Une étoile par la fenêtre
Publié le 8 Janvier 2025
Ce matin je me suis levée la tête en vrac. Des images fourmillent dans mon cerveau. Je prépare un café bien dosé pour mettre mes idées en place.
Je regarde par la fenêtre. L'immeuble en face aurait besoin d'être rafraîchi, me dis-je ?
Mon regard troublé par les rayons du soleil balaye les étages, comme un faisceau lumineux. Au 4ème étage une fenêtre entrouverte, laisse voir une silhouette d'une vieille dame la chevelure blanchie par les ans.
Celle-ci va et vient languissante, elle semble lire une lettre.
- Pleure-t-elle ?
Son attitude me laisse penser qu'elle a du mal à se déplacer, elle déambule lentement dans un espace restreint. Mes pensées commencent à foisonner dans mon cerveau d'écrivain. Je la vois à travers un rideau de brume, causée par un rayon de soleil pâle qui m'éblouit et laisse voir une jolie robe couleur bois de rose.
Cette femme a une attitude harmonieuse pour son âge. Son menton levé, elle se tient bien droite.
Mon esprit va chercher, dans la pénombre de ce lieu, des éléments qui laisseraient peut-être entrevoir sa vie d'avant. Elle semble jolie, ses longs bras gesticulent avec grâce, pour attraper un objet, mais mon instinct me laisse penser que cette personne a dû être éprouvée dans sa vie. Les traits de son joli visage sont mélancoliques, nostalgiques. Une tristesse vague illumine son regard.
Le chemin de sa vie de jeune femme a dû être brisé. Alors je cogite, j'imagine, je construis une histoire. Je la veux belle.... mais aucune vérité éclaire ma pensée.
La porte s'ouvre, ma femme revient du marché. Elle me dit :
- Qu'est-ce que tu regardes si intensément ?
Je lui réponds :
- La vieille dame du 4ème étage en face
- Ah! Nathalie Courec
- Tu la connais?
- Oui, on fait souvent la causette ensemble, elle fait ses courses chez Antoine l'épicier, car elle ne peut pas trop marcher, à cause de son accident. Elle avait 19 ans, elle a travaillé très dur pour arriver à être 1ère Étoile à l'Opéra de Paris.
Ce jour-là son père et sa mère la conduisaient à une audition, lorsqu'un camion fou les a percutés. Son père et sa mère ne s'en sont pas sortis, et elle grièvement blessée. Elle a été si courageuse ; après des mois d'hôpital et rééducation, elle s'est reconvertie et a ouvert sa propre école de danse.
C'est une femme charmante, j'aime bien cette vieille dame qui vit avec ses souvenirs heureux.
Elle a côtoyé les grands palaces, les plus beaux opéras du monde, la Scala de Milan, les salles de spectacles pleines de féeries. Parfois elle me raconte tous ces jolis moments qu'elle a vécus accompagnée du président des États-Unis pour un diner, ou la Reine d'Angleterre qu'elle a saluée en faisant la révérence. Elle est très espiègle lorsqu'elle me raconte ces anecdotes. Son regard s'éclaire et son visage s'allume d'une soudaine beauté. De nouveau, elle est sur les planches et semble s'envoler vers une nouvelle jeunesse.
- Eh bien ! Je voulais lui inventer une vie à travers ses rideaux, je suis un piètre écrivain. Jamais, je n'aurais pensé à une danseuse étoile.