divers

Publié le 2 Avril 2021

Des souris et des hommes – John Steinbeck

Pourquoi j ai mangé mon père - Roy Lewis

Au-revoir là-haut – Pierre Lemaître

La nuit sacrée – Tahar Ben Jelloun

 

LE FILS PRODIGUE

 

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

Étaient plantées là, les pieds dans la vase, une prairie de cresson et autour, une rangée de lentilles déjà en gousses.

Sur une idée de leur Père, Léo et Jim, les jumeaux, avaient monté une start-up l'été dernier, devenue une affaire chic et réveillon : un élevage d'escargots.

Les gastéropodes vivaient là un parfait bonheur à effeuiller les cressons et ils grossissaient prestement du pied. Le but.

 

En attendant, pour ce soir de pleine lune et anniversaire de papa, Léo et Jim furent désignés pour cueillir les ingrédients.

Père appréciait vraiment les lentilles au lards fumé.

Léo n’avait pas oublié son peigne à myrtilles pour ramasser les nasitors.

Il en fit un usage professionnel pour au moins trois kilos de graminées.

Jim, désintéressé comme à son habitude, décapita juste une brassée de ferrugineuses cressonnettes bien vertes pour une entrée au chèvre coulant.

Mais après bombance, Il nous parut pas étrange que père quitta précipitamment les lieux et ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Souvent Père avait rendez-vous avec la mort, des rendez-vous manqués à priori.

Mais cette fois nous étions sûr qu’il eût voulu que nous disions quelques mots, et c’est ce que fit Léo. Il parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Léo le sentais en lui qui lui dictait chacune de ses phrases, et qui lui suggérait les conclusions. Il aimait par dessus tout ce tutorat.

Léo, le fils à Papa.

 

Jim lui, rêvait d'un ailleurs. Un partir sans revenir.

Repeindre son avenir, jeter sa morale, s'accrocher à un carnaval, déguiser sa vie, quoi.

Il prit l'avion.

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes. Escargot timide comme dirait Jim, fort d'une bonne expérience en la matière.

A partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, celui même de l'étang de Père.

Jim se souvint tout à coup. Les escargots, le cresson, les lentilles. Tout revient à la surface de cette eau glauque.

L'image satanique d'un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête de Léo, comme s’il se mordait la queue.

Les remords piquent, les regrets empoisonnent. Le venin tue.

Père aurait dit : pardonne.

 

Là on résume mais on imagine son discours plus ampoulé, fort de confidences, obligé de partout.

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche."

Enfin il se livre.

Il lui avait tourné le dos, Jim.

Pour Père tout était simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Son histoire n’a eu ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. Il avait vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. Il avait longtemps marché dans le désert, arpenté la nuit et apprivoisé la douleur.

Quand Père a fini par connaître « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout aurait pu être paisible...

Quand, Jim son fils... Père a pris l'avion.

Dans le même temps, Jim s'est présenté au guichet numéro deux d'Air France, son billet de retour chez Papa en poche avec son QR code.

 

Le croisement des corps sera-t-il, un jour, au carrefour de leurs sentiments naissants ?

 

 

Dany-L

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Rédigé par Dany-L

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Publié le 2 Avril 2021

 

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

Chacun avait pris place autour de la table.

Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

Quelques mots me suffirent : travail, honnêteté, doivent dicter notre conduite.
Ayant entendu quelques participants regretter l'absence de mon frère, je leur redis qu'une malencontreuse grève des agents de sécurité de l'aéroport où il devait prendre son avion de retour l'avait empêché d'assister à la cérémonie funéraire. Il avait participé au carnaval de Rio.

Soudain il apparut à la grille.

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Édouard, comme s’il se mordait la queue.

Il salua l'assistance, dit quelques mots à chacun, leur assura qu'un jour prochain il leur visionnerait des vidéos mais que là il était mort de fatigue et qu'il fallait qu'il dorme.
Sous mon masque je grimaçai car

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert ; j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.

