Publié le 6 Août 2016

Un soupçon de fantastique s'est glissé dans le recueil "Ballon rond et plumes d'azur"...

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Je l'avais prévenu pourtant. Cette magouille au match de foot truqué cachait quelque chose. Moi-même, je l'avoue, j'avais fait pas mal d'argent en mon temps avec ce genre de combine. Pas très honnête, c'est sûr, pas très glorieux, mais efficace pour s'enrichir. Il suffisait d'empocher quelques pots-de-vin avant de jouer comme un pied, ou plutôt, comme une main, pour faire perdre l'équipe. En bonus, quelques paris bien placés sur l'affaire et le fric s’amoncelait dans une banque suisse.

Mais ce coup-là, je ne le sentais pas. Quelque chose d'indéfinissable, comme une ombre teigneuse qui rôde, un truc pas clair.

Il ne m'a pas écouté. Il a conclu l'affaire avec ce type vraiment louche et le voilà maintenant qui entre sur le terrain. Assis au deuxième rang de la tribune, je l'observe. Une drôle de bête se tortille au fond de mes tripes. Coup d'envoi, le ballon fuse sur la pelouse. Il l'amortit du pied droit, le passe à l'adversaire.

Sifflets des supporters. Je ne suis pas tranquille ; quelque chose ne va pas. Souffle froid sur ma nuque, je me retourne. Derrière moi, le public qui suit la rencontre, rien de plus que d'habitude, mais pourtant, rien comme d'habitude non plus et aucun mot pour l'expliquer. Je déraille ferme !

Sur le terrain, les joueurs se démènent. La lumière blanche des projecteurs projette leur ombre en double, comme un “ V ” accroché à leurs talons. Selon leur direction, leurs ombres les suivent ou les précèdent, chevillées à leurs pieds.

Lui s'arrache au groupe, détale sans s'occuper du ballon. On dirait qu'il s'enfuit. Comme si la mort lui collait aux crampons. Il court, hué par le public. Son regard cherche dans les tribunes, me trouve. Au fond de ses yeux, une brume opaque dilatée de terreur. Plus de doute, ce plan-là dépasse la simple arnaque. Il a conclu un pacte avec le diable en personne ou quoi ?

Je deviens fou. Ce n'est qu'une combine plus foireuse que les autres, c'est tout. Au pire, il sera exclus, aura une amende, tant pis pour lui. Je me monte le bourrichon pour rien. C'est cette bière pas fraîche qui me met dans cet état ?

Quelque chose ne va pas, je ne parviens pas à en cerner la cause. Je sens que ça vient de lui. Il court en zigzags aléatoires. L'ombre double d'un joueur s'allonge de part et d'autre de ses pieds comme pour le cisailler. C'est à ce moment-là que je comprends : il est le seul à ne pas avoir son ombre qui le suit.

Un frisson glacé hérisse ma colonne vertébrale, extirpe de moi ces paroles venues de je ne sais où : “ Qui perd son ombre perd son âme ”.

Mon ami, qu'as-tu fait ?

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Rédigé par Mado

Publié dans #sport

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Publié le 4 Août 2016

Handisport et course à pied dans le recueil "ballon rond et plumes d'azur"...

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La cordelette enserre mon poignet. Les pieds dans les starting-blocks, j'attends le signal. À mes côtés, Louis se positionne. Ses baskets crissent doucement en se calant pour le départ.

Je suis en position, prêt à m'élancer en même temps qu'elle. Dernière vérification : la cordelette qui nous relie n'est pas trop tendue, ses doigts ne mordent pas la ligne de départ. Tout va bien. Elle paraît concentrée, hermétique derrière ses lunettes occultantes.

PRÊTS... BANG !

