Le militaire les regarde d’un air sévère.
Olivier serre le poing… comprend rien ce con… Il garde son calme et répète pour la troisième fois :
- On est en vacances, holidays, for a few days. On repart dans quatre jours en France. On s’est perdus, lost, lost to go to Rachel.
Quelle merde... Laura commence à paniquer.
Il avait pourtant bien commencé ce voyage.
Olivier et Laura avaient décidé de refaire un périple aux États-Unis. Ils avaient adoré New York, il y a deux ans, et s’étaient promis de visiter toutes les grandes villes américaines. Cette année, ce serait la Californie, San Francisco et Los Angeles. Ils ont atterri à San Francisco la semaine dernière, ont visité la Maison bleue de la chanson, l'île et ancienne prison d'Alcatraz, admiré le pont du Golden Gate, les maisons victoriennes, les nombreuses collines découpées de rues en pente. Main dans la main, le nez au vent, l’amour en bandoulière, ils ont passé quelques jours merveilleux à explorer, photographier, relater découvertes et anecdotes dans leur journal de voyage.
Jusqu’au jour où ils tombent sur un prospectus vantant la petite ville de Rachel, surnommée la "capitale mondiale des OVNIs". Elle se trouve le long de la célèbre Extraterrestrial Highway (la Route 375), abrite le Little A'Le'Inn, un restaurant et motel à thème extraterrestre, où les visiteurs peuvent déguster des plats comme le "Alien Burger" et discuter avec les locaux des mystères de la Zone 51, base militaire ultra-secrète. Trop tentant, ces OVNIs, allons-y, of course !
Pour rejoindre Rachel, située dans le Nevada voisin, la distance routière est autour de 912 km. Nos amoureux louent un bon gros véhicule dont les Américains ont le secret et les voilà partis. Une journée sur la route, le désert autour d’eux, ils ont l’impression d’être dans un film. La nuit tombe quand ils arrivent à destination, ou presque. Sous un ciel étoilé, sans OVNI… dommage..., ils longent de hautes grilles, lentement, cherchant un panneau indicateur, quand deux soldats en armes, surgis de l’obscurité, les arrêtent sans ménagement. Regard dur, air menaçant, vociférant des paroles qui, sans qu’ils les comprennent entièrement, ne semblent guère accueillantes. Leur véhicule est saisi et eux, embarqués dans une jeep, emmenés dans ce bureau, devant ce militaire pas commode pour deux sous qui leur répète en boucle la même question :
- What were you doing at night around Area 51? Spy ?
- Non, no, not spy, on n’est pas des espions, french touristes, holidays, perdus, lost to go to Rachel. Phone french ambassy, please..
Olivier a envie de hurler... C’est un cauchemar, on va pas finir en taule, quand même… Il se tourne vers Laura, elle a les yeux humides, des larmes perlent au bord des cils... Moi qui voulais lui offrir un voyage inoubliable, c’est réussi !
L’homme finit par décrocher le téléphone. Au bout du fil, l’ambassade française explique à ses ressortissants :
- Vous vous êtes égarés près d’un site sensible. La Zone 51 est une une base ultra-secrète servant à abriter des recherches sur une race extra-terrestre. Elle abriterait le vaisseau accidenté de l'affaire de Roswel. Elle est classée secret défense par l'US Air Force et interdite au survol aérien. Vous ne pouviez pas faire pire ! On vous envoie quelqu’un pour vous aider à sortir de là. En attendant, coopérez au maximum.
Laura ouvre des yeux horrifiés... Pourvu que… on va pas rester ici… Des images de prisonniers accusés d’espionnage, retenus dans des prisons étrangères pendant des mois, voire des années, avec des peines redoutables, traversent son esprit... Mon Dieu… non, pas ça !
On leur retire leurs téléphones, leurs sacs ; on les enferme dans une cellule pour la nuit. Une longue nuit au sommeil en pointillé et à l’angoisse prégnante.
Le lendemain, l’envoyé de l’ambassade est là. Il fait office de traducteur, ce qui rend les choses plus simples. De leur côté, les autorités américaines ont fouillé les téléphones et les vies de jeunes Français. Une évolution favorable se profile. Après un dernier interrogatoire très pointu, Laura et Olivier sont autorisés à partir avec l’injonction de quitter le Nevada illico, ce qu’ils s’empressent de faire sans demander leur reste.
On l’a échappé belle… Les mains d’Olivier tremblent quand il récupère ses affaires.
Retour fissa en Californie, cap sur Los Angeles, Hollywood, le ciné, le glamour, les paillettes, la légèreté. Et au moins, pas de risque de se perdre. Le grand panneau en lettres blanches, ‘‘HOLLYWOOD’’, dressé sur la montagne, les guidera vers la fin de leurs vacances.
Dommage pour Rachel et les OVNIs... Vague regret pour Laura, vite oublié en apercevant les silhouettes des premiers gratte-ciel se découper sur un ciel aux nuages roses, les palmiers immenses, comme une haie accueillante, défiler au bord de la route. Ils terminent leur séjour prudemment, sans s’éloigner des zones touristiques. Los Angeles sous toutes les coutures, pendant les trois jours qui leur restent. Mais, envolée l’insouciance heureuse qui les habitait à San Francisco. La peur en sourdine, l’œil aux aguets, les uniformes à éviter...
C’est heureux et soulagés qu’ils verront arriver le dernier jour de leurs vacances et l’aéroport. Qu’une envie : embarquer, et vite ! Ils ne se sentiront vraiment en sécurité que lorsque l’avion aura décollé.
C’est bien la première fois que je suis content de retourner au boulot.. Olivier sourit à Laura.
- Pour nos prochaines vacances, on verra…
- On verra, acquiesce Laura.
Mado
✈