Au soir de sa vie, entre vignes et océan, une femme s’interroge sur la meilleure façon de continuer son chemin.
Poursuivre ? Changer ? À partir de quand est-on « vieux » ? Les responsabilités sont-elles une entrave à la liberté ? Doit-on suivre les conseils de ceux que l’on aime ? Autant de questions qui entourent une décision qu’elle est seule à pouvoir prendre...
MARJOLAINE OU LA SAISON DES VENDANGES
Depuis la mort prématurée de son mari, Marjolaine présidait seule aux destinées du domaine.
Elle avait dû engager un œnologue pour maintenir la qualité qui était la raison de vivre de Constant.
Mais tout le reste lui incombait : la gestion du personnel et des querelles d'ego, la surveillance et le contrôle de la taille, des traitements... Même en bio, il en fallait. L’aléa climatique était un souci permanent. Que de nuits sans sommeil quand la météo annonçait de la grêle, ou du gel. II fallait alors sortir en pleine nuit pour mettre en route les rampes de chauffage. Et, à près de quatre-vingts ans, elle commençait à fatiguer.
Bien avant les vendanges, il fallait aussi recruter suffisamment de volontaires, organiser le couchage dans les communs, et les grandes tables des dîners conviviaux qui faisaient chaque année de cette saison une fête inoubliable. Alors, elle virevoltait, passait d'une tablée à l’autre, recueillait confidences et nouvelles des uns et des autres, réfléchissait aux conseils qu'on lui demandait. C 'était très excitant.
Pour les vendanges, elle aurait bien continué sans compter les années !
Mais ses fils l'exhortaient à vendre. Aucun des deux ne pouvait, ne voulait, prendre la suite, ayant opté, l'un pour une carrière de pianiste international, l'autre pour un poste de manager aux États-Unis. Elle devait, selon eux, s'installer dans le grand appartement parisien, cesser de conduire et profiter tranquillement des richesses culturelles de la capitale.
Hier soir, elle avait comme chaque année regardé sur Internet les programmes de rentrée des salles de concert et des théâtres parisiens... En esprit, elle refit ses balades préférées, le long du boulevard Saint-Germain, puis de Saint-Michel, jusqu'au jardin du Luxembourg où elle avait rencontré Constant.. Grâce à lui, elle était allée écouter son premier opéra. Cosi fan tutte ; Les arias les plus célèbres lui revinrent en mémoire...
Trois coups discrets à la porte de son bureau la ramenèrent au domaine : elle devait ratifier la liste des candidats aux vendanges.
Pourrait-elle vraiment quitter tout cela et remplir sa vie de simples divertissements ?
Mais combien de temps pourrait-elle encore tenir le coup à ce rythme ? Et puis, tant de familles dépendaient de sa décision...
Elle était seule devant le choix à faire. Terriblement seule.
C'était le prix de la liberté.
Méditation
Pour échapper à l'activité du domaine, réfléchir sereinement à la décision qu'elle avait à prendre – vendre ou continuer –, Marjolaine avait besoin de se retrouver seule quelques jours.
Les vendanges étaient faites. C'était le moment.
Rien de mieux qu'une escapade jusqu’à l’océan.
On était déjà hors saison et elle avait trouvé sans difficulté une chambre dans ce petit hôtel de charme qu'elle aimait tant, isolé au milieu des dunes. Au programme de ces trois journées volées : dormir, nager, marcher, lire... Et surtout, faire le point de ses désirs et de ses priorités.
L'endroit s'y prêtait à merveille.
Le ciel était lumineux, ensoleillé. Quelques nuages semblaient jouer à se poursuivre. La plage, apparemment déserte, déroulait ses kilomètres de sable doré. L’eau était d'un vert légèrement gris, un ton d’huître, au parfum d'iode. La marée montait, grignotant en douceur l'espace, vague après vague. Un rythme régulier, léger, rassurant.
Vivant.
Une onde de sensualité joyeuse s'empara de Marjolaine. Après avoir traversé les dunes au milieu du frémissement des oyats, frêles et légers, mais solides, têtus, elle abandonna sa robe, puis poussée par une envie de faire librement corps avec la nature, elle se défit de son maillot. Le haut. Le bas. Nue. Au diapason.
Le soleil était doux sur sa peau. Et une brise légère l'enveloppait dans sa marche vers l'eau. Au rythme inlassable des vagues vint s'ajouter le cri de deux mouettes se chamaillant. Elle eut envie de leur répondre. Les grains de sable roulaient sous ses pieds à chaque pas...
Elle était ivre de liberté.
Risquer la vie
Ce bain de mer l’avait comme régénérée.
En sortant de l’eau froide, elle se frictionna, remit ses sous-vêtements et s’installa en demi-lotus sur sa serviette de bain, offerte au soleil d’automne. L’endroit et le calme se prêtaient idéalement à une séance de yoga et de méditation. Elle parvenait toujours à adopter les postures : il avait suffi pour cela de ne pas arrêter la pratique !
Lorsque la température commença à baisser, elle s’étira, se leva et respira un bon coup. Elle enfila sa robe et reprit le chemin de l’hôtel.
En regagnant sa chambre, elle sut que sa décision était prise… Étrangement, elle eut besoin de se regarder dans le miroir. Comme pour y chercher une confirmation. C’est vrai, elle n’était plus jeune. Mais pas aussi vieille que ne le craignaient pour elle ses deux fils ! Le domaine était sa vie… Et elle n’allait pas cesser cette vie maintenant. Comme pour le yoga, elle allait continuer à « pratiquer ». Elle allait se fatiguer ? Et alors ? Elle se ferait aider davantage, surtout pour ne plus avoir à aller protéger les vignes en pleine nuit. Et la fatigue lui semblait bien préférable à l’ennui.
Au diable l’excès de précaution. Tant qu’elle le pourrait, elle continuerait à diriger la vie du domaine. A prendre ce risque.
Le monde d’Aicha jeune femme afghane vient de s’écrouler par la prise du pouvoir des Talibans.
Elle refuse de subir le joug des hommes qui l’obligent à devenir une ombre, une femme objet.
Avec la complicité de sa famille, elle décide de partir, d’entreprendre un long voyage vers la liberté.
HISSEZ LE VOILE
Le vent qui soufflait dans sa tête lui rappelait les jours où elle pouvait s’exprimer. Sur l’écran blanc de sa vie, les images défilaient trop vite comme dans un vieux film de Charlot. Seul le cliquetis du projecteur semblait répondre à ses questions.
Fini les discussions entre amis, où, certains soirs, on refaisait le monde.
Elle écoutait ce vent, lui à qui on avait interdit d’ébouriffer ses cheveux. Même l’air qu’elle respirait se chargeait d’un parfum aux senteurs de renfermé.
Elle écoutait ce vent qui jouait avec son imaginaire pour lui permettre d’espérer.
Elle, elle ne pouvait pas croire que son monde s’était écroulé ; le regard perdu derrière sa grille, prisonnière de sa burqa, sur les parois de son cœur elle a écrit Liberté car elle sait que demain refleuriront les roses sur les routes de l’Afghanistan.
Le silence s’était installé dans les rues de Kaboul, comme une chape de plomb qui étouffait les murmures et les voix des femmes afghanes. Le Monde de Aïcha avait pris la couleur du bleu ou du noir. Non pas celui de l’encre qui lui servait à écrire mais de se voile que les talibans l’obligeaient à porter.
Le soir, enfermée dans sa chambre, elle apprenait par cœur les textes de ses livres. Comme un souffle de liberté et elle se disait :
« Ils n’auront pas ma liberté de pensée »
Étudiante en littérature française, elle se fixait comme règle de vie, la citation de Bernard Weber :
« Le secret de la liberté, c’est la librairie »
Pourtant la librairie Massoud avait du fermer ses portes et les livres prenaient le chemin de la résistance de l’ombre des interdits.
Heureusement pour Aïcha, son père et ses frères qui eux avaient le droit de sortir librement, lui fournissaient de quoi assouvir sa soif de lecture.
Et c’est ainsi que lorsqu’elle devait sortir, accompagnée par son père, enveloppée dans sa bulle bleue, elle s’obligeait à se réciter les vingt et uns quatrains du poème sur la liberté de Paul Eluard.
Aucune grille de fer ou de tissus ne pourra l’enfermer. Elle était libre !
Le soir, quand la nuit poussait le jour au delà des montagnes, Aïcha s’enfermait dans sa chambre pour écrire et pour lire. Elle enlevait son enveloppe et retrouvait sa liberté de mouvement. Nue elle aimait sentir le froid faire frissonner son épiderme. La tête en arrière elle jouait avec ses longs cheveux teintés de henné aux reflets cuivrés.
L’espace d’un instant, elle se retrouva ans la chambre de sa cousine où pendant des heures, elles discutaient sur le choix de la couleur. En ce temps la les cheveux étaient la parure de la femme.
