Après une marche harassante, mon corps tout entier crie fatigue. Le sentier rocailleux, bordé d’odeurs de terre mouillée et de fougères écrasées, m’a menée jusqu’à la cascade du Voile de la Mariée. Majestueuse, elle fend la paroi dans un bruissement puissant, tombant en voile léger dans un bassin. L’eau est transparente, comme un miroir d’altitude. Autour le silence est étonnant.

Pieds nus sur les roches sombres, aux teintes volcaniques, comme si le sol avait gardé en mémoire le feu du « Piton de la Fournaise », je frissonne. Je suis déjà trempée, l’eau est glacée. Mes cheveux, plaqués contre mon visage, dégoulinent sur mes joues. L’air est frais, chargé d’embruns. Chaque goutte sur ma peau est une caresse vivante. Un bien-être m’envahit, j’ai l’impression de vivre un rêve éveillé.

Soudain, je glisse ! Je n’ai pas le temps d’avoir peur. Deux bras puissants m’enlacent. Un autochtone au regard de braise me ramène à l’équilibre. Son contact est chaud, rassurant, presque irréel.

Je souris, un peu sonnée. Mon cœur bat fort, mes sens sont en alerte, je me laisse tomber dans l’eau, cette fois, volontairement, sous ses yeux amusés.

Un moment suspendu, un bonheur brut, sauvage, comme seule La Réunion sait offrir.

Josiane

LES TEXTES

Raymonde et Robert

Elle : Tu parles de qui, là ?

Lui : Mais de moi voyons. Tu vois quelqu’un d’autre ici ?

Elle : Je croyais que tu parlais de ton meilleur...et seul ami...René !

Lui : René, ce bellâtre à la bouche pleine de dents...Fausses d’ailleurs. Moi, au moins, je n’ai que du vrai, rien que du naturel. Ça se voit non ?

Elle : Son épouse, mon amie Gisèle, m’a confié qu’il était bien...Partout. Et quand je dis partout c’est partout. Entre femmes on se confie des anecdotes croustillantes. Enfin, elle, parce que moi j’ai plutôt du mal à dialoguer sur le sujet...Si tu vois ce que je veux dire…

Lui : Et voilà ! Quand je pense à toutes les années que j’ai sacrifiées à satisfaire tes demandes les plus folles pour ton plus grand bonheur...Va remplir ma bouteille de vieille prune, ça te changeras les idées.

Raymond, lisant son journal :

Elle : Ils ont dit « Les retraités » Tu n’est pas le seul. Certains ont eu une vie bien remplie et méritent cette appellation...Eux !

Lui : Je suis représentatif de ce qui se fait de mieux. Je m’accorde à croire que si je dirigeais le pays, je serais le plus compétant pour ce faire…

Elle : En deux mots ? Parce que avec tout ce que tu a lâché cette nuit, les roses du salon sont toutes flétries.

Lui : Tais-toi femme tu n’y comprends rien. Tricote mon pull que j’attends depuis trois ans et ne te mêle pas de politique. Laisse faire et dire ceux qui savent.

Elle : Parce que toi tu sais ?

Lui : Assez de discussions stériles. Il est temps d’allumer la télé.

Elle : Mets-moi mon feuilleton, il ne va pas tarder à se déclarer et à l’embrasser.

Lui : Foutaises ! Je veux voir ma fortune en direct...J’ai eu un tuyaux sur et je suis impatient d’assister à la course du tiercé.

La télé :

Les chevaux sont sous les ordres. Le départ vient d’être donné. La course est rapide les chevaux débouchent du dernier tournant. Les vainqueurs sont le 1 le 2 et le 3. Arrivent , maintenant, les trois derniers, les numéros : 10, 12 et 13. Ils ont dû s’arrêter en chemin pour brouter des pâquerettes. A vous les studios !

Lui : Comment des pâquerettes ? C’était un tuyau de première bourre. C’est un complot ! C’est certainement la télé qui est déréglée.

Elle : Arrête de bousculer le poste, il est plus intelligent que toi. Quand on est un gros nul on est nul dans tous les domaines. J’espère qu’il nous reste de quoi manger ?

Lui : Naturellement, tu me prends pour qui ? Je vois clair et j’ai l’esprit vif...*

Elle : Quand on ne voit même pas sa femme c’est qu’il faut des grosses lunettes. Nul et aveugle, j’ai vraiment touché le gros lot.

Lui : Bon ça va ! ça va ! Je te remets ton feuilleton. Alors, contente ?

Elle : L’épisode est presque fini. Je suis sûre qu’il l’a embrassée et j’ai raté cette scène que j’attends depuis quatre semaines.

Lui : Attends la semaine prochaine...Il va certainement la sauter..

Fernand

Dany-L

• Ah là là...Ils ont taillé la haie de fusains, non..? Pa-pa- pa- toutes ces fenêtres...sont tous à la fenêtre...Nous regardent quoi !

• Et toi Robert tu fais quoi ? Tu as fini de mater ce qui a en face ?

• Je regarde pas Raymonde, je VOIS

• Et ben moi je VOIS pas je tricote...

Dans la rue dénudée du coup, passe le laitier puis le facteur et la voisine courant vers l' école et les petits courant après ses jupes ; passent un cycliste deux cyclistes puis une armée de vélos suit un mégaphone qui aboie dans une jeep, un drapeau à sa suite et des voix en cascade scandent un slogan improbable mais bruyant

• qu' est-ce qui dit, qu' est-ce qui fait, qué qui ya sur le drapeau ?

• GERMAINE MES LUNETTES

• T'as pas besoin de lunettes mon bon ; il fait assez clair, Non ?

• RAYMONDE, tu me les brise menu, nom de D..,passes-moi mes verres y a des gens qui défilent en face, c' est peut-être la guerre

• Pour quoi faire les lunettes, tiens ferme la fenêtre et lis ce programme

• On s' en fout c'qui a sur le programme, c' est dehors que tout se passe

• ROBERT !! maintenant tu la fermes et tu zappes

A la télé, hors champ, dans ce temps hors du temps...

...Et la guerre au Liban patati patata... cent morts...menace de l' Iran sur Israel ; non Israel bombarde Iran...patati...patata, conflit armé les Etats non unis se débinent et la bombe nucléaire non , neuf bombes nucléaires en suspens sur la tête du monde tétanisent l' Univers et blessent la terre ta- ta-ta- ta, cinq cent morts et des poussières ou l' inverse cinq cent poussières et des morts ….......................................................ZAP-ZAP..................................................................

Le cancer du colon a atteint l' Ukraine, grenier à blé de l' Eurasie occidentale ; atteint en son for intérieur, Zelinsky dans ses suprêmes retranchements émet une hypothèse sensée :

Sacré géranium

Marie-Thérèse