Baignée dans un camaïeu orange embrasant l’horizon de la Méditerranée, Clara est assise au bord de l’eau. Les jambes repliées, elle laisse vagabonder le flot de ses pensées. La brise légère du soir effleure son visage, portant encore dans l’air l’odeur des galets bouleversés par les secousses de la veille. Son regard se perd dans le reflet de l’écume.
L’ombre de ce tremblement de terre rôde sur la ville, invisible mais oppressante.
Le clapotis de l’eau semble lui chuchoter des souvenirs enfouis. Si tout disparaissait !…comme la « Jetée Promenade » détruite durant la guerre. Cet édifice mondain, majestueux, réduit à des morceaux de bétons rongés par le sel qui faisait, à l’époque, la fierté de la capitale azuréenne.
Elle n’ose imaginer la destruction de cette « Baie des Anges » site mondialement connu.
Soudain, un souffle, un frisson, un chant, elle l’entend, lent, envoûtant, vibrant. Il déchire le silence ponctué par le ressac.
Une voix fluide, presque irréelle, s’élève dans l’air iodé. Intriguée Clara se lève, l’eau enlace ses jambes comme une douce caresse. Elle entre dans un monde où chaque bulle détient un secret. La mélodie s’amplifie, l’écho lui murmure son prénom.
Ce n’est pas son imagination. Ce qu’elle découvre dépasse tout ce qu’elle aurait pu écrire dans son carnet.
Une cité immergée aux reflets d’opale, des voix cristallines et des créatures mi-femme mi-poème qui rient, dansent comme si la fin du monde n’était qu’un mauvais chapitre.
Dans le tumulte des vagues argentées, une silhouette surgit. Sa longue chevelure brune, ondulée flotte autour d'elle comme une cape de soie sombre. Ses yeux, d’un vert éclatant, brillent comme deux émeraudes. Sa peau nacrée semble danser au rythme de l’eau. Sa queue, couverte d'écailles aux reflets changeants – bleu cobalt, turquoise et éclats dorés – frémit telle une parure précieuse vivante.
- Qui es-tu ? demande Clara, fascinée.
- Je suis celle que les hommes ne voient qu’en rêve, répondit-elle d’une voix mélodieuse. Ce soir, la mer a voulu que je te rencontre. Tu seras la messagère des erreurs qui se répètent. Les humains bousculent la mer sans souci. Le chant des sirènes est une mise en garde.
La mer ne meurt jamais, mais quand elle se fâche, elle reprend tout.
Avant de disparaître, elle lui fait un clin d’œil complice, lui frôle la main et par ce simple contact, Clara sent une douce chaleur, une promesse muette.
La nuit est tombée. Quand elle ouvre les yeux les étoiles scintillent. Sans savoir pourquoi, elle se sent plus légère, plus vivante.
Des notes de musique résonnent dans sa tête…. un chant ! et si ce chant-là n’était pas une fin mais un commencement !
Josiane