Le reflet de la glace lui renvoya son image, sa décision fut prise, elle prit les ciseaux, ses longues boucles tombèrent sur le sol et formèrent un tapis, non pas de prière mais de révolte. C’était son sacrifice sur l’autel de sa liberté.
Il lui arrivait parfois de rêver qu’elle marchait le long d’une plage de sable. Le vent jouait avec ses cheveux en les échevelant à sa guise, elle fermait les yeux pour sentir la chaleur du soleil et les senteurs des embruns déposés sur sa peau. Doucement, elle se déshabillait, nue, abandonnant au milieu des herbes folles ses vêtements, alors elle pénétrait dans l’eau et s’allongeait sur le sable mouillé. Les vagues, délicatement comme un amant, caressaient son corps. Ce corps, ces cheveux qu’elle ne pouvait plus montrer.
Elle poussa un cri, NON !
Elle se réveilla. La plage, le vent, les vagues avaient disparu, la laissant seule devant sa réalité, une grille bleue devant les yeux.
Elle se mit à pleurer, ses larmes avaient un goût salé.
Par la fenêtre ouverte, elle regarda le ciel qui se teintait de rose à mesure que disparaissait le soleil derrière l’horizon.
« Rose du soir garde l’espoir », lui disait sa grand-mère.
Alors, séchant ses larmes au goût salé, elle s’adonna à son loisir, l’écriture. Sur une grande page blanche, elle laissa courir sa plume, ses mots comme des galets ricochant sur la surface de l’eau en laissant des traces, elle écrivait.
Elle écrivait une lettre à une amie qu’elle venait de perdre.
Je voudrais pouvoir te voir, avec toi parcourir la nature rougie par l’automne, sentir l’odeur de l’herbe mouillée, ces herbes folles qui poussent au bord de la plage. Naviguer en voguant sur l’eau bleutée du lac pour aller vers cette île pour écouter le bruit des gouttes d’eau. Hélas, aujourd’hui tu n’es plus là et je n’ai que mes mots, mon écriture pour laisser mon imaginaire pour te retrouver, toi mon amie, ma Liberté.
Elle avait refermé son cahier sur ce dernier mot. Elle ne s’était pas aperçue que la nuit avait fait fuir les dernières lueurs du jour. Un silence, pesant, lourd, angoissant était tombé sur la ville juste troublé par l’appel à la prière du muezzin.
Cette voix monocorde qui comme un éclair déchirait la nuit, était devenue pour Aïcha une injonction, un ordre donné à toutes les femmes d’oublier ce qu’elles étaient, d’obéir à la nouvelle loi.
Cette loi qui bafouait le droit à la femme de tout simplement plaire en lui supprimant sa liberté individuelle de choisir comment elle devait et avec qui faire sa vie.
Aïcha se réfugia doucement dans son monde où seules ses pensées qui se bousculaient dans sa tête arrivaient à couvrir le son de cette voix.
Certains soirs, elle en arrivait à rejeter toute son éducation.
« Un jour, je partirai » se promit-elle avant de s’endormir.
La nuit était devenue pour elle le refuge de sa liberté.
Un matin où le jour venait à peine de se lever Aïcha avait pris sa décision, elle devait partir. Déguisée en homme, elle put avec la complicité de son père et de ses frères, rentrer en contact avec un réseau de résistants qui, à travers la montagne et les pistes défoncées, l’accompagna vers le Pakistan. Là, elle fut prise en charge toujours sous l’apparence d’un homme pour traverser le pays et se diriger en Inde où elle avait de la famille Sa tante était mariée avec un Hindou. Cette quête vers la liberté fut longue et dangereuse ; plusieurs fois Aïcha fut sur le point d’abandonner. Enfin après un long mois de clandestinité et de privation, elle arriva à Jaipur et retrouva ses parents où elle put retrouver son apparence de femme. Mais pour Aïcha, le voyage ne pouvait pas s’arrêter là car en Inde aussi la condition de la femme est difficile, le poids de la religion et des traditions remet en cause leur droit. Pendant de longs mois qui lui parurent une éternité Aïcha travailla dur pour pouvoir mettre suffisamment d’argent de côté pour s’acheter le passeport vers la liberté, son billet d’avion pour la France. Sa tante lui fut d’un grand secours ; elle qui avait fui son pays, comprenait les désirs de sa nièce et l’aida financièrement.
Le bruit des roues qui venaient de toucher le tarmac sur l’aéroport Charles de Gaulle, réveilla Aïcha. C’était pour elle une musique douce qui avait comme notes « Liberté Égalité Fraternité ». La vie pour elle allait recommencer, tout du moins c’est ce qu’elle espérait en serrant contre son cœur le livre de Simone de Beauvoir, à la célèbre phrase : « On ne naît pas femme, on le devient ».
A Chantal, employée dans une caisse de retraite, se présente l’occasion de réorienter son activité professionnelle. Cet évènement et d’autres de moindre importance lui font prendre conscience qu’un changement de vie, avec à la clé une plus grande liberté, est possible.
Quatrième de couverture :
Chantal, fragile et influençable, arrive peu à peu à agrandir son espace de liberté. L’occasion de changer de profession nécessite d’elle une prise de décision radicale. Courageusement, elle avance dans cette nouvelle voie jusqu’à trouver l’amour sur son chemin.
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LA CONQUÊTE DE LA LIBERTÉ, UN COMBAT DE TOUTE UNE VIE
Entre rêve et réalité
Chantal regarde sa montre. 14:30 heures. Encore trois heures de travail, trois heures d’ennui. Et encore dix ans jusqu’à la retraite, pense-t-elle tout en se replongeant dans ses papiers, sur ses chiffres. Elle travaille pour une caisse de retraite. Sa vie professionnelle consiste à vérifier les trimestres, ceux travaillés, ceux de chômage retenus, ceux de maladie et de maternité. C’est mortel. Sa pensée s’évade, attirée par le ciel bleu qu’elle aperçoit à travers la vitre. Qu’est-ce que je serais bien à la plage, avec mes amies. Un grand soupir lui échappe. En même temps, un coin de son cerveau compare les dates, les chiffres. Ah, il y a une erreur ! Elle oublie la plage pour revérifier, se concentrer sur son travail. Effectivement, l’ordinateur n’a pas tenu compte d’un petit boulot de vacances d’une cliente ? Usagère ? Contribuable ? Citoyenne ? Future retraitée ? Salariée ? Assurée ? Bénéficiaire d’une retraite personnelle ? Elle se demande comment appeler les gens pour lesquels elle rattrape des erreurs, comme ici, et qui sont quand même, la plupart du temps, mécontents, désagréables, en colère, qui l’insultent, la menacent, cherchent à l’intimider, la prennent de haut, se plaignent d’elle auprès de son chef de service. Sans résultat, bien entendu. Un deuxième soupir sort des profondeurs de sa poitrine.
Elle a fini avec les trimestres, elle passe aux cotisations versées. Pas terrible. Elle aura une petite retraite, cette dame. Voilà, elle a déterminé le montant de sa retraite. Au moins elle ne sera pas imposable, pense Chantal.
La porte s’ouvre, la dame en question est là. Elle s’est habillée avec soin pour l’occasion. Elle se croit où ? Elle pense que ça change quelque chose ?
Chantal la fait s’asseoir, lui expose les chiffres, les trimestres, les cotisations, le montant de la retraite. La dame la regarde, incrédule.
Mais ce n’est pas possible, dit-elle. J’ai travaillé toute ma vie. Il doit y avoir une erreur.
Non, il n’y a pas d’erreur, répond Chantal, j’ai vérifié.
Mais on ne peut pas vivre avec ça, comment je vais faire ?
Chantal a l’habitude, sa réponse est prête :
Mais vous avez aussi la retraite complémentaire, vous allez voir. Je vous conseille de vous en occuper dès maintenant.
Elle aperçoit la lueur d’espoir dans les yeux de son interlocutrice et se sent misérable. C’est toujours ainsi qu’elle se débarrasse des gens déçus, désenchantés, désespérés. La dame ramasse ses papiers, se lève, part pleine d’optimisme. Chantal range son bureau, prend ses affaires, part pour l’endroit qui l’attend après ses journées de travail harassantes, un endroit où elle a l’habitude de se ressourcer, d’oublier la dure réalité, celle de son métier mais aussi celle des futurs retraités. C’est la librairie au coin de la rue. C’est son espace de liberté, c’est là où elle peut rêver plus loin.
Changement de métier, changement de vie
Comme tous les jours de la semaine, Chantal est assise derrière son bureau à comparer semestres, salaires, cotisations. Aujourd’hui, elle a encore plus de mal que d’habitude à se concentrer. Elle n’arrête pas de penser à une conversation qu’elle avait eu samedi dernier avec son cousin François lors du mariage de sa nièce Luise. Il l’avait entraînée à l’écart de la fête. Dans un coin tranquille du vaste jardin il lui avait proposée d’entrer dans la société dans le cadre de laquelle il exploitait un domaine agricole. C’était une société d’exploitation agricole à responsabilité limitée. Un des trois associés partait pour prendre sa retraite, et François proposait à Chantal de racheter ses parts.
