. De toute façon, la colère une fois passée, ils auraient l'occasion de se revoir, avec de bonnes chances que ça finisse par s'arranger d'une manière où d'une autre.