Le lendemain matin, ne le voyant pas venir déjeuner, son frère alla sous sa tente ; il souleva son masque : il était mort.
Alors qu'il lui faisait sa toilette funéraire il remarqua une cicatrice sur le dos de sa main......

 

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Rédigé par Françoise M.

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Publié le 30 Mars 2021

C’est pour le compte d’une société d’assurance vie, que j’ai été chargé, d’enquêter sur la disparition du directeur de la société « farces et attrapes » personnage très connu de la commune. Celui que tous ses employés appelaient «Père » avait disparu sans laisser le moindre indice. Pour mener mon enquête, je me suis fait embaucher comme assistant de direction. Le mois de décembre arriva et lors du repas traditionnel de fin d’année, je dus en tant qu’assistant prendre la parole, bien sûr.

« Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions. » (Roy Lewis)

 

Mon discours fut applaudi mais je sentais dans l’air ambiant une charge électrique de jalousie de la part des membres de la famille. Le temps passa, je continuais de m’intéresser aux indices qui pourraient m’expliquer sa disparition, tout en assurant mon travail à la direction de l’entreprise. Les beaux jours arrivèrent avec dans ses bagages son lot de canicule et c’est comme ça qu’

« Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte ». (John Steinbeck)

Je me penchais à la fenêtre pour savoir qui pouvait venir à cette heure, car je n’avais pas de rendez-vous. La journée de travail étant terminée, je me trouvais seul dans les locaux de l’usine. Je ne suis pas d’un naturel peureux, mais en les regardant arriver je fus intrigué car je reconnus Edouard le fils de la famille et

« Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Édouard, comme s’il se mordait la queue. » (Pierre Lemaitre)

En les regardant franchir le portail, j’ai su que mon identité avait été découverte et qu’ils venaient pour me demander des comptes. Comme dans un vieux film en noir et blanc l’espace d’un instant je me vis dans le miroir de mon bureau l’image me renvoya mon scenario.

« L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert ; j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.

Je suis prêt, je les attends, j’entends leur pas résonner sur l’escalier métallique. Quand soudain la porte s’ouvrit, ils étaient la masqués. Je n’osais bouger quand un grand rire se fit entendre et une voix, la voix du « Père » m’interpela :

«  Alors que penses-tu de ce projet de masques ? »

Je bredouillais : super, impressionnant mais vous…

Père m’expliqua :

« Il fallait que je m’absente pour qu’enfin Edouard se décide à prendre sa place dans l’entreprise, Edouard c’est mon assurance vie, l’assurance survie de notre entreprise. Mon départ fut pour lui un élément déclencheur et tu as devant toi ses premières créations. Je sais qui tu es et je te remercie pour ton travail, aussi si jamais demain, tu veux continuer dans notre entreprise et abandonner les assurances, ta place ici est assurée. »

J’avais longtemps marché dans le désert aujourd’hui je venais de trouver mon oasis.

 

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Rédigé par Bernard

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Publié le 30 Mars 2021

Au soir d'un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L'ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s'étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s'enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s'éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s'avancèrent dans la clairière, au bord de l'eau verte.

Je les vis arriver du haut de mon observatoire. Jeune adolescent solitaire, j'aimais en effet me réfugier dans le grenier de notre vieille maison de famille isolée dans la campagne. Mon père avait choisi de s'y installer après le départ de ma mère.

Il avait choisi d'oublier en se plongeant dans une vie de lecture et d'écriture. Edouard, mon oncle et parrain, boute-en-train aussi créatif qu’imprévisible, s'était ému de ma situation. Il avait décidé de se joindre à nous pour me distraire et veiller sur moi. A travers l'oeil de boeuf, je vis que les deux hommes se dirigeaient vers la maison. Un grand black longiligne tenait à la main un objet qui brillait au soleil. Un petit gros à chapeau et lunettes noires l'accompagnait.

Mon père, absorbé devant son écran d'ordinateur à l'ombre du sycomore, leur tournait le dos.

Une menace se mêlait à l'air étouffant du soir. Je ne pouvais pas rester simple spectateur du mauvais film de série B que j'imaginais. Je descendis en courant .