Il y a quelques années, son cousin s’était converti à l’agriculture biologique. Selon lui, les débouchés pour ses produits ne manquaient pas. Il était en fait davantage maraîcher qu’agriculteur, et livrait ses légumes et ses pommes de terre à plusieurs restaurants de luxe de la Côte d’Azur. Il avait aussi l’agrément pour la vente à la ferme, et là où sa ferme était située, au bord du Var, il avait des clients réguliers, ceux qui possédaient une résidence secondaire dans l’arrière-pays niçois et qui se fournissaient en légumes lors de leurs transhumances quasi hebdomadaires. Parmi ses clients se trouvaient aussi des touristes de passage. Pour eux, et surtout pour leurs enfants, le pittoresque de la vie rurale faisait partie de leurs meilleurs souvenirs de vacances. La plupart du temps, ils ne chipotaient pas sur les prix. Bref, selon le cousin, la ferme se portait bien, loin des supermarchés le bio se vendait tout seul, ou presque.
Pour Chantal, céder à la proposition de François signifiait un bouleversement de son mode de vie, de ses habitudes. Il faudrait renoncer à son bureau bien chauffé l’hiver et climatisé l’été. Il faudrait travailler à la ferme par n’importe quel temps, effectuer un travail physique fatiguant dont elle n’avait pas l’habitude. Pareil pour le temps de travail, fini les trente-cinq heures légales. Il fallait travailler lorsque la nature ou les clients l’exigeaient. François avait cherché à la rassurer. Certes, il n’y avait pas un emploi de temps immuable, mais la vie à la ferme laissait du temps à des moments de loisirs. Surtout, avait-il insisté, nous sommes trois et on peut toujours s’arranger.
En fait, qui c’est, le troisième associé ? avait alors demandé Chantal.
C’est un ingénieur agronome, sa spécialité est l’agroécologie. Nous ne faisons donc pas n’importe quoi, les recherches dans le domaine de l’agriculture biologique sont très avancées, et c’est même l’agriculture traditionnelle qui s’en inspire et qui commence à adopter certaines pratiques qui viennent de l’agriculture bio. D’ailleurs, c’est écrit noir sur blanc sur le site du ministère de l’agriculture, avait répondu François avec fierté.
Dans son bureau bien tempéré, Chantal se remémore le moment où il lui fallait choisir un métier. Elle avait été bien jeune à l’époque, elle ne connaissait rien de la vie, elle n’avait pas de passion comme par exemple son frère, qui voulait devenir vétérinaire quoi que ça coûte. C’était peut-être aussi un peu pour ça, pour le coût des études de son frère, que toute la famille, ses parents, son frère, l’avaient poussée vers un travail dans l’administration, un travail qui n’exigeait pas des longues études. Un jour, elle avait surpris son père dire à sa mère : c’est une fille, elle va se marier. Chantal n’en veut à personne. Ce qui est fait est fait. Mais maintenant, elle avait un choix qu’elle aurait peut-être déjà eu à l’époque, mais à l’époque, les arguments de ses parents lui paraissaient pertinents, la sécurité de l’emploi, sa régularité, son confort, sa rémunération acceptable. A l’époque, elle croyait que ses parents savaient ce qui était bien pour elle, elle ne s’interrogeait pas sur la justesse de leurs conseils. Elle voulait aussi leur faire plaisir, ne pas les contrarier. De plus, habiter à la campagne, passer sa vie dehors était tellement naturel pour elle qu’elle ne réalisa pas à quel point elle aimait être en plein air, dans la nature, sentir le soleil et le vent sur sa peau. Elle ne s’imaginait pas que le monde stérile de son bureau allait la faire faner.
Mais il n’était pas trop tard ! Le jour avant, signe d’une déformation professionnelle, elle avait déjà calculé sa retraite. Même si elle allait augmenter de beaucoup moins avec sa nouvelle activité, elle devrait en toucher assez pour mener une vie décente. Chantal décroche le téléphone.
Je suis d’accord, dit-elle.
Des vacances en toute liberté
A tour de rôle, les membres de l’exploitation agricole commune prennent leurs vacances, chacun part une bonne semaine. Chantal, dernière arrivée, dernière servie, attend son congé avec impatience. Françoise, une cousine qui habite dans les Landes, au bord de mer, l’a invitée. Françoise n’arrête pas de vanter la beauté de sa plage, un petit coin de paradis, selon elle.
Pourtant, Chantal a quelques appréhensions. Ses souvenirs de plage ne sont pas tous bons, loin de là. Elle a connu une plage de galets, bordée par une promenade empruntée par des promeneurs, certes, mais aussi par des voyeurs qui la mettaient très mal à l’aise et l’empêchaient d’enlever le maillot mouillé pour le remplacer par un maillot sec. En plus, s’allonger sur des galets était très inconfortable, il y avait toujours un caillou qui dépassait, qui gênait. A peine enlevé, un autre prenait la relève. Lorsqu’elle avait ainsi déplacé une bonne dizaine de galets sans trouver du confort, elle devait se rendre à l’évidence. Il fallait soit partir, soit supporter stoïquement l’inconfort de la couche. Après avoir opté pour la deuxième possibilité, elle avait rapidement trop chaud, le soleil lui brûlait la peau, il fallait se rafraîchir dans la mer. Mais alors qu’allongée, le poids du corps était reparti sur une surface assez large, en position débout, toutes les irrégularités du sol étaient concentrées sous les pieds, et tout le poids du corps reposait sur eux. Mais ce n’était pas tout. Les galets étaient brûlants, et ne faire que trois ou quatre mètres jusqu’à la mer était un vrai calvaire. Chantal essayait de marcher sur la pointe des pieds, mais perdait alors l’équilibre sur le sol irrégulier.
Chantal a aussi des souvenirs d’une plage de sable, elle aussi bordée par une large promenade, qui ne désemplissait pas d’hommes épiant les baigneuses. Toutefois, pour s’allonger sur la serviette, c’était mieux. C’était même un plaisir d’imposer au sable fin et chaud les formes de son corps. Puis, c’était très agréable de le laisser glisser entre les doigts, des mains et des pieds. Mais à l’heure du pique-nique, quelle galère ! Pour peu qu’il y avait une petite brise, le sable virevoltait pour assaisonner son pain bagnat, ou sa pissaladière. L’appareil digestif des poulets en a besoin, du sable, pensait-elle. Espérons que ce n’est pas non plus mauvais pour moi. Mais n’empêche, c’était désagréable, le sable qui grinçait entre les dents, qui se collait aux doigts badigeonnés d’huile d’olive. Puis, sur une plage de sable, où on peut se mouvoir sans se faire mal, les enfants, et même les jeunes adultes, couraient vite, faisaient un vacarme de diable, jouaient au ballon, au frisbee, qui aboutissait plus d’une fois sur la tête de Chantal. Certes, il y avait aussi du bruit sur la plage de galets, mais il était plus étouffé, plus discret. Le plus dur, c’était le départ. Elle s’asseyait sur la marche la plus haute de l’escalier qui reliait la plage à la promenade, secouait vigoureusement ses vêtements, sa serviette, son sac, ses sandales. Elle essayait de dessabler ses cheveux, ses pieds. Après une dizaine de minutes, elle s’estimait débarrassée du sable mais arrivée à son logement de vacances, elle devait se rendre à l’évidence que ses efforts avaient été vains.
Françoise amène Chantal à la plage dès le lendemain de son arrivée. Elles quittent la petite ville sur des bicyclettes et longent le bord de mer sur environ trois kilomètres. Françoise s’arrête, « c’est ici », dit-elle. Chantal voit bien la mer au loin, mais devant elle se dressent des palissades, qui entourent des plantes assez hautes, souples, qui se plient comme des roseaux en étant fines comme des herbes.
Ce sont des oyats, explique Françoise. Ils fixent le sol des dunes pour que le sable se stabilise, qu’il ne parte ni dans la mer, ni vers l’intérieur des terres.
Ce n’est pas très joli, répond Chantal, vaguement déçue.
Tu vas voir c’est très bien, rassure Françoise, en s’engageant sur un sentier entre deux palissades.
Au bout d’un moment, Chantal s’arrête net. Elle vient d’apercevoir une jeune femme à poil, mais vraiment complètement à poil.
C’est une plage nudiste ?
Oui et non. C’est une plage nudiste parce que la plupart des gens sont nus. Mais ce n’est pas une plage nudiste officielle.
C’est quoi, la différence ?
Je pense que quelqu’un les a arrachées, mais au début de l’été, des affiches sont placardées à différents endroits précisant que la nudité est interdite en application de je ne sais quel article du Code Pénal. Donc, officiellement, ce n’est pas une plage nudiste.