Repoussant de toutes mes forces les starting-blocks, je me propulse avec la sensation de tomber dans le vide. Très vite, le bonheur de courir pulvérise le vertige sans fond qui me saisit à chaque départ de course. Auprès de moi, Louis épouse ma foulée ; sa respiration puissante et régulière me donne le rythme, un vrai métronome ! Dans le noir qui m'enveloppe, je n'ai que la cordelette comme ancrage. Le noir ! Il paraît que c'est ainsi que se nomme l'unique couleur que je perçois. Les couleurs sont une pure abstraction pour moi, je suis aveugle depuis toujours.

Je cours sur la nuit. Je cours sur la lumière que m'apporte le souffle, une brillance intime, cachée au fond de mes poumons, cachée dans la jubilation de tout mon être. Courir, foncer, certaine de ne pas percuter un obstacle, courir sans crainte ni contrainte, le corps libéré par la vitesse. Louis m'indique les courbes de la piste, veille à ce que je reste bien dans mon couloir.

La courbe de la piste approche, je frôle son bras. Elle comprend, amorce le virage. Je cours à sa hauteur, en m'assurant que la cordelette reste souple entre nous. Une cordelette trop tirée, c'est la disqualification.

Les foulées de Louis martèlent le sol, propagent une onde sourde sous les miennes. La cordelette entre nous, comme une amarre, me rassure. Je fends l'air opaque. Il s'écarte en remous légers, frais sur ma nuque en sueur. Le revêtement de la piste, un peu caoutchouteux, me procure une sensation aérienne. Je m'envolerais presque...

Le sprint final approche, je le sais par d'infimes changements de rythme. J’accélère.

La ligne d'arrivée à quelques millièmes de secondes. Je me décale légèrement, pour être juste derrière elle. C'est sa course, pas la mienne. Moi, je ne suis que ses yeux. C'est à elle de franchir la première la ligne d'arrivée.

Des applaudissements m'accueillent. Louis me serre dans ses bras, murmure à mon oreille : “ Félicitations ! ”

Yes ! Je l'ai, ma médaille !!!

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Rédigé par Mado

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Publié le 3 Août 2016

Un autre texte, sur le thème Handisport, écrit en atelier pour le recueil "Ballon rond et plumes d'azur"...

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« Tu sais, j’ai gagné une médaille de bronze aux jeux Olympiques. En natation ». Ma sœur Anne-Marie très fièrement nous montre sa médaille lors d’un repas de famille.

Mais remontons le temps. J’ai 9 ans. J’ai adoré les jeux de 1968 à Mexico. J’ai suivi toutes les disciplines sportives sur la télévision de mes voisins.

1970. Ma sœur part vivre à Paris. Elle a toujours adoré la natation et se débrouille très bien en brasse. La pension où elle vit décide de l’inscrire aux jeux Olympiques ; ma sœur s’entraîne intensivement plusieurs fois par semaine. Le grand jour arrive. Elle se présente avec son maillot une pièce et son bonnet sur la ligne de départ. Ses adversaires lui ressemblent. Leur seul objectif : gagner, remporter la victoire. Elle s’élance avec ses compagnes. Après un plongeon bien mené, la voici sur sa ligne. Oui, elle est bien placée. 60 mètres, c’est court et c’est long à la fois. Mais elle déjà une longueur d’avance sur les autres. Elle est au coude à coude avec deux adversaires coriaces. Ah, elle est distancée. Mais elle garde le cap. Elle reste dans la course. Oui ça y est ! Elle remporte la troisième place sous les vivats de la foule, de ma tante et de ma grand-mère qui assistent à cet exploit. Anne-Marie revient à la maison pour les vacances avec sa médaille et son beau ruban bleu, blanc, rouge. Elle est très fière de son succès et nous plus encore. C’est la première de la famille à remporter une médaille en sport et surtout quelle victoire !! C’était le début des jeux Olympiques pour handicapés. Les jeux paralympiques n’existaient pas encore.

La médaille est toujours là, mais aujourd’hui les jeux se sont grandement professionnalisés, les champions de 2014 ou 2018 ne ressemblent plus aux lauréats de l’époque et ma sœur répète à qui veut bien l’entendre qu’elle est championne olympique.