Trop tard. Je me heurtai au grand black qui venait de décapiter mon père et m'entaillai la main gauche sur sa machette. Il avait l'air aussi terrifié que moi : mon oncle Edouard venait d'apparaître.

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur ellesmêmes comme celles d'un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d'un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu'à une barbe bariolée qui s'épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d'un vert profond, d'un petit serpent si criant de vérité qu'on l'aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d'Édouard, comme s’il se mordait la queue.

Les deux assaillants s'enfuirent en hurlant au diable.

Bien sûr, il y eut enquête . Et elle révéla que les deux malfrats s'étaient trompés de cible. Mon père devint donc malgré lui le héros posthume du village dont nous dépendions. Pour une fois où il se passait quelque chose, le maire prit en charge les obsèques et organisa même, après l'inhumation au cimetière, un grand banquet.

Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j'étais sûr qu'il eût voulu que je dise quelques mots, et c'est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l'exemple qu'il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

Les années ont passé... Le temps d'une existence. Assis à l'ombre du sycomore, à mon tour, j'écris. Je lève les yeux et l'écran reflète mon visage.

L'histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d'hiver, une source d'eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire... Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s'est arrêtée un jour et m'a tendu une espèce de perche. Je l'ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n'a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J'ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J'ai longtemps marché dans le désert ; j'ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J'ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours » , ces jours où tout semble paisible.

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Rédigé par Brigitte M.

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Publié le 30 Mars 2021

 

Édouard, c’est mon frère, mon jumeau, c’est mon enfance.

Nous avons grandi à la campagne, dans la ferme de nos parents. Une enfance magnifique, avec des aventures palpitantes de la grange au grenier, des champs aux rivières, des collines aux grottes obscures. De quoi inventer des histoires extraordinaires ! Nous avions dix ans et beaucoup d’imagination.

Mais au milieu de l’été, tout s’écroula.

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

(Des souris et des hommes – John Steinbeck)

Cachés dans les fourrés, nous les regardions approcher. Mon frère haletait doucement sous son déguisement.

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Édouard, comme s’il se mordait la queue.

(Au-revoir là-haut – Pierre Lemaître)

Car notre histoire du jour était censée se dérouler en Afrique. Ce masque, nous l’avions déniché dans une vieille malle abandonnée au grenier. Il nous avait séduits immédiatement. Père nous avait raconté qu’il avait appartenu à une « gueule cassée » de la Grande Guerre. Mais nous l’avions vite transformé en quelque chose de plus exotique. Mon frère, auto-décrété chef de tribu, avait décidé d’initier son fidèle sujet, moi, à la chasse au lion et attribué aux lapins sauvages le rôle des lions.

L’arrivée des deux hommes, deux uniformes vert-de-gris, mitraillettes au poing, se dirigeant vers la ferme, nous fit basculer dans une réalité beaucoup plus tragique. Immobiles, nous les observions. Ils pénétrèrent dans la bâtisse. Peu après, les deux hommes repartirent en emmenant notre père menotté.

La guerre était arrivée jusque chez nous. Nous sommes rentrés à la maison, Mère pleurait dans la cuisine. Grand-père était là, assis sur sa chaise, la pipe éteinte, l’air ailleurs, le regard perdu.

Mère nous a expliqué que Père, soupçonné d’appartenir à la Résistance, avait été emprisonné.

Des mois passèrent, de rares nouvelles nous parvenaient.

Il est dans un camp près de la frontière, disait le garde-chasse.

Il va être transféré en Allemagne, disait le facteur.

Il est vivant et très fatigué, disait l’épicière. Je le sais par mon beau-frère qui travaille à la mairie.

Il nous manquait beaucoup.

Père, c’était un homme bon, il croyait à la solidarité, la bienveillance, l’empathie et nous inculquait ses valeurs lors des repas de famille. C’était sa façon de lutter contre la férocité nazie. Du moins, c’est ainsi que je le comprenais.