Et si la police débarque ?
Elle n’est jamais venue, elle a bien mieux à faire.
Et alors, une plage nudiste officielle, c’est quoi ?
Dans ce cas, l’article je ne sais plus lequel du Code Pénal ne s’applique pas. Une association de nudistes a alors conclu un accord avec la Mairie, ou la Préfecture, je ne sais pas, pour que telle ou telle plage soit nudiste.
Mais c’est mieux ? Non ?
Non, parce ce que parmi les nudistes, tu trouves des vrais intégristes. Pour eux, la nudité est obligatoire sur ces plages, alors que sur cette plage-là, chacun fait comme il veut. Si ça te gêne de te mettre à poil, tu peux garder ton maillot, personne ne te dira rien. On fait juste la chasse aux voyeurs, ceux qui viennent pour reluquer les femmes.
Faut-il le préciser ? Chantal a passé d’excellentes vacances, à poil à partir du deuxième jour.
La lettre de Chantal
Ma très chère Françoise,
Jamais je ne pourrais te remercier assez pour les belles vacances que j’ai pu passer en ta compagnie. Dès mon arrivée, un sentiment de liberté m’a envahie et il ne m’a pas encore quittée. Je me sens comme un oiseau qui abandonne sa cage, comme un lion qui s’échappe du cirque, comme un élan qui saute par la clôture du zoo, comme un cheval qui quitte son enclos, comme un canard qui prend son envol, comme une chèvre qui s’aventure seule dans la montagne, comme un lapin qui profite d’un trou dans la clôture, comme le taureau qui bondit hors de l’arène, comme une poule qui cache ses œufs, comme les poussins qui en sortent en liberté et qu’elle amène loin des impératifs de productivité.
Je pourrais continuer ainsi, mais cela ne traduirait pas fidèlement mon nouveau bien-être, la faculté de profiter de tous les petits plaisirs que la vie m’offre, l’odeur de l’herbe fraîchement coupé, le pré parsemé de pâquerettes devant ma fenêtre, des pâquerettes de bois, qui y ont poussé d’elles-mêmes en toute liberté, l’air que je respire, la musique et surtout la symphonie pastorale que tu m’as fait découvrir, l’image des dunes à perte de vue que tu m’as offert. Je l’ai fait encadrer et accroché en face de mon lit, c’est la première chose que je vois le matin, la dernière avant de m’endormir.
Ces choses existaient avant, bien sûr, mais, libérée de mes peurs, de mes préjugés, je porte un regard nouveau sur le monde qui m’entoure. Merci beaucoup Françoise, et à très bientôt.
Chantal
Être ou paraître
C’est le soir. Après s’être occupée toute la journée à récolter les pommes, les poires, les figues et les pommes de terre, à les ranger dans des cageots et à servir des clients de passage, Chantal est épuisée. Après le dîner, un rapide coup d’œil sur le journal télé lui apprend que, comme d’habitude, il n’y a rien qui pourrait l’intéresser. D’humeur nostalgique, elle sort ses albums photo.
Là, elle a 20 ans. Elle était jeune, grande, mince, jolie. Un soupir s’échappe de sa poitrine. Elle tourne la page. Elle a toujours 20 ans, mais elle porte une autre robe. Qu’est-ce qu’elle avait comme vêtements, des robes, des jupes, des chemisiers, des t-shirts, des jeans et autres pantalons, des pantacourts, des bermudas, des shorts, des vestes, des pulls, des sweat-shirts, des manteaux, des parkas, des écharpes. Elle suivait tous les modes, jupes mini, jupes jusqu’aux genoux, jupes jusqu’aux chevilles, jupes plissées, elle utilisait toutes les matières, le cuir, les fausses fourrures, le cachemire, la laine, le coton, la mousseline, le velours, côtelé ou pas, le denim, la soie, le jacquard, les tissus lamés, le lin, le loden. Elle portait toutes les couleurs. Tout son argent passait dans sa garde-robe. Pire, elle était fauchée à partir du 15 du mois. Sa mère, tout en lui faisant la morale, lui donnait en douce un peu d’argent pour qu’elle puisse finir le mois. C’était honteux, humiliant, vexant, mortifiant, mais elle avait un tel besoin de plaire, de charmer, d’attirer l’attention, de surprendre, de faire des envieux, de se mettre en valeur qu’elle ne pouvait pas faire autrement. Elle attendait avec impatience la sortie des nouveaux magazines de mode, les étudia attentivement pour décider de son nouveau look, de ses nouvelles acquisitions, pour être toujours branchée.
S’il lui arrivait à l’occasion – très rarement en fait – de porter des vêtements de l’année précédente, elle se sentait mal à l’aise, minable, elle avait envie de se cacher, de disparaître, d’être invisible. Elle avait l’impression que tout le monde la regardait, la jugeait, avait pitié ou se moquait d’elle.
Cette obsession de plaire lui gâchait l’existence. Elle n’avait pas les moyens de faire du ski, de jouer au tennis, de faire des voyages comme certains de ses amis. Sa belle garde-robe, elle la mettait surtout pour aller travailler, puisqu’elle n’avait pas les moyens d’aller au restaurant, au théâtre, à l’opéra, aux concerts. Parfois, mais pas trop souvent, elle pouvait se permettre un cinéma.
Un jour, un collègue de travail lui parla de sa frénésie vestimentaire. Il lui expliqua que le besoin de plaire est la première restriction de la liberté individuelle. Elle protesta vivement, mais peu à peu, en y réfléchissant davantage, elle a dû lui donner raison. C’était difficile de changer de comportement, d’abandonner cette drogue, de se trouver d’autres centres d’intérêt, d’autres valeurs, mais elle y est parvenue. Comme elle n’était plus obnubilée par son aspect physique, elle a pu s’intéresser davantage à ses amis, à ses collègues de travail, à sa famille. Elle a pu constater que tout le monde avait des problèmes, des défauts, des imperfections. En développant des rapports plus chaleureux avec son entourage, elle a pu se rendre compte que sans ses beaux vêtements, en étant habillée comme tout le monde, elle était mieux appréciée, mieux à l’aise et finalement plus heureuse.
A la recherche du mot juste
Vu ses antécédents professionnels, c’est Chantal qui s’occupe de la comptabilité. Ainsi, un jour triste, gris et humide de fin novembre, elle est assise dans le petit bureau qu’elle partage avec ses deux coassociés, son cousin François et Éric, lorsque ce dernier y entre. Il parle du temps qu’il fait, lui pose quelques questions sur les comptes, développe ses projets de culture pour la saison à venir. Au bout d’un moment, il lui reparle de la compta.
Chantal commence à s’affoler. Avait-elle commis des erreurs ? Ne lui faisait-il pas confiance ?
Tu peux tout vérifier, lance-t-elle, tout est en ordre, il y a des justificatifs pour toutes les dépenses.
Eric la regarde, interdit.
Mais non, ce n’est pas du tout ce que j’ai voulu dire.
Tu veux dire quoi, alors ?
Eric se tait. Au bout d’un instant, il dit prudemment :
Je suis bien avec toi.
Chantal rougit, se penche sur ses comptes. A-t-elle bien entendu ? Était-ce une déclaration d’amour ? Son cœur se met à battre la chamade.
Moi aussi, je suis bien avec toi.
Chantal voit le soulagement sur les traits d’Éric, il esquisse un sourire, s’avance et prend sa main.
Tu m’as plu dès ton arrivée, et plus ça va, plus je trouve qu’on s’entend bien, qu’on rit pour les mêmes raisons, qu’on aime les mêmes films, les mêmes livres et qu’on a des réactions similaires face à l’imprévu. Je suis à l’aise en ta compagnie, détendu, heureux. Quand je suis avec toi, aucun problème ne me paraît insurmontable.
Oui, nous sommes devenus des bons amis, nous nous entendons bien tous les trois, répond Chantal.
Le visage d’Eric se referme, il retire sa main. Chantal réalise qu’elle a commis une erreur. C’est maintenant elle qui prend sa main. Encouragé, Eric poursuit :
Il y a plus que ça, il y a plus que de l’amitié entre nous.
Il va enfin le dire, pense Chantal. Mais non, il murmure :
Tu ne trouves pas qu’il y a plus ?
Ses yeux implorent une réponse, mais Chantal non plus, elle ne veut pas lâcher le mot. Pourtant, elle a pitié de lui, et du coup aussi d’elle-même. Elle se lève, contourne le bureau, le serre dans ses bras et lui donne un longue baiser. La porte s’ouvre, son cousin entre, ou plutôt, reste sur le seuil de la porte, stupéfait.
Qu’est-ce que vous faites ?
On profite de notre liberté sexuelle, répond Chantal joyeusement.
TITRE : LA CONQUÊTE DE LA LIBERTÉ, UN COMBAT DE TOUTE UNE VIE.
