Publié le 10 Avril 2021

 

EXTRAITS DE ROMANS POUR HISTOIRE SINGULIÈRE

 

Cet atelier s’inspire du concert de l’Orchestre de Paris et de sa symphonie, Quinte et sens - Une symphonie pour les éléments. A partir de musiques de quatre grands compositeurs, l’Orchestre de Paris a créé une symphonie avec une mise en scène originale.

Covid, confinement et autre distanciation sociale obligent à la créativité !

 

Nous allons donc les imiter :

A partir de quatre extraits de romans, nous allons créer un texte, inventer une histoire dans laquelle ces quatre extraits seront harmonieusement intégrés pour en faire une fiction cohérente aussi belle que le concert, bien sûr !

Vous pouvez les placer dans l’ordre que vous désirez.

Entre chaque extrait, vous écrirez un paragraphe ou quelques lignes pour bâtir votre histoire et relier les extraits entre eux.

Faites attention de respecter le temps des verbes et le narrateur des divers passages d’auteurs.

Votre texte doit être fluide et agréable.

Et n'oubliez pas de lui donner un titre 😉

 

Les quatre extraits :

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

Des souris et des hommes – John Steinbeck

 

Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

Pourquoi j’ai mangé mon père – Roy Lewis

 

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Édouard, comme s’il se mordait la queue.

Au-revoir là-haut – Pierre Lemaître

 

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert ; j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.

La nuit sacrée – Tahar Ben Jelloun

 

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Si le concert vous intéresse, voici le lien :

 

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LES TEXTES

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 10 Avril 2021

 

L'air. Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant.Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

C'était le grand jour. Celui du rituel tant attendu. Un rituel chamanique de leur invention. Les deux frères l'avaient préparé avec minutie au fil du temps, mettant ainsi en scène ce qu'ils voulaient être une nouvelle étape dans la vie d'Alex.

Un rituel de renaissance. Comme une nouvelle identité. Une intime transformation, une révélation peut-être.

Délaissant la clairière, ils se dirigèrent vers un paysage lunaire aux massifs touffus, une garrigue, à l'abri des regards indiscrets, et se mirent silencieusement à préparer un feu.

Édouard voulut se poser en médiateur chamanique, spectateur bienveillant du désir de son cadet. Il aimait à se rêver en solitaire des temps anciens, vivant reclus dans une grotte sans confort, dessinant des outils en silex, entretenant le feu nécessaire à l'élaboration d'un repas rudimentaire. Un retour aux sources, l'os à moelle de la vie..

 

La terre. Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Édouard, comme s’il se mordait la queue.

Un couvre-chef d'apparat pour toi, mon frère, tandis que je m'apprêtai à me mettre à nu.. Une scène imaginée de concert et qui tournait en boucle dans ma tête.

La fumée me piquait les yeux, mon esprit s'envolait en volutes délurées tandis qu'Édouard s'activait à griller les victuailles autour du feu sacré.

Je pouvais enfin montrer au monde ma métamorphose, et revêtir ma nouvelle identité. La mienne depuis toujours, même si voilée derrière les apparences. J’ôtai ma tunique, et me mis à danser dans une transe hypnotique…

Alex … disparut, laissant place à Sasha.

Édouard m'observait les yeux mi-clos, en souriant. Cette scène.. je l'avais rêvée tant de fois, répétée en silence sur l'écran de mes nuits blanches. Le théâtre de ma catharsis intime. En solitaire jusqu'au jour enfin.. où j'avais osé partager mes tourments avec Édouard, mon frère, mon ami, mon protecteur.

Trop émus pour parler, nous restâmes un moment à nous observer comme pour la première fois. Lui, les yeux rougis par la force du spectacle, et moi comme enivrée par l'ampleur de mon destin..

 

Le feu. Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

Avait-il pu imaginer la malice du cheminement de nos vies ? Lui, si droit et si généreux, qu'aurait-il trouvé à dire devant ma volonté de braver la nature ?

Je noircis mon visage à la suie du brasier, entraînant Édouard dans ma folle transe nocturne. Il me tendit une fiole d'alcool..

 

L'eau. L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire…Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert ; j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu la “lucide férocité des meilleurs jours”, ces jours où tout semble paisible.