Cette année-là, quand Noël arriva, malgré son absence, nous fîmes une petite veillée. Un festin tout simple, avec pommes, oranges, fruits secs, lait frais, œufs coques et ce modeste quatre-quarts littéraire cuisiné par moi-même.

Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

(Pourquoi j’ai mangé mon père – Roy Lewis)

Édouard m’écoutait sous son masque « africain ».

C’est un masque magique, disait-il. Le porter fera revenir Père, j’en suis sûr !

Les flammes du feu de cheminée lui donnaient raison : l’enchantement opérait, le serpent ondulait dans ses ombres mouvantes, le masque semblait s’animer pendant que, dans le crépitement de quelques brindilles, se consumaient une inquiétude triste, une attente tapie qui n’osait dire son nom.

Une attente qui prendrait fin avec les premiers mois de la nouvelle année 1945. Et la joie des retrouvailles. Le masque magique avait été à la hauteur de nos espérances !

Car une silhouette chancelante s’était matérialisée devant nous un beau matin tout blanc de givre. Père était de retour. Prisonnier dans un camp en Allemagne, il avait été libéré par l’armée soviétique et le voilà, parmi nous, maigre, sale, frigorifié, mais vivant. Il n’a pas su, pas pu, raconter l’indicible, il nous a juste dit :

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert ; j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.

(La nuit sacrée – Tahar Ben Jelloun)

 

M.C

 

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Rédigé par Mado

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Publié le 25 Mars 2021

 
Les yeux fermés,  adossée confortablement contre le tronc d'un vieil arbre, je vis des instants de grande sérénité et de joies intérieures.
Tous mes sens sont en éveil.
D'abord le chant lointain des oiseaux puis le bruissement des feuilles qui frôlent ma tête.
Un insecte a parcouru ma chevelure et mes donne des frissons de désirs.
Le plaisir des odeurs s'évaporant dans la nature m'enivre : bois, sève, humidité, champignons, fleurs et je remercie ce doux vent me ramenant ces multiples fragrances délicieuses et purifiantes. J'entends des chants au loin et des hymnes à l'amour. Des odeurs d'encens me chatouillent les narines.
Des Lumières tamisées m'offrent un spectacle féerique.
Je vis complètement l'instant présent, abandonnée à moi-même dans un état de plénitude divine et de Lumière. 
Je n'envisage plus le futur et ne reviendrai pas au passé. Je suis au Paradis.
 
Michèle 
 
 

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Rédigé par Michèle

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Publié le 22 Février 2021

 

Fond de l’air frisquet sous un petit soleil printanier. Guilleret je pousse la porte de la boutique de prévoyance obsèques où j’ai rendez-vous avec monsieur Mandéon pour faire un devis estimatif de mon testament obsèques.

Un devis tout au plus car jusqu’à aujourd’hui rien ne prouve que je sois mortel alors à quoi bon dépenser les derniers petits sous qu’il me reste. Même si les statistiques ne jouent pas en ma faveur factuellement ce n’est que ouï-dire ! Mais bon, l’information peut s’avérer utile un jour peut-être

Masqué jusqu’au yeux lunettés, monsieur Mandéon est assis dans un grand fauteuil, derrière un immense écran d’ordinateur posé sur un grand bureau le tout cerné par une protection de plexiglas à l’épreuve des postillons sûrement et probablement des balles de calibre onze millimètres. Après tout nous sommes dans le Vieux Nice, je peux comprendre. Je m’adresse donc au haut du crâne dégarni qui dépasse de l’ensemble. J’espère juste que le jour venu saint Pierre sera plus avenant d’autant que j’ai un frère qui se prénomme Pierre mais j’ignore si cela pourra jouer en ma faveur.

  • Bonjour, je suis Hervé Farcy, j’ai rendez-vous avec monsieur Mandéon.

  • Je suis monsieur Mandéon, effectivement nous nous sommes parlé par téléphone, que puis-je pour vous ?

Ça commence bien ! Que croit-t-il que je sois venu faire dans sa boutique ? Vous faites des pans bagnat, vous savez chanter ? Ai-je envie de lui demander.

