Publié le 24 Septembre 2019

Dans la file d’attente, ça papote, ça rigole. Le cinéma fait le plein ce soir.

L’homme devant moi se retourne. Moustache grise, écharpe rouge sous le menton. Bel homme… Un grincement, la porte s’ouvre. De l’homme, je ne vois à nouveau que la nuque, une mèche de cheveux par-dessus le col du blouson.

Nous pénétrons en file indienne dans le hall éclairé. La moquette moelleuse absorbe le bruit des pas. Une vague odeur de poussière se mêle au parfum généreux de mon amie.

Deux billets, s’il vous plaît..

Munies du précieux sésame, nous entrons dans la salle. Climatisation au maxi. On gèle ! Je frissonne, aspergée d’air froid, m’enveloppe dans mon écharpe.

Là, me dit mon amie.

Au troisième rang, au milieu comme d’habitude. C’est de cet endroit exactement que l’on ne voie que l’écran et qu’on oublie la salle, paraît-il…

Trois marches à l’arête lumineuse. Couinements des fauteuils, bruissements des papiers de friandises que l’on déchire, brouhaha léger…

Pardon, excusez-moi.

L’homme à l’écharpe rouge se lève, se tortille contre son siège pour nous laisser passer.

Léger sourire, moustache à l’horizontale. Charmant…

Quelque part, un smartphone vibre, quelques écrans bleus s’éparpillent dans la salle. Addiction…

On s’installe. Les lumières déclinent doucement, l’obscurité enveloppe les spectateurs, amène le silence. Sur la scène, le rideau s’ouvre. La séance va commencer.

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Rédigé par Mado

Publié dans #Cinéma

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Publié le 24 Septembre 2019

  • « Tiens, cher ami, vous ici ? Je ne vous avais pas encore croisé depuis que la Grande Faucheuse est venue nous causer d’ près à tous les deux… »

  • « Ah, celle-là, on est sûr de la rencontrer au moins une fois, hein ?  C’est pas comme la Sainte Vierge ! »

       Il lève les yeux au… enfin, encore plus haut, quoi !  Pas encore vue , elle. Des promesses, toujours des promesses… J’commence m’poser des questions, j’dois avouer. 

  • « Sûr que la Sainte Vierge, c’est comme la Justice. Si on la voit pas de temps en temps, le doute s’installe ».

  • « Et… Vous ne trouvez pas le lieu ennuyeux ? Avec tous ces cons qui s’croient tout permis depuis qu’ils ont gagné leur ticket d’entrée ? »

  • « Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît . Et ça ne s’arrête jamais. Vous savez quelle différence il y a entre un con et un voleur ? Un voleur, de temps en temps, ça se repose. »

  • « Quand même, je ne m’attendais pas à en voir tourner autant dans le coin… Quelqu’un a dû décider de les mettre tous sur orbite. »

 

Il se lève pour se rasseoir sur un nuage plus rembourré et soupire à se fendre l’âme. Ça va être long l’éternité .

 

 

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Rédigé par Brigitte M.

Publié dans #Cinéma

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Publié le 24 Septembre 2019

Comme d’habitude Pierre me dépose devant le cinéma pour aller garer la voiture. Comme d’habitude je fais la queue pour acheter les tickets… C’est banal d’aller voir un film.

 

        Et pourtant quelque chose de très ancien remonte de l’enfance à chaque fois. Un mélange d’excitation (c’est un lieu dédié au spectacle) et de léger stress ; et s’il n’y avait plus de place ? Si tous ces gens-là, dans la file d’attente interminable, allaient voir MON film ? Et pourquoi ces deux-là, la grosse dame en rouge et le type à lunettes, essaient de me passer devant en regardant ailleurs alors qu’ils sont arrivés après ?

 

    - « Deux seniors pour « Parasite »

 

        Ouf! J’ai mes laissez-passer. La phase d’inquiétude s’apaise. D’autant que mon chauffeur préféré arrive. Ridicule, cette inquiétude : la salle est à moitié vide, comme souvent. Une tiède odeur de renfermé , de transpiration et de parfum bon marché nous accueille quand nous descendons les marches de moquette noire où crissent quelques pop-corns…

 

        Sièges de velours rouge, comme il se doit.