Étrange histoire que celle de notre nature intime, qui peut nous faire traverser le désert, détourner les rivières, arpenter la nuit pour mieux voir le jour..

Le but c'est le chemin...

 

 

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Rédigé par Nadine

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Publié le 8 Avril 2021

Texte – 1 - Des souris et des hommes – John Steinbeck

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant.

Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

 

Comme je pouvais le constater à l’œil nu, nous n’étions pas nés dans le même marigot. Je décidais de me faire discret, montais avec agilité sur la plus haute branche du sycomore géant et les observais. Deux possibilités s’offraient toujours à moi. Soit, ils me paraissaient vraiment très forts, alors prudent je les laisserai passer, soit ils étaient plus faibles et je les tuerai, la tribu me fêtera autour d’un grand festin.

Celui qui marchait en tête était grand, gros, la peau si blanche que j’apercevais ses veines bleuâtres faciles à couper pour recevoir à gros bouillon son sang dont Blanche, mon épouse, saurai faire un divin boudin. En revanche, j’étais intrigué par la multitude de petite taches brunes qui lui couvraient visages, bras et jambes, n’était-ce quelque poison chargé de le défendre des morsures. Tu manges, tu meurs, va savoir ? Il marchait d’un pas lourd, chaussé de bottes de cheval, sans le cheval, tiens donc ! Sur son chapeau à larges bords une plume de canard, sa chemise, largement échancrée sur une poitrine rousse et velue, était décorée de petites fleurs multicolores, elle tombait sur un short à grandes fleurs hawaïennes. Un jardin botanique à lui tout seul. A sa ceinture un large coutelas, à sa main un fusil automatique Kalachnikov AK-47 trop destructeur pour chasser efficacement sauf à vouloir faire son pâté sur place. Et pardessus tout l’inévitable gilet jaune, on n’est jamais trop prudent en occident.

L’autre à contrario semblait fluet dans un accoutrement tout aussi ridicule, il n’y aurait pas grand-chose à croûter sur ce celui-ci ce qui réduisait d’autant l’aspect festif du festin. Triste époque ! Une énorme loupe à la main il regardait attentivement toutes choses et je me pensais à part moi, à quoi peut bien songer un hanneton observé par un observateur observé. Je laissais là mes réflexions métaphysiques, il fallait que je compose le menu, choisisse les accompagnements, les vins, fasse le plan de table… et puis basta, j’ajustais deux flèches, Bénédicte, ma seconde épouse, se chargerait très bien de toute ces tâches ménagères. Je rentrais au village. Oh non de Diou, délicieuses ripailles, les blancs sont gens de bon goût !

 

Texte – 2 - Pourquoi j’ai mangé mon père – Roy Lewis

Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

 

L’épaisse forêt impénétrable ne cessait de réserver des surprises à ceux qui osaient s’y aventurer, c’était mon terrain de jeux. Aussi ne fus-je pas particulièrement surpris de découvrir cette nouvelle tribu préhistorique dont les anciens racontaient la légende les soirs de libations. A croupeton, silencieux caché dans un maigre fourré de jasmin étoilé, je regardais ouïes grandes ouvertes ce choc des cultures.

Ils étaient assis en cercle sous ce vieux baobab. Le jeune qui les haranguait, racontait haut et fort qu’ils avaient mangé le Père pour évoluer et devenir des êtres humains modernes. Eh bé, ils avaient encore du chemin à faire… Chez nous il y a belle lurette que nous ne mangeons plus nos anciens, la peau sur les os, durs à la dent, le fumet fadasses. Nous préférons les donner aux asticots qui s’en régalent. Je prends conscience que nous sommes devenus des chasseurs bientôt civilisés et j’affirme que rien ne vaut la tendresse d’un enfant… bien dodu. Entrepreneurs par nature nous avons très vite récupéré les vers pour pêcher, même s’il faut bien l’avouer la vente du poisson couvre à peine les frais d’obsèques tant le décorum, signe de notre statut social, est aujourd’hui hors de prix. Toujours assis sur mes talons, bonjour les crampes, occupé à espionner en présentiel mes lointains cousins j’entends Bernadette ma troisième épouse murmurer : Mais que fait la police ? Elle est très chouette mais complètement hors sujet la simplette !