Résumé :
A Chantal, employée dans une caisse de retraite, se présente l’occasion de réorienter son activité professionnelle. Cet évènement et d’autres de moindre importance lui font prendre conscience qu’un changement de vie, avec à la clé une plus grande liberté, est possible.
Quatrième de couverture :
Chantal, fragile et influençable, arrive peu à peu à agrandir son espace de liberté. L’occasion de changer de profession nécessite d’elle une prise de décision radicale. Courageusement, elle avance dans cette nouvelle voie jusqu’à trouver l’amour sur son chemin.
L'autrice, qui préserve son anonymat, scrute la vie et les humains d'un regard malicieux ...
4e de couv ☺️
Je suis une image, solitaire et ubiquitaire..
La Statue de la Liberté, vous connaissez ? L'ancien phare de Liberty Island, un lieu qui fut par le passé un centre de mise en quarantaine.. Et un cadeau des Français au Nouveau-Monde.
Lassée du statut de statue, elle entame un long voyage au pays des humains...
Pitch
Une statue de renommée mondiale, dont la parure tend à s'effriter, prend son envol pour visiter le monde et ceux qui l'habitent.
Un passé qui s'épuise, un présent inquiétant. Un regard curieux, comme un appel à l'éveil. Et l'empreinte de l'émotion portée sur les travers du quotidien.
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LIBERTY
Je suis une image. Solitaire, et ubiquitaire. Je vis sur une île comme Robinson sans son acolyte. Visage impassible et résolu, le poing levé sans défaillir. Cette main qui veut éclairer le monde. Et l'autre, figée sur ma tablette, porteuse du droit.
Les pieds dans l'eau, la tête dans les étoiles. Certains m'appellent Charlotte, d'autres Sarah. Peu importe. Je suis le rêve.
Sur ma tête, le poids des continents, ou bien des océans. Je dois avouer que parfois, je me prends au jeu.. même si je ferme les yeux.
La réclusion n'est pas dans mes gènes, alors... Je rêve, et je voyage. Un peu partout dans le monde. On me regarde avec les yeux de Chimène. Autour de moi le silence se fait. Comme une invite au respect. Une méditation. Je les entends qui murmurent et puis s'effacent sans trop laisser de trace. Un évanouissement.
Parfois un gaillard s'approche et me toise d'un air fier. Il m'interpelle et me questionne. Je reste muette..
Tu trouveras seul la réponse. Pose-toi d'abord les bonnes questions.. et ne baisse pas les bras. Suis ta route et crois en toi, crois en moi. N'oublie jamais. Je me souviens.. fin du 19e. Je revêts enfin ma robe brun-rouge couleur de cuivre.. et jette les yeux vers l'Est, le vieux monde et ses déshérités. Un appel à lutter contre l'oppression, l'esclavage, la soumission.. les chaînes qui gisent encore à mes pieds. La Lumière. Le Droit.
Parfois la nuit je sors de mon socle d'acier pour les suivre à mon tour. Je les entends pérorer, jaser jusqu'à plus soif.. en groupe assourdissant ou en solo, éructant les yeux mi-clos, un casque sur la tête. Je les suis discrètement, et pose délicatement ma main sur leur épaule. Un soupir. Je leur souffle des mots au creux de l'oreille, et puis.. je les engage à lire. Lire les mots de mes ancêtres, de nos ancêtres, et ceux de nos contemporains.
Lire, se rassembler, se concerter.. avant d'agir. Lire, partager, écouter. Et puis agir. Se respecter soi-même et respecter les autres. Avec leurs différences.
Parfois je ris intérieurement.
Tu radotes, ma vieille.. plus d'un siècle que tu es née, et toujours le cycle des incantations. Les cris, la colère, les gémissements.. le même film avec des costumes différents.. le déni de justice et puis.. tu arrives avec les tables du droit ! pff.. usant !
Parfois je suis fatiguée.
Plus facile de suivre le troupeau.. oui mais... La résignation est un suicide quotidien ! Moi je veux vivre. Et donc combattre. Et pourquoi pas prendre la plume pour écrire son espoir, son désir, son expérience. Un secret enfoui au fond de chaque livre. Ce qui unit plutôt que ce qui sépare. Un vrai programme..
Je m'incarne au gré des vibrations.
Si sensible à la colère, au dégoût, à la frustration. Ces petits êtres de chair qui se rêvent puissants.
Le souffle me porte ici ou là, flânant en terrasse de café, errant dans les rues en quête de partage.
Hier je me prélassais en terrasse sur cette belle place plantée d'Albizias, les yeux mi-clos, l'esprit en vadrouille. Envie de changer de peau.
Sur qui porter mon choix ? Ce bellâtre aux yeux d'acier et au sourire ravageur ? Cette midinette en jogging qui porte son sourire comme un maquillage ? Ce bambin récalcitrant, qui sautille sur son skate ? À qui insuffler ma brise galvanisante ? Et pourquoi pas cet homme assis seul face à son verre, regard perdu, épaules basses.. les yeux las, sourire triste, c'est mon homme ! Je sens qu'il va être dur à convaincre, et j'aime ça. Une tâche ardue qui est faite pour me plaire.
Et voilà ! Je suis lui. Un être engoncé dans ses principes. La croix et la bannière.. ou les travaux d'Hercule. Je décèle sans peine le poids de sa routine. Les jours qui se ressemblent, l'absence de perspective. Une résignation banale. Sûr que j'ai du pain sur la planche, c'est pas gagné...
Je m'insère dans son esprit.
Il frissonne, jette un coup d'œil à sa montre, pousse un soupir, fait signe au serveur, s'apprête à se lever et partir.
C'est sans compter sur moi.. Je vais le secouer un peu, lui ouvrir des portes. Ou du moins essayer.
Je perçois ses obsessions, ses craintes. Un tour de manivelle, et hop.. des bribes du passé qui s'envolent, le disque dur fait du ménage ! Faire place au présent.
Il se rassoit, un peu sonné. Tête vide.
Aperçoit cette jeune femme aux cheveux roux, qui pianote sur son clavier, sourire au creux des lèvres.
Et pourquoi pas.. l'impression du déjà-vu. Il la connaît peut-être. Je vais l'aider.
Ose le rêve, clé de l'étau !
Souffle sur les braises
Évanouies, de l'envie..
Respire, reviens en vie
Trouve les clés de la cage
Qui ne dit pas son nom
Retrouve l'instinct volage
En voyage de dérision.
Remodeler la parure du regard. Un filtre évanescent aux palettes multiples.
Il marche à présent et pressent le crissement des feuilles d'automne.
L'appel incessant de centaines d'étourneaux qui voltigent et pépient, la murmuration magique qui fait lever le nez en l'air et s'éclaircir le ciel.
Il respire comme si c'était la première fois. L'odeur de l'herbe mouillée lui chatouille les narines. Il vit.
Face à lui, le mur d'un ancien couvent, recouvert d'une vigne ardente au reflet écarlate. Comme la chevelure de cette voisine, au bar. Il oscille entre rêve et réalité.
Ses pas le portent au fil des rues jusqu'à son véhicule, une vieille deuche décapotable de collection, jamais déchue de ses espoirs, qu'il s'est offerte lors d'une vente aux enchères.
Aujourd'hui c'est décidé, le filtre sera rose. Il bat des paupières pour mieux apprécier. Le parking où il s'est garé, une ancienne friche industrielle devenue dent creuse ou terrain vague, se teinte d'une douce lumière rosée, propice à la biodiversité du lieu : aubépine et bouillon blanc, cabaret aux oiseaux ou compagnon blanc, coquelicot et moutarde sauvage, parsemés de ronces odoriférantes.
Il jubile en suivant des yeux cette flore anarchique aux noms évocateurs, lui, le poète marginal, et botaniste en herbe..
Il va rouler jusqu'à plus soif. Peut-être jusqu'aux landes dunaires de ces îles de la Frise qu'il a connues plus jeune.
Du petit port de Honfleur, son havre d'alors, il avait parcouru la route bucolique jusqu'à Amsterdam, ses canaux, ses coffee shop généreux, ses vélos noirs majestueux. Et appris en riant à rétropédaler. Avec une chevelure rousse à ses côtés..
Il avait poussé la chansonnette jusqu'à Texel, l'île aux oiseaux, la plus grande des îles frisonnes, un lieu magique du bout du monde, avec son parc de dunes, ses plages de sable fin, ses plans d'eau à perte de vue, ses aquarium et zoo aux espèces protégées, ses musées d'art, et son phare saisissant. La chevelure gambadait près de lui.
La deuche se dresse devant lui. Il caresse son carrosse couleur de rosé.
Et cherche les clés dans sa poche.
L'invitation au rêve. Respirer.
Humer le silence, l'air du large.
Chacun sa route…
Je reprends le fil de mon destin, étire volontiers la pelote.
Miroir, mon beau miroir.. que reflète ton eau trouble ?