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Rédigé par Brigitte

Publié dans #sport

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Publié le 2 Août 2016

Tiré du recueil "ballon rond et plumes d'azur", un petit plongeon dans l'eau fraîche...

J’attends, dans mon fauteuil roulant, au bord de la piscine du Palais des sport Jean Bouin. J’essaie d’être calme, m’efforce de me concentrer sur ma respiration. Je capte l’odeur de javel et le vacarme assourdissant, des sensations que je retrouve dans toutes les piscines, elles me sont familières, elles me rassurent. Je me sens en terrain connu, presque chez moi. J’avance mon fauteuil, un ami le tient juste au bord, je me penche en avant et bascule dans l’eau. Un geste souvent répété. Il y a une sorte d’ascenseur dans cette piscine. Hors de l’eau, on s’assoit sur un siège qui descend dans l’eau. Je l’évite.

Dans l’eau, j’attends le sifflement de départ. Ça y est. J’avance, me bats contre l'eau. J’allonge mon corps, me transforme en fusée. Comment offrir le moins de résistance à l’eau ? J’exécute les gestes appris et longuement répétés. J’adapte ma respiration à mes mouvements. Plus vite ! Mes oreilles bourdonnent, tellement l’effort fourni est intense. L’eau est froide, mais ma peau, mon corps sont brûlants. Ai-je une chance ? Il ne faut pas penser, juste nager, se concentrer. Encore trois longueurs. Un dernier effort. C’est fini.

Au bord de la piscine, je me tiens à la barre. Mon cœur bat la chamade. Je suis épuisée. Ma maman vient. Elle m’entoure de ses bras, m’aide à sortir du bassin. Cette fois-ci, je prends l’ascenseur. Je m’essuie, me mets un peignoir. Le coach s’approche de moi, un grand sourire aux lèvres.

– Félicitations ! Tu t’es dépassée ! C’est ton meilleur temps. Paris t’attend.

Il s’accroupit à côté de moi. C’est toujours un problème pour les gens « normaux », ils ne savent pas comment se mettre. S’ils restent débout, ils me regardent d’en haut, ce qui doit les gêner. Alors, souvent, ils s’accroupissent, mais ils ont mal aux jambes au bout d’un moment, ils se tortillent dans tous les sens, essayent de déplacer leur poids d’une jambe à l’autre. La conversation en pâtit, mais ce n’est pas de leur faute. Donc, le coach, accroupi à coté de mon fauteuil roulant, redevient sérieux :

– Il y a encore du chemin à faire jusqu’aux jeux Olympiques. A Paris, tu vas tomber sur les meilleurs de toutes les régions de France. Il faut que tu t’accroches. Rien n’est encore gagné.

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Rédigé par Iliola

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Publié le 1 Août 2016

Un autre texte issu du recueil "Ballon rond et plumes d'azur"...

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Il est l’heure. L’heure de vérité. J’ai les mains moites. Je serre mon balai entre les mains. Quatre ans d’entraînement. La finale et la consécration au bout. Les pierres m’attendent sur la piste. Encore 10 secondes, 9, 8….

La télévision est allumée. Il est là. Il va passer. Les quatre autres finalistes ont fait un score honorable. Il ne reste plus que Peter et ses coéquipiers. Je le vois. Il faut que je m’occupe. Je serre mon balai dans mes mains. Je vais rentrer sur la piste en même temps que lui. Allez Peter, courage !

3,2,1 C’est à moi. Je rentre sur le rink, les yeux rivés sur les cailloux. La première pierre est lancée. Vite mon balai, avant, arrière. Le doux frottement habituel contre la glace, tout doucement pour renforcer sa trajectoire. Concentration extrême. Plus rien ne compte. La glace, le balai, la pierre.

Il est en piste, au centre de la maison. Je transpire, ma bouche est sèche. Je reproduis les mêmes gestes que Peter, tout doucement en harmonie avec son jeu. Ça y est, je suis transposée sur la glace. Nos haleines se mélangent. Je n’entends plus rien et ne vois plus que les pierres glisser doucement sur les cercles. Je ne suis plus dans mon salon, mais là-bas, au centre Olympique. Si la pierre avance trop vite, je la ralentis avec mon balai. Personne ne me voit, mais je suis là.