 

Texte – 3 - Aurevoir là-haut – Pierre Lemaître

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Édouard, comme s’il se mordait la queue.

 

Quand je vous dis qu’il se passe toujours quelque chose dans mon épaisse forêt impénétrable ! Bonita, ma quatrième épouse espanique voulut mettre son grain de sel : Les Galeries Lafayette de la gnognotte… surtout depuis la mise en place du couvre-feu, plus de Japonais, plus de Chinois, plus d’Américains juste des Français un peu perdus parmi tant de rayons sans soleil. Mais revenons à nos moutons. Nous batifolions gaiement et sans y prêter attention étions entrés dans la zone rouge trop proche des territoires civilisés. Aussi ne fûmes-nous pas surpris par cette parodie de fête tribale. De plus en plus de villages abandonnaient leurs authentiques traditions pour devenir des plateaux photos, vidéos pour des touristes en mal d’exotisme. Un quart d’heure par village, huit villages par jour pendant trois jours, cinq nuits dont deux dans l’avion, démesure ! Avec l’argent gagné les plus courageux s’engageaient dans l’immigration, longue course dont tous ne revenaient pas. Et les gagnants changeaient un gigot de buffle contre une boite de corned beef, une course dans la savane contre une cavalcade dans le métro pour aller au boulot, sans même avoir le temps de faire ngollo, ngollo ! Les fous…

Cette fumeuse fête était donnée en l’honneur d’un certain Edouard le panda, si j’avais bien entendu. A son port altier on pouvait croire le bonhomme susceptible de faire de la politique, mais laquelle ? Ils sont nombreux à venir chasser sur nos terres entre deux campagnes électorales. Chercher l’inspiration ? Tue, tue ! Ça coûte portant un bras, avion déconfiné, hôtel déconfiné, restaurants déconfinés, pisteurs déconfinés, je me demande où c’est-y qu’ils trouvent-ils tout cet argent. Tu as une idée toi Benedikt chérie ma germaine épouse, mais je n’ai pas de poche ?

 

Texte – 4 - La nuit sacrée – Tahar Ben Jelloun

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert ; j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.

 

J’éprouve toujours beaucoup de compassion pour ces vieux solitaires qui s’en vont mourir sur quelque rivage en ressassant ce que fut leur vie. Mais la vie ne se rumine pas, elle se vit au présent et se dernier bout de route appartient encore au vivant. Tu te souviens Bianca ma transalpine épouse de ces films d’antan où l’acteur n’en fin pas de mourir, où l’on peut lire dans ses yeux une ultime supplique au scénariste : s’il te plaît encore une réplique, la dernière, j’te jure !

« Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain.

Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie. »

Pierre de Ronsard

Betsy ma belle new-yorkaise qui a vu la biographie de cet homme sur Netflix, rigueur historique s’abstenir, ajoute, péremptoire, en me prenant dans ses bras : ça commence maintenant !!!

Super ! Sauf que sur la plus haute branche du sycomore géant de ma forêt impénétrable on risque de se casser la gueule.

 

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Rédigé par Hervé

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Publié le 8 Avril 2021

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute sa vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

Des souris et des hommes – John Steinbeck

 

On l’appelait ‘Le Vieux Sage’, peintre, dont les tableaux avaient fait le tout du monde.

Ses yeux bleus nous perçaient puissamment, presque d’une manière intrusive, nous étions à sa merci !

Parfois, Michel emmenait son petit fils Jules, tout en s’adonnant à son plaisir en plein air, il lui racontait des histoires, ses aventures en Afrique.

Mais soudain, son appareil auditif gauche fit des grésillements d’alerte, lâchant ses outils de peinture, prenant Jules par la main, ils se jettent derrière un fourré, attendant de découvrir, chut !

 

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux : il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et velouté, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Edouard, comme s’il se mordait la queue.

Au-revoir là-haut  Pierre Lemaître

 

 -Vieux, certainement, sage, je ne sais pas, s’exclame d’une voix tonitruante un vieux de la vieille, peintre du dimanche, sans envergure, chicanier. Je sais que tu es là, sors de ta cachette !!!

Sortant de leur buisson, Michel et Jules, affrontent l’énergumène, le visage caché derrière de grosses lunettes.

-Que me vaut le plaisir de ton arrivée fracassante !