 

     - «Décale-toi d’une place : mon fauteuil est défoncé »

 

        Je jette un œil autour de nous : seniors, seniors, seniors… Il n’y a plus que nous pour aller voir en semaine les films sur grand écran. Les jeunes bossent et téléchargent.

 

        Ah non, tiens , il y a un couple d’amoureux là-bas. Ses cheveux à elle brillent d’un auburn somptueux tandis qu’elle penche la tête vers son voisin…

 

        Le noir se fait, les conversations s’arrêtent ou meurent en chuchotements. La présentation des films au programme s’annonce. Avec les jingles des compagnies de production…

 

        Et je me précipite sur mon sac pour mettre mon portable en mode silencieux.

 

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Rédigé par Brigitte M.

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Publié le 24 Septembre 2019

 

Discussion avec accent entre Fernandel et Raimu

 

R : Tu sais Fernand ce qui manque ici, c’est un bon pastis avec des glaçons.

F : Pour les glaçons, difficile l’eau sur ce nuage a tendance à tomber, on peut essayer d’attraper un grêlon au passage.

R : T’es con, allez ce n’est pas tout, le patron nous attend.

F : Qui ?

R : Tu sais bien, on a rendez vous avec Monsieur le porte-clés du Seigneur

F : (se parlant à lui-même) Bon Dieu, pas moyen de finir une partie, ça m’apprendra à me faire élire délégué des Comédiens décédés, le tout puissant syndicat le DCD. Il faut dire qu’ici on ne refuse personne. Tous les jours, il en arrive des quatre coins du monde. D’ailleurs nos pièces sont en Espéranto, on se demande bien pourquoi, puisque ici il n’y a plus rien à espérer.

R : Alors tu viens ? Bouge ! Il va nous fermer la porte au nez ; tu sais que Pierre est à cheval sur les horaires. Il a un sablier dans la tête.

F : Ça va j’arrive ! Enfer et damnation, on n’est pas payé à la pièce !

R : Ne blasphème pas, rappelle toi pour la dernière il a fallu se mettre en grève de prière.

F : Bon, mais dis-moi, pour le rôle de Fanny, tu vas proposer qui ?

R : Je verrais bien la petite dernière qui nous est arrivée ce matin. Elle me plaît bien.

F : Tu n’y penses pas, elle est plate comme une limande.

R : Oh tu sais en matière de Saint, on a de quoi ici, mais surtout elle a un « tafanari » qu’on dirait une jarre d’huile.

Allez soyons sérieux on est arrivés.


 

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Rédigé par Bernard

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Publié le 24 Septembre 2019

 

MONOLOGUES ET DIALOGUES

 

Imaginez un dialogue ‘‘à la Audiard’’ entre deux acteurs morts, là-haut, au paradis des acteurs. Entrecoupez de quelques monologues intérieurs ; inventez si vous pouvez les dialogues dans l’esprit Audiard et incluez aussi quelques répliques de la liste :

« Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît. » Les tontons flingueur

« Les ordres sont les suivants : on courtise, on séduit, on enlève et en cas d'urgence on épouse. » Les barbouzes

« Quand les types de 130 kilos disent certaines choses, ceux de 60 kilos les écoutent. » 100 000 dollars au soleil

« La tête dure et la fesse molle, le contraire de ce que j'aime. » Comment réussir quand on est con et pleurnichard

« Un pigeon, c'est plus con qu'un dauphin, d'accord, mais ça vole. » Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages

« Mais pourquoi j'm'enerverais ? Monsieur joue les lointains ! D'ailleurs je peux très bien lui claquer la gueule sans m'énerver ! » Le cave se rebiffe

« Quand on mettra les cons sur orbite, t'as pas fini de tourner. » Le Pacha

« La justice c'est comme la Sainte Vierge. Si on la voit pas de temps en temps, le doute s'installe. » Pile ou face

« Si la connerie n'est pas remboursée par les assurances sociales, vous finirez sur la paille. » Un singe en hiver

« Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche. » Un taxi pour Tobrouk

« Vous savez quelle différence il y'a entre un con et un voleur ? Un voleur de temps en temps ça se repose. » Le guignolo

« Dans la vie, il faut toujours être gentil avec les femmes même avec la sienne. » Série Noire

« Je suis pas contre les excuses je suis même prêt à en recevoir. » Les grandes familles

« Il vaut mieux s'en aller la tête basse que les pieds devant. » Archimède le clochard