  • Monsieur, nous sommes convenus que vous établiriez un devis de prévoyance obsèques, c’est donc moi aujourd’hui qui vous écoute car demain pas sûr que je vous entende… à moins que… à moins que ma demande ne soit restée lettre morte.

  • Non, non, oui, oui, heu, heu… Quel est votre nom ?

J’espère que lui, a signé un contrat de prévoyance obsèques en bonne due forme, il me monte les abeilles, je vais le tuer ce bonhomme !

Mais patiemment je décline mon identité et tout le toutim, date de naissance, date de décès, là je sens qu’il est dépassé. Laissez un blanc lui dis-je. Mais il ne peut pas, le programme va refuser de valider et ça, c’est l’horreur absolue. Alors il tape une date en loucedé. Joueur j’aurais dit « chiche », on parie mille boules ?

Il pianote encore un long moment, il a l’éternité pour lui le mec. J’observe la pièce, échantillons de marbre gris triste collés sur un mur, photos de jolis bouquets de fleurs en plastique collées sur un autre, quand j’aperçois une brochure « Nos promotions du mois ! » je voudrais bien en profiter mais il n’y a pas le feu… Vous l’avez saisie celle-là ?

Ça dure une éternité, oui, je commence à trouver le temps long, peut-être est-ce volontaire, préparer le client à l’Eternelle, quand soudain…

  • Enterrement ou crémation ?

  • Crémation à mille sept cent quatre-vingt-dix-neuf euros comme je l’ai lu sur le site internet.

  • Surtout pas, je vous le déconseille. A ce prix-là vous n’avez aucune prestation.

  • Enlevez c’est pesé ! Et quelles sont ces prestations ? Même s’il est quasiment certain que je ne pourrai les apprécier.

  • Le cercueil ?

  • Une place, assise, côté fenêtre de préférence fumeur sinon allongé suffira.

Je tente une pointe d’humour, un peu lourd d’accord, même pour un futur grand brulé. Mais, silence, de mort oblige, dans ce métier on ne sourit pas, jamais. Interdit contractuellement je suppose. Il devient bougon le monsieur Mandéon.

  • Le bois ! Quelle essence préférez-vous ?

  • Quelque chose de sec, qui brûle bien avec une belle fumée qui monte droite dans le ciel. J’ai hâte d’arriver si je peux être utile, allez savoir ?

  • Hum, je vois, je vous propose un Milos T2.

Et le voilà parti à me décrire le cercueil, capiton en tissu blanc, ruban de satin avec oreiller assorti… comme un vendeur de bagnole décrirait son dernier modèle. Je m’attends à ce qu’il me propose de l’essayer, mais non.

  • Votre toilette, avec ou sans thanatopracteur ?

  • La différence ? La nécessité ?

  • Nous sommes contraints par la disponibilité du four crématoire, aujourd’hui par exemple, covid oblige, il faut attendre plus de dix jours, alors si vous voulez conserver une apparence gracieuse et détendue l’intervention du thanatopracteur est souhaitable pour laisser à la famille une image reposée.

Et il enchaîne, à coup de cent €uros par-ci, deux cents par-là, j’en passe et des meilleurs. Vivant jouant le rôle du mort, son argumentation ne m’intéresse plus vraiment.

A la date à laquelle il remplira les cases vides face à sa machine moi je n’en aurai vraiment plus rien à faire. La Mort est uniquement une affaire de vivants !

  • Avec ou sans l’option « Sérénité Totale » ?

Pareil, idem, kif kif, Mandéon roi des... n’a toujours pas compris qu’à cet instant-là, je serai mortellement serein. Il me vient les pignes, brutalement je lui demande de quoi parlons-nous ?

  • Trois milles sept cent soixante-sept euros et dix-sept centimes !

  • Ah ! Quand même ! Plus cher qu’un grand scooter électrique, livraison gratuite.