A cet instant, le vieux sorti des papiers de la poche de sa veste et attrapa son ami dans ses bras.

On est accepté tous les deux pour le concours de peinture, ‘Un Désir de Voyage en Afrique’, tu connais, tu dois avoir des souvenirs !

Le vieux sage, s’appliqua à créer un ‘chef d’œuvre africain’ lui remémorant ses années de bonheur, son mariage avec une belle ivoirienne ‘Minata’, déjà maman d’un petit garçon âgé de deux ans, Seydou.

Des exactions à l’époque avaient tué son mari.

Puis un retour en France, après une guerre civile avant l’indépendance de la côte d’Ivoire.

A présent, son fils, Seydou est éditeur, il aime relire l’extrait d’un livre de Roy Lewis.

Fervent supporter de la peinture de son père, ‘Le Vieux Sage’, mais lui a très souvent conseillé d’écrire ses mémoires de guerre, dans le Vercors durant la deuxième Guerre Mondiale, le maquis, les compagnons de résistance tués sous ses yeux.

 

Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains : celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous : celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence.

Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

Pourquoi j’ai mangé mon père – Roy LEWIS

 

Michel a écouté son fils, commencé l’écriture de ses mémoires, tout en continuant à faire des expositions de tableaux avec nous, sur le bord de mer ‘Les Flots Bleus’ à Saint Laurent du Var.

 

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice : la mort s’est arrêtée un  jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos.

Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert : j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.

La Nuit Sacrée – Tahar Ben Jelloun

 

A présent, ce grand peintre et ami est décédé, quelques temps avant, il m’avait donné un de ses tableaux, qui est accroché dans mon entrée…..

 

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Rédigé par Dominique

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Publié le 7 Avril 2021

 

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

Des souris et des hommes – John Steinbeck

L'un de ces hommes était le fondateur de ce parc animalier situé dans une zone entre l'hémisphère nord et l'hémisphère sud. Le deuxième était le gardien de ce parc. Ils déambulaient ensemble faisant des projets de réorganisation, car ils voulaient introduire dans cette réserve une harde de cerfs. Ils avaient délimité sur un plan le futur emplacement, et venaient sur le terrain pour s'assurer de faire le bon choix. Cet espace de plusieurs hectares se situait au pied d'une montagne de moyenne altitude. En grande partie boisée d'essences d'arbres variées, traversé par une rivière peu profonde, Il se prêtait très bien à ce projet.

Louis

Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j'étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

Pourquoi j’ai mangé mon père – Roy Lewis

Un an déjà que mon père est atteint de la maladie d’Alzheimer. Ayant déjoué la surveillance de son gardien, il est mort piétiné et terrassé par un rhinocéros. Mais la vie suit son cours. Ce jour-là nous faisions le bilan de un an d'ouverture au public, et le succès avait été immédiat. Je félicitais tous les partenaires qui avaient œuvré remarquablement pour atteindre ce résultat. Puis, au nom de mon père je leurs rappelais le but qu'il s'était fixé à l'origine de son projet. Je savais que tous les participants n'adhéraient pas à cette philosophie. J'ai du parlementer beaucoup, argumenter, lâcher un peu de lest. La seule entorse au désir de mon père fut que j'avais programmé le banquet après mon laïus. De ce fait, après un bon repas arrosé de bouteilles de bon vin, l'ambiance était au beau fixe. Un accordéon, une batterie, un paso-doble pour attirer un maximum de danseurs sur la piste en terre battue. L'alcool ayant égaillé les âmes et les corps, quelques couples se formèrent. Ceux là pour combattre la chaleur se déshabillèrent vite fait (je ne dirai pas sur le gaz) et après quelques galipettes s'en retournèrent dans leurs foyers conjugaux pour bisser, et pisser le trop plein de vin.

Louis

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Édouard, comme s’il se mordait la queue.