« Quand on a pas de bonne pour garder ses chiards, eh bien on en fait pas. » Mélodie en sous-sol

« Plus t'as de pognon, moins t'as de principes. L'oseille c'est la gangrène de l'âme. » Des pissenlits par la racine

« Deux milliards d'impôts ? J'appelle plus ça du budget, j'appelle ça de l'attaque à main armée. » La chasse à l'homme

« Je suis ancien combattant, militant socialiste et bistrot. C'est dire si, dans ma vie, j'en ai entendu, des conneries. » Un idiot à Paris

« Le flinguer, comme ça, de sang froid, sans être tout à fait de l'assassinat, y'aurait quand même comme un cousinage. » Ne nous fâchons pas

« A travers les innombrables vicissitudes de la France, le pourcentage d'emmerdeurs est le seul qui n'ait jamais baissé. » Une veuve en or

LECTURE

Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages

 

- J'ai bon caractère mais j'ai le glaive vengeur et le bras séculier. L'aigle va fondre sur la vieille buse.
- C'est chouette ça, comme métaphore.
- C'est pas une métaphore, c'est une périphrase.
- Oh fait pas chier !
- Ça, c'est une métaphore.

Un singe en hiver

-Ton client là, Fouquet. Ton espagnol. Douze verres cassés ça te dit rien ?
- Monsieur. Primo, voila quinze ans que je vous interdis de me parler. Deuxio, si vous ne vouliez pas qu'il boive, c'est simple, vous n'aviez qu'a pas le servir.
- Alors là monsieur, je vous
rétorque que, primo, je l'ai viré. Deuxio, les ivrognes y'en a assez dans le pays sans que vous les fassiez venir de Paris.
- Un ivrogne?
- Ah ben oui ! Un peu ! Même le père Bardasse qui boit quatorze pastis par jour n'en revenait pas !
- Ah parce que tu mélanges tout ça, toi ! Mon espagnol, comme tu dis, et le père Bardasse. Les Grands Ducs et les bois-sans-soif.
- Les grands ducs?!
- Oui monsieur, les princes de la cuite, les seigneurs, ceux avec qui tu buvais le coup dans le temps et qu'on toujours fait verre à part. Dis-toi bien que tes clients et toi, ils vous laissent à vos putasseries, les seigneurs. Ils sont à cent mille verres de vous. Eux, ils tutoient les anges !
- Excuse-moi mais nous autres, on est encore capable de tenir le litre sans se prendre pour Dieu le Père.
- Mais c'est bien ce que je vous reproche. Vous avez le vin petit et la cuite mesquine. Dans le fond vous méritez pas de boire. Tu t'demandes pourquoi y picole l'espagnol ? C'est pour essayer d'oublier des pignoufs comme vous.

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Rédigé par Atelier Ecriture

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Publié le 24 Septembre 2019

L’insupportable piétinement en file d’attente face au guichet va enfin pouvoir cesser. Jambes lourdes, genoux engourdis, lombaires en miettes. Et cacophonie de parfums délicats mêlés de relents corporels. Il est grand temps de passer dans la salle obscure.

- Salle5, à l’étage ; bon film

- Merci. 

Les murs sont tendus de carmin dès le hall, comme il se doit ; l’escalier n’est pas en reste : seul l’or des barres en fond de marche brille sous les spots. On grimpe lentement, presque cérémonieusement, en effleurant du bout des doigts le rouge moelleux, le bruit des pas étouffés par cette débauche de velours. On revit son mariage ou on se rêve gravissant les marches d’un certain Palais des Festivals… Le sas maintenant, et ses portes d’accès à la salle. On ne sait jamais comment s’y prendre avec elles : faut-il pousser ? ou tirer ? L’obscurité croissante n’arrange rien à l’affaire. Le plus sûr est de suivre de près un autre spectateur en espérant qu’il aura la courtoisie de retenir la porte ou, mieux, de céder le passage.

Pénétrer dans la salle obscure est toujours une épreuve, parce qu’elle est obscure, justement, et remplie de pièges comme ces rangées de sièges sombres et ces marches en contre-jour, toujours trop larges et irrégulières. Le plus simple serait de se glisser illico dans la première rangée venue, au fond de la salle, oui mais voilà, le cinéma, c’est le grand écran, c’est fait pour en prendre plein la vue (sinon, autant rester chez soi devant son téléviseur, non ?). Alors il faut bien affronter courageusement l’épreuve des maudites marches.