Je me lève, le salue, m’en vais, non je n’ai pas la mort dans l’âme, dans ma poche je tripote les dix-sept centimes.

 

(….)

 

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Rédigé par Hervé

Publié dans #Divers

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Publié le 2 Février 2021

Désertique

 

Le silence balayé par le vent. La dune insurmontable, la fatigue, les pas qui s’enfoncent, qui glissent. Pourtant là haut on verra plus loin, on verra quoi ? Une mer de sable comme lorsqu’on se retourne ?

On persévère, encore un pas, un mètre, deux, on s’aide avec les mains.

La pluie d’étoiles s’efface, le ciel rosit, le soleil va tout écraser, un dernier effort. Le sommet est atteint.

Au loin dans le vallon, une tache verte, les briques d’argile, les toits de palmes, les arbres chargés de fruits, la piste…

La fatigue s’en est allée. On court. Le sable est aussi léger que la brise qui nous enveloppe d’une étrange douceur…

 

Froid

 

Guillaume se lève et tire les lourds rideaux qui obstruent la fenêtre givrée de sa chambre. Il découvre l’origine de ce grand froid…

La neige… la neige tombe à gros flocons, compacte, recouvrant tout et modifiant en douceur l’aspect original du paysage.

Un personnage apparaît sur la piste, à sa démarche Guillaume reconnaît Hugues le compagnon forgeron qui vient aux nouvelles.

C’était lui qui semblait le plus frileux... Exposé toute la journée à la chaleur de sa forge il supportait mal ce froid subit et ce sera celui qui s’approchera le plus prés du foyer, au risque de se brûler, pour se réchauffer les mains.

Lui aussi était contraint à l’inactivité.

-Le métal est si froid qu’il me brûle les mains au travers de mes gants de cuir, il est très difficile de travailler par ces températures.

-Je vais en profiter pour renouveler mes gants à l’entrepôt.

Soudain, les rafales se calment, une épaisse couche de neige recouvre le sol.

L’air devient subitement tranquille,

Un souffle à la pointe des arbres disperse en poudre la neige amassée sur les ramures.

Un branchage craque et s’écroule sur le tapis immaculé dans un petit bruit ouaté.

Le cri lointain d’un oiseau esseulé perce le grand silence…

Le feu dans la cheminée s’est consumé, de toutes petites flammèches essayent de maintenir le foyer en activité, une pièce de bois calcinée s’effondre provoquant une gerbe d’étincelles. C’est le moment de poser une bûche, une vraie, qui redonnera vigueur à l’âtre et chaleur à la pièce…

 

Sucré

 

Nous sommes fin mai. La procession à la mer de sainte Sara patronne des Roms, Manouches, Tziganes, Gitans, va débuter.

Tous ces gens de nulle part, qui n’ont rien, se sentent ici chez eux.

Se réunissent pour la fête…

La barque supportant la statue de Sara sort de l’église fortifiée des Saintes-Maries-de-la-Mer au rythme de pas lourds, portée par une armada de volontaires aux pieds nus. A chaque déplacement rythmé, les visages des fidèles présents au premier rang accusent une légère grimace comme pour révéler la douleur des porteurs.

Le « Maître des pas », l’homme qui aménage les pauses de tous ces hommes aux dos meurtris, les conduit lentement jusqu’aux premières vagues de la Méditerranée. Dans la foule immense chacun veut la toucher, lui jeter des fleurs. Les enfants sur les épaules des adultes lui envoient des baisers.

Les chants Manouches se succèdent jusqu’à l’approche des vagues. Puis c’est l’immersion. Le cortège s’engage dans la mer et se fige. La solennité plane sur l’assistance. Le silence s’installe.

Ricardo, ici on l’appelle Manitas de Plata ou le petit, c’est selon, entame avec sa guitare une mélodie langoureuse, envoûtante. Tous l’écoutent avec recueillement, les yeux rougis :

-Tu es béni le petit ! Tout est doux avec toi, entendra-t-on.