Au-revoir là-haut – Pierre Lemaître

Si un magicien ou plutôt un marabout intervient dans mon histoire, les dés sont pipés. Encore que leurs tam-tams, leurs cornes, leurs masques ne sont que de la poudre aux yeux. Pas la perlimpinpin, car leurs simagrées laissent parfois des traces. Je m'en lasse des marabouts, bout de ficelles, selles de cheval. Etc. Je ne suis pas rétribué à la ligne, sinon je pourrai aller loin avec cette tirade. Je me dégage de cette parenthèse pour tomber dans une impasse. Loin de moi l'idée de me mordre, je ne suis pas assez souple. Je me souviens de mon passage à Dakar, avoir assisté par deux fois à des soirées un peu spéciales. Des femmes donnant de l'argent à des hommes dansant sur des rythmes d'abord langoureux, puis se déchaînant lorsque les tam-tams accéléraient le tempo. Certains étaient pris de convulsions, leurs corps ne leurs appartenant plus.

Moi, qui suis plutôt cartésien, je ressentais un début d'ivresse à laquelle je n'ai jamais succombé.

Louis

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert ; j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.

La nuit sacrée – Tahar Ben Jelloun

Il a tout dit, je reste coi, quoique l'on dise.

Louis

 

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Rédigé par Louis

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Publié le 7 Avril 2021

 

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert ; j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.

En fait elle était simple ma vie ! Même si elle m’a cabossée, elle a finalement toujours été simple… J’en ai profité comme il fallait, forte de tout ce que j’avais appris et vécu dans mon enfance grandement marquée par des parents hors normes que nous enviaient tous nos copains et copines de classe.

 

Aujourd’hui, des années après, nous étions réunis, les frères, les sœurs, et bien sûr aussi les familles « élargies » dans la maison de nos vacances pour une petite fiesta sans aucune occasion précise, ainsi qu’ils nous en avaient habitués.

 

 

Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

Ça faisait maintenant presque 30 ans qu’il avait disparu, nous laissant plus qu’orphelins, désemparés, « vides ». C’est ça, complètement vides de tout ce qu’il avait l’habitude de nous donner. Oui, il nous apprenait la vie, enfin, il nous donnait des tuyaux, jamais de directives à proprement parler, il ne voulait pas nous « façonner ». C’était à nous de forger notre futur selon avant tout nos envies mais bien sûr, il nous avait fallu quand même faire avec les imprévus, les impératifs et les empêcheurs de tourner en rond.

 

Il avait une fantaisie omniprésente, il était capable d’égayer n’importe quel moment par une quelconque blague, mise en scène burlesque ou simple pitrerie… Je me souviens…

 

 

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Édouard, comme s’il se mordait la queue.

Voici comment il était apparu pour le déjeuner. Nous étions déjà assis sous la treille, autour de la table lourdement chargée de nos plats préférés. C’était les vacances et il nous avait rejoints la veille –enfin en congés lui aussi- dans la maison que papy lui avait laissée. On le regardait s’avancer... à la fois surpris, interrogatifs, amusés Il nous observait, même si nous ne pouvions pas vraiment croiser son regard vu ce qu’il avait sur la tête, et je suis sûre qu’il jubilait de voir nos trombines ahuries.

 

Maman avait levé les yeux au ciel en esquissant un demi-sourire, habituée qu’elle était à toutes ses excentricités. Non, elle n’était pas étonnée… Mais sûrement pas non plus au courant de ce qui nous valait cette dernière lubie. Nous commencions à nous agiter sur nos chaises, un peu amusés bien sûr, mais quand même pas trop rassurés. Quel était le message aujourd’hui ? Sans doute cela laissait augurer une après-midi pleine de surprises comme il savait nous en faire. Un spectacle mis en scène pour nous emmener dans des rêves les plus fous genre « Alice aux pays des merveilles », mais surtout, surtout, là, tout de suite, moi je me souviens très bien avoir pensé qu’aujourd’hui on serait tous dispensés de sieste !

 

Oh oui, il nous en avait donné des rêves et des joies. Jusqu’à ce jour sombre, deux étés plus tard, où, à nouveau en vacances dans la propriété familiale…

 

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

Drôle d’heure pour une visite… et puis surtout c’étaient de parfaits inconnus. Nous regardions papa qui les regardait arriver lentement. Ils étaient habillés « en dimanche », c’est ça qui était bizarre en cette fin d’après-midi, dans cette campagne qui avait été écrasée par la chaleur toute la journée. Ils avaient demandé à parler à papa.