Les dernières secondes. C’est le dernier « end ». C’est bon. J’entends des exclamations de toutes parts et me retrouve projetée dans mon salon. Peter a gagné. Médaille d’or. Champion du monde. Je m’assoie sur le canapé et époussette les étoiles de glace qui se détachent de mon balai.

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Rédigé par Brigitte

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Publié le 12 Juillet 2016

Tiré du recueil "Ballon rond et plumes d'azur"... encore un peu de foot...

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Mais où est donc passé Zizou ?

Depuis qu’on ne l’a vu, sa carrière s’est étrangement poursuivie.

Un jour, alors qu’il faisait son jogging dans les calanques de Marseille, il a fait une rencontre inattendue.

Il a croisé une étrange dame, une fée peut être ? à y bien réfléchir, c’était plutôt une sorcière.

Et pour cause… Il s’est retrouvé perché sur un balai, au dessus d’un immense stade et depuis c’est son lieu d’entraînement.

Ce stade, bien plus profond qu’un stade habituel propose des buts et des obstacles mobiles, faits de nuées et de fumerolles colorées et c’est bien pratique quand on est assis sur un balai et que l’on tente d’aller aussi vite que le « Vif d’or ». Bien plus petit qu’un ballon de foot, équipé d’ailes qui lui permettent d’accélérer d’une manière inimaginable, le « Vif d’or » bouge tout le temps et dans tous les sens, à toutes les hauteurs du grand stade.

Zizou se sent prêt à relever le défi, même si les premiers essais lui ont donné le vertige. L’environnement verdoyant de ce stade grandiose le stimule. La présence mitoyenne de cette majestueuse école de style anglais, Poudlard, l’intrigue et l’encourage à accepter ce qu’on lui a proposé.

Il s’agit de battre au Quiddich le redoutable Harry Potter, ce jeune homme au front zébré par une cicatrice, qui fait partie de l’équipe qui gagne le tournoi depuis des années. Le bruit court qu’il est rare de faire appel à un Moldu – un être n’appartenant pas au monde des Sorciers –. Cette année, cependant, l’équipe de Serpentard, tient absolument à remporter le tournoi national. Il est prévu que Zizou participe à des entraînements jusqu’à ce qu’il soit aussi fort qu’au football.

Et – il le verra paraît-il bientôt – la foule dans le stade de Poudlard sera bien plus impressionnante que dans les stades qu’il a pu connaître, car tous les sorciers du monde y seront réunis…

Ron, le journaliste à la Gazette des Sorciers, publie aujourd’hui à la Une :

« ZIZOU ACCEPTE LE DEFI ! UN MOLDU DANS L' EQUIPE SERPENTARD !

Sa formation aux techniques du Quiddich a déjà commencé. Lors de son interview, alors que nous lui demandions comment il avait fait son choix, il nous a confié : C’est ça l’esprit sportif … »

Ron conclut par une réflexion espiègle :

Cette acceptation n’est-elle pas plutôt liée à l’effet surpuissant de la baguette magique d’Hermione, la jeune et belle sorcière que Zizou a croisée dans les Calanques et qu’il a prise pour une fée ? ”

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Rédigé par Laurine

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Publié le 9 Juillet 2016

Tiré du recueil "Ballon rond et plumes d'azur", loin des cris des supporters, un silence ouaté...

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L’horizon ciselé se découpe sur le ciel. D’un bleu plus dense que l’Azur, il impose à nos yeux les reliefs presque écrasants. Aujourd’hui, les étincelantes montagnes ont revêtu leurs habits d’hiver, ce blanc et ce noir qui dominent largement.