Du haut de mon piédestal, tel l'aigle qui suspend son vol.. je choisis ma proie.
En route vers le point aveugle. Celui qui sort du cadre. Je ferme les yeux et prends la plume.
Mais pas celle des poules mouillées. Je suis un aigle populaire... Et révolutionnaire. Je tourne en rond.
Pour moi, rien de plus facile. Je franchis les barricades du passé, de l'habitude résignée. Et cueille en route les fleurs du Mal, que je hume avec délice pour mieux les disperser. Elles sont fleur de cactus, aubépine ou bien grande mauve, bardane ou moutarde sauvage. Je brasse et je partage, l' œil en malice.
Un jeu de l'oie de l'entre-soi, une spirale abyssale en coquille d'escargot.
Le vent me pousse comme un désir sans fin, bouscule les pièges et saute les barricades.
L'aigle sort de la basse-cour et montre le chemin.
Je suis chameau dans le désert qui roule ma bosse et fais la nique aux oasis.
Je suis une mouette attentive et rieuse, flâneuse et opportuniste.
Je suis papillon erratique et volage.
Parfois je m'enracine et tente la séduction, me pare de beaux atours, exhale une fragrance psychotrope. Messaline des sens, mescaline des esprits.
Je m'égare dans de multiples tentations. Celles qui font la vie au mépris de la peur.
Je chemine au côté de compagnon charmant… ou zombie avachi. Je m'élance et je souris.
Un voyage jusqu'au bout de la nuit.
Je reprends ma route, baluchon sur les ailes, l'œil espiègle et l' âme joyeuse..
Un sac de pacotille qui me chatouille les oreilles. Des chants pour chacun, qui élèvent le destin.
Un coq aimait une pendule
Tous les goûts sont dans la nature..
Un hymne à la curiosité, l'ouverture au monde, l'inconnu, la différence.
Parfois au combat, à la révolte. Et à la bienveillance.
La fleur rouge de l'homme
Se trouve en chaque être humain.
L'esprit, puise dans tes forces
L'esprit, déploie tes ailes
Liberté !
Accroche-toi à moi
Ne me laisse pas partir !
(Freedom, de Pharrell Williams)
Je fredonne et souris,
Je parodie, contre l'ennui..
Une robe de cuivre comme un oubli
Qu'aurait du chien sans l'faire exprès
Et dans la musique du silence
Une ville qui tangue et qui se tait..
C'est vrai, ils m'agacent, ces humains qui consentent et s'abaissent, voire fulminent
en silence.. alors je secoue, parfois je heurte.
C'est décidé, je m'expatrie.
Cap au nord vers une lointaine cousine dont on m'a dit le plus grand bien.
Milda, petite sœur lettone, hommage aux combattants de l'indépendance, les deux bras levés qui soutiennent des étoiles, 42 mètres de fierté..
Le combat sans fin pour la paix, la dignité, l'union, l'entraide..
Contre la haine, le rejet, le mépris, l'arrogance.. les craintes.
Je suis du côté de la vie, la curiosité, la surprise… .
Milda et ses étoiles, c'est notre Marianne et son bonnet phrygien.
Elle s'est battue contre la domination militaire allemande, puis contre la propagande soviétique. Un rude combat qui ne laisse pas indemne..
(« Je suis l’œil dans le ciel, qui te regarde
Je peux lire dans vos pensées
Je suis le créateur des règles, je m’occupe des imbéciles
Je peux te tromper sans que tu ne t’en aperçoives »)
(Alan parsons project)
Le défaut dans ma cuirasse.. une envie de plaire, maladive, excessive, compulsive.. une faille narcissique ?
Sans doute pour adoucir mon poing levé, brandi comme une arme, ce poing d'exaltation, d'interrogation, parfois de discorde.
Je veux vivre, comme un risque nécessaire, et salvateur.
Séduire, fière et sans crainte, inconsolable et gaie.
Milda soutient les étoiles, une icône plus douce, apaisante, réconfortante.
Moi je m'insurge et monte le ton, face à l'inertie, l'apathie, l'immobilisme, le nombrilisme.
Jouir sans entrave.
Je m'incarne encore et toujours, pour mieux fouiller leurs entrailles. Je m'infiltre dans les veines, m'insinue dans les esprits, m'incruste dans le corps.
Aujourd'hui je pose mes ailes près de ma petite sœur parisienne, sur l'île aux Cygnes, onze mètres de bronze sur une île artificielle, face à la maison de la radio. Une communication permanente, sans trop de mots.
Ici les passants courent dans les rues comme des moineaux effarouchés,
Comment leur dire..?
C'est une chanson. Qui nous ressemble. Toi qui m'aimais. Moi qui t'aimais. Nous vivions tous. Les deux ensemble…
Je revois cet homme au café, accablé de routine, englué d'un confort moribond, réveillé par les rêves du passé. Le désir, moteur de liberté. Briseur de chaînes du carcan quotidien.Va, cours, vole...Là, tout n'est qu'ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
La paix, dans la sobriété. L'amour, la liberté.
Le vent nous portera…
Aujourd'hui je suis Alceste.
Et revendique la liberté de parole.
Je parlemente sur un rond-point face à la foule. Le soleil ralentit, la nuit se couche. Le feu nous réunit.
Je m'envole.. je suis papillon qui batifole, mi-mâle mi-femelle, au gré de mes humeurs badines. Les fleurs exhalent leur douceur et se pâment à ma vue, jalouses de mon errance farouche. Je m'incline et les salue.
Je suis grenouille sauteuse, croasse de mare en flaque en quête d'un miroir indécis, mâle ou femelle selon l'humeur du temps.
Je suis frêle hippocampe des mers chaudes, qui charge le mâle de porter les petits, en fière marginalité...
Je suis guerrière de l'ombre, gardienne de la lumière, rêveuse de nuages saltimbanques.
Je suis Virginia qui exalte Une chambre à soi, le refuge nécessaire, et finit des galets en poche, un libre choix.
Je suis louve sans attache, jamais domestiquée, ou goéland jacassant entre mer et terre, voyageurs sans bagage..
Mais revenons sur terre.
Je m'incarne ici ou là et savoure les émois d'ici-bas. Aucun mode d'emploi. Une incitation aux absences, à habiter les marges, et célébrer la solitude...
Cette femme au café qui feuillette un livre, coupée du monde et de ses tracas. Ses yeux brillent et s'évaporent dans une brume voyageuse. Le secret du temps pour soi, le charme du temps retrouvé… les jours pleinement vécus que nous avons passés avec un livre (Proust)
Ce jeune en baggy qui file sur son skate sans trop d'égards pour la foule alentours.. Ces amoureux qui se bécotent sur un banc public.
Le souffle de vie. Une séance de tai-chi en pleine nature. Le lien à soi et au monde. Un baiser dans le cou.
Se promener, un plaisir libre qui ne coexiste avec aucune contrainte (K.G. Schelle). Subvertir les sens, les situations, toujours les varier, ne pas s'ennuyer. L'art de glisser et de se griser. Une vie nomade et chaotique.
L'art du funambule qui habite la clarté des nuits, le droit au vagabondage, celui qui refuse les moules, au risque de la vie..
La main invisible de la maîtrise de soi, l'art de vivre au présent.
Je suis né.e pour te connaître et te nommer. (Paul Éluard)
L'autrice, qui préserve son anonymat, scrute la vie et les humains d'un regard malicieux ...
4e de couv ☺️
Je suis une image, solitaire et ubiquitaire..
La Statue de la Liberté, vous connaissez ? L'ancien phare de Liberty Island, un lieu qui fut par le passé un centre de mise en quarantaine.. Et un cadeau des Français au Nouveau-Monde.
Lassée du statut de statue, elle entame un long voyage au pays des humains...
Pitch
Une statue de renommée mondiale, dont la parure tend à s'effriter, prend son envol pour visiter le monde et ceux qui l'habitent.
Un passé qui s'épuise, un présent inquiétant. Un regard curieux, comme un appel à l'éveil. Et l'empreinte de l'émotion portée sur les travers du quotidien.
C’est avec une joie infinie que je viens vous présenter mon deuxième roman.
Âme littéraire, visionneuse picturale et amoureuse de la vie animale.
Je construis ma vie en fonction de mes impulsions réfléchies.
Parisienne dans toutes mes tripes, j’ai découvert par la force des choses, le sud de la France, cette belle région PACA.
A présent, je m’y sens bien, mon esprit vagabonde, ma plume saute de joie lorsque mes neurones sont en ébullition pour appréhender la page blanche.
QUATRIÈME DE COUVERTURE :
Elle est arrivée dans ma vie, comme un poids lourd de gentillesse, maitrisant l’art de la discrétion et de la présence implacable.
Dans cet univers de rêves, de chagrin, de délivrance de soi que sont les livres de la librairie de mon père, dans lequel, moi Aurore, j’ai grandi.
Grâce à ce petit nuage que mon destin m’a apportée par un jour de gros désarroi, j’ai pu construire ma vie.