 

Nous, nous étions restés dehors et un peu plus tard, les voix qui s’échappaient des fenêtres ouvertes se sont faites plus fortes, plus insistantes. Nous ne comprenions pas grand-chose à la conversation qui ne semblait pas être du goût de papa. Sa voix était hésitante, saccadée, il avait l’air de chercher ses mots mais surtout, cette voix, nous ne la reconnaissions pas. Lui qui savait toujours se tirer de toutes les situations par un bon mot, une blague, une pirouette. Elle était faible, comme si ses poumons s’étaient brusquement vidés.

 

Les deux hommes sont ressortis quasiment une heure après. Le crépuscule naissant accueillit la silhouette de notre papa qui passait la porte de la maison. Il s’était subitement voûté et ses jambes tremblaient alors qu’il se rasseyait avec nous.

 

Et là, comme il l’avait toujours fait, il nous a parlé. Il ne nous cachait jamais rien car pour lui les conversations d’adultes pouvaient être partagées avec ses enfants, du moment qu’on a les mots justes pour leur expliquer.

 

Il était question d’un « projet ». Un projet qui allait détruire notre havre de paix et de bonheur, qui allait balayer la maison, le cabanon, le puits, la grange des chevreaux et qui allait même enfermer la rivière dans un canal bétonné.

 

Nous étions sans voix, échangeant des regards perdus, tristes, inquiets, interrogatifs.

 

Et moi, moi je pensais à mon sorcier de papa, tel qu’il était apparu à cette même table des années plus tôt. Il allait bien trouver quelque chose mon papa, il était trop fort. Oui, il était comme ça notre papa : « trop fort » !

 

 

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Rédigé par Bernadette

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Publié le 2 Avril 2021

Des souris et des hommes – John Steinbeck

Pourquoi j ai mangé mon père - Roy Lewis

Au-revoir là-haut – Pierre Lemaître

La nuit sacrée – Tahar Ben Jelloun

 

LE FILS PRODIGUE

 

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

Étaient plantées là, les pieds dans la vase, une prairie de cresson et autour, une rangée de lentilles déjà en gousses.

Sur une idée de leur Père, Léo et Jim, les jumeaux, avaient monté une start-up l'été dernier, devenue une affaire chic et réveillon : un élevage d'escargots.

Les gastéropodes vivaient là un parfait bonheur à effeuiller les cressons et ils grossissaient prestement du pied. Le but.

 

En attendant, pour ce soir de pleine lune et anniversaire de papa, Léo et Jim furent désignés pour cueillir les ingrédients.

Père appréciait vraiment les lentilles au lards fumé.

Léo n’avait pas oublié son peigne à myrtilles pour ramasser les nasitors.

Il en fit un usage professionnel pour au moins trois kilos de graminées.

Jim, désintéressé comme à son habitude, décapita juste une brassée de ferrugineuses cressonnettes bien vertes pour une entrée au chèvre coulant.

Mais après bombance, Il nous parut pas étrange que père quitta précipitamment les lieux et ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Souvent Père avait rendez-vous avec la mort, des rendez-vous manqués à priori.

Mais cette fois nous étions sûr qu’il eût voulu que nous disions quelques mots, et c’est ce que fit Léo. Il parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Léo le sentais en lui qui lui dictait chacune de ses phrases, et qui lui suggérait les conclusions. Il aimait par dessus tout ce tutorat.

Léo, le fils à Papa.

 

Jim lui, rêvait d'un ailleurs. Un partir sans revenir.

Repeindre son avenir, jeter sa morale, s'accrocher à un carnaval, déguiser sa vie, quoi.

Il prit l'avion.

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes. Escargot timide comme dirait Jim, fort d'une bonne expérience en la matière.

A partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, celui même de l'étang de Père.

Jim se souvint tout à coup. Les escargots, le cresson, les lentilles. Tout revient à la surface de cette eau glauque.

L'image satanique d'un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête de Léo, comme s’il se mordait la queue.

Les remords piquent, les regrets empoisonnent. Le venin tue.

Père aurait dit : pardonne.

 

Là on résume mais on imagine son discours plus ampoulé, fort de confidences, obligé de partout.

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche."

Enfin il se livre.

Il lui avait tourné le dos, Jim.

Pour Père tout était simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Son histoire n’a eu ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. Il avait vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. Il avait longtemps marché dans le désert, arpenté la nuit et apprivoisé la douleur.