Le soir, la fête, les feux de bois, la cuisine qui rissole dans les chaudrons, les hommes qui replient leurs couteaux à cran d’arrêt la panse bien remplie, les danses. La lune complice qui complète le tableau.

Manitas de Plata jouera, jouera jusqu’à la fin de la nuit. Les femmes, dos cambré, menton relevé, pas saccadés, mains sur les hanches transmettent cette noblesse venue du fond de l’Andalousie…

Au petit matin, la roulotte s’ébranle traînée par un âne qui en a tant vu. Les hommes suivent à pieds, en saluant de la main le départ à moto de ce fils prodige, cheveux au vent…

-Tu es le sucre de notre vie, Manitas…

 

Liquide

 

Les buissons et les bouquets de roseaux proches de la rivière commençaient à s’agiter, la brise se levait, elle ne tarderait pas à s’imposer. A son passage chaque feuille réagissait de façon différente mais on en sentait l’humidité.

Elle descendait des montagnes toutes proches et transportait avec elle une odeur de terre mouillée…

Ce n’était pas encore le cas ici pourtant des signes annonciateurs ne trompaient pas, de fines gouttelettes commençaient à tomber éclaboussant la poussière du chemin. Brusquement à quelques pas du cheval, sur le chemin, un coup de vent d’une vigueur inattendue fit virevolter des feuilles éparses et l’homme rattrapa de justesse son chapeau mis en désordre.

Un oiseau de proie, une buse certainement, perchée sur un arbre à proximité eut le duvet de son ventre tout retourné, il prit son envol accompagné d’un cri de désapprobation.

-Hum, il me faut rejoindre au plus vite un abri !

Le rythme des gouttelettes s’accéléra alors qu’ils traversaient le bois.

Les branches des arbres pratiquement immobiles jusqu’alors se mirent à remuer comme pour débarrasser leurs feuilles des gouttes qui les dérangeaient.

Puis il commença à pleuvoir pour de vrai, sans mesure. L’homme remonta le col de sa lourde veste et ajusta son large chapeau.

Le cheval évitait de lui-même les flaques qui commençaient à se former sur le chemin, tout en donnant sa pleine puissance au trot.

L’homme sentait l’eau couler des coins de son chapeau et tremper sa veste.

Plus aucun cri d’oiseau n’était perçu. Le déchaînement de l’orage avait interrompue tous autres bruits. Le silence relatif faisait ressortir le crépitement de la pluie de plus en plus intense.

Par endroits, le chemin était traversé de ruisseaux en cru qui s’échappaient vers les terrains en contre bas et se répandaient parmi les herbes couchées…

L’attelage apparaissait illuminé par les éclairs qui déchiraient le ciel tandis que roulait le tonnerre…

 

Rouge

 

Le Txupinazo, ce pétard diffuseur de liesse, a explosé sur la place centrale. La foule en délire libère un chant longtemps retenu qui s’envole au-delà des maisons blanches à colombages rouges. L’orchestre a du mal à se frayer un chemin au travers des vagues de chemises et pantalons blancs. Seuls les bérets et écharpes rouges tranchent dans cette marée humaine pour ne faire qu’une immense tâche dans les rues, compacte, étendue, démesurée, rouge.

Une seule chose a le pouvoir de diluer cette marée écarlate : les taureaux aux cornes ornées de cocardes de la même couleur que tous ces bérets.

Nous sommes le douze juillet et la fête de Pampelune débute…

 

Propre

 

Seul le crissement régulier et mat du racloir qui décape les lames brutes de chêne résonne dans la pièce.

Les veines jaunes du bois apparaissent sous les copeaux. Le vieil arbre reprend vie. Les ouvriers, à genoux, torse nu et bleu de chauffe noué à la taille brisent la monotonie répétitive des gestes, la parole l’emporte sur les crissements.

-Alors, elle est venue hier aux Batignolles ?

-Oui mon pote, je lui ai offert son sirop grenadine !

-Un sirop grenadine ? Et toi tu t’es rabattu sur l’eau gazeuse ?