Le choix de la rangée n’est pas simple. On jauge la taille de l’écran, on apprécie le recul, on évite soigneusement la proximité des spectateurs de grande taille, de ceux qui arborent des chevelures extravagantes, des enfants qui ne manqueront pas de bavarder et de froisser leurs papiers de bonbons. On hésite un peu, pas trop, pour ne pas paraître indécis. Et on se glisse enfin à tâtons vers la place convoitée, en espérant ne pas être importuné par de futurs voisins indélicats.

Bientôt la musique de fond se tait ; la lumière tamisée diminue sensiblement sans toutefois plonger l’assistance dans le noir total. On se félicite de s’être installé avant ce moment fatidique. C’est le temps des publicités et des bandes-annonces : Jean Mineur s’envole vers un cinéma flottant dans les airs mais on regrette le temps où il projetait sa pioche « en plein dans le mille », sans transition une bouche gourmande couvre tout l’écran pour croquer un cornet de glace à faire saliver avant qu’un super-héros traverse une immense boule de feu dans un vacarme assourdissant, suivi d’un animal de synthèse qui jappe une réplique hilarante en ébouriffant son pelage plus vrai que nature. L’enchaînement rapide est abrutissant et n’a aucun sens mais cela fait partie intégrante du spectacle (car sinon, autant rester devant son téléviseur, non ?). On en profite pour basculer son mobile en mode silencieux.

Il fait maintenant tout-à-fait noir. Le spectacle commence par une succession d’animations aux couleurs des financeurs, pas plus censées et tout aussi agressive que l’enchaînement des publicités précédentes. C’est une transition nécessaire vers la magie du film qui va bientôt nous arracher larmes ou éclats de rire. On recherche la position idéale, on se cale dans son fauteuil, les sens en éveil. L’émotion est imminente. Chut…

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Rédigé par Benoît

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Publié le 22 Septembre 2019

« Et Dieu créa la femme » avec BB comme vedette. Je vous laisse imaginer le chahut de notre bande de copains dans la file d’attente du Gaumont Palace. En attendant l’ouverture des guichets, le monde de notre adolescence paisible et plutôt discret allait être traversé par une émotion aussi brève qu’intense.

Notre file fut secouée par une comète incongrue et fascinante arrivée de je ne sais quelle galaxie.

Telle une skieuse nautique en fin de parcours, elle s’immergea au beau milieu des futurs spectateurs et aussitôt les ondes de remous dévastatrices s’installèrent. Un silence, d’abord, qui en disait long sur notre tumulte intérieur, puis les basculements de tête pour savoir où elle se situait donnaient à notre colonne une impression de danse de Saint-Guy.

L’Alambiquée, telle que nous l’avions désignée, ne prêtait aucune attention au menu fretin qui s’était écarté, lui laissant une place que toute autre tentative aurait dégénérée en émeute.

Perchée sur des talons aiguille qui l’envoyait culminer dans les nuages de notre subconscient, la longue chevelure d’or ondulée avançait à petits pas mécaniques dans le calme plat soudain installé. Un vrai supplice chinois.

Plusieurs gouttes de parfum épicé bon marché emballèrent les éventuels râleurs nez au vent tentant de définir l’origine de cette provocation.

Nous, depuis longtemps conquis, attachions peu d’importance à cette recherche, l’ivresse nous ayant déjà submergée.

Lorsqu’elle eut enfin acheté son billet, elle se hâta lentement, à cause d’une jupe outrageusement serrée moulante jusqu’à la provocation, vers la porte d’accès à la salle. Le factotum fit tomber son ticket avant de le découper et fut surpris de l’attitude irritée de la personne suivante. Sa démarche toujours entravée par cette jupe si étroite, une poitrine généreuse mise en valeur par un tee-shirt visiblement d’une taille inadaptée, captait notre attention au-delà de toute mesure.

Arrivée à l’entrée de la salle, elle se retourna attendant un galant pour lui ouvrir le vantail, ce qui ne tarda pas !

La bousculade qui s’ensuivit répondait au calme artificiel qui avait précédé.

