Publié le 19 Septembre 2025

 
ATELIER :
Prosopopée
 
LECTURE :
La Beauté
Charles BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal
 
SUJET :
Une multitude de trésors ont disparu. Perdus ou volés, ils se cachent quelque part, sous nos pieds, au fond des océans ou sont dissimulés par les hommes. D’autres ont été détruits et sont perdus à tout jamais. Mais, perdus, détruits ou volés, de là où ils sont, certains nous laissent des messages… Choisissez un trésor disparu et laissez-le se raconter.
 
Pour vous aider si nécessaire, vous pouvez choisir dans la liste des trésors disparus, voir lien ci-dessous :
ou opter pour une des Merveilles du monde, elles aussi perdues, et dont voici la liste :
- Les jardins suspendus de Babylone
- La statue de Zeus à Olympie
- Le temple d’Artémis à Ephèse
- Le mausolée d’Halicarnasse
- Le colosse de Rhodes
- Le phare d’Alexandrie

 

 

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 19 Septembre 2025

Après trois bonnes heures de marche sportive, les deux frères sont presque arrivés au sommet. Depuis toujours, ils passent une bonne partie de leurs vacances dans les montagnes du Piémont Italien, à parcourir les sentiers pour chercher des champignons, observer des animaux, ou simplement pour le plaisir de se fondre dans la nature. Ils aiment viscéralement cette terre presque sauvage dans laquelle leur grand-mère a vu le jour juste après la fin de la grande guerre. Ils s’y sentent chez eux, presque plus que sur la Côte d’Azur qui les a vus naître dans les années soixante-dix, à cinq ans d’intervalle. Dans leur enfance, ils ont entendu, dans les veillées, les personnes âgées raconter, encore et encore, les histoires et les légendes qui se transmettent oralement, sans que l’on puisse distinguer le vrai du faux. Cette année, ils ont décidé de partir sur les traces de « la poule et ses poussins » : là-haut, dans les montagnes, une roche serait gravée d’un dessin représentant une famille de gallinacés, qui veillerait sur un trésor. Ce récit, transmis dans toute la vallée, a déjà incité, depuis le début du XXeme siècle, certaines personnes à se rendre sur place pour tenter leur chance, apparemment sans résultats ! Cette année, les deux complices ont décidé d’aller vérifier si ce qui se dit est vrai. Ils ont fait un plan pour organiser au mieux leurs recherches.

Depuis qu’ils sont arrivés dans la maison familiale, ils éprouvent des frissons prémonitoires, de bon augure. Ils vont le découvrir, ce trésor. Deux guerres mondiales sont passées par là, des Piémontais ont été confrontés à l’ennemi, ici leur sang a coulé : son odeur flotte peut-être encore dans l’air pur, ils la sentent presque…

Les deux garçons fouillent laborieusement, grattent la terre, coupent les ronces qui les gênent…Les mêmes gestes que les précédents chercheurs. Ils avaient déjà essayé, les étés précédents. Cette fois, ils ont confiance, le succès n’est pas loin !

  • Regarde cette pierre couverte de mousse, on dirait qu’on devine des traits sous la végétation…

  • Tu as raison, il y a quelque chose…

Avec leurs outils, ils soulèvent délicatement le lichen collé à la pierre presque entièrement enfoncée dans le sol, creusent la terre accumulée contre elle et qui semble la protéger. Ils taillent avec ardeur les ronces qui l’enveloppent comme une gangue, ne sentent même par les griffures qui saignent… Ils ont l’impression que la pierre vibre contre leurs godillots. Soudain, ce qui ressemble à un gloussement se fait entendre sous leurs pieds, suivi de quelques paroles en Occitan, la langue du pays :

  • Enfin, on nous délivre ! On est là depuis si longtemps ! Merci !

Abasourdis, presque effrayés, ils ouvrent de grands yeux, et l’un d’eux pousse un cri de victoire :

  • Ça y est, on a trouvé, on y est enfin !