Quand Père a fini par connaître « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout aurait pu être paisible...

Quand, Jim son fils... Père a pris l'avion.

Dans le même temps, Jim s'est présenté au guichet numéro deux d'Air France, son billet de retour chez Papa en poche avec son QR code.

 

Le croisement des corps sera-t-il, un jour, au carrefour de leurs sentiments naissants ?

 

 

Dany-L

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Rédigé par Dany-L

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Publié le 2 Avril 2021

 

Au soir d’un jour très chaud, une brise légère commençait à frémir dans les feuilles. L’ombre montait vers le haut des collines. Sur les rives sablonneuses, les lapins s’étaient assis, immobiles, comme de petites pierres grises, sculptées. Et puis, du côté de la grand-route, un bruit de pas se fit entendre, parmi les feuilles sèches des sycomores. Furtivement, les lapins s’enfuirent vers leur gîte. Un héron guindé s’éleva lourdement et survola la rivière de son vol pesant. Toute vie cessa pendant un instant, puis deux hommes débouchèrent du sentier et s’avancèrent dans la clairière, au bord de l’eau verte.

Chacun avait pris place autour de la table.

Il nous parut étrange que père ne fut plus là pour nous faire un discours après le banquet. Mais j’étais sûr qu’il eût voulu que je dise quelques mots, et c’est ce que je fis. Je parlais des devoirs qui nous incombaient : celui de nous consacrer à la tâche de devenir humains ; celui de suivre l’exemple qu’il nous avait donné à tous ; celui enfin de tempérer le progrès par une sage prudence. Je le sentais en moi qui me dictait chacune de mes phrases, et qui me suggérait les conclusions.

Quelques mots me suffirent : travail, honnêteté, doivent dicter notre conduite.
Ayant entendu quelques participants regretter l'absence de mon frère, je leur redis qu'une malencontreuse grève des agents de sécurité de l'aéroport où il devait prendre son avion de retour l'avait empêché d'assister à la cérémonie funéraire. Il avait participé au carnaval de Rio.

Soudain il apparut à la grille.

Ce jour-là, malgré la chaleur, il portait un masque nègre, très haut, qui lui couvrait toute la tête. Au-dessus du crâne trônaient deux cornes enroulées sur elles-mêmes comme celles d’un bélier, et, à partir du point lacrymal, deux lignes pointillées d’un bleu presque phosphorescent descendaient, comme des larmes joyeuses, jusqu’à une barbe bariolée qui s’épanouissait en éventail. Le tout peint dans des ocres, des jaunes, des rouges lumineux ; il y avait même, à la limite du front et du couvre-chef, la sinuosité ronde et veloutée, d’un vert profond, d’un petit serpent si criant de vérité qu’on l’aurait dit en train de glisser lentement, dans un mouvement continu, autour de la tête d’Édouard, comme s’il se mordait la queue.

Il salua l'assistance, dit quelques mots à chacun, leur assura qu'un jour prochain il leur visionnerait des vidéos mais que là il était mort de fatigue et qu'il fallait qu'il dorme.
Sous mon masque je grimaçai car

L’histoire de ma vie est écrite là : chaque ride est un siècle, une route par une nuit d’hiver, une source d’eau claire un matin de brume, une rencontre dans une forêt, une rupture, un cimetière, un soleil incendiaire… Là, sur le dos de la main gauche, cette ride est une cicatrice ; la mort s’est arrêtée un jour et m’a tendu une espèce de perche. Je l’ai repoussée en lui tournant le dos. Tout est simple à condition de ne pas se mettre à détourner le cours du fleuve. Mon histoire n’a ni grandeur, ni tragédie. Elle est simplement étrange. J’ai vaincu toutes les violences pour mériter la passion et être une énigme. J’ai longtemps marché dans le désert ; j’ai arpenté la nuit et apprivoisé la douleur. J’ai connu « la lucide férocité des meilleurs jours », ces jours où tout semble paisible.

Le lendemain matin, ne le voyant pas venir déjeuner, son frère alla sous sa tente ; il souleva son masque : il était mort.
Alors qu'il lui faisait sa toilette funéraire il remarqua une cicatrice sur le dos de sa main......

 

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Rédigé par Françoise M.

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