Lis tout ce qui te tombe sous la main, sois curieuse des arts, des voyages, du ciel et de la terre, tu seras libre et consciente de te défendre face à l’adversité, regarde, écoute, participe.
Empathie, résilience seront tes joies de vivre et de réussir ta vie.
Ma grand-mère de cœur s’est envolée à 101 ans, pour un autre monde, m’ayant délivrée tous ses secrets de bienveillance.
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PROLOGUE A LA LIBERTÉ
Un thème accaparé par de nombreux peintres (Delacroix), chanteurs (Moustaki), écrivains (Prévert),évocateur de laisser aller ses rêves, ses actions sans en rendre de comptes.
Faire ce dont on a envie sans blesser ou incommoder les autre, sans contraintes, exercer sa libre expression.
En ces temps particuliers, certains iront chercher leur liberté de penser en manifestant contre un ordre établi pour la sécurité des autres au risque du pire, mais consciemment ou non, la liberté devient un sentiment extrême qui tenaille, prend aux tripes et fait ressortir une rage découverte, une impulsion de dire NON.
Un thème abordé en toute connaissance de cause, un souhait développant des forces incontrôlées et insoupçonnées, les opprimés, malheureux ressortissants des pays en guerre.
Leur soif d’une autre vie, des gens meilleurs privés de leur liberté.
La liberté est un sentiment qui semble être une obligation de survie dans toutes les occasions, les moments de la vie, un petit souhait insoupçonné, une ouverture d’esprit, un rêve si petit soit il, une évasion qui peut faire apparaître un léger sourire dans les pires instants.
Si je pouvais, si j’arrivais, dans ces moments de doute que l’on croit ou non, le subconscient se rattache à un esprit, une présence impalpable, un pouvoir au-dessus, où quelque par ailleurs.
Certaines religions interdisent de penser, de rêver, plus de liberté, cachons-nous, n’existons plus !!!!!
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ERRANCE D’UNE ÂME SOLITAIRE
Lisette
Depuis quelques années, Lisette, petite créature fluette malgré ses 99 ans, est dans son genre l’âme de « L’Envie de Lire ».
Toujours en avance, être la première arrivée, se glisser dans son coin douillet, sentant bon les vieux bouquins.
Pierre, ce jeune homme, nouvellement propriétaire des lieux, se réjouit de cette gentille présence ‘fantomatique’.
Durant les vacances, sa femme Denise et sa fille Julie viennent le rejoindre pour l’aide à déballer les nouvelles éditions.
La liberté d’exister, seule au milieux des gens, du brouhaha des lecteurs assidus.
Ancienne professeur de lettres et écrivaine à ses heures, son unique roman « Une Page s’envole », résistait se tenant en place sur un présentoir de saga, il était là son livre un peu défraîchi, soutenant le regard un peu embué de mauvaises larmes de cette aïeule.
Parfois Julie du haut de ses 6 ans, venait lui tenir compagnie, montrant ses dernières trouvailles, un livre de contes pour faire de beaux rêves.
De sa vie de travail acharné, Lisette n’avait pas eu ni le temps, ni la chance d’être mère et grand-mère.
La liberté de choisir !!!!!!
Parfois, cette femme âgée, qui autrefois avait été très belle ‘miss’ de sa région, avait souvent œuvré pour de nobles causes, liberté par ci, liberté par là, laissant sa vie passer, libre, elle l’a toujours été.
Beaucoup de voyages, découvrir le monde, se faire des amis étrangers multicolores !!!
La fillette aimait Lisette, une bonté, un joli visage avec de petites lunettes sur le bout de son nez, de beau yeux bleus, une chaleur ‘inconnue’ de grand-mère, que Julie n’avait pas !!!
Ce jour-là, avant la fermeture, Mistigri, le vieux chat du quartier fit son apparition, miaulant avec force, quelqu’un l’avait enfermé dans la réserve !!!!
Ce qui fit beaucoup rire Julie qui le prit dans ses bras pur le consoler, ce dernier pas rancunier se laissa faire tout en ronronnant.
Lisette, reposant sa tasse de thé, se dirigea en trottinant vers la sortie.
Encore une belle journée de passée, au milieu des bouquins, des rêveries, de la liberté des auteurs à se confier, à imaginer leurs vies, leurs attentes.
Peut être vais-je mourir dans ce sanctuaire de mots, pensa-t-elle, le destin, la liberté que la grande faucheuse pourrait lui offrir.
Le rêve, allez savoir !!!
Aurore
C’est une pensée qui m’ a toujours traversée l’esprit.
Parfois une rencontre, même aussi loin que je me souvienne, du haut de mes six ans.
A présent du haut de mes années de jeune fille, je suis orthophoniste, les problèmes d’enfants en bonne santé physique, mais une adaptation difficile du langage, m’ont toujours intéressé.
Lisette, cette ‘gentille présence fantomatique’, comme aimait à l’appeler mon père, est responsable de mon orientation professionnelle.
J’ai grandi avec les livres, je m’étais fait des amis irréels, qu’avec un sourire et ses petits yeux plissés, mamie Lisette approuvait, bien que l’imagination doive permettre de rêver mais pas ‘abîmer’ l’esprit des mauvaises choses.
A l’école, j’avais eu à plusieurs reprises ‘le prix du Rallye lecture’, au fil des années les penseurs grecs, les philosophes et autres révélateurs du ‘moi’ et de la pensée profonde ont été mes compagnons de jeunesse.
– Lis tout ce qui te tombe sous la main et les yeux , me disait Lisette, ne te focalise pas sur un thème.
Dans ma chambre trônent des encyclopédies du 7° art, de peinture et de musique philharmonique.
--Voyage !, m’avait elle conseillé.
Je me suis mise à apprendre le russe après un voyage à Saint-Pétersbourg et mes étagères se remplissent de bouquins de Tourgueniev ‘Premier Amour’, Pouchkine ce créole malheureux ‘L a Dame de Pique’, le plus grand écrivain russe.
En Angleterre, j’ai découvert Lewis Caroll et son Alice.
Durant mes séances avec mes petits clients, parfois découvrant et jugeant de leurs goûts, je sors un des livres composant la bibliothèque de mon bureau.
Mon père travaille toujours dans sa librairie ‘L’Envie de Lire’ et se souvient de sa plus fidèle lectrice ‘Lisette’.
Maintenant, tout en ayant choisi un métier avec les enfants, je poursuis les rêves de écrivains, dont j’avoue humblement avoir commencé à prendre des notes sur des ‘perles’ les plus rigolotes !!!!
Un Jour de Printemps
A présent, j’ai grandi, j’enseigne dans une grande ville avec sa grande agitation, ses transports empestant des odeurs nuisibles à la santé.
J’aime ma région, mon studio cocooning sentant les bonbons à la fraise et le café, les étagères chargées de bouquins aux reliures colorées.
Ce premier jour de vacances avec mes amis, se déroula comme suit !!!!
Claude, grand, mince, blond aux yeux bleus, rêvait tout en faisant tourner son stylo avec ses doigts, de forêt aux grands arbres qui laisseraient passer les rayons du soleil et des oiseaux enchanteurs.
Aline, petite rousse aux yeux verts et aux tâches de rousseur, se voyait retourner en Irlande avec ses lacs, ses pubs et ses bières.
Enfin, moi Aurore, j’avais envie de mer et de soleil, tout bêtement.
Donc, nous avons voté, de petits papiers avec nos prénoms dans une vieille boîte à gâteaux.
Jules, frappa ou plutôt tambourina à la porte, ce qui nous fit sursauter, joyeux luron, toujours prêt à partir et faire la fête tout en mâchouillant son chewing-gum.
– Ça y est j l’ai !
– Quoi, avons nous dit en chœur !!
– La vieille 2CV de mon père, elle est rose, si, si vous allez voir, je l’ai garée en bas.
En deux secondes, nous étions tous les quatre à la fenêtre !!!
C’est drôle, parce qu’en quittant ma ville, j’ai eu une seconde de vague à l’âme !!!!
Il est vrai que le printemps est une saison merveilleuse, comme sur une photo, les arbres fleuris étaient d’un rose poudré, je trouvais que les gens dans la rue semblaient se déplacer lentement !!!
Bref, heureux, nous voilà partis dans cette mythique voiture, peinte couleur bonbon acidulé, le toit ouvert permettant au soleil de nous saluer.
Vroum, vroum, non elle ne va pas nous lâcher !!!
Non, c’était sa manière à elle de nous dire : Allons-y, soyons joyeux et faisons un voyage qui tout compte fait sera…..
Surprise, la Côte d’Azur, Saint-Tropez, la plage, la mer, les copains, les rires, les odeurs, les saveurs de la cuisine de chez eux !!!
Chez eux, des amis de Jules qui nous accueillent dans leur mas, typique maison du sud de la France, dans les bois alentours, un peu reculé de la marée humaine qui, à chaque vacances, migre dans cette région.