Ils se mettent à creuser frénétiquement pour déterrer la grande pierre plate, conjuguent leurs efforts pour l’arracher à son lit, accompagnés des gloussements de la poule et du piaillement des poussins, pendant que la pierre leur raconte son histoire :

  • C’est un homme qui m’a gravée, pendant l’hiver, il y a fort longtemps. Il m’a décorée du dessin d’une poule et de ses poussins. Il habitait en bas, dans la vallée. L’été suivant, il m’a montée attachée sur le dos d’un âne jusqu’ici. Il avait une cassette, qu’il a mise au fond d’un trou creusé dans la terre, au pied de cette roche. Il m’a enfoncée en partie dans le trou, je n’arrivais plus à respirer. Et il a mis beaucoup de terre par-dessus tout ça. J’étais bien au chaud, avec la famille Cocotte. Il a ensuite planté des ronces, elles ont bien poussé, on était en cage ! On espérait que quelqu’un nous délivrerait, mais quand ? Le paysan qui m’a confié sa cassette ne savait pas que des guerres et des massacres passeraient dans ce coin perdu. Et heureusement, vous êtes là !

Les deux frères, la voix tremblante d’émotion et de fatigue, demandent à la pierre :

  • On devrait maintenant arriver à te tirer de là. Tu es prête ?

  • Allez-y, tirez, j’attends depuis si longtemps !

Bandant leurs muscles, ils tirent sur la pierre de toutes leurs forces et parviennent à la basculer. Dans la terre, ils aperçoivent un objet qui ressemble à un petit coffre… L’ouvrir en forçant la serrure paraît simple pour ces deux gaillards, et, sous leurs yeux éblouis, des pièces d’or et des petits lingots brillent au soleil : la légende était vraie !

Annie T.


 

 

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Rédigé par Annie

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Publié le 19 Septembre 2025

Chaleur oppressante, lumière aveuglante. Tous les ingrédients réunis pour prôner, volets clos, la décompression, recroquevillée sur le lit en chien de fusil. Non il n’est absolument pas question de déprimer. Après cette matinée éprouvante, rien de tel que chausser mes tennis pour me défouler. Une virée citadine à grandes enjambée me calmera à coup sûr.

Tenue sportive incontournable, visière vissée au sommet du crâne, me voilà équipée pour battre le bitume avec rage. Je plonge dans cette foule qui circule en un va et vient incessant. L’air est irrespirable et les quelques mètres de trottoirs ombrés sont pris d’assaut. J’y renonce volontiers tant les relents de bromhidrose m’incommodent.

S’éloigner de l’artère centrale et bifurquer dans la première traverse arborée. Soudain, déambuler aux dédales de cette rue niçoise pleine de charme me donne des ailes. Il est vrai que l’architecture Belle Époque de certains quartiers m’a toujours séduite. Palais, maisons de maître, une chasse aux trésors pour qui sait dénicher et apprécier les joyaux gothiques, baroques ou Renaissance. Je stoppe net devant un immeuble dont l’aspect m’interpelle. Un bâtiment qui a certainement connu son heure de gloire mais qui, actuellement, vit dans le passé. Grande porte en bois massif. Les sculptures ont visiblement subi les affres du temps. Le bas de l’un des battants a indubitablement souffert. Quant au parlophone, il en dit long sur les occupants et surtout sur l’ambiance qui doit régner dans cette étrange copropriété.