Les sommets attirent nos yeux, ces sommets eux-mêmes attirés par les cieux…

On y va ? On y va …

Partis du refuge le matin même alors qu’il faisait encore nuit, nous avions parcouru les plateaux enneigés, salués par les étoiles et par une lune presque pleine… La lumière de nos lampes frontales s’était révélée presque inutile, tant la lune se montrait encore ardente à 5h du matin.

Nos skis de randonnée munis de leurs peaux de phoque avaient laissé derrière nous une trace régulière, que nous croiserons peut être à la descente. Quel effet magique, cette longue et lente glissade sur la neige fraîche vers le col, sans s’enfoncer plus de quelques centimètres.

Skis aux pieds, la montée régulière nous avait demandé beaucoup d’énergie et de concentration. Elle nous avait permis de nous évader de notre quotidien si différent. La fin de la course – c’est ainsi que nous appelons une balade de randonnée alpine – avait été plus technique et il avait fallu faire de savantes conversions en regardant le vide, pour contourner les gros rochers apparents et les quelques sapins ayant résisté à l’altitude et surtout pour franchir les passages particulièrement raides.

Maintenant c’est la pause au sommet, l’heure où nos corps réclament une nourriture simple mais énergétique, accompagnée des boissons chaudes préparées la veille dans les thermos. Nous n’osons qu’à peine rompre ce silence tellement il semble intense à cette altitude… Fatigue ou lèvres engourdies par le froid ou inconscient respect des lieux ?

A la montée, ce silence est toujours brouillé par le glissement des skis sur la neige, le crissement de la pointe des bâtons et par notre respiration qui peut devenir bruyante quand la pente se fait plus forte. Sans compter le bruit des skis qui s’entrechoquent lors des conversions parfois maladroites. Pendant le « casse croûte », ce qui brise le silence de la montagne, ce sont les bruits de bouchons, le déballage de bonnes choses en dehors du papier alu, les cris des choucas qui sont intéressés… Parfois le souffle du vent, qui peut devenir assourdissant.

Si nos poumons s’enrichissent de cet air frais et pur, nos yeux, eux, se gavent de la vue des montagnes enneigées, des couloirs où guette la redoutable avalanche, des forêts saupoudrées, des prés tout blancs un peu plus bas, des vallons, tout ce parcours lumineux qui va accueillir notre descente.

– Restons prudents si on ne veut pas redescendre en hélicoptère… Repartons avant que la température ne favorise trop les coulées de neige.

Aah, la descente allait maintenant combler notre désir de vitesse, obligatoirement accompagné de la maîtrise indispensable de notre corps et de ces deux magnifiques bois, nos skis. Ceux-ci ne se verraient qu’à peine, n’apparaissant que pour soulever des masses de poudre blanche. Solides et majestueux, ils vont trancher le tapis blanc pour nous permettre de faire « nos traces ». Et cet après midi, d’en bas, nous pourrons dire : « Regarde, à droite, c’est la mienne ». « Et là c’est la tienne ! on voit l’endroit où tu es tombé ».

On y va ? On y va…

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Rédigé par Laurine

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Publié le 5 Juillet 2016

Extrait du recueil "Ballon rond et plumes d'azur", un autre sport...

LE PILOU

Imagine toi petit, ciel du midi, soleil éblouissant, ombres marbrées des platanes, rumeurs chantantes de la placette, parfums d’anis du marché, perché sur son piton le village de Terteron.

Là, assis à la terrasse du bar des Sportifs mon copain d’école, cinquante ans que je ne l’ai pas vu, Hercule. C’est sûr, je m’arrête, m’assoie, commande deux pastis. Il faut fêter ça !

  • Oh ! Vieux babatchou tu te souviens ?

  • Comment si je me rappelle, Loulou le roi du pilou !

  • Pardi Hercule, nous pratiquions mieux le pilou que la règle à calcul.

Tu vois petit, à cette époque j’avais dix ans et dans la cour de l’école, à la récréation, nous jouions au pilou.