-De quoi je me mêle ? Pour ce premier rendez-vous, je l’ai écouté. Et bien tu le croiras si tu veux, elle m’a fait rêver !

-Oh ! Toi tu es en train de tomber amoureux,

Le troisième ouvrier, consciencieux, ne lève pas la tête de son ouvrage,

-Allez les gars, on doit finir ce soir, tout doit être propre !

Les lambris muraux gris et jaune surveillent tout ce petit monde. Par la fenêtre, le ciel nuageux de Paris se déchire, un coin de ciel bleu apparaît, lavé, propre….

 

Somptueux

 

Le soleil s’échappait sous les derniers nuages et caressait l’horizon chaotique des Grands Causses. Il aimait bien se promener dans le silence et les effluves de ces espaces sauvages. Les chênaies, chemins caillouteux, longs alignements de murets de pierres sèches, portails effondrés qui laissaient entrevoir quelques dolines où s’abreuvent les bêtes, tout cela lui permettait de remettre de l’ordre dans ses idées.

Des hirondelles voletaient, zigzaguaient et sifflaient en se pourchassant. Rémy ressentit soudain un grand calme intérieur, comme si tous les problèmes du monde étaient subitement résolus. Il s’était arrêté, profitant de la douceur de cette soirée qui s’installait. Le village en contre bas lui apparut recroquevillé autour des ruines de son château. Le chemin de halage, le long de la rivière fut le dernier léché par les rayons qui disparurent sans qu’il ne s’en rende compte…

 

Silencieux

 

Dans le silence du grand dessin immobile, un léger grésillement de l’air se fait sentir, la poussière virevoltante s’anime. Une tête aux cheveux blancs coiffée d’une drôle de casquette hors d’âge semble se glisser sous la voûte. Impalpable, invraisemblable.

Une main invisible trace courbes humaines et draperies féminines. Les flocons de nuages se mettent en place. Le satin des peaux répond aux ombres des végétaux. Le Pourpre se trace écarlate, érubescent, le Carmin se tinte de cochenille, le Vert se retrouve tendre, émeraude, hydraté, le fameux vert Véronèse, les Jaunes fanés évoluent du blond vers le safran, l’Indigo transgresse du pastel au rayonnement intense d’un ciel de Méditerranée l’été. La profondeur du décor s’installe. L’œuvre s’achève en quelques heures, là où des jours et des jours n’avaient conduit qu’à un « à la manière de » !

Paolo Véronèse répare son œuvre ! Et après ?

 

 

 

Gérald IOTTI

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Rédigé par Gérald

Publié dans #Divers

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Publié le 28 Janvier 2021

Elle conduit dans Paris, sa voiture est bloquée trois heures dans les embouteillages.

Elle a envie d'aller aux toilettes. 

Elle sort du périphérique et fait quatre fois le tour de celui-ci sans trouver de sortie. 

Elle prie ses Anges Gardiens et miraculeusement sa voiture à des ailes.

Elle pose son véhicule sur les Champs Élysées et va au restaurant faire ses besoins et manger une excellente choucroute. 

Que la Vie est belle !

 

Michèle Coco

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Rédigé par Michèle

Publié dans #Divers

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Publié le 27 Janvier 2021

 

Écrire des petits textes de quelques lignes sur les thèmes suivants :

désertique

froid

sucré

liquide

rouge

propre

somptueux

silencieux

 

Pour exemple, deux petites fictions de Julio Cortazar sur la peur :

« En un certain village d’Écosse, on vend des livres avec une page blanche glissée au milieu des autres. Si un lecteur débouche sur cette page quand sonnent trois heures, il meurt. »

« On connaît le cas d’un voyageur de commerce qui un jour se mit à souffrir du poignet gauche, juste sous son bracelet-montre. Quand il enleva sa montre, le sang se mit à perler : on voyait la trace de dents très fines. »

 

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LES TEXTES

 

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Le tableau de couverture a été "emprunté" à

Marc JESUS, peintre Minorquin

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Plus d'infos sur l'artiste :

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Rédigé par Atelier Ecriture

Publié dans #Divers

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