Sans vraiment réfléchir, je sonne chez Chris Fleurs, la gardienne. Aucune réponse mais un bruit sec. La gâche se déclenche, la porte s’ouvre dans un grincement inquiétant. Je n’ai rien à faire dans ce lieu privé mais je m’engage. Prudence. Aucun bruit dans le hall. Seul un parfum de cire d’abeille embaume l’espace. Une lumière voilée me laisse deviner l’existence d’un écriteau sur la fenêtre de la loge : « La concierge est dans la cour ». Une vague émotionnelle m’anime. Les souvenirs, que je croyais enfouis, ressurgissent. J’avais dix ans. Les yeux mi-clos je revois ma grand-mère. Cheveux d’un blanc neigeux, soigneusement tirés en chignon macaron. Vêtue de son traditionnel tablier bleu, elle astique la rampe des escaliers qui rutile sous le joug de son chiffon de laine. Sur le côté, une console et un miroir ancien dont les nuages épars de petites taches noires font fi de son nettoyage quotidien. Poussée par la curiosité, au risque de devoir justifier mon intrusion, je me dirige, hésitante, vers l’extérieur. Seule au milieu d’une forêt de végétaux, mon esprit vagabonde à nouveau. J’hume, comme si j’y étais, le doux arôme corsé du petit noir qui s’échappait toujours de la loge de Mamie Toinette. A l’époque, je me déguisais avec de vieux vêtements et je défilais dans la cour tel un mannequin, la tête haute.

Exit les préoccupations du début de journée. Je me surprends même à sourire. Mais cet apaisement est de courte durée.

Où est Chris ? Pourquoi indiquer être dans la cour alors qu’elle brille par son absence ? Cette étrange résidence semble abriter les vestiges d’un passé mystérieux…

Aurai-je le courage d’y revenir ?

 

Christiane

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Rédigé par Christiane

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Publié le 19 Septembre 2025

Me faudra-t 'il réapparaître selon les uns, ressusciter diraient d'autres ?
Reprendre du service, ce fut ma destinée, être au service, ce fut mon destin.
Tel Don Juan, le commandeur, serai-je à nouveau le personnage qui se dresse pour annoncer le châtiment du coupable, ou celui qui redresse un État bien ?
Qu'avez vous fait de votre pays, de la France éternelle ?
Où sont donc nos valeurs qui nous ont façonnés au fil des siècles et qui ont aidé une partie du monde à se comprendre, à s'entraider, à se créer un avenir .
A 69 ans, je vous ai indiqué que je ne serai jamais un dictateur, aujourd'hui, à 135 ans, je me morfond dans mon éternité, bien décidé, si le peuple le souhaite et que Dieu le veut, à reprendre du service à vos côtés .
Dans l'état où je me trouve, je ne pourrai, bien sûr, vous diriger, vous aider à voir plus clair que par la force de l'esprit .
Croyez-vous à la force de l'esprit ? Comme un de mes successeurs, François Mitterrand, que j'ai bien connu, je suis certain que la réflexion, l'approfondissement et la recherche des racines qui ont modelé nos existences et nos comportements peuvent vous sortir par le haut, c'est à dire par le meilleur de nous-mêmes, des querelles de boutique, de luttes fratricides, enfantines, d'enfants gâtés, voire pourris, par une société décadente.
Je ne souhaite pas une nouvelle guerre qui pourtant sélectionne les meilleurs et montre au grand jour les bonnes et les mauvaises âmes. Quoique, au point où nous en sommes, la raison d'état ne devrait pas ignorer cette opportunité !
L'existence de chacune et chacun n'a de sens que si l'on considère que nous sommes une particule d'un ensemble qui nous dépasse, puisqu'il mène à l'infini et à l'éternité.
A quoi sert de vivre, si c'est mourir pour rien .
Élevons nos cœurs et nos âmes. Rassemblons-nous autour de nos valeurs.
La Liberté, celle qui s'exerce dans le respect des autres, confiance dans la bienveillance du prochain, qui s'exerce sans arrières-pensées, sans chercher la privation de la liberté d'autrui. La Liberté dans la considération commune.
L'Égalité, celle qui se partage, pas l'égalitarisme qui nivelle par le bas et détruit l'harmonie du monde. Non, une égalité reconnue et acceptée, qui justifie, parfois, des efforts voire des sacrifices, mais sans acrimonie, sans recherche d'un inégalité pour soi, vulgairement pour sa pomme .
L'Égalité est un bien commun. C'est un moteur pour vivre ensemble.
La Fraternité est probablement la valeur la plus difficile à mettre en œuvre. Elle ressemble à des valeurs bibliques aussi bien juives que chrétiennes et musulmanes. Et pourtant, cette valeur fondamentale est, à ce jour, une source de divisions. C'est la fraternité de la division. Chaque entité, chaque groupe est l'ennemi d'un autre. La zizanie est la maîtresse de nos comportements.
Tu es mon frère, nous sommes tous frères. Si nous percevions, juste une fulgurance, la force du sentiment d'appartenance à la grande famille humaine, nous ne pourrions qu'être unis et fraternels.
Liberté, Égalité, Fraternité : la trilogie gagnante .
Selon Charles De Gaulle
 