Non, ne prononce pas « pilou » avec la bouche en cul de poule, mais « pîlou » avec l’accent tonique sur le « i » et laisse filer le ouou. Autrement on va te prendre pour un parisien qui vit de l’autre côté du Var.

Il n’y avait pas la télé, les playstations ? Même pas en rêve on les imaginait. Nous, nous prenions une pièce trouée de vingt-cinq centimes, bien lourde, une feuille de papier toilette servait de volant.

Attention, pas du papier toilette comme aujourd’hui, du vrai, tes doigts ne passaient pas au travers. Avec un morceau de craie nous tracions le stade, quatre ronds d’un mètre de diamètre séparés par une croix. Tout ça ne nous coûtait même pas un franc et puis...

  • Fai volà lou pilou!

Dès que la cloche sonnait, le championnat du monde commençait. D’abord montait la pression.

  • Je te dis que c’est moi le plus fort !

  • Tu rigoles, tu as les pieds tordus.

  • Et toi les yeux bigleux

La foule écolière aussitôt se pressait autour du terrain, chacun voulait être au premier rang pour supporter ses copains, piloueurs les plus agiles, les plus adroits. Mais surtout, surtout arbitrer. Le pilou est le seul sport où en plus des quatre joueurs tous les spectateurs étaient arbitres. Cris, rires, chamailleries assurés. La température montait, et avec elle l’odeur âcre de la transpiration au goût salé sur les lèvres.

Et la partie débutait.

Loulou lance à la main sur Nonce, celui-ci amortit de la poitrine, jongle genou droit genou gauche et shoote avec finesse du pied droit dans le rond défendu par Hercule.

  • Hercule recule ! hurle la foule.

Concentré, celui-ci récupère, tire avec justesse dans le cercle adverse.

  • Buuut !

  • Non, ligne.

  • Quand il y a ligne, il y a but.

Sonne la cloche, fin de la récré, fin du match.

  • E viva lou pilou !

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Rédigé par Hervé

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Publié le 1 Juillet 2016

Nice a rendez-vous avec l'Euro de football cette année. L'atelier d'écriture, sur la suggestion de la direction d'Animanice Bon Voyage, a travaillé sur le thème "le sport et ses valeurs" .

C'est de ce travail qu'est issu le recueil "Ballon rond et plumes d'azur" dans lequel nouvelles, petits textes rédigés en atelier et poèmes se succèdent.

Commençons par le foot  puisqu'il est si présent en ce moment...

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LE MATCH DE FOOT

La foule se presse devant le stade. Le match promet d'être passionnant. Dans la file d'attente, ça papote, ça rigole, ça tient des paris sur les scores, parfois ça enfle la voix pour avoir raison : Je te dis que ce sera 3 à zéro !!! Mots envolés, bondissant par bribes de phrases - Pas sûr qu'il marque... t'as vu le dernier match... oui, peut-être... Quelques rires, le plaisir dans l'attente d'un bon moment à venir. Ouverture des portes. Nous pénétrons dans les tribunes. Martèlement de milliers de chaussures sur les marches, crissements, claquements. Une bousculade, pardon Madame, un enfant qui s'échappe, attends-moi, viens ici... On cherche sa place, c'est bien là, non ?... Bruissement des manteaux que l'on range sur les dossiers ; enfin tout le monde est assis. Encore quelques ziiiip, crrrr... la fermeture éclair d'un sac qui s'ouvre, le papier d'un bonbon que l'on dépiaute.

Puis une clameur, des applaudissements. Les équipes entrent sur le terrain. Salutations d'usage, coup de sifflet, c'est parti ! Le premier coup de pied sur le ballon claque comme une gifle. Des cris, des encouragements s'échappent de partout... Vas-y... Mais non !!!... Allez... ouiiiiiiiiiii !

Premier but, hurlement sauvage d'une foule passionnée. Des sifflets stridents retentissent, vrillent les tympans. Un chant s'élève d'un côté, traverse le stade, une "ola" tonitruante emplit l'espace.