Bon et bien il y en a pour tous les goûts !!
Au retour, notre Dedeuche était toujours aussi en forme, je l’ai même prise en photo, agrandie, fixée sur mon mur, avec les mimiques, les grimaces de mes amis immortalisés autour.
Ma chère Lisette, ma grand-mère littéraire de cœur, m’avait toujours encouragée à la découverte, aux voyages, aux amis fidèles depuis l’enfance.
Liberté pastorale
Je me sens d’humeur libre de rêverie.
L’automne vient d’arriver avec son tourbillon de feuilles qui délaissent leurs foyers.
Ces grands arbres se regardent tristement, comme dépourvus de leurs enfants, de leurs parures.
Le vert, couleur d’espoir, disparaît au profit du feu de la vieillesse, il prend fin avec le bonheur dans les yeux des photographes, des peintres et des amoureux des lieux.
Aurore, mon prénom, que la nature ravit dans l’euphorie de ma plume, prête à remplir les pages de mon petit carnet, ami caché dans ma sacoche.
Soudain, au détour d’un buisson, il me semble entendre un violon, Vivaldi fait son entrée romantique, son ami de toujours laisse s’envoler les notes, comme les oiseaux qui nous réjouissent de leurs piaillements.
Au loin, j’aperçois dans la clairière un peintre assis sur un tabouret, devant son chevalet, les pinceaux ont une frénésie de couleur, le vert détonne un peu, mais sa présence rassure.
Subitement, mes sens olfactifs sont en éveil, un parfum boisé chatouille mes narines, mes mains cherchent, fouillent herbes, fleurs, champignons.
Non, ce sont seulement les arbres qui pleurent en laissant couler leur sève, cette douce odeur du chagrin des hôtes des lieux.
La féerie de la forêt m’enveloppe, les petits personnages, gnomes, lutins et autres habitants invisibles jouent de leur capacité au bonheur de savourer cette saison que j’aime.
J’étais d’esprit aventureux, ma plume ne m’avait pas trahie ou presque….
Mon carnet s’est rempli tout seul, ma main y a contribué modestement, les mots ont remplacé les senteurs, les couleurs, les bruissements des écureuils courant dans les arbres, des lapins bondissants.
Les regards de la biche et du faon n’ont pas réalisé leur intensité avec mes mots, mon ami s’est enfui devant tant de beauté…
Narcisse
Le besoin de plaire est un sentiment qu’éprouve dès l’enfance la petite fille.
Son père, le premier élément masculin en sa présence, il est beau, gentil, grand, fort, intelligent, c’est mon père dira Aurore tout au long de son enfance.
Adolescente, le besoin de plaire, s’exprimera envers les copains.
Ce qui à l’inverse, énervera le patriarche, le rendant méfiant, soupçonneux désagréable envers un futur « ennemi ». Pouvant amener à une restriction, punition, blâme de la liberté de sa fille.
Plus tard, Aurore, dont le père tenait la librairie ‘‘L’envie de lire’’, depuis sa naissance, découvrait dans les livres que le terme de Liberté était souvent brandi par de grandes voix littéraires, Paul Eluard, des peintres tout aussi virulents dans leurs œuvres quelque fois à la hauteur de leurs envies, de leur mal de vivre.
Les entraves à la liberté n’ont pas fait reculer les plus contestataires, manifestation, discours, prison.
Aurore grandissant se réfugiait dans les conseils de Lisette, cette bonne fée venue de nulle part, trottinant, être invisible des lieux, mais pourtant d’une présence capitale pour la jeune fille.
Des recommandations d’humilité, de sagesse, d’empathie, aimer secourir, sans être aveuglée par l’hypocrisie, la méchanceté, sois circonspecte.
Sois toi, ne te pose pas de questions métaphysiques, compliquées, absurdes.
A tes enfants, enseigne un bonheur simple, aimer ses parents, son prochain, les animaux.
Le besoin de plaire dans tous les domaines de la vie est une réaction normale.
Narcisse pensait, je suis le plus beau, le plus aimé……
Attention de ne pas tomber dans le sentiment d’infériorité ou de suprématie de sa personnalité, la paranoïa qui privera l’humain de sa liberté de penser, de son objectivité de soi.
La contrainte sera de se faire soigner, ce qui lui rendra peut-être sa notion d’être libre et normal.
La liberté d’aimer sa semblable en risquant de choquer, la morale, les convictions le puritanisme, mais être heureux, ne rien demander à personne, mener son existence en essayant d’oublier les maux responsables, en faire son métier, comme pour exorciser les mauvais démons du passé…
Au revoir là-haut !
Elle a toujours été à mes côtés, je sentais sa présence par une infime lueur comme une flammèche rigolote ou une luciole esseulée qui veillait sur moi. Ma Lisette, petite âme solitaire et bienveillante.
Cela serait amusant de rechercher tes racines, me suggérait-elle souvent.
Un jour, je ne sais plus, peut-être un bouquin tombé de l’étagère, fut, comme un éclair, la Scandinavie, le Aurores Boréales...
Pourquoi pas, donc mettant mon père et nos amis dans la confidence, nous étions devenus au fil du temps des experts en généalogie.
« La liberté de choisir sa mort ».. En me réveillant un matin, cette phrase venue d’ailleurs me taraudait, quel esprit tourmenté avait envahit mon sommeil, que faisait Morphée ? Ce papillon de nuit ne dormait que d’un œil ou d’une oreille, fripon malicieux.
Ma grand-mère littéraire l’avait choisie et la librairie de mon père était chargée de son parfum.
Aurore, un prénom significatif de bonheur, de lumière, de lève-toi et n’ai peur de rien, peut-être doux et combatif.
J’y suis allée, j’ai ressenti l’émerveillement des couleurs fantastiques que nous offre cette fin de nuit ensoleillée.
Mais non, ce n’était pas mes origines, trop facile, déclinée en acrostiche, en poésies de toutes sortes.
Pourquoi traumatiser mes cellules grises à chercher à qui, à quoi ressemblaient mes ancêtres, je les remercie, sans leur complicité, leur amour, je ne serais pas là !! Et cela est le plus important, laissons les morts en paix.
Je suis libre, mon corps est libre, ma tête est en prison, je la prends entre mes doigts.
Je veux que mon ange gardien, toujours de bons conseils, reste près de moi, en pensée virtuelle.
Je suis trop jeune pour mourir ou y faire allusion, alors, j’ouvre mes mains, tends mes bras et pense très fort les yeux fermés :
AU REVOIR LA-HAUT !!
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VERS LIBRES
Sur toutes les pages lues
Mes souvenirs lointains son revenus
Sur toutes les pages blanches
Que dirais-tu de prendre ta revanche.
Et par le pouvoir d’un mot
Aurore apparue comme un lionceau
Sur les lettres attentives
Que de mots d’espérance tardive.
Sur mon chien gourmand et tendre
Ma main se pose et l’entendre
Gémir de plaisir, sa patte veloutée
Me réconforte des maux du passé.
Liberté, je te dois mes émotions
Que ravivent des souvenirs prison
Il est parti sans se retourner
L’espoir s’est enfui à jamais balayé.
Réjouissons-nous, les fêtes arrivent
Que de joie, de peine aussi craintive
Les uns en auront, les autres pas
Une main tendue se fera sans fracas.
L’atelier, le refuge, le tremplin aux ravages
Liberté revenue, aux angoisses sauvages
Moments de réflexion à foison elle nous guette
Et Mado, de son œil averti, jamais ne le regrette.
C’est avec une joie infinie que je viens vous présenter mon deuxième roman.
Âme littéraire, visionneuse picturale et amoureuse de la vie animale.
Je construis ma vie en fonction de mes impulsions réfléchies.
Parisienne dans toutes mes tripes, j’ai découvert par la force des choses, le sud de la France, cette belle région PACA.
A présent, je m’y sens bien, mon esprit vagabonde, ma plume saute de joie lorsque mes neurones sont en ébullition pour appréhender la page blanche.
QUATRIÈME DE COUVERTURE :
Elle est arrivée dans ma vie, comme un poids lourd de gentillesse, maitrisant l’art de la discrétion et de la présence implacable.
Dans cet univers de rêves, de chagrin, de délivrance de soi que sont les livres de la librairie de mon père, dans lequel, moi Aurore, j’ai grandi.
Grâce à ce petit nuage que mon destin m’a apportée par un jour de gros désarroi, j’ai pu construire ma vie.
Lis tout ce qui te tombe sous la main, sois curieuse des arts, des voyages, du ciel et de la terre, tu seras libre et consciente de te défendre face à l’adversité, regarde, écoute, participe.
Empathie, résilience seront tes joies de vivre et de réussir ta vie.
Ma grand-mère de cœur s’est envolée à 101 ans, pour un autre monde, m’ayant délivrée tous ses secrets de bienveillance.