Gérard
 
 

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Rédigé par Gérard

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Publié le 19 Septembre 2025

Tu es venu ce matin dans le bouvau repérer la Bête. Tu as demandé pour tes adieux une faveur qui t'as été accordée. Toi et moi seuls sur la piste cet après-midi, avant d'entamer notre danse macabre demain.
Bèn -vengudo, je t'attendais. Pour la première fois, premier au rendez-vous dans le silence magnifique de l'arène écrasée de soleil andalou.
Ce matin, j'ai reconnu dans tes yeux la lassitude qui m'habite. J'ai lu la fatigue, la consternation et cette perte de sens qui dilataient tes pupilles.
Nos aficionados se pâment devant notre « légendaire bravoure ». Et toi et moi n'avons plus envie de cette noblesse dont on nous affuble. Les héros sont fatigués
Je t'attendais et tu es là devant moi, muet. Oh ! Ce silence. Sans les cris, sans les clameurs et la bronca, on entend mieux toute la tragédie humaine et animale, tu ne trouves pas ?
Je t'attendais et tu es venu ma fiancée, si belle dans ton  « traje de luces », ton habit de lumière. Que ta virilité n'en souffre pas, mais c'est bien pour moi que tu te pares comme une amoureuse.
C'est bien pour moi seul que maintenant, toujours silencieux, tu te cambres, virevoltes, danses, enchaînes avec ta seule muleta les passes qui ont fait ton renom.
Aujourd'hui pour une fois, je suis l'acteur et l'unique spectateur de cette dramaturgie sublime et absurde. Notre ultime répétition, sans épée et banderilles, pas plus que de ma part il n'y aura de cornada.
Toi et moi allons maintenant jouer le troisième acte, la faena, la préparation de l'estocade qui n'aura pas lieu aujourd'hui. Tête baissée, sabots frappant le sol, soulevant le sable brûlant, je fonce sur toi qui restes impassible, qui m'attends.
Et nous nous enlaçons comme des amants qui se reconnaissent.
Notre première étreinte fraternelle. Tu ris ? Tu pleures ? Allez il est temps pour nous de saluer, de nous saluer. Ave Caesar morituri te salutant !
Merci de cet hommage, tu me le devais.
On se dit à demain pour les jeux du cirque ? Peut-être...
 
Odile
 
 
 
 

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Rédigé par Odile

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Publié le 19 Septembre 2025

 
«... Mais parce que vous m'affûtez
Je me bats contre vos freins
et je m'allonge jusqu'au plein
de ce morcellement... »
Tita Reut
 
 
FAIRE CORPS
 
Elle lui pose cette question, elle, son amie :
« Si tu gagnais au loto aujourd'hui, que ferais-tu ?
Ne lui laisse pas le temps de répondre, pressée de dire ce qu'Elle en ferait
« Alors et toi ? »
Elle, elle voudrait offrir à ses enfants, à ses amies la quiétude d'avoir un toit bien à soi, de devenir des heureux propriétaires.
Ce qu'elle n'est pas… Pas tout à fait.
« Mais pour toi » insiste l'amie.
Elle, sans prendre le temps de la réflexion : «  Ce que je veux, je ne peux plus l'avoir »
« Quoi ? »
 