Public debout et vociférant, visages aux couleurs des équipes, réminiscences terrifiantes de peintures de guerre millénaires, transmises depuis l'aube du monde par d'ancestrales tribus guerrières... De la rage, de la haine, de l'amour, expulsés par les cris, de la vie à l'état brut...

Carmella Marengo

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MORT SUBITE

Je suis seul. Face à mon destin. Destin partagé, trop lourd, pire, écrasant serait le mot juste. Des dizaines de millions de cœurs se sont mis à battre plus vite, comme le mien, si difficile à contrôler. Pourtant il le faut, je dois le ramener à la raison. On se calme. Concentration. Faire le vide. Respirer avec lenteur. Ne plus rien laisser m’envahir, sauf le calme profond de mon ventre. Je ferme les yeux.

Je suis seul. Le tintamarre des klaxons, le brouhaha de la foule surchauffée, tout s’est dissipé, comme une grande vague en fuite dans la nuit. La marée humaine silencieuse ne respire plus. Sa sueur aigre douce a tout envahi ; elle s’est mêlée à la mienne, nous ne faisons plus qu’un. La lumière des projecteurs a fait de moi en un instant une étoile, leur étoile. Des milliers de visages sont braqués sur moi. Tous suspendus aux quelques secondes qui nous séparent de la délivrance. Après on laissera éclater notre joie ou notre désespérance.

Je suis seul. Devant moi, à vingt mètres, celui qui scrute le moindre de mes mouvements, le plus petit cillement, qui lui dira s’il doit plonger à droite ou à gauche. De toute sa puissance, de toute sa force. Tout va se jouer en un éclat de chance. La vitesse va décider du vainqueur. Définitivement.

Entre nous, à trois pas, cette boule de cuir, qui semble me défier : Alors, tu te décides, champion ?

Christian Vanlierde

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FACE À FACE

Le silence retentit sur le stade. Il résonne des bourdonnements cotonneux tapis au fond de mes oreilles, des battements affolés de mon cœur. Le monde est tendu vers ce moment ultime. C'est maintenant que tout se joue.

Ne pas le quitter des yeux. Il se tient, seul, face à moi, raide de concentration. Surveiller son regard. Va-t-il m'indiquer la direction qu'il a choisie ? ou l'inverse, pour me tromper ? La moindre faute d'inattention ou d'appréciation de ma part lui donnera la victoire. Je ne dois pas faillir. La tension me noue les tripes ; mes jambes se sont mises d'elles-mêmes en position semi-fléchie, prêtes à bondir. L'âme d'un félin les habite.

Ne pas le quitter des yeux, à l'affût du plus infime de ses mouvements. Rester concentré, respirer calmement, libérer la pression.

Une larme de sueur dévale sur ma joue, vient mourir sur ma langue en explosion salée. Ma bouche sèche cherche sa salive. J'ai chaud. Les gants de cuir adhèrent comme une seconde peau autour de mes mains moites. Lui aussi transpire. Ses cheveux sont collés par paquets sur son front. Il m'observe, je l'attends. J'attends son tir, j'attends la délivrance.

Ne pas le quitter des yeux. Mes sens en alerte décuplent leur réceptivité. La pelouse piétinée exhale une odeur d'herbe coupée. Le bruissement d'une aile d'oiseau glisse au-dessus du stade. Ne pas m'éparpiller, rester bien centré au milieu de la cage. Il va reculer pour prendre son élan ; il faut que j'arrête son tir. Absolument. Toute l'équipe compte sur moi ; leur espoir me pénètre, leur foi me fortifie.

Instant immobile, suspendu entre lui, le ballon, et moi. Seul, le ballon a osé un frémissement... enfin, je crois....

Mado Cafedjian

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Rédigé par Carmella - Christian- Mado

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Publié le 27 Juin 2016

Ville sous la pluie -Bolotov

Ville sous la pluie -Bolotov

En 2016, l'atelier d'écriture s'en va flâner en ville et nous raconte...

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LES TEXTES DES SUJETS DU MOIS :

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Rédigé par Carmella

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