Sei Shônagon
Publié le 15 Octobre 2025
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Dame Sei Shonagon
Sei Shônagon, dame de cour japonaise de l'époque de Heian (autour de l'an mil), est l'autrice des Notes de chevet (Makura no Sôshi), un chef-d'œuvre de la littérature mondiale. Ce recueil appartient au genre du zuihitsu (littéralement « au fil du pinceau »), une forme de journal intime et d'essais en fragments qui mêle anecdotes de cour, réflexions personnelles, et surtout, de nombreux inventaires thématiques. L'écriture de Sei Shônagon est une invitation à l'émerveillement et à la capture de l'éphémère.
L'inventaire inspiré par les Notes de chevet
L'une des caractéristiques les plus marquantes des Notes de chevet est l'utilisation de listes (inventaires, énumérations) comme structure littéraire principale. Ces listes ne sont pas de simples catalogues, mais des outils pour saisir l'essence poétique du monde et des sentiments.
Le principe de l'inventaire
Sei Shônagon crée des catégories d'objets, de phénomènes, de sentiments, ou de comportements, qui l'inspirent ou l'émeuvent. Ces listes sont subjectives, pleines d'humour, de poésie, d'observation acérée de la vie de cour, et parfois de critique subtile.
Exemples de thèmes d'inventaires (rubriques) :
« Choses qui font battre le cœur. » (ex. : Des moineaux qui nourrissent leurs petits.)
« Choses qui rendent heureux. »
« Choses qui ne servent plus à rien, mais qui rappellent le passé. »
« Choses qui ne s'accordent pas. »
« Choses sans promesse. » (ou « Choses désolantes »)
L'inventaire de Sei Shônagon est un exercice de l'attention et de la subjectivité. Il s'agit de s'extraire de la narration linéaire pour classer le monde selon son ressenti, et donner une dignité littéraire aux petits détails du quotidien. L'exercice consiste à choisir un thème et à énumérer des éléments précis et concrets qui illustrent ce thème.
Analyse de l'inventaire heureux des saisons
L’un des plus célèbres paragraphes des Notes de chevet est l'inventaire des moments préférés de chaque saison, qui capture avec une grande finesse l'impermanence et la beauté évanescente du Japon de Heian. La structure est simple et répétitive, créant un rythme méditatif : saison, moment de la journée préféré, détails sensoriels et poétiques.
Sei Shônagon ne se contente pas d'énoncer son choix, elle le justifie par une description visuelle et sensorielle extrêmement précise :
- Lumière : « s'éclaire faiblement » (printemps), « obscurité » et « clair de lune » (été), « brillants rayons » du couchant (automne).
- Mouvement : Les corbeaux qui « s'en vont dormir » (automne), les lucioles qui « volent en se croisant » (été).
- Couleur : « nuages violacés » (printemps), « plaines blanches de neige » (hiver).
Le texte commence par une déclaration d'opinion personnelle (« c'est l'aurore que je préfère ») et se termine par une sensation intime (« on se sent délicieusement triste », « la nuit d'été me charme »). L'inventaire est donc une exploration des affinités électives de l'autrice avec les paysages naturels, transformant une simple observation en un acte d'écriture lyrique.
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