Nous découvrîmes alors des lèvres écarlates façon gyrophare, des yeux abondement cerclés lançant des éclairs digne d’une ligne d’infanterie. Nombreux furent les fauchés par la canonnade. Notre supplice n’était pas terminé. Les marches d’accès aux fauteuils furent empruntées avec un déhanchement impressionnant dévoilant ses genoux et nous estimâmes cette découverte voisine d’un sommet de l’érotisme.

Hypnotisés comme nous l’étions, personne n’osa s’installer aux côtés de ce python hypnotiseur en liberté.

Les lumières baissèrent, le spectacle s’installait.

A vrai dire, je ne me souviens plus très bien du film…

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Rédigé par Gérald

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Publié le 21 Septembre 2019

Pluie diluvienne. Chaleur poisseuse. Je transpire sous cette cataracte. Tu le crois ça ? Non, tu le crois pas, moi non plus !

Mais qu’est-ce que je fais dans cette jungle amazonienne ? Si ma mère me voyait. Mes baskets trempées pataugent, clapent dans la gadoue. Vaillamment je porte mon sac sur le dos. La caméra, le projecteur 16mm, un film noir et blanc de Laurel et Hardy, le poids d’un âne mort. Je me dirige vers la sortie du village, vers le grand carbet ouvert aux quatre vents, vers l’école.

De là, une vingtaine de faces rigolardes m’observent trébucher, rêvent de me voir glisser et, secret espoir, me casser la margoulette. Serre les dents petit blanc, tu es porteur de la civilisation occidentale, de son immense sagesse, de sa capacité à promouvoir le savoir universel dans un environnement écoresponsable et solidaire.

  • Chers élèves bonjour !

Je dégouline, je m’imagine, grand dadais, la cascade de Gairaut.

  • Bonjour Patron ! répondent-ils en cœur.

  • Non, pas Patron, Charles suffira.

  • Bonjour Patron Charles.

  • Ok, ok, j’ai dit Charles suffira.

  • Suffira c’est ton nom ? Tu es français ?

  • Non,

  • Tu n’es pas français ?

  • Oui.

  • Oui, non, oui non, c’est qui celui-là ?

  • Bref, je m’appelle Charles, je suis français, avec moi vous étudierez les TIC, omniprésentes dans le monde d’aujourd’hui.

La classe explose littéralement.

  • Moi, mon chien en est couvert, biodiversité dit Maman.

  • Le grand Charles, patron, c’est toi, tu es général ? Maintenant tu combats les tiques d’Amazonie, même ceux qui ne sont pas allemands ?

  • Wéhé, n’est-ce pas incompatible avec le pilier environnemental ?

Je me calme, lààà, cooool.

  • TIC l’acronyme de Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement, nous allons parler aujourd’hui de cinéma.

  • Acro quoi Patron Charles ? demande un malin

A quoi la petite spirituelle répond :

  • Accro…che-toi aux branches !

  • Banania toi-même !

  • Pop, pop, pop, un peu de silence.

  • Ciné quoi Patron Charles ?

Au fond de la classe une jeune fille délurée intervient :

  • Patron Charles veut te parler de « sine qua non » le logiciel qu’utilise le prof de math pour tracer des courbes.

  • Comme tes fesses ?

  • Oh, oh FêteNat tu te calmes. Cinéma, si je dis film, cela évoque quoi pour nous ?

  • Youporn ! Mais nous n’avons pas le droit de parler de cela à l’école, Patron Charles.

  • Arrête de m’appeler « Patron Charles ».

  • Oui Patron.

  • Le cinéma est un médium qui offre des possibilités infinies d’apporter la culture dans votre pays.

  • Ah, j’ai compris. Tu mets le cinéma dans un champ, il laboure, il sème, il fauche, il tourne les meules et pendant ce temps là… Voilà l’agriculture raisonnée.

  • Mais non, bougre de…

Ok, ok je me calme, lààà, cooool.

  • Zacharie je ne parle pas de la culture des champs mais de la culture de l’esprit.

  • Culture de l’esprit, wéhé le marabout va te marabouter petit blanc Patron Charles. Le sorcier a seul le monopole de l’esprit.

Un instant mon esprit déraille, je me métamorphose en grenouille. Mon égo s’insurge, en bœuf alors, bof pas mieux.

  • On verra, on verra. Revenons au cinéma. Tout commence par la réalisation du film. Le film raconte une histoire, les acteurs interprètent cette histoire et le cameraman enregistre les images dans une caméra.

  • Waouh, dans une chambre ?

  • Une chambre ? Une chambre noire alors.

  • Patron grand blanc Charles, je fais italien deuxième langue et caméra c’est une chambre et dans une chambre…

  • Victor je parle français.

  • Mais que va dire le pasteur ?

  • Alphonsiiine, le pasteur n’a rien à voir là-dedans.

  • Là, dans la chambre noire ? Wahou, dans la chambre noire il y a le diable. Mes frères, mes sœurs il nous faut quitter là, vite, vite !!!

Tous se lèvent, roulent des yeux effrayés, hurlent à tue-tête :

  • Y a le diable, y a le diable dans la boite de la chambre noire et Patron petit blanc Charles est son attaché de communication !

Cette brutale réaction interpelle le citoyen respectueux de l’environnement, coopérant béat et pourtant écolo-maniaque que je suis. D’un bond je bloque la porte, nonobstant le chahut clame à haute et intelligible voix :

  • Calmez-vous, asseyez-vous, crénom de Zeus !

Le brouhaha s’estompe peu à peu.

  • Je parle d’une caméra de cinéma. En voici un exemplaire.

Fièrement je présente ma Pathé Wébo à une tourelle avec trois focales, dont je suis très fier d’être l'heureux possesseur.

  • Mais Patron petit blanc Charles tu n’as pas une GoPro hero5 Objectif 2", Écran LCD - Argent ?

In petto je pense « pauvre kinkajou », si tu crois que le ministère de la culture nous fournit des GoPro. Je ravale ma fierté, ne suis-je pas le passeur de la connaissance éclairée, occidentale, en recherche permanente de naturalité. Il faut que j’en finisse, nom d’un petzouilli !

  • Qui parmi vous a déjà été dans un cinéma ? Taisez-vous ! Personne. Je vais donc vous montrer un film.

Laborieusement je déballe mon projecteur, transpire d’énormes gouttes, installe la bobine du film Laurel et Hardy, merde, putain de moustiques, veux brancher le projecteur, où est la prise ? Le gros dégourdi s’approche :

  • Charles Patron il faut te brancher sur la rallonge qui va au générateur du village.

J’obéis, enclenche le contact, les premières images… Non rien.

Devant mon air dépité le dégourdi me confie à l’oreille :

  • Charles Patron le village est loin, il faut un peu de minutes pour que le courant arrive.

Han, han, s’il faut un peu de temps, Patron Charles attend. Oui, facile.

Une longue jeune fille délurée m’interpelle :

  • Ce grand bwabwa te dit des âneries Patron Charles. Le courant circule dans un fil de cuivre à la vitesse de deux cent soixante-treize mille kilomètres à la seconde, le village étant à mille deux cent vingt-huit mètres le problème n’est pas là. Le problème c’est le générateur.

  • Ha ! Voilà autre chose et qu’a-t-il ce générateur ?

  • Des travailleuses détachées d’Astrie sont chargées de pédaler, évidemment elles sont moins chères que les locales mais moins efficientes. Elles posent sans arrêt. Tu vas voir Patron Charles.

La gamine glisse deux doigts dans sa bouche, émet un sifflement suraigu, déchirant. Quelques poignées de secondes plus tard le projecteur ronronne, les premières images…

  • Wéhé, Patron petit blanc Charles, c’est quoi ce film en noir et gris. Ton gros truc là, il ne capte pas YouTube, Netflix, Canal Plus ?

Porca miseria, je vais immédiatement faire un rapport à l’attaché adjoint de la direction régionale d’Amazonie de la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture, crier haut et fort : Le tiers monde n’est plus ce qu’il était !
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Rédigé par Hervé

Publié dans #Cinéma

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Publié le 21 Septembre 2019

Est-ce le cinéma qui fait les films ou les films qui font le cinéma ? Pourquoi me poser cette question, je ne suis pas sûr de pouvoir y répondre. Dans le langage courant, on dit : je vais au cinéma pour voir un film. Il me semble plus judicieux de dire : je vais dans une salle de spectacle pour voir du cinéma, par l'intermédiaire d'un film. Encore que dans la rue, si l'on observe un peu, beaucoup font du cinéma, de bon ou mauvais goût, sans être filmés. Promenez-vous une heure ou deux, regardez autour de vous, vous assisterez à plusieurs séquences que l'on trouve dans des films : des piétons qui traversent au feu rouge,banal. Des voitures qui passent à l'orange même sanguine, ce n'est pas qu'au cinéma. Des groupes de petites gitanes qui voltigent autour de touristes qui se retrouveront sans leur portefeuille ou autres bijoux. Dans certains cas, la police intervient, mais nous retrouverons plus loin, un peu plus tard les mêmes fillettes virevolter autour d'autres personnes. La mésentente entre les piétons sur les trottoirs qui leur sont réservés et les cyclistes et trottinettistes qui les frôlent et même les bousculent. Ils s'en suit souvent des insultes et noms d'oiseaux.

D'autres séquences plus agréables sont visibles : un garçon et une fille qui éclatent de rire, qui s'embrassent goulûment avant de s'éloigner en se tenant par la taille. Deux grands mères assises à la terrasse d'un café refaisant le monde à grand coups de : de mon temps ceci, de mon temps cela, tout en reluquant sans vergogne le fessier d'un éphèbe passant à proximité. Vous vous asseyez à côté d'un groupe de jeunes, c'est fou les conneries qu'ils peuvent dire, pire que les miennes. Arpentez la promenade du paillon, vous profiterez des rires des enfants jouant sur les sculptures en bois. Traversez le vieux Nice, vous n'entendrez plus beaucoup parler le niçois, les commentaires de Mado un peu dépassés relatant un folklore récent, mais quelques boutiques valent de s'y arrêter : galeries de tableaux, antiquaires, brocanteurs, gargotes pour goûter aux spécialités culinaires niçoises.

Puis vous passez au bas de la rue du Malonat rendue célèbre depuis que Jean Paul Belmondo l'a dévalée en voiture, et vous débouchez sur le quai des Etats-Unis avec à gauche la colline du château, à droite la vue panoramique de la Promenade des Anglais jusqu'à l'aéroport, le cap d'Antibes, et par temps clair le pic de l'Ours. Ces vues, des milliers de personnes les connaissent, elles ont été tellement filmées, photographiées, peintes. Cela les a sublimées et elles sont autant reconnues dans le monde que les Champs-Elysées. Nice et les studios de la Victorine ont profité d' heures glorieuses dans les années cinquante.

Aujourd'hui, en 2019, il est fort probable que ces studios vont renaître d'une longue apathie et retrouver le lucre d'antan.

 

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Rédigé par Louis

Publié dans #Cinéma

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Publié le 21 Septembre 2019

Ça se passe dans un pays ou l'heure est approximative. Il est 21h, il fait chaud. Encore loin du cinéma, j'entends un orchestre jouer sur des rythmes endiablés avec presque de la fureur qui sort des instruments, surtout des tam-tams. Au détour du sentier, je vois une foule en transe qui danse avec frénésie en attendant l'ouverture de la porte de la salle de cinéma. Beaucoup de Noirs dans ce quartier. En approchant, une forte odeur de transpiration me saute à la gorge. Ce n'est pas seulement l’odeur suave qui sourd des aisselles des filles. C'est palpable, âcre, presque visible. La sueur sort de toutes les pores de la peau et se propage d'hommes à femmes ou vice versa, comme une épidémie. Je me retrouve malgré moi dans cette foule, bousculé, touché, palpé par des mains inconnues, même embrassé par une bouche goulue. Je garde encore aujourd'hui le goût, la volupté, la sauvagerie de ce baiser.

 

21H 30. En retard d'une heure la porte s'ouvre, encore la bousculade car l'entrée est étroite. Bizarre, c'est un cinéma en plein air, pas de toit autre qu'un ciel étoilé. Rebizarre, toute une enfilade de sièges non occupés car un palmier surprend là ou on ne l'attend pas. Les autres spectateurs ne sont pas étonnés car ils connaissent ce cinéma. Nous sommes dans une oasis près de Dakar. Une fois installé, un narrateur s'exprime en français car ce soir sera diffusé un dessin animé muet. En deux mots qui lui prennent une demi-heure il nous explique le rôle de tous les personnages : étonnant, rocambolesque. Enfin la caméra manipulée à la main envoie les premières images… puis le noir. Le film s'est rompu et la séance est reportée à la semaine d'après.

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Rédigé par Louis

Publié dans #Cinéma

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