 
J'entre en scène ; elle parle de moi avec tendresse, du compagnon que je fus pour elle.
Elle a travaillé, dès son plus jeune âge, à m'assouplir, me rendre fier et élégant en toutes circonstances.
Elle pressentait qu'elle ne serait jamais bien haute et que je deviendrai un atout pour elle.
Ce n'est peut-être pas le physique qui importe mais la première image est bien celle-là, Physique.
Moi pourtant muet, je la racontais aussi bien à l'arrêt qu'en mouvement. Je me tenais altier, hautain, royal.
Elle, sa volonté, son orgueil, son acharnement malgré les épreuves qu'elle nous infligeait, m'avait, jour après jour, forgé, sculpté.
Je l'accompagne toujours, attaché à elle mais ne suis plus le même depuis cette nuit du 4 février 2025.
Ce jour-là, malgré la chaleur suffocante -35° à l'ombre-, malgré la sueur qui ruisselait de sa tête à ses pieds, elle campait sur ses jambes qui avaient arpenté la ville étrangère, parcouru 25 kilomètres.
Moi, fidèle je me tenais toujours aligné, vertical.
Au jour succéda la nuit, le bus, le chauffeur qui s'endort, l'arbre qu'il n'a pas vu, elle qui dort aussi, le bus qui verse sur le bord de la route, le chauffeur qui dort, qui entraîne l’hôtesse de bord dans la mort, les sièges dégondés qui nous écrasent elle et moi, l'amie qui panique de ne pas la voir dehors avec tous ces touristes qui courent dans toutes les langues, qui hurlent peut-être ou restent sidérés, elle, l'amie, qui remonte dans le bus qui pourrait prendre feu à tout moment et qui va nous sauver la vie. L'amie, ses gestes calmes, ses mots rassurants, ses mains fraîches.
Et puis, l'hôpital d'une campagne incertaine, étrangère, où le silence est aussi terrifiant que les cris auxquels il succède.
Je ne sais pas encore que je souffre, tellement elle et moi souffrons. Je ne sais pas encore que ce que j'étais n'est plus, ne sera plus tout à fait.
Ce matin encore, comme tous les matins, familièrement elle m'interpellait :
« Alors mon grand dorsal, on s'échauffe, on s'étire...
 
L'accident, la vie comme un 78 tours s'accélère, mais la Vie.
 
Au coucher, au lever, elle baille moins, ne pense pas à se grandir. Se redresser devient un travail douloureux, parfois périlleux. Se redresser, cet acte instinctif devient acte décomposé, réfléchi.

Les extensions, les déploiements, tous ces exercices répétés à la barre et au sol, plus possible.
Mes vertèbres sont soudées, je ne suis plus ce dos souple et droit, si laborieusement, longuement, amoureusement travaillé.
Mais elle et moi, nous n'allons pas courber l'échine.
 
Odile
 
 

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Rédigé par Odile

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Publié le 18 Septembre 2025

La lumière du matin, se frayant un passage à travers les grandes baies vitrées du bureau, donnait à celui-ci, une immense impression de calme. Les murs, clairs, humanisés par de nombreux diplômes, indiquaient, à qui voulait les lire, la légitimité de la présence de celui qui se pavanait dans un fauteuil en cuir de la plus belle facture. Quelques photos anthropométriques de personnages antipathiques se disputaient les emplacements libres avec des copies d’œuvres célèbres qui n’étaient pas vraiment à leurs places dans ces locaux.

Le directeur de ce pénitencier portait beau. Costume à la dernière mode, cravate en soie, mocassins italiens et l’inévitable montre Rolex, trophée reconnu pour ceux qui ont réussi leur vie. Face à lui, un nouveau pensionnaire que l’on pourrait qualifier de criminel de haut niveau, dont il voulait faire plus ample connaissance.

- Dites-moi ! Vous avez dû être soulagé à l’énoncé du verdict. Perpétuité sans remise de peine, c’est net et sans bavure. On ne se pose plus de question. Il n’y a plus qu’à se laisser vivre… Si l’on peut dire.

L’homme, assis sur une vilaine chaise en métal, peinte, ou plutôt badigeonnée en gris, opinait de la tête à chaque affirmation.

- Ah ! Vous avez raison monsieur le directeur. On est loin de se douter de ce que ressent l’accusé au milieu de toutes ces procédures plus compliquées les unes que les autres. Des questions que vous n’avez pas envie d’entendre, des réponses que vous ne voulez pas donner. Et le juge qui insiste ! Sous le vague prétexte fallacieux qu’il est le président de l’audience. Non mais… Et le procureur ! Ah celui-là, il ne lui manque rien. Avec son copain l’avocat général, ils ont brillé comme larrons en foire, au niveau de l’indiscrétion. Avez vous tué ces neuf femmes ? Sans arrêt. Notez que c’est une preuve de leur manque de vocabulaire… J’ai été très déçu par les magistrats. C’est fatiguant, à la fin.

- Fatiguant, fatiguant… Je veux bien mais vous avez assassiné une femme à chaque anniversaire de quelqu’un de votre famille. Ce n’est pas bien raisonnable.

- Je vous ferais humblement remarquer, monsieur le directeur, que je n’ai jamais avoué... Moi, je ne suis sûr de rien. Il paraîtrait que j’ai été filmé pour sept d’entre elles ... Et les deux autres ? Hein ? Après tout, sept ce n’est pas neuf. Je me demande si c’est bien légal ça ! J’ai envie d’essayer le vice de procédure. Je vais étudier cette option avec mon avocat.

- Bon ! Ce n’est pas que je m’ennuie avec vous, mais il faut quand même que nous parlions de votre avenir… Car voyez-vous, vous avez eu un bol pas possible. La peine de mort a été rétablie le lendemain de votre condamnation. Reconnaissez que c’était moins une.

- Oui mais, le temps va me sembler bien long. La cellule que l’on m’a octroyée est petite, sans confort et dotée de sanitaires qu’on pourrait qualifier de primaire. J’espère que les distractions proposées par votre établissement seront de nature à égayer mon séjour.

- Votre séjour ! Justement ! Parlons-en. Vous n’êtes pas sans savoir que le pays a besoin de faire beaucoup d’économie et doit rogner sur les dépenses qui ne sont pas d’un intérêt stratégique. Il est évident que vos qualités en la matière, ne sont pas de nature à aider la société à faire un pas vers un avenir plus rassurant… Donc ! déjà, il vous faudra travailler dur pour subvenir à vos besoins principaux et …

- Ah mais non ! J’exige que mon statut de prisonnier soit respecté. On ne peut pas m’obliger à travailler. C’est contraire à la loi. Ma villégiature en ces lieux doit être sereine et ne doit être ponctuée que par les heures des repas et des promenades. N’oubliez pas que je ne suis pas n’importe qui. Vous avez le privilège de compter dans votre minable prison la présence d’un grand criminel. Ce n’est pas rien ! D’autres pénitenciers vont vous jalouser. Pensez à votre carrière…

- Bien ! Je vous ai entendu. Maintenant, précisons quelques points importants, pour ne pas dire obligatoires. Vous ne quitterez pas votre cellule et vous aurez droit à une promenade d’une heure par mois, seul dans la cour. Vous travaillerez à confectionner des assemblages de kits de diverses sortes. Ça vous mettra un peu de beurre dans les épinards et votre ordinaire sera légèrement amélioré. Oubliez votre fantasme de vedette du crime. Ici vous êtes surpassé par des spécimens contre qui vous ne feriez pas le poids. Même les femmes, incarcérées dans leur quartiers, vous démoliraient en cinq minutes. D’ailleurs, si le besoin s’en faisait sentir, certains problèmes seraient vite résolus, tout en apportant un peu de distraction à ces dames.

- Vous parlez de mon existence à perpétuité… Là ? Mais ma vie va devenir un calvaire. Je ne tiendrai jamais, je vais devenir neurasthénique… Qui me soignera ?

- Je serais tenté de vous dire que cinq de vos victimes étaient infirmières, mais je reconnais que c’est une plaisanterie facile, et de mauvais goût. Par contre, voyez-vous, l’État est capable de faire preuve de compréhension pour certains cas qui ne seraient pas capables d’honorer, de leur présence, l’hospitalité de la nation pendant la durée de leur villégiature... Pour parler comme vous.

- Vous me rassurez monsieur le directeur. Il y a donc une solution pour échapper à cette vie morose et de désespoir ?

- Tout à fait ! Et c’est là que j’interviens… Vous avez quarante cinq ans et aucune option pour vous évader des quatre murs de votre cellule. Sauf une… Un suicide en bonne et dû forme… C’est vrai que ça peut surprendre, sauf si c’est bien organisé. D’autant plus que si vous décidiez de vous libérer sous quinzaine, vous auriez droit à un traitement de faveur que je me ferai fort de faire respecter. Je me ferai aussi un devoir de vous procurer les moyens qui vous conviennent à la date prévue. Réfléchissez-y. Sans compter que votre famille n’aura aucun frais à débourser pour des funérailles puisqu’il n’y en aura pas.

- Comment ça ! Pas de funérailles ?

- Vous serez incinéré et vos cendres iront rejoindre l’engrais pour le jardin qu’entretiennent les petites peines de la maison d’arrêt. Vous contribuerez, ainsi à l’amélioration de l’ordinaire de vos camarades. Songez que lorsqu’ils mangeront une salade ils penseront à vous !

BELLE ALTERNATIVE… NON ?

 

Fernand

 

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Rédigé par Fernand

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Publié le 17 Septembre 2025

Je suis tombé sur un imbécile !
Il m'a remisé au fond d'un carton, sur l'étagère d'une cave humide, cet idiot !
Moi, un œuf Fabergé impérial ! J'ai tout de suite vu que j'avais affaire à un inculte crasse. Quand je pense que je trônais, superbe, sur le plus beau meuble du palais royal russe ! On m'admirait, on me soignait, je brillais dans la lumière du cristal. 
 
Un jour, un vacarme, une émeute, on m'a attrapé, secoué, trimballé... je ne me souviens plus très bien, il y a si longtemps, plus d'un siècle, je crois... J'ai été échangé, vendu, troqué ; une vie de galère jusqu'à ce qu'un homme me recueille, me redonne une place digne dans sa demeure. 
Dieu merci, un connaisseur ! J'ai enfin pu respirer. J'ai tellement eu peur qu'on fasse fondre mon or, qu'on arrache mes pierres précieuses. Il faut s'attendre à tout quand le peuple a faim, il faut s'attendre à tout quand des ignares insensibles ont l'appât du gain. Mais cet homme-là, cultivé, raffiné, m'a placé dans une vitrine, loin du monde, dans un vieux manoir écossais. Là, j'ai vécu tranquille, dépoussiéré en douceur par un plumeau serein, régulièrement... jusqu'au jour où plus personne n'est venu.
 
Je n'ai jamais su ce qui s'était passé. Mon bienfaiteur était-il mort ? Était-il parti en laissant tout derrière lui ? Quel drame a chaviré sa vie ? Je me suis posé ma question bien souvent, pendant que, peu à peu, mon or ternissait, mes pierres s'assombrissaient, la poussière s'immisçait dans toutes mes volutes, recouvrait ma belle couleur bleue d'un voile gris. Je ne ressemblais plus à l’œuf précieux et magnifique que j'avais été. Le manoir, lui aussi, avait perdu son prestige. À l'abandon, il se dégradait chaque jour davantage. Je criai mon désespoir, je m'égosillais de ma voix inaudible, en vain.
 
Un jour, la lumière m'a ébloui. Les portes du manoir se sont ouvertes, des hommes sont entrés. C'est l'un d'entre eux qui m'a enfermé dans ce carton comme une vulgaire babiole. Et il m'a oublié là, dans cette cave, depuis une éternité.
 
Est-ce ainsi que les choses meurent ? Dans la poussière et dans l'oubli ?
On est bien peu de chose, disait mon amie la rose...
Oui, bien peu de chose quand on devient juste une chose sans valeur aux yeux du monde.

Mado

 
 

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Rédigé par Mado

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Publié le 16 Septembre 2025

John William Waterhouse - The Soul of the Rose, 1903

« Le premier qui compara une femme à une rose était un poète, le second un imbécile »

Gérard de Nerval

 

ATELIER :
Les clichés, les repérer, les détourner.

 

SUJETS :
  • 1- Permutation :
Faites une liste de clichés, choisissez-en quelques-uns et détournez-les en permutant leurs termes :
    - soit en utilisant un seul cliché :
Ex : Fraîche comme la rosée du matin devient Fraîche comme un matin de rosée.
    - soit en utilisant deux clichés :
Ex : Bavard comme une pie et beau comme un cœur devient Bavard comme un cœur et beau comme une pie.
 
  • 2- Homophonie :
Faire une liste d’expressions toutes faites, comme Toilettes publiques, Chantier interdit, etc...
Puis faire des homophonies avec les expressions trouvées.
Ex : Toilettes publiques devient Toilettes pudiques.
 
  • 3- Rédaction d'un texte :

Rédiger un texte en utilisant quelques-unes de vos permutations et homophonies.

_________________

LES TEXTES
Annie
 
Letizia
 
Mado
 
Odile
 
 

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 16 Septembre 2025

Expressions courantes

- Avoir une faim de loup 
- Une fièvre de cheval
- La couleur argentée de la lune
- Des cheveux d'or
- Sonner le glas
- Une confiance aveugle
- Rire aux éclats
- Le ressac incessant
- Une amitié indefectible 
- Tirer un trait
- Tourner la page
- Avoir le cœur sur la main 
- Tremper ses lèvres
- Son sang ne fit qu'un tour 
- À tort et à travers
- Être sous les drapeaux
- Il est mort de honte
- Il se meurt d'amour pour elle
- Un coureur de jupons

Expressions mélangées : 

- Déclarer sa flamme
- Avoir le cœur de loup 
- Tourner ses lèvres 
- Tremper sa page 
- Rire  aux éclats
- Une fièvre indéfectible
- Ne fit qu'un tour
- Il est mort d'amour
- Il se meurt de honte pour elle
- Une amitié aveugle
- Tirer sous les drapeaux 
- Être un trait
- Sonner le glas


LES EXPRESSIONS HOMOPHONES

- Chien méchant = machin chiant
 
- Toilettes publiques =  voilettes ludiques
 
- Un pour tous, tous pour un = Une partouze, tous pourris

- Qui cherche trouve = Guichet rouvre

- Petit poisson deviendra grand = Peste ou poison videra le sang

- La critique est aisée mais l'art est difficile = L'arachnide est visée mais l'aérosol glisse

- À bon entendeur salut ! = À bonimenteur, chahut !


TEXTE

Il avait pour elle une fièvre indéfectible, une amitié aveugle. Il tourna ses lèvres vers elle qui faisait virevolter ses jupons. Il lui tendit la lettre où il lui déclarait sa flamme. Elle avait un cœur de loup : sous ses yeux, elle lut la lettre puis en trempa la page dans l'encrier, rit aux éclats et, ne faisant qu'un tour,  partit. Elle sonna le glas !
Il mourait d'amour pour elle mais, à cet instant, il mourut aussi de honte pour elle.
À présent, il rit de sa flamme, la déclare obsolète et la broie en éclats. Il préfère encore tirer sous les drapeaux et n'être plus qu'un trait insignifiant. 
                                          FIN
 
Letizia
 
 

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Rédigé par Letizia

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