Journal d'un vampire
Publié le 22 Octobre 2025
Mardi 21 octobre 2025
Quelle plaie ces végétariens et leur sang de navet ! Ça a le goût de rien ! La dernière que j’ai mordue, j’ai eu l’impression de boire du lait d’avoine, sans sucre en plus. On se demande comment ils tiennent debout à se nourrir de fruits et de graines. Fini le bon sang qui gicle dans la bouche, bien chaud, bien riche, bien gras, avec ce goût indéfinissable, délicieusement carné. En plus, cette saignée que je prodiguais de façon gracieuse ne pouvait que leur faire du bien à tous ces viandards hypertendus. C’était gagnant gagnant, car j’évitais de les saigner complètement. Juste de quoi me rassasier et faire baisser leur tension, pour pouvoir y revenir quand ils auraient reconstitué leur volémie sanguine. Ils auraient dû me remercier au lieu de se poser en victimes et de vouloir me planter un pieu dans le cœur. Bandes de sauvages !
Rien que d’en parler, de leur sang épais, visqueux à souhait, j’en salive… que c’était bon ! Trop bon même ! Ils m’ont refilé tout leur cholestérol. Alors j’ai dû changer de régime, je me suis mis au sang végétarien, plus light, sans sucre et sans gluten, mais c’est vraiment dégueu. Quand c’est pas le goût du poireau, c’est celui de l’aubergine, ou de la tomate, ou de la pomme, ou du raisin, ou de trucs que je ne sais même pas ce que c’est, le pire étant le goût de l’ail qui me fait fuir à toutes jambes. Non, non, non, tout sauf ce sang veggie. Trop frustrant. Autant changer radicalement d’alimentation.
J’ai donc décidé de devenir végétarien. Première chose, choisir de vivre parmi d’autres végétariens pour ne pas être tenté. J’ai sympathisé avec ma dernière proie, une vieille infirmière pas rancunière pour deux sous. Elle m’encourage, me mitonne de bons petits plats à la sauce tomate bien rouge, chaude, épaisse, denrée de substitution qui, espère-t-elle, me comblera. Je bois ça comme un vampire que je suis, ça teinte mes canines en écarlate, ça coule sur mon menton, ça n’a rien à voir avec le sang frais, ça a le goût des herbes de Provence, mais je joue le jeu car ça la fait marrer, même pas peur, qu’elle me dit. Elle le sait bien que je le déteste, son sang insipide.
En ce moment, c’est la saison des grenades. On fait le concours à qui sera le plus dégoulinant de jus rouge. Assis face à face, on croque dans les graines, leur suc jaillit, explose, on en a partout. Elle, elle joue au vampire, toute barbouillée de rouge, moi, j’ai envie de mordre ! Surtout quand des viandards de sa famille lui rendent visite. Alors là, j’ai du mal. Je reluque le cou grassouillet du frère, la délicate veine bleue sous la peau de la sœur et je salive, je salive, j’ai la babine qui se retrousse, les canines qui poussent, j’implore Dracula, Nosferatu de me venir en aide. Mais c’est mon infirmière qui intervient en me fourrant une betterave bien juteuse entre les dents. Comme si ça pouvait remplacer ! En plus, j’ai l’air d’un con, avec ma tétine betterave ! Et eux rigolent ! Ils se foutent de ma gueule sans complexe. Tu parles d’un vampire ! Je suis à la soupe, salade, compote, ça me lime les dents !
Hier j’ai fait une prise de sang ; bon sang, c’est le cas de le dire, j’ai lutté grave pour ne pas gober les tubes dans ce labo ! Mon bilan sanguin s’améliore, mon cholestérol diminue, ça m’encourage à poursuivre… et à serrer les dents quand je croise une nuque appétissante. Mais pour Halloween, c’est décidé, je m’autoriserai quelques écarts… J’en ai la canine qui frétille rien que d’y penser